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Potomitan

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Annou voyé kreyòl douvan douvan

Cov-19
(Une partie des Chroniques)

Khal Torabully

Mars - Mai
2020

Jours

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Après Jour O (la veille du confinement), Jour 1, jour du confinement, et Jour 2, aujourd'hui, donc, je continue mes posts, alimentés de beaucoup d'échanges avec mes ami.e.s sur les réseaux sociaux. Merci de vos mots.

Jour 2

J'ai une voix personnelle, analytique, distanciée et peu moutonnière. J'informe depuis un moment, avec des faits, et des messages alertant sur l'impréparation en France. Alors que Facebook ralentit mon flux, pour ne pas dire plus, étant hors système des gouvernants qui nous manipulent, je continue, car vous me lisez, nombreux, et je vous en remercie. Le jour 0, dans un post a partagé 200 fois, je reprenais un graphe de l'OMS, déclarant que la France avait le taux de propagation du coronavirus le plus élevé au monde. Je prévoyais un confinement à l'italienne 10 jours à l'avance, bien avant les municipales.
Pour moi, il ne fallait pas donner des signaux contradictoires aux peuples.

Au JOUR 2, une évidence s'impose. L'état nous a mentis et je ne dirai pas amen parce qu'il faut maintenant marcher en lignes serrées dans une guerre mal préparée. Le scandale Agnès Buzyn révèles le pot aux roses, que je ne cesse de pointer du doigt depuis un certain temps (lisez mes posts). Maintenant, c'est là, devant nous, la caste politique est empêtrée dans ses contradictions, ses mensonges, ses manipulations. C'est aussi une révélation de la crise du coronavirus. On savait, on a minimisé, et on a donné, surtout avec les consignes de vote, des messages contradictoires. On le saura dans quelques jours, si des contaminations s'avèrent de ce fait.

Lors du discours de Macron, j'avais dit qu'il avait raté le coche, s'emmêlant les pinceaux, mauvais discours théâtralisé mettant en avant l'anaphore emphatique "Nous sommes en guerre"... Comme s'il n'y avait que cette référence historique qui pouvait mobiliser les français démunis face à tant de contradictions (Macron était au théâtre la semaine dernière, disant faites comme moi)... Il doit être un chef contre une pandémie, une cris mortelle. L'image peut frapper les esprits, mais je trouve qu'il a une portée symbolique moindre.

La métaphore de guerre a ses émules, car un sondage (dont je questionne l'objectivité, sachant que les puissants achètent les instituts de sondage et les médias) dit que 2/3 de gens approuve "ce grand discours du président..." Ma foi. Je continue à dire que c'était une occasion ratée.

Autre fait, lancer des alertes, j'ai constaté dans de rares cas, c'est vous faire passer pour un illuminé, un tout-puissant ou quelqu'un qui est contre la solidarité. Parfois, le niveau de réflexion me surprend, pour ne dire que cela. La critique est donc bannie de certains esprits, d'autant plus que les idées que j'énonce, très souvent, sont souvent recoupées par les faits et des informations, et surtout par une visite en Chine en octobre et à Singapour. Pendant le pic de la crise, j'étais en contact avec mon fils qui a vécu la crise à Singapour, et j'ai beaucoup appris de lui. J'étais en contact avec des amis en Chine, à Hong Kong et à Macao PENDANT ET AVANT LA CRISE.

J'avais des infos en direct et je constatais qu'en Europe les élites semblaient croire que la muraille de Chine les protégeraient du coronavirus. J'ai lancé des alertes, on m'a dit que j'étais pessimiste, alarmiste, triste... Je raisonne avec des faits, une expérience directe aussi.

Pendant le pic de la crise, un ami de Hong Kong m'avait demandé de me renseigner au sujet d'un achat de masques N59 et FFP2. Il en voulait 570,000 pièces pour la province du Fujian. J'ai répondu présent par devoir de solidarité. J'ai appelé des entreprises françaises. Une à Roanne m'a dit qu'elle ne pouvait fournir cette quantité, l'attente étant, il y a plus d'un mois, de 6 semaines. Je me suis renseigné sur les masques, et il y avait une rupture de stocks partout. Je me suis posé la question pour le personnel médical, il n'y en avait pas... Avec les premiers cas en France, j'ai commencé à me demander ce que faisaient Macron et le gouvernement.

Buzyn, à l'époque, semblait ne pas mesurer l'enjeu à sa juste et urgente valeur. Cela explique que je reste critique face à l'establishment, qui en sait plus, comme le prouve le scandale qui agite le landernau en temps de confinement, à savoir, que ce virus a été fabriqué en laboratoire et qu'un brevet a été déposé en 2003. Cela circule sur le net. L'époux de Mme Buzyn a inauguré le laboratoire de Wuhan en 2017, si ma mémoire ne flanche pas... Pour moi, et le temps me contredira peut-être, ce virus est une invention militaire qui a "fuité". Cette vidéo, qui circulent, demande plus de recherches et d'analyses. C'est très complexe. Je vous en dirai plus... Je ne suis pas le seul à le penser, tellement le covid-19 est décrit comme l'arme bactériologique parfaite, les experts ne cachent pas leurs appréciations...

Pour clore ce billet, qui sera suivi d'autres à chaque jour de la crise, je relaie ce message d'un médecin français, qui nous dit que même si nous avons nos perceptions et cultures différentes, DE GRACE, comprenons que c'est le MEME VIRUS qui s'attaque aux humains. Macron a raison sur ce point, ce virus n'a pas de passeport. Les chinois ont le recul et le savoir-faire pour le combattre, laissons tomber nos barrières, COMBATTONS LE ENSEMBLE. Il s'agit de sauver nos peaux, ne pas se retrancher derrière des réflexes dépassés, car ce virus est MORTEL POUR TOUS. Je pense même que, orgueil mis à part, on devrait demander l'assistance ds chinois, qui ont testé avec succès l'interferon cubain, juste pour SAUVER DES VIES.

Ce n'est pas autre chose qui motive ce post ou mes posts antérieurs et à venir.*

COURAGE à vous mes ami.e.s NOUS DEVONS ETRE OUVERTS A LA SOLIDARITE, QUI ELLE AUSSI EST SANS PASSEPORTS.
FIN DU BILLET JOUR 2

KT, 16 mars 2020

Jour 3 Chronique aux temps du coronavirus

Sous forme de réflexion, aujourd'hui, conversation avec le poète Albert Guignard, du groupe Les poètes sauvages.
C'était un échange sur mon post d'hier, Jour 2 de ma chronique.

Je livre in extenso le commentaire d'Albert, qui avait édité mon texte PAROLES ENTRE UNE MÈRE ET SON ENFANT FUSILLÉ.
Merci de votre lecture ET éventuels échanges.

***. ****. ****. ****

ALBERT GUIGNARD: "... A titre personnel, lorsque le gouvernement se voulait rassurant sur le covid-19, en poète-sauvage, chaman des mots, je voulais davantage me fier au signe que le premier lieu d’infection en France soit un village du nom de ‘‘Contamines’’.

Les faits m’ont donné raison. L’humanité vient d’entrer dans un tunnel qui n’était pas indiqué sur la carte routière.

Le virus est l'une des premières formes du vivant. Qui sait protecteur de ce même Vivant lorsqu’il y a transgression. L'Homme ne lui laisse pas le choix des armes. Le poète Thierry Renard affirme qu'on n’est pas en guerre parce que le virus ne sait pas qu'il tue. Peut-on en être sûr ?

Je crois volontiers un ami Bernard Claude Vivier-Merle quand il dit: "c'est un virus intelligent qui vient nous indiquer des choses…" Qu’il soit ou pas l’œuvre directe de l’Homme, sachons entendre son message et parlementer avec lui. C’est notre propre dialogue intérieur qu’il sollicite.

Moi je l’entends nous dire: «Pas de panique mais soyons prêts.»

