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«Pawol Kreyol»

Tony DELSHAM :
«Cénesthésie et l’urgence d’Etre…»
Pour questionner l’Identité martiniquaise

par Véronique LAROSE

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Pawol Kreyol

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Cénesthésie
Cénesthésie • 2005 • Martinique Édition
ISBN : 2-9518512-7-8

Tony DELSHAM allie, dans son riche parcours, le journalisme et l'édition: depuis 1988, il est Rédacteur en chef de l'hebdomadaire «Antilla», et il dirige les éditions MGG (Martinique Guadeloupe Guyane). (D)écrire les remous sociaux, économiques et politiques de la Martinique. Voilà l'engagement scriptural et pictural de Tony DELSHAM: Tony DELSHAM a naturellement ressenti une impulsion d'écriture-peinture de son île, une voix d’immersion. En chroniqueur régulier de la Martinique, il quitte – un temps – la narration pour un essai qu’il qualifie de «contribution» offerte aux Antillais, «quant au difficile débat de notre devenir».

1. Le titre «Cénesthésie» interpelle:

Lexicalement, ce terme désigne l’impression globale résultant de l’ensemble des sensations internes. Tony DELSHAM envisage ainsi de donner un regard du dedans sur la Martinique qu’il vit en qualité de natif-natal Martiniquais, de journaliste, d’auteur et de directeur d’édition.

Il retient «cinq handicaps majeurs» (p. 16-20) de la Martinique moderne, qu’il identifie sous des aspects historiques et pigmentaires: «celui d’être noir», «celui d’être mulâtre», «celui d’être blanc et béké», «celui d’être blanc et zorèy» et «celui d’être Indien».

2. Les sections thématiques de l’essai:

  • Introduction
  • La stratégie de la couleur n’a permis d’officialiser ni un peuple identitaire, ni un peuple composite
  • Le 22 mai n’a officialisé ni un peuple identitaire, ni un peuple composite
  • La Loi d’assimilation n’a officialisé ni un peuple identitaire, ni un peuple composite
  • La Négritude n’a officialisé ni un peuple identitaire, ni un peuple composite
  • La Créolité n’a officialisé ni un peuple identitaire, ni un peuple composite
  • Le Tout-Monde, le Chaos-Monde : lectures et propositions plus crédibles par leur sérénité
  • Des propositions vieillies, non adaptées ou prématurées
  • La réappropriation de notre Passé n’est pas tremplin pour le présent
  • Descendants d’Esclaves et Descendants d’Esclavagistes se sont toujours affirmés français
  • La Martinique des années 2000: la France est victime de sa merveilleuse réussite coloniale
  • Crise identitaire ou profonde mutation du Département français de la Martinique 
  • Notre confort mental exige la construction du Pays Martinique
  • L’esclavage et la colonisation ont réussi un clonage parfait
  • Comment vaincre la Cénesthésie?
  • De la nécessité d’un acte fondateur symbolique
  • Bibliographie

3. La parole revendiquée de Tony DELSHAM :

Cette parole se revendique libre, sans choisir un camp littéraire et identitaire entre la Négritude (CESAIRE) et la Créolité (R. CONFIANT, P. CHAMOISEAU et J. BARNABE). Le positionnement de Tony DELSHAM est celui de la conciliation des mutations martiniquaises. Pour lui, la réponse identitaire des Antillais est «sans doute ailleurs». Il se place face à un constat, confié en 2002 au «Nouvel Observateur» pour l'article «Antilles, le Temps du Renouveau». La Martinique est acculée au mur des conciliations entre trois pôles liés :

  • un lourd passé esclavagiste, sous-jacent dans les rapports sociaux
  • une volonté d'autonomie à définir
  • une multi-ethnicité à mûrir

Ces rouages s'instaurent, selon Tony DELSHAM, confiant en l'avenir, car «nous sommes toujours un peuple en formation». Il entame ainsi une démarche en faveur de «l'enracinement» créole avec une littérature sans fadeur et sans pleurs. Au-delà de la victimisation, un Défi antillais.

4. Extraits: les questionnements statutaires de Tony DELSHAM

Ses questionnements sont historiques, mémoriels, identitaires, conceptuels, et politiques :

  • le statut historique: «le 22 mai 1848 aurait pu être, aurait dû être notre acte de naissance, mais l’extrême originalité de cette victoire sur les temps barbares exigeait une lucidité, une clairvoyance, une maturité que ne possédaient à l’époque, ni le groupe des blancs, ni le groupe des gens de couleurs libre, ni le groupe des noirs et encore moins la Métropole colonisatrice, architecte de la déshumanisation «des bois d’ébène», «du minerai noir», non préparée à l’éveil de ces derniers» (p. 21) – «au lendemain du 22 mai, quel était le pourcentage de lisants et d’écrivants dans le groupe des blancs ou dans le groupe des gens de couleur libres et enfin dans le groupe des noirs?» (p.109) – «le 22 mai n’est pas seulement victoire nègre, mais bien victoire commune des hommes et des femmes de Martinique» (p. 195)
     
  • le statut mémoriel aux Antilles: «aux Antilles, les mémoires [nègre, mulâtre, indienne, békée] s’affrontent. […] La conclusion sera sans nul doute celle des nègres, des békés, des mulâtres : s’affirmer martiniquais» (p. 181-182)
     
  • le statut mémoriel en France: le 23 mai «le premier acte d’éclat dans les rues de la capitale lors de la marche du 23 mai [1998]» (p. 180) - le 10 mai «cette date associe la France à une naissance symbolique essentielle pour les Descendants d’Esclaves habitant en France. Cette journée, si elle est retenue, aura l’avantage de fédérer tous les noirs de la diaspora, concernés par l’esclavage» (p. 181)
     
