«Pawol Kreyol»

«Les Postiers déracinés
Provinciaux, Antillais… des racines et des lettres»
de Marie-Christine MAGNAVAL:
«Donner la parole aux Postiers, acteurs de l’ombre…»

Véronique LAROSE
mai 2006

Pawol Kreyol

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Les Postiers déracinés Provinciaux, Antillais… des racines et des lettres»
Les Postiers déracinés Provinciaux, Antillais… des racines et des lettres» • L'Harmattan • Novembre 2004
• ISBN 2-7475-7329-X

Marie-Christine  MAGNAVAL est Sociologue. Dans  Les Postiers déracinés Provinciaux, Antillais…  des racines et des lettres» (Ed. L’Harmattan – nov. 2004), elle donne la parole à des travailleurs de l’ombre: de jour et de nuit, ils traitent, en coulisse nos correspondances les plus administratives et les plus affectives. Cet ouvrage est le fruit d’un travail de terrain à l’écoute d’employés inscrits dans le vécu de leur Exil.

Les implications de Marie-Christine MAGNAVAL: Sociologue, Chercheure, Enseignante, Formatrice en Sciences sociales, Cadre RH en entreprise…un passif social forgé sur le terrain! La question de la migration l’interpelle et elle est, de fait, impliquée dans les publications et actions de «Migrations Santé».

Re-partir, un mirage récurrent: dans le cadre de sa thèse, en 1992, Marie-Christine MAGNAVAL a assuré une permanence psycho-sociale auprès de Postiers, sur plusieurs centres de tri en région parisienne. Parmi eux: des employés en mal d’Exil, des Provinciaux et des personnels issus de l’Outre mer. Ils lui exposent, en intimité, leur déracinement. Constat de ces entretiens, un récurrent mirage: re-partir! «Au recrutement, l’idée du départ était déjà présentée comme un droit…», explique Marie-Christine MAGNAVAL. En effet, beaucoup ont cru venir pour un temps, seulement, persuadés que 5 années de service donnaient droit au rêvé retour! Touchée, Marie-Christine MAGNAVAL a voulu comprendre et a soumis un questionnaire (une trentaine d’items) à un panel de volontaires, représentatifs de toutes les catégories professionnelles des centres de tri. Elle envisageait ainsi de «partir du vécu des gens» et «valoriser ces employés». Une démarche humaine donc, pour une approche du dedans, complémentaire de l’étude statisticienne de Joseph PAPPALARDO à la fin des années 1970.

Une inégalité d’adaptation: une détresse palpable et variable selon les personnalités. «On n’est pas tous égaux devant une situation d’adaptation»: chacun vit, à sa façon, cette distance comptée par l’avion ou par le train. Peu importe la distance: l’intérêt de cette étude réside dans ce comparatif comportemental entre deux groupes migrants – Provinciaux et Antillais: «Il n’y a pas d’échelle de souffrance malgré l’éloignement». La localisation des centres de tri, à cette époque, près des gares conforte ce sentiment d’arrachement, tout comme les agents de tri d’Orly: le train qui file vers chez soi, l’avion qui s’envole vers son île, c’est une part de soi qui s’en va… Le flux de courrier en lui-même explicite cette sensation de sédentarisation forcée: les lettres sont porteuses d’histoires, elles sont chargées d’affectif. La situation des Antillais: ils se regroupent avec des amis, unis par le créole qui fortifie l’appartenance et adoucit la distance…un temps. Plus crue: la discrimination dont se plaignent certains. Tous ces éléments contribuent à une sournoise nostalgie qui, chez certains agents, a eu de tragiques conséquences. Un statut particulier pour les femmes interrogées: elles portent en elles, outre ce déracinement, une forte détermination pour mener, de front, leur quotidien familial souvent bancal et leur quotidien professionnel très exigeant.

La base iconographique de l’ouvrage: depuis cette étude, les mutations internes des services ont affecté les personnes dans leurs repères fragiles: la fermeture de centres a éclaté des cellules d’équipes, contraint à modifier sa façon de travailler. Marie-Christine MAGNAVAL a accordé une place légitime à une mémoire en images de centres de tri qui n’existent plus.

Marie-Christine MAGNAVAL définit, sans élitisme, la voix de migrants-résidents: ces agents de la Poste quittent leur région pour, malgré eux, se sédentariser» en région parisienne avec, sous-jacente, la persistante conviction du retour. Seul opportunité: l’aller-retour en furtifs congés. Un déracinement aux multiples éclats sur la personne: déracinement social, identitaire, géographique, statutaire, structurel.

En remerciant Marie-Christine MAGNAVAL pour cet échange.

Véronique LAROSE

 

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