Le village portait un nom composé «Contamines-Montjoie.» Le Mont Popey, ma petite montagne sacrée, qui t'a accueilli un solstice d’été 2006, veut bien être ce Montjoie. Aux poètes d'avoir le COURAGE d'incarner le trait d'union." Et peut-être qu'un jour, pour de nouveaux amis,/ Dieu tiendra ce bonheur qu'il nous avait promis.
(Léon-Paul Fargue)

***

MA RÉPONSE À ALBERT:" Merci cher poète sauvage, nous les sylvains, attachés à nos arbres, de façon poétologique et sans concession avec la toxicité des pouvoirs et de bonimenteurs, le sentons au plus profond de nos âmes.

Je connais ton écoute profonde de la Vie, tu es un complice de ses murmures intimes.

Nous avons partagé des moments extraordinaires à ce sujet, avec des signes mémorables. Contamines, quelle forte intuition poétique! C'est une indication de notre écoute du monde, au-delà des écrans en tout genre.

Je crois, comme toi, que ce virus est un penseur du Vivant, un évaluateur de nos déraillements. Un virus qui est intelligent, qui nous confine pour nous donner le temps de réfléchir au sens de nos vies. Edgar Morin l'a dit aujourd'hui, c'est un virus, fabriqué ou pas, qui a mis le monde devant le miroir de la Vie.

L'homme y voit le visage hideux de son développement, de ses enjeux de pouvoir politique et économique. Rien que pour cela, ce virus SAIT pourquoi il tue.

Nous avons dépassé toutes les limites et il vient nous le rappeler, quelle suprême intelligence ! Il serait triste de ne pas le voir ou le savoir.

Tu as raison, ce virus est un aiguillon dans le postillon/de nos pollutions, si tu me permets cette rime scabreuse.

Il nous permet une poétique renouvelée au seuil de nos portes intérieures et extérieures.

Ce n'est pas une grippe ou une épidémie quelconque. C'est une pandémie qui met à terre la raison humaine, son savoir, ses certitudes technologiques et logistiques. Il est intelligent parce qu'il a muté en 2 virus. N'est-ce pas là une indication qu'il sait déjouer nos plans de façon intelligente ?

Oui, il est un virus qui nous fait parlementer avec nous mêmes et les autres, haussant le détail que nous avons ignoré, celui du temps à prendre pour converser avec la Vie.

Merci pour cette belle citation de Léon Paul Fargue.

Oui, si on survit à ce confinement qui est la fenêtre ouverte sur un autre monde possible, il serait judicieux de comprendre son langage iconoclaste.

Dès lors...

Il est important que tous les morts ne soient pas oubliés dans la conversation intime avec les arbres, les poissons qui reviennent à Venise ou le ciel bleu qui sourit à nouveau dans les yeux de l'enfant de Pékin ou de Contamines, lieu qui nous indique d'autres chemins en nos humanités. Infectées en ce moment, peut être guéries d'elles-mêmes après sa vie parmi nous.
Merci d'avoir dialogué avec ce virus, fraternel poète...

Prends bien soin de toi dans ce dialogue vital des poètes, afin que ce virus ne soit pas réduit seulement à un messager ignorant de la mort, mais un tronc viral, vital, pour entrevoir un monde meilleur demain, un virus dont les branches se prolongeront dans les bronches renouvelées de la Vie.

Cest lui, en ce moment, qui rend l'humain poète au seuil de sa maison, dont il aperçoit enfin l'horizon nouveau...

Dans l'attente du JOUR 4.

UN AUTRE LEVER DE LA TERRE?

JOUR 4 DE MA CHRONIQUE AUX TEMPS DU CORONAVIRUS

Je livre aujourd'hui cette chronique avec cette photo extraordinaire, la plus extraordinaire de tous les temps, car, pour la première fois, l'humanité pouvait saisir la totalité de la planète Terre d'un seul regard.

Elle nous montre combien elle est belle et fragile, flottant dans l'immensité intersidérale. Une poussière dans l'immensité.
Elle nous désigne en habitants ou marins d'une planète qui tourne sur elle. Qui flotte dans un liquide amniotique interplanétaire, dans la mer des astres.

Et je me dis...

Après cette vision fondatrice, nous avons raté l'occasion de nous penser comme humains. Cette image de la totalité-Terre était l'occasion d'un réveil des Terriens. D'une immense prise de conscience, comme je le lis ci et là, que nous sommes sur le même bateau. Mais non, on a pris cette invitation à nous dépasser pour construire plus de murs, des préjugés, des prisons. Ce déni nous a donnés la mondialisation économique, financière, le culte du travail avec la croissance à tout prix, la course à la domination et les désastres que l'on sait.

Quelle relation avec le coronavirus me direz-vous?

Je pense que nous prenons, une deuxième fois, de façon HISTORIQUE, exceptionnelle, la mesure de la Totalité-Terre face à la pandémie. Cette fois non à partir de la soupe intersidérale dans laquelle la planète bleue flotte. Mais d'une soupe virale qui déborde par-dessus la Muraille de Chine, seule structure humaine visible de l'espace.
Et je me dis...

La crise est mondiale, après deux guerres mondiales qui ont continué à diviser la Terre en guerres froide et contre la terreur. Et ce, après cette image qui nous permettait d'embraser notre habitat terrestre d'un seul regard. Nous inspirant la pensée que nous n'avions qu'une maison commune dans l'immensité.

Le coronavirus nous met devant notre fragile condition humaine. Il est en quelque sorte un retour de boomerang mondial d'une mondialisation sans solidarité, sans prendre en compte la dignité des uns et des autres, sans le respect de la nature et du climat.

Oui, nous avons raté l'étendue de la photo des astronautes, son message fédérateur.

Une image peut changer le monde ou la vision que l'on a de lui.

Mais cette fois, cette perception, cette image de la Totalité-Terre, est en dehors des schémas, des modèles, des prospectives. Il a grippé la machine mondiale de la production, du tourisme, des échanges, et même des gestes simples comme des poignées des mains ou des bises. L'on ne peut même pas enterrer ses morts. Quelque chose est brisé dans nos rituels, nos habitudes, nos visions du quotidien.

Le virus nous ramène à cette fausse interconnexion mondiale, virale, mondialisée, qui s'est faite sur l'aune des orgueils politiques et nationaux.

Aussi, je me dis...

C'est le virus imprévu, le passe-frontière qui se propage dans la photo qui n'était pas une photo de famille mais des dominations et des égoïsmes.

En ce sens, il serait intéressant de le penser comme un antivirus de la globalisation, un pixel de la vie, qui nous ramène aux aspérités, aux piqués que nous avons ignorés dans notre course à l'oseille.

C'est un virus qui nous donne le temps de penser, de revoir la photo de notre situation au monde sans le photoshop de la géopolitique impériale et de la croissance à tout prix.

C'est à travers lui que notre Terre nous parle du haut de sa totalité, pour nous penser autrement.

C'est un virus intelligent, comme je l'ai dit dans ma chronique d'hier, qui a muté pour échapper à nos laboratoires et chercheurs.
Les astronautes qui ont vu la Terre de l'espace ont tous et toutes témoigné d'un fait : l'émotion qu'ils ressentent devant la beauté indescriptible de notre planète. Ils ont appelé cela "the overview effect", l'effet de capture de la réalité à partir d'un point "dominant". Cet effet provoque un changement de conscience: "Je me rappelle avoir ressenti cette connexion comme j'en n'avais jamais vraiment eue en étant sur Terre", raconte Nicole Stott, astronaute à la retraite. Massimino, autre astronaute, a dit en 2002 qu'il avait pleuré devant la Terre entière, tellement sa beauté le dominait.

Nicole Stott, en 2009, a passé un peu plus de trois mois dans la Station Spatiale Internationale. Ecoutons-la: "Depuis l'espace, la nuit, on regarde la planète et c'est comme si elle était en vie. Je crois que l'idée simpliste selon laquelle on vit sur une planète, on est des terriens, la seule frontière qui compte est cette fine ligne bleue dans l'atmosphère, cette idée est tellement primordiale à comprendre".