  • le statut mémoriel dans sa transmission officielle: «l’enseignement donné n’est pas celui d’une histoire neutre et sereine, n’est pas restitution des crimes perpétués au quotidien dans les habitations» (p. 186)
     
  • «à la Martinique et à la Guadeloupe, c’est donc une mémoire déséquilibrée par une volonté délibérée de dévaloriser les composantes nègres et indienne qui est relayée par le dominant. […] Une mémoire du consensus imposée par le canal de l’école, chargée de professer l’histoire» (p. 188)
     
  • le statut identitaire: «Tragique destin que celui des habitants des petites Antilles francophone et anglophones, poussière d’îles perdues dans la grande Caraïbe. Victimes du déracinement premier, Afrique-Antilles, ils sont les seuls à subir en masse, à la manière d’une déportation moderne qui ne veut pas dire son nom, un deuxième déchirement, Antilles-France ou Antilles-Angleterre. Le plus gros traumatisme connu par les Antillais francophones, dit de la première génération, fut sans doute aucun de découvrir à leur arrivée en «métropole» qu’ils étaient des citoyens plutôt à part comme le constate Xavier NOGARTIN*.» (p. 176-177)
     
    *référez-vous au roman «Xavier, le drame d’un émigré antillais» 1981 – éd. MGG: chronique sociale de Xavier, jeune homme martiniquais qui part pour Paris, y entreprend de brillantes études, et s'ouvre ainsi les portes de l'administration, puis de l'édition. Pourtant, Xavier perdra, injustement, ce bonheur durement gagné. Son drame connaît un dénouement meurtrier…
      
  • le statut conceptuel: «il n’y a plus de concept galvanisant. La Négritude est essoufflée. La Créolité, mayonnaise insolvable, est cantonnée à un genre littéraire. Le Tout-Monde ne nous a pas attendus.» (p.11) – «la Négritude, l’antillanité, la caribéanité, la Créolité ne sont que fleurs fanées d’une couronne oxydée d’avoir, en vain, attendu son roi ou sa reine» (p.136)
     
  • le statut politique: «il faut impérativement construire le lieu Martinique. Le Pays Martinique.» (p. 159)

5. Une suggestion unitaire :

Tony DELSHAM conçoit la notion du «devenir» martiniquais comme un édifice qui a besoin de toutes ses pierres pour s’affirmer visible et audible :

«alors, il est peut-être temps: d’accepter pleinement toutes les composantes de notre personnalité - de faire le deuil du passé, en sorte de ne plus vivre ce passé au présent et l’appréhender sans névrose – d’accepter le devenu qui doit être tremplin de notre avancée et non plus tare dénoncée et combattue, car jugé produit aliénant» (p. 159)

«en 2005, le devenu s’impose et le devenir s’impatiente. Alors, fermement et avec insolence face à l’histoire, nous osons suggérer une action concrète dont l’intention est de nommer, de reconnaître et d’officialiser, enfin, l’identité martiniquaise à travers toutes ses composantes, car il n’est pas sûr que la simple arrivée des nouvelles générations comblera le vide perturbant de notre histoire. […] Dès 2006, tentons de faire du 22 mai la victoire de la Martinique passée, présente et future. La victoire de tous les Martiniquais, sans exclusive» (p. 206-207)

6. L’actualité de Tony DELSHAM :

Une petite main, chargez!
Une petite main, chargez ! • Filiation, Tome 2 • 2004 • Martinique Édition

Tony DELSHAM vient d’obtenir le prix FETKANN! 2005 du CIFORDOM dans la Section «Mémoire» pour sa saga familiale «Filiation». Pour écrire une Histoire noire et métisse, il mène un projet de grande envergure: la saga familiale, support complexe - vaste et dense. En effet, la saga familiale constitue un édifice romanesque en plusieurs tomes, pour étudier les visages du Temps au sein d'une famille - des ascendances et des descendances fouillées dans leur choix de vie. Ce mode de narration exige des qualités non seulement narratives, mais surtout documentaires. Il s'agit de «rendre» à une époque sa couleur d'authenticité. La première saga de Tony DELSHAM s'intitule «le Siècle» et compte cinq tomes. L'itinéraire d'une «Fanm Doubout», Ida Robinel, se trace à travers le XXè siècle, de 1900 à nos jours. Elle est ainsi au cœur des mouvances sociales et conjugales de la Martinique: T.1 «Fanm Déwo» (1993) - T.2 «An Tan Robè» (1994) - T.3 «Lycée Schoelcher» (1995) - T.4 «Choc» (1996) - T.5 «Dérives» (1999).

Sa nouvelle saga familiale, «Filiation», précise davantage la vocation historique et identitaire de l'auteur. Savoir d'où l'on vient et tenter d'anticiper où l'on va. Regarder en arrière le sillage tracé par d'autres – désormais dans l'ombre. Regarder devant soit les pas à marquer, en ayant fait la lumière sur ce passé. La saga familiale «Filiation» (2004-2005, éd. MGG): 3 tomes sont parus entre 2004 et 2005 – «M'man Lélène» (Tome 1 - 2004), «Une petite main, chargez !» (Tome 2 – 2004), «le Fromager» (Tome 3 – 2005). Félix, jeune bourgeois martiniquais, se cherche dans sa quête de la filiation, reniée par l'abandon de sa mère Elaine.

Contacts :

Martinique Editions, 56 les Hauts de Madiana, 97233 Schoelcher, Email – le site MGG

Véronique LAROSE– janv. 2006

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Viré monté