Les astronautes sont préoccupés par notre inconscience sur Terre. Ils évoquent les lacs qui s'assèchent, les forêts tropicales qui disparaissent, la pollution qui couronne la planète. On pourrait ajouter les guerres, les tests nucléaires, les recherches et systèmes néfastes à notre existence. Stott ajoute : "Notre planète est notre vaisseau spatial. Elle nous donne tout ce dont on a besoin pour nos fonctions vitales".

Oui, depuis l'espace, en haut, la Totalité-Terre signifie que nous sommes sur le même bateau, alors qu'ici bas, on est dans un clan, une tribu, un pays, une religion, une culture, une nation, un pays... Nous fabriquons des galères car nous avons une vision confinée de la Terre et de nos-mêmes.

Je pense qu'aux temps actuels, une chose s'impose: la vision de la Totalité-Terre vient de l'intérieur de la planète elle-même, des constats que l'on tire face aux menaces directes à nos vies, partout au monde. Plus de 100.000 cas de coronavirus dans le monde, et ce n'est que la pointe de l'iceberg, car les experts nous disent qu'il faut multiplier ce chiffre par 100 ou par 500.
Voir le monde différemment, je lis cela souvent ces derniers jours. Un impératif. Macron, en des tons de chef de guerre, l'a dit: "Il y a aura le jour d'avant et le jour d'après", avec un ton hollywoodien qui est à jauger à la lumière de l'urgence de la pandémie. Ce sera le sujet de ma chronique demain. Mais pour l'heure...

Le problème est, saurons-nous changer de lunettes culturelles, économiques, politiques, poétologiques, écologiques?

En somme, saurons-nous changer d'optique et nous replacer dans la bonne orbite de VIE?

Non seulement avec l'overview effect mais avec le "inner view effect", cette position qui nous permet de ressentir la Totalité-Terre depuis ses entrailles, dans le sillage même d'un virus qui a franchi la Muraille de Chine. Nous sommes face à l'invisibilité virale, à l'omniprésence d'un virus invisible qui tue partout.

Aucune armée ne peut l'arrêter aux frontières, rendant la notion des frontières toute relative. Le virus est l'agent du inner view effect qu'il faudra considérer.

Aussi...

Le coronavirus nous permettra-t-il un autre LEVER DE LA TERRE, autre nom de l'overview effect, cette fois, par-dessus nos barrières multiples qui nous empêchent de nous penser en totalité-humanité?

C'est la question essentielle en ces temps du coronavirus où les cadavres s'entassent et les états s'affolent... L'humain et sa vision agrandie de la planète bleue ne sauraient pas être la grande victime collatérale de cette pandémie.

KT
Dans l'attente du JOUR 5, CONFINEZ-VOUS et résistez en Terriens...

CHRONIQUE AUX TEMPS DU CORONAVIRUS, JOUR 5

Aujourd'hui, le 21 mars, jour du printemps, Journée mondiale de la poésie de l'UNESCO.

En guise de chronique, JOUR 5, je vous livre ce poème aux temps du coronavirus, reportant mon texte prévu aujourd'hui à plus tard.

Bonne lecture à vous chères amies et chers amis, en vous souhaitant de VOUS CONFINER avec la poésie, qui est une magnifique fenêtre ouverte sur la Vie et la Liberté solidaire et solitaire...

Poème simple devant une Terre arrêtée…
Journée Mondiale de la Poésie, 21 mars 2020
En ces temps de coronavirus…
« On dit que ce virus survit 24h dans le carton »…
Souvent, j’ai regardé la terre
Sous le microscope de la poésie vitale.
Parfois, j’ai constaté une erreur fatale,
Comme une faille des enfers
Entravant la marche des nations.
Depuis hier, j’ai changé ma loupe.
J’ai vu un nomade passe-frontières
Qui semble se moquer des mondialisations
Sans carrefours ou caravansérails solidaires.
Pour preuve, ce covid, aime loger dans les cartons.
Il y vit pendant vingt-quatre heures, c’est sa petite maison.
Il est le sans domicile fixe qui nous confine
Au seuil de nos habitations.
Bien sûr, on dit qu’il aime aussi le fer
Mais il passe moins de mains en mains,
Le carton, c’est ce qui nous apporte
Les multiples biens de la consommation.
Nos juteuses affaires,
C’est son affaire maintenant, à nous de voir si demain
Nous aurons encore le temps de nous masquer
Ou nous démasquer,
Nous donner le temps de méditer.
De toute évidence, ce virus a tout infecté.
Il signifie aussi qu’il livre un autre message de liberté.
C’est le carton qu’il préfère, ceux qui livrent
Le fer à repasser ou le thermomètre cassé.
Cependant, il nous livre aussi la Vie restituée
Au cours des bourses effondrées.
Il est une valeur sûre, une valeur insaisissable.
Ce covid nous livre tout à domicile, il est pressé.
Sur son passage, le commerce s’est arrêté.
En quelques jours, l’oiseau est revenu à nos yeux.
Le dauphin nage à Venise. La ville a laissé place
Au silence des absences et à la ronde des vigiles.
Le covid n’est pas Uber livrant le prêt-à-penser
A domicile. Il est fossile, il est fissile.
Demain, il le sait, sera à notre guise,
Un retour aux erreurs fatales du passé ou un soleil radieux
Au cœur des champs, des usines et des humains
Qui auront jeté dans leurs cartons le temps gaspillé.
Ce virus est donc un grand messager.
Je le surprends à piller le temps manqué
Dans les emplois du temps des hommes pressés.
Passager intemporel qui nous met devant le cadran
Des silences du matin et du retour des cieux bleus.
Ah covid indiscret, serais-tu l’ultime marque de respect
De la Vie pour les sans-voix et les humiliés ?
Qui es-tu mon frère virus, qui es-tu à l’heure arrêtée,
Devant l’ombre allongée des tours de Pise redressées ?
L'heure est virale, l'heure est vitale.
Je te parle cher covid, même si mon microscope
Est soudain devenu le grand télescope
D’une vie se rembobinant en cinémascope.

© Khal Torabully, 21 mars 2020

CHRONIQUE AUX TEMPS DU CORONAVIRUS, JOUR 6

Suite d’une parole entre deux poètes, passionnés de la Terre et sylvains de souffle.

Hier, j’ai reçu ce beau texte de mon ami Albert Guignard, un homme pour qui l’arbre est un symbole respirant des paroles confuses et claires. J’avais déjà posté notre échange sur le sens de ce virus qui nous a mis en conversation. Albert m’écrit ceci, que je cite in extenso:

POUR Khal Torabully (cycle de la quarantaine)
Khal. Son nom n’est pas Covid-19.
Il me l’a confié en personne,
car il ne souffle qu’à l’inspiration des poètes.
Pas n’importe lesquels.
Des poètes-sauvages, chamans des mots,
capables de faire esprit totem du Pangolin ;
jusque dans le silence de leur jardin.
Non, son nom n’est pas Covid-19, Khal.
Contre lui le système nous veut en guerre.
Que chacun
combatte
son prochain
sans contact.
Bataille du Soi contre tous;
soi disant par Amour.
Eviter l’autre soigneusement :
rien de neuf
sur la manière.
Son nom n’est pas Covid-19.
Vernaculaire,
Khal, il est :
"Hypocrisie des relations humaines."
Et lui se veut bel et bien TOUCHANT !
Son nom n’est pas Covid-19.
Contre lui,
dans toutes les grandes villes d'Italie,
camps de concentration volontaires,
depuis son balcon,
la foule encagée dans son confort
entonne l’hymne national.
Mesure-t-elle seulement la nature de ses invocations ?:
« Serrons-nous en cohorte./
Nous sommes prêts pour la mort. »
Elle est exaucée dans sa recherche
de la Victoire portant crinière.
La voici parmi elle,
chevauchant un cheval verdâtre.
Ils sont au nombre de quatre.
Les 3 autres ne devraient pas tarder à suivre ;
cavaliers de l’apocalypse
C’est écrit. Sauf si...
Mais qui vit la vie ?!
Khal, ici, qui vit la vie ? » Fin du texte d’Albert Guignard.

Je voudrais tisser ma parole d’aujourd’hui autour de la parole minérale et végétale d’Albert. Il n’est pas nécessaire d’écrire un autre poème, ni de suivre l’inspiration d’un autre dire. Il s’agit de demeurer dans l’essentielle parole. J’avais écrit hier que la poésie est un virus sain qui se propage dans la beauté du monde. Elle est antivirale en ce sens, car elle porte en elle cette question bouleversante : « Mais qui vit la vie ? ». Chacun.e comprendra cette question à sa manière, maintenant que le temps semble revenir aux débuts des temps. C’est le temps du sens perdu. Du Sens. Celui que la machine de production a broyé dans la vitesse des productions et le rythme implacable du profit à tout prix.

J’avais, il y a 30 ans, donné voix à des travailleurs contractuels, appelés engagés ou coolies. Des pauvres hères qu’on exportait à travers les empires après les abolitions de l’esclavage. Ils expérimentaient le contrat de travail à l’échelle internationale. Le capitalisme taylorisé avait de plus en plus besoin de main-d’œuvre malléable, pliable, dans les champs des cannes, de coton, dans les mines, les chemins de fer, les plantations d’hévéa… C’était la division du travail à l’échelle internationale, le capitalisme et l’industrialisation s’exportant dans tous les recoins du globe. Ce fut une mondialisation par le travail.

Avec la mondialisation par le commerce, que nous avons vécue après la Chute du Mur de Berlin, le libéralisme économique et financier a impulsé une économie connectée. Ses impératifs du marché ont accéléré le rythme de production et d’obsolescence à un niveau jamais atteint, le tout favorisé par les technologies de l’information. Les barrières géographiques explosaient, les cultures se standardisaient au pas de la croissance continue et de la surconsommation, comme tout le monde le sait… Dans cette course infernale, néfaste pour la valeur du travail, les écosystèmes, le respect de l’humain, la question résonne: vivait-on la vie Albert ? Ou la gagnait-on seulement pour consommer, s’endetter, travailler plus pour travailler encore plus…

Et le travail souvent dévalorisé, en raison du marché mondialisé, nous a précarisés, fait chuter les droits acquis au prix d’énormes luttes. Le rythme était infernal, la planète se polluait, le chômage se créait ici et là, avec une pauvreté grandissante. L’hyper libéralisme est binaire, il aime les riches, les pauvres sont aux antipodes. La vie est mesurée à l’aune des profits, sans sa propre valeur. Aussi, cette question d’Albert, à laquelle je réponds par le détour du travail, creuse au sillon du Sens de la vie dans nos sociétés.

Cette question, en ces temps du coronavirus, m’émeut au plus haut degré, car on risque de la perdre en se posant cette question, dans un instant fatal.

Oui cher Albert, qui vit la vie ici? Qui ? Ce virus que tu dénommes, que tu poses en interlocuteur est venu nous poser cette question. Maintenant que nos usines tournent au ralenti, que nos avions sont cloués au sol, que nos bateaux sont des sources d’infection. Que chacun est posé devant lui-même…

Au silence retrouvé du monde et de soi-même, afin que le réveil des survivants ne soient pas que l’écho des casseroles qu’on aurait fait résonner aux balcons, ou des discours en boucles des responsables qui devront répondre de leurs agissements devant leurs peuples, la vraie question est, en effet, la vraie question demeure : qui vit la Vie ici, qui?

Je laisse cette question s’agiter dans l’oiseau que vous voyez de votre fenêtre, dans votre jardin, dans votre cage ou à la télévision. Elle est dans l’arbre que vous regardez, dans la plante que vous arrosez, dans le ciel que vous scrutez en vous demandant comment la mort est arrivée aussi vite ici, avec ce virus invisible, au nom même de la Vie, depuis des terres que l’on croyait si lointaines…

© Khal Torabully, Albert Guignard, le 22 mars 2020

TEMPS DU CORONAVIRUS JOUR 9

Quel plaisir de converser à nouveau avec le poète Albert Guignard, en ces temps difficiles. La poésié nous relie aux cœurs solaires, et cela aide.

Cette conversation est publiée avec retard. Elle était prévue pour hier, le coronavirus ayant eu sa scansion de Vie, elle a été reporté aujourd’hui.

Albert avait posé ceci sur mon mur:

(D’après une photo-tableau du poète Khal Torabully)

Et s’il était le soin et nous la maladie?
Et s’il était le souffle soufi
et nous les pucerons sur les roses de Saadi ?
Son nom n’est pas covid 19, Khal
CO(quille)
VID(e)
d’un dit
en batterie
sorti de l‘œuf
sans jamais rien de neuf.
Même langue morte,
la poésie n’a jamais eu peur
d’être touchante.
Planète microscopique, toi, poète insulaire
des imageries d’Eden,
visible à l’œil nu.
tu la cueilles en fruit mûr
dans le creux de ta main
pour chacun de nous à sa taille
de larme de lune,
Ô, petite sœur morte de la Terre…
A l’intérieur,
Perle enclose encore dans le nacre d’un nuage…
Son nom n’est pas covid 19,
Khal ;
coquillage porté à l’oreille
d’un océan d’Outre-temps
Tu l’entends comme le râle
des malheureux coolies
reposant à fond de cale.
Tu l’entends de l’Indus à l’industriel.
De l’Occident oxydé
à l’Orient désorienté.
Tu l’entends en crissement du grain de sable
dans le rouage de l’animal-machine
qui fait pousser un cri d’effroi
et foudroie l'Homme pressé.
La Bête nous tousse
en réplique tous
du tableau de Munch.
Ignorant que c’est bon signe,
et défiant toute consigne,
nous portons aussitôt nos mains au visage,
mais pour y raccrocher nos masques
et autres sourires de façade.
Toi, Khal, tu le vois, faccia levata,
comme le disent les italiens,
et tu reconnais Saint Roch et son chien
les guérissant d’une peste de l’âme.
Il est l’œil du Saint poète dans toute tombe,
en particule fine dans nos poumons
nous étouffant de sa multiforme question;
en memento mori :
qui vit la vie, Khal ?
Ici, qui vit la vie ?
Son nom n’est pas covid 19, Khal.
IL EST !...
Première réponse :
ce silence, encore tout chaud, encore tout rond.
qui devient vibration.
Le Ôm de l’Homme,
de l'Oing,
qui de près ou de loin,
en soin, non plus en maladie,
en souffle soufi
enlève les pucerons
sur les roses de Saadi.

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Cher Albert, en conversation poétique, en prolongation méditative, ce texte que tu m’as inspiré, pour converser avec le covid-19. Cette parole, pour te remercier de poser ces mots en sillon d’autres mots co-vidés, co-visités à deux jardins :
Les roses de Saadi, le Gulistan, ce jardin du poète ivre du parfum des roses d’Ispahan, sage comme un parfumeur rêvant de l’essence des rêves.

Merci cher Albert, de nous ouvrir, du maquis au jardin, cette méditation en paradis perdu, en paradis retrouvé. EDEN AVANT LA ROSE. Sachant que c’est le mot jardin qui a donné le concept du paradis en Perse, 1,000 ans avant l’ère chrétienne. Je l’entends en hébreu aussi, gan-éden, désignant le paradis terrestre, le «jardin des délices»…

Mais revenons au covid 19, que tu renommes, que tu redéfinis à l’évidence du sens caché que sa propagation, comme une liane batatrans du monde-île, pour nous sauver de l’érosion annoncée de nos écosystèmes, mentaux, spirituels, humains. Il nous dit quelque chose, cela est entendu, sur le paradis perdu, mais ce n’est pas celui où on vend les roses venues du Kenya dans un avion cargo, polluant les parfums subtils des rosées. Il est celui que l’on regarde au fond de soi. C’est cela le jardin que le virus défriche…

Tu as raison de pointer du doigt qu’au-delà de sa couronne d’épines, ce messager a une portée positive, dans son tracé oscillant entre vie et mort. Il met à l’arrêt ce qui ne se pouvait pas, il est l’aiguille arrêtée pile à l’instant de la cueillette des roses, celles de Dadès, les centifolias, celles de Samarkand, près du superbe Régistan. Ou, plutôt celles près de l’antique papeteries où j’ai acheté le papier bleu enchâssant l’âme de l’osier.

Tu le sais d’intuition, cher ami des arbres…Je suis un amoureux des roses, j’en suis fou. Terriblement fou, et le covid-19, tu as raison, nous indique l’instant où la fleur et l’humain scellent un destin commun.

Oui, la poésie est fondatrice, résistante, toujours renaissante, vissée au corps, au coeur, à l'âme. C'est l'instant marquant de nos vies, avant, pendant, après la pandémie... Sûrs de ce fait, si nous continuons ce dialogue, c’est d'abord pour nous, et pour nos arbres tutélaires, ou l'inverse... ET LE COVID EST SON MYSTERE. COQUILLAGE ET ROSE.

Existe-t-il une réelle distance entre le virus et la vie, entre la nacre et le miroir de la mort?

Les roses de Saadi, comme le covid-19, sème ses épines sans oublier de blesser le poète au front. Le souvenir du paradis est une blessure qui suppure, qui supplie de jardin en jardin. La fleur n’est pas seulement ornement, elle est le centre du jardin, la constellation qui poudroie l’œil du jardinier, pour le délivrer de son désir de parfumer le vide.

Le Co-vide. Qui se vide de nos souvenirs mal fagotés.

Ce virus, est-ce le NOM DE TOUS LES NOMS…

Pourquoi, en effet, ne pas le tutoyer, le respecter, lui être reconnaissant de redonner au jardin les chants des oiseaux revenus de leur confinement ? Quelle beauté que l’arrivée des printemps silencieux, où l’on entend le papillon se réveiller de sa chrysalide... Où l’on entend le coquillage s’écarter pour laisser passer Bernard l’Hermite?

Tu as raison, en méditation, le virus, ce n’est pas le vide.

Fou est celui qui l’évite au creux de l’essentielle question.

S’il y a la peur, ce qu’elle nous parle de l’effroi que nous taisons, l’effroi de ceux que nous empêchons de respirer au cœur des roses, des choses, du silence, du souffle. Le derviche tourne en rond pour dessiner sa couronne renaissante.

OM.

Comme vide, qui dit son nom, il convient de l’épeler à d’autres alphabets, à d’autres livres, à d’autres poétiques. Il est annonciateur des jardins nouveaux dans les yeux des survivants, même si nous ne le comprenons qu’à moitié.

Je te réponds :

Si je suis coolie, c’est au nom de la rose.
De la rose de tous les jardins.
De celle qui est absente de tout bouquet,
Pour faire écho au poète Mallarmé.
Une rose antérieure, sentie en vide antérieur.
Ce virus nous fait parler en vibrations, sur la face cachée des choses, des roses.

Oui cher poète du maquis, il est en ce sens, un jardinier de la vie qui débroussaille le Logos.
J’aime ta formule, celle «qui enlève les pucerons sur les roses de Saadi».
N’est-ce pas là l’évident travail de ce virus couronné,
Oter le vide des cupides sur l’œil embué de nos vies en série?

Pour poser ma plume, permets-moi de citer l’historiette de maître Saadi que tu ramènes à ces chroniques aux temps du coronavirus. Elle vaut la peine de parfumer le souvenir des roses:

«Un certain sage avait enfoncé sa tête dans le collet de la contemplation, et était submergé dans la mer de l'intuition. Lorsqu'il sortit de cette extase, un de ses compagnons lui dit, par manière de plaisanterie : « De ce jardin où tu étais, quel don nous as-tu apporté?»

Il répondit: «J'avais dans l'esprit que quand j'arriverais au rosier, je remplirais de roses le pan de ma robe, pour en foire un présent à mes camarades. Lorsque je fus arrivé, l'odeur des roses m'enivra tellement, que le pan de ma robe m'échappa de la main.

Je n'étais, me répondit-elle, qu'une argile sans valeur, mais j'ai demeuré quelque temps avec la rose, et le mérite de ma compagne a laissé des traces en moi ; sans cela je serais toujours ce que j'étais d'abord.

À peine eus-je proféré ces paroles, qu'il jeta les roses du pan de sa robe».

A demain, cher Albert, chères amies et chers amis.

Partageons ce confinement pour méditer au souffle des rosiers de Damas, de Mont Popey ou des îles enfermées au bout de l’horizon.

© KT en AG, 24 mars 2020

CHRONIQUE AUX TEMPS DU CORONAVIRUS, JOUR 16. MATIN

Chères amies, chers amis,
Bon soleil à vous en ce nouveau jour de confinement. Ce matin, retrouvons Albert Guignard, poète confiné près d’un arbre, celui de la Vie. Lisons-le :

ACTE FINAL

We want the world and we want it now Jim Morrison
C'est inscrit au dos de mon gilet Jaune

J’ai retiré mon gilet jaune du tableau de bord.
Nous avons gagné la guerre,
enrayé la Monstrueuse ruée vers l’or,
forcé l’adversaire à mettre genou à terre.
Le temps n’est plus à la légitime colère.
J’ai retiré mon gilet jaune du tableau de bord.
De même que l’adversaire baisse ses couleurs,
de lois antisociales. Les forces de l'ordre
bloquent d'elles-mêmes le Pays.
Même le prix du carburant chute.
Que revendiquer de plus ?
Notre victoire inespérée
a été rendu possible
grâce à l’intervention décisive
d’un allié microscopique
à la puissance de feu terrifiante.
Comme mon gilet jaune, à bien y réfléchir,
lui aussi revendique la mappemonde,
jusqu’à traquer la bête immonde
d’un nazisme ordinaire
jusque dans sa tanière.
J’ai retiré mon gilet jaune du tableau de bord.
Nous avons gagné une guerre
qui ne finira jamais.
L’Ankou continue à compter ses morts.
Il n’existe jamais de bonne manière…
Je retourne à mon foyer
sans qu’il soit utile de m’y forcer,
retrouver mon jardin
pour vivre enfin
comme il faudrait simplement le faire.

***

Mon cher Albert,
Quel rappel opportun ! MERCI.
Limpide comme le poème du matin.
Tu as vu ce que le virus révèle dans son invisibilité.
Il a le gilet jaune sous sa couronne. Un virus sorti dessous les galets des barricades.
Il a fait gagner les sans-dents qui revendiquaient tous ses bienfaits. Il a mis la machine en panne et redonné l’oxygène aux arbres.

Tu avais raison, il ne faut pas l’appeler Covid-19, il faut maintenant lui tirer les vers du nez, c’est le boulot du poète, si tu suis ce glissement subreptice de mon clavier…

Je lui parlerai désormais au-rond-point de la vie.
Là où des êtres ont campé en gilets tournesol, pour suivre le lever d’un autre soleil.
Ils étaient au brasier du nouveau ciel. De la couche d’ozone cicatrisée.
Devant la blouse blanche sous le feu actuellement et que l’on reconnaît seulement après l’avoir privée de « ses armes » par le chef de guerre autoproclamé.

Un virus de l’humilité aussi. Il a infecté les ministres de la santé de la Grande Bretagne et d’Israël. Le premier croyait que l’immunité collective, en sacrifiant une partie de la population, était la réponse la plus adaptée à la pandémie. Dans le second cas, des gens sous confinement à Gaza n’ont pas d’aide médicale, pour ne pas dire plus.

Ce virus gilet-jaune leur donnera-t-il un peu de compassion ? Un peu d’humanité?

Suivons-le ce virus, écoutons-le.

En nous donnant tant, il risque de nous effacer, comme pour nous indiquer une autre version de la vie. La vraie.

© AG et KT, 3/4/2020. MATIN

CHRONIQUE AUX TEMPS DU CORONAVIRUS, JOUR 17, après-midi

Chères amies, chers amis,
Aujourd'hui, dans l'attente des échanges avec d'autres artistes, écrivains et témoins de ces jours difficiles, je vous propose un texte inspiré de la phrase du Président Macron: "Le Jour d'après ne sera pas comme le jour d'avant". Cette phrase a été reprise par le Prince Albert, testé positif au coronavirus comme le Prince Charles. En contrepoint de cette formule hollywoo-élyséenne, je vous propose:

Le Jour d'après et la MINUTE d'avant...

Je partirai donc du discours présidentiel français qui a déclaré "la guerre" au coronavirus.

Macron a utilisé les termes suivants: "Le jour d'après ne sera pas comme le jour d'avant"... Certes, tout le monde aura plus au moins saisi que nous sommes devant une pandémie aux résonances profondes...

Dans la chronique d'aujourd'hui, dans le confinement «général», qui a failli être total, comme au Maroc, réclamé par le syndicat des jeune médecins, je reprendrai la formule macronienne, en la travaillant différemment.

Au jour d'après, j'accolerai la minute d'avant.

Ce sera donc, le jour d’après et la minute d’avant.

J'ai imaginé une image scabreuse, le virus avançant vers un mourant, la faux de l'ange de mort à la main.

Cette scène m'a été inspirée par un témoignage insoutenable en Italie. Le personnel soignant remarquait que le plus dur pour eux, c'était d'entendre les mourants dire, aux dernières minutes de leur vie: "Je veux dire au revoir à mon fils, ma fille, ma femme, mon mari, mes amis, mes proches..." Cruel et insoutenable.

Cela ne pouvait aboutir favorablement, le virus les confinant jusqu'à la dernière seconde, scellant un acte de confinement absolu vers l'au-delà, sans la présence des êtres aimés.

Une mort sans la dignité de la mort.

Je me suis imaginé une scène, disais-je. L'ange viral de la mort s'approchant vers les mourants.

Il a un cadeau conditionnel à faire, s'il est convaincu que la demande des mourants est pesée et soupesée à l'aune qui comprend le Sens caché de la vie. Il leur laisserait une minute, la minute d'avant, celle où l'on peut faire un souhait avant de passer dans l'autre-vie. Parmi ces mourants, que j’imagine dans un hôpital en zone neutre, il y a un marchand sans âme.

L'ange couronné s'arrête au-dessus de son lit.

J'imagine que ce négociant aurait pu dire au virus impitoyable:

-Donnez-moi une petite seconde, que je puisse faire un clic sur mon ordinateur, pour confirmer une vente, une commande urgente. Après, ma tâche accomplie, je pourrai fermer l'oeil. L'usine pourra tourner. J'aurai sauvé le monde. L'économie n'attend pas.

L'ange couronné, courrocé, faux à la main continue sa ronde. Voilà le poète, le regard perdu dans un ciel ultime, déjà présent.
Pour lui, la minute d'avant pourrait être cette supplique:

- Laissez moi finir le dernier vers du poème qui me trotte au coeur depuis mon enfance. Puis, je partirai l'âme légère... Le ciel m'envahit déjà, j’embrasse la Terre...

L’ange le sait en paix, il est dans le poème de l'Invisible. Il l’a déjà sa minute, dans sa conversation respectueuse avec l’Invisible…

L'ange passe de son lit blanc au prochain malade. Il demande à l'amoureux de la nature qui respire en saccades de lui dire ce qu'il souhaite en cette minute miraculeuse. Voilà ce que ce mourant lui dirait, selon moi, étant proche de cet être amoureux du silence:

- J'ai toujours considéré chaque seconde comme un bien précieux. Je voudrais juste remercier la vie de m'avoir donné le temps de goûter au Temps... Cette minute, je l'ai déjà. Je l'offre à un autre. Je ne demande pas une seconde de plus. Je suis heureux d'aller vers les prairies infinies de la Vie.

Celui-ci incarne déjà la lumière d'un temps éternel, se dit le virus. Il n’a pas besoin d’une minute d’avant... Il a plongé dans les bronches du monde.

L'ange covid-19 continue sa marche infatigable. Il rencontre un vieux pêcheur cubain, celui qui a pêché l'espadon sur le Malécon.

Et toi, ta minute d'avant?

Le pêcheur au visage buriné pourrait lui demander ceci:

- Ma minute d'avant, c'est de ressentir l'instant où le poisson qui, sur le point de mordre à l'hameçon, décide de partir vers le large. Ainsi, j'aurais ressenti le plaisir de me libérer de tout. Même de mon océan sans bornes. Libre sans le besoin d’un autre appât.

Ah, le large, c'est déjà vivre pleinement plusieurs vies... Sa minute, il l’a déjà ressentie dans son dernier souffle.

Coronavirus continue son inspection, la minute précieuse au bout de sa faux aiguisée.

Ah, un chercheur en laboratoire. Que serait ta minute d'avant?

Le chercheur en laboratoire pourrait dire que sa seconde d'avant, c'est ce «moment d'Euréka» qui permet la découverte du vaccin, celui qui nous ramènerait à des jours d'avant. Une vie sans virus, sans moi et les profits avec???

Covid-19 flaire le piège... Quelle serait sa réponse?

Je pense que cette minute d'avant serait refusée par le virus intelligent, qui a muté en virus d'après.

La minute d'avant, c'est son bien sans partage… «Non, tu suivras les autres dans le jour sans retour... Haha, tu veux piéger la mort toi»... L’ange continue sa ronde dans la nuit des râles et des suppliques.

Il a la minute d’avant à offrir et il commence à désespérer.

Serait-il plus amène avec le vieux sage, qui lui demanderait ceci:

-Pourrais-tu me donner cette précieuse minute qui permet le jour d'après d'être le jour d'avant ? Sur ce, on entend minuit sonner à la tour de Pise.

Ah, la sagesse humaine, celle qui a questionné la minute d'avant...

Le virus connaît probablement ce sage qui permet d'apprendre la leçon des leçons, à savoir que la limite de la Vie débouche sur une méditation avec une prise de décision noble et solidaire avec le Vivant.

L'ange à la faux impitoyable marque le coup. Ce mourant a la vision du jour d’après au jour d’avant…

Le sage l'interpelle au plus profond de sa raison mortifère et régénératrice.

Car le virus sait que le sage a raison, mais le sage est confiné depuis trop longtemps dans les sociétés courant après le temps et les biens matériels. S'illusionnant de biens que la consommation a mis au faux miroir de la vie.

N'est-ce pas trop tard pour lui donner cette minute d'avant? Qui écoute le sage en ces temps des statisticiens et de banquiers investisseurs ? Pas le politicien en tout cas.

L'ange abaisse sa faux une fraction de seconde. Il réfléchit... Il hésite… Le jour d'après ou le jour d'avant… Après la pandémie, qui comprendra que nous n'avons qu'une seconde pour reconquérir l'éternité? Même pas une minute à perdre?

Le sage demeurera encore en confinement, pense le Covid-19. Mais pourquoi ne sera-t-il pas au chevet du monde?

L'ange s'est un instant arrêté.

Il réfléchit à cette seconde de vérité.

La seconde d'avant...

Qui prendra le temps de la comprendre?

Il croise enfin le regard du sage... Celui-ci semble le comprendre à son tour.

Dans l'immobilité de cette seconde, une question traverse le temps partagé, concilié.

Sage-virus... Virus-sage... Deux côtés d’un miroir blesse, ébréché.

L'ange réfléchit...

Et cette minute pourrait révéler le sens de l’éternité.

L’ange se tourne vers nous. Je l’entends dire:

Et vous, quelle serait votre minute d'avant?

(c) KT, 3 avril 2020

CHRONIQUES AUX TEMPS DU CORONAVIRUS, JOUR 18, APRES-MIDI

Le confinement en milieu urbain s’apparente à une expérience d’HIKIKOMORI.

Hikikomori est un mot japonais désignant un état psychosocial et familial concernant principalement des hommes qui vivent coupés du monde et des autres, cloîtrés le plus souvent dans leurs chambres pendant plusieurs mois, voire plusieurs années, et ne sortant que pour satisfaire aux impératifs des besoins corporels.

Ni grabataires, ni autistes, ni retardés mentaux, Ils se sentent accablés par la société. Ils ont le sentiment de ne pas pouvoir accomplir leurs objectifs de vie et réagissent en s'isolant de la société (Wikipédia).

HIKIKOMORI

Le dernier métro s'éloigne déjà qui
l’a conduit à la station Hikikomori.
Quai désert, nul éclairage…
Il suffirait de remonter la voie
pour revenir à son point de départ.
Or, après quelques pas,
celle-ci disparait en sentier caillouteux.
Et dans l’autre sens ce n’est pas mieux.

Au bureau, il avait pris soin d’un ficus deux années durant avant que ses collègues ne l’informent que la plante était en plastique.

© AG,4/04/2020

CHRONIQUES AUX TEMPS DU CORONAVIRUS. JOUR 18. TEXTE 2. SOIREE

Qui ?

Face à la pandémie Coronavirus; qui aurait fait mieux? Pas Chirac, pas Sarko, pas Hollande, ça on en est sûr puisque ce sont eux qui ont cassé l'hôpital public et plus globalement les Services Publics.

Qui était opposé à Macron au 2d tour des présidentielles? Marine Le Pen, aurait-elle fait mieux? (mieux que Trump et Bolsonaro?) Les candidats présents au premier tour? La question reste ouverte. Personne ne peut refaire l'Histoire. Changer de capitaine (et de navire/constitution) au milieu de la tempête... est-ce simplement envisageable?

On a vu le tollé polémique autour du 1er tour des Municipales.

Alors pourquoi tant de haine et de mauvaise bile contre Macron et consorts? Oui, c'est vrai Macron n'a pas été meilleur que les autres, et quand on a dit ça?

La faute, si faute il y a, elle n'est pas là, Macron et son gouvernement improvisent au jour le jour. Il sera temps de faire le bilan après, s'il y a un après.

Alors, à qui la faute?

Aux peuples qui se laissent si facilement influencer, endoctriner?

À ceux qui profitent de cette crédulité?

Aux banques et au système financier libéral-capitaliste?

Au complot mondial judéomaçonicoilluminatistoblablabla?

Faut-il absolument un coupable, un bouc émissaire?

Faut-il continuer à élire des représentants; un Président? Faut-il changer le système? Démocratie directe? Avec Internet et les Rézosociox?

Depuis le temps que des idéologues, des philosophes, des penseurs, (des experts)… proposent des solutions.

Homo sapiens est un animal grégaire, il ne peut vivre solitaire. Il a besoin de son groupe, et dans ce groupe d'une organisation sociale.

Sommes-nous réellement sortis de nos cavernes ? Nos tours d'un kilomètre de haut et nos musées sont-ils si différents des grottes de Lascaux ou Chauvet?

Combien de «?» ai-je utilisés dans ce texte?

C'est une bonne question.

Notre société ultrasophistiquée est fragile du fait même de sa complexité et de ces inégalités, ça on le savait. On savait qu'en cas de pandémie, de catastrophe naturelle majeure, de révolution en Chine, tout pouvait basculer. Nous y sommes, c'est un virus. Ce que l'on ne sait pas, c'est combien de temps il va cohabiter avec nous, et si le prochain virus ne sera pas plus méchant que Covid19.

Alors, que faire? Résister du mieux que l'on peut, improviser, s'adapter, au niveau individuel, avec son groupe familial/amical/ voisinage/village/ville/... ; avec ce gouvernement et ce Président ; avec le reste de l'humanité.

Le monde va bien, les virus font partie de l'écosystème du vivant sur cette petite planète! L'humanité a déjà survécu à de nombreuses pandémies, à plusieurs glaciations et réchauffements. Nous ne vivons en ce moment qu'un épisode de plus d'une série commencée il y a …?

Et dont nous ne sommes, nous humains, qu'une des saisons.

P S: Je n'ai pas ma carte à L R E M !:))

Yve Bressande.

***

Cher Yve,

Merci pour cette pensée “polémique”, indiquant que nous ne changeons pas de chevaux au milieu d’un fleuve torrentueux. C’est le sens du message du chef de guerre, “il faut faire bloc”…

Justement, te connaissant depuis longtemps, tout en comprenant le fond de ta pensée, ne pas se disperser en pandémie, je rappellerai que nous avons droit de contester le chef qui ne nous a pas armés à affronter le ‘méchant’ virus.

Il n’a pas écouté le bloc opératoire, les personnels soignants, les sans-dents. Je pense que je ne suis pas le seul à sortir des rangs. L’ordre des jeunes médecins, de nombreux soignants, des héros en blouse de toutes les couleurs, l’ont fait aussi.
Tout comme ceux qui ont accompli leurs devoirs civiques pendant les élections municipales, qui ont infecté des gens soucieux, je cite le chef d’état, de “prouver que la France peut faire un exercice de démocratie en temps de pandémie”… Chacun appréciera si cela était si nécessaire…

Hier, l’Académie de Médecine a désavoué le chef de l’état sur le port des masques, arguant que même les personnes non infectées devraient les porter. Le droit du bon sens et des études face au virus doivent aussi faire partie des dispositifs permettant de ne pas avancer sans esprit critique face à la plus grande crise des temps actuels.

Il est urgent de dire que le chef se trompe, pour sauver des vies. Cette contestation du chef de guerre est essentielle quant l’armée avance désarmée et se jette dans la gueule de la mort. Il ne faut pas, pas plus ici qu’ailleurs, des sacrifiés au nom d’un état qui n’a pas cessé de précariser ses services publics au nom des sacro-saintes économies et lois du marché. Pour preuve qu’il est salutaire de ne pas faire bloc derrière le chef, il s’est lui-même contredit en disant qu’il augmentait le salaire du personnel soignant, il a révoqué la réforme sur les retraites passée en urgence par le 49.3 et même s’il n’utilise pas le terme confinement comme Trump, son gouvernement le réalise dans les faits, le pays est confiné…

J’ajoute, sans te contredire sur le fait que les chefs d’état ont été dépassés par cette pandémie, dans leur immense majorité, que justement, parce qu’ils ont été dépassés, il s’agit, tout en appliquant les consignes médicales et autres, de ne pas les laisser nous fourvoyer encore.

J’en veux pour preuve, par exemple, qu’au Brésil, où le chef a décidé de ne pas confiner son pays, pour des raisons économiques, chaque soir, les brésiliens tapent sur leurs casseroles, non pour saluer les héros en blouse blanche mais pour contester les décisions contestables du chef. Les favelas se sentent laissés pour compte et ne Font pas bloc avec un chef qui ne cache pas son appétit pour le profit sans modération.

On citera aussi Trump dans la même perspective, qui blâme les gouverneurs des états (il critique lui-même ses sous-chefs) dans la crise du coronavirus, arguant du fait qu’ils n’ont pas constitué des stocks de masques, alors que sa visée était de contrer l’état-providence et de livrer la santé encore plus au privé…

On peut critiquer, me semble-t-il, tout en suivant les consignes scientifiques du pays, justement, pour sauver des vies, car réfléchir n’est pas une activité qui est mise sous éteignoir en temps de pandémie.

J’espère que nous pourrons être d’accord pour être en désaccord sur ce point.

Avançons ensemble, mais sans un réflexe pavlovien.

Je sais que tu serais d’accord avec moi sur ce point cher Yve…

Prends soin de toi et des tiens.

Et fais bloc avec nous pour rester en vie.

© YB et KT, 4/4/2020, après-midi

CHRONIQUES AUX TEMPS DU CORONAVIRUS. JOUR 19

Aujourd’hui, au jour 19 de nos CHRONIQUES AUX TEMPS DU CORONAVIRUS, nous accueillons un texte de Roland Dauxois, poète et peintre lyonnais. Bonne lecture à vous.

TEXTE 1 :

L’être tremble, la forêt vibre.
Vivons cet instant
comme nous aurions dû vivre
chaque instant de nos vies :
une grâce, un sursis,
entre deux rives,
entre deux rires.

L’être tremble, La forêt vibre.
Entendez-vous le chant de l’oiseau en nos villes ?

Le vacarme de nos vies en avait assassiné la joyeuse présence.
Entendez-vous ce frémissement
qui se propage dans les grands arbres bourgeonnants ?
Sentez-vous sur votre visage la caresse du vent ?

La vive morsure du froid,
la chaleur fugace d’un soleil qui passe la barrière des nuages ?
Entendons-nous la vie ?
Cette vie qui résiste et bat résolument à nos tempes.

L’être tremble,
la forêt vibre

L’être tremble
la forêt vibre,
et nous, derrière nos fenêtres, notre porte,
nous attendons l’aube,
le signal pour sortir
alors que notre esprit est depuis si longtemps enfermé.

***

Merci cher Roland, ce poème m’inspire ces mots qui me déconfinent mieux que les mots jetés par les vigiles démasqués des tubes cathodiques :

Je prends part à la vie,
Au souffle du vent,
Aux scellés du temps
Sur la fin d’une époque.
Il est temps de revenir au troc,
Pollen sur l’aile de l’abeille,
Plancton sur l’écume des jours.

L’arbre bourgeonne, c’est l’instant
De la grande humilité des feuilles,
Des failles entre pétales et beauté.
Je sais qui caresse le vent,
Cher Roland,
C’est l’oreille du poète suppliant l’éternité.

© RD et KT, le 5 avril 2020.

CHRONIQUES AUX TEMPS DU CORONAVIRUS, JOUR 20. Texte 1.

https://www.facebook.com/khal.torabully/videos/10222830095164727/?t=23

Suite à une vidéo qui m'a ému...
Merci à Ana Mafalda Leite de me l'avoir envoyée.
Voici les mots bruts que ces images m'ont inspirés:

Merci chère Ana,

Je suis confiné, j'écris, je médite, mais est-ce vraiment nouveau pour moi ? J'ai à peu près vécu comme ça. Je suis inquiet pour les autres, mes enfants, mes proches, mes amis et amies.

Je continue mes chroniques, je réfléchis et constate des décalages entre le monde et les humanités. Cela me terrifie parfois, mais je me dis que c'est la condition humaine.

Je continue...
Quand je vois ces images d'Italie dans cette vidéo, quelle nostalgie!

Cela me ramène à mes nombreux voyages, des plages où j'ai été, où j'ai mangé des glaces avec mes enfants, des odeurs de pizza, des saveurs de glaces, parmi lesquelles le melone ou une glace à l'orchidée à Palerme, que j'avais suggérée à un glacier et qui l'a réalisée... Et les pasta à Trapani, l'huile d'olive à côté des salines...

Cela me semble irréel, insoutenable parfois.

Des images du Portugal m'auraient fait le même effet.

Les voyages me manquent.

Mais j'en ai fait beaucoup et cela me tient compagnie.

Actuellement, je pense à un voyage au Sahara, avec mon fils, qui vit à Singapour, et où une deuxième vague du coronavirus est annoncée. Demain, le gouvernement annoncera de nouvelles mesures pour des confinements localisés. On dit là-bas que le virus a contaminé les ouvriers du bâtiment, la plupart étant des bengalis.

Ma perception actuelle est que j'écoute un grand silence, comme dans un studio, où quelque chose va se dire.

Une grande libération...

Un éveil des humanités à une conscience humaine, solidaire, à une sagesse, comme couronnement de ce confinement qui touche la moitié de la planète.

Le monde à l'arrêt...
Pas un avion.
Parfois un hélicoptère passe, peut-être avec un contaminé à bord.

J'entends des enfants jouant dans la cour d'à côté, des chants d'oiseaux que je ne connais pas.

C'est curieux, avant ce confinement, j'avais eu une sensation étrange, quelque chose qui me revenait du fond de mon enfance.

C'était pendant la guerre civile à l'île Maurice, c'était avant l'indépendance. Très sensible déjà, écrivant des poèmes dans des petits carnets de l'imprimerie de mon père, je ressentais quelque chose de lourd qui flottait dans l'air. Comme l'imminence d'un malheur.

J'ai dit ça à mes amis, quelque chose est là, je le sens...

Oui, cette chose est là, il est autour de nous.

Et je m'étonne que beaucoup ne le sentent pas, ne le méditent pas, étant dans l'impatience de revivre la vie d'avant.

On a tous et toutes ce désir.

C'est humain. Comme de voyager à nouveau en Italie, au Sahara ou au Portugal.

Mais, le devons-nous, comme si de rien n'était?

Le pourrons-nous aussi?

Et si dans ce voyage immobile du confinement, nous allions vers un autre monde, intérieur d'abord, et extérieur, ensuite?

Et si c'était cela le sens de la nostalgie que j'ai vécue en ces temps de confinement, en traversant le temps et l'espace dans la baie de Naples, à Capri, à la côte d'Amalfi, à Rome, à Milan ou à Turin?

C'est peut-être un peu le sens de cette pandémie que je vis entre moi et le silence, sachant, comme le disait Antoine Vitez, que je suis fait "du bruit des autres"?

Porte-toi bien chère Ana, dis bonjour au pays de Pessoa et méditons le bruit assourdi du monde...

Italia bella...

Khal

Parole de Grenade, Andalousie.

JOUR 23 des CHRONIQUES AUX TEMPS DU CORONAVIRUS

Chères ami.e.s, aujourd’hui ce poème en temps de confinement d’un poète et réalisateur andalou, Miguel Angel Martinez Venegas que j’ai rencontré lors d’une conférence que j’avais faite à l’Alhambra il y a plusieurs années. Il était question de migrants et de réfugiés dans la Méditerranée. J’ai lu son texte dimanche dernier, et je l’ai aimé.

Je l’ai traduit en français. Je vous invite à lire ce texte écrit dans ces temps de pandémie, un texte sensible et empli des sensations de l’Andalousie que je porte en moi. Je répondrai au texte de Miguel Angel Martinez Venegas après.

Ma maison l'oiseau et mon arbre.
Mon chez-moi couve une révolution
les jouets se sont révoltés
occupant chaque espace
Les enfants continuent de jouer
Pas de soucis.
Aujourd'hui, dimanche, pas pressé
sans tâches prise de tête –
- Dépêchez-vous, des engagements…
Midi sans messe
la ville sans cloches
les balcons sans bouquets
les balcons avec des palmiers
où chaque après-midi on applaudit
dans un rituel entre voisins, disant MERCI,
pour à leur tour effrayer ce mal.
Les hirondelles ne comprennent pas :
Du sud au nord tout le monde est confiné.
Le reflet sur la fenêtre,
la tasse, les cuillères et le miroir.
Je me vois en toi et en chacun des enfants qui en ce moment révèlent
une compréhension au-delà de tout.
Ils prennent des cours à la maison
pas seulement en physique ou en maths
mais aussi à l'école des émotions où l'expression est libre -
et les partager un privilège.
Voyager tous les jours dans d’autres états
tristesse, colère, joie
quel que soit l’âge
entre l'enfance et l'adolescence.
Impulsion explosive des fleurs du printemps.
A l'intérieur de la maison, sans fuites à l'extérieur
se trouve la liberté,
toujours assise dans chaque pièce
où sans répression
les rêves avancent.
Et tout a du sens
l'équilibre de l'équilibre
laissant le poids de côté,
avoir la possibilité de se réconcilier
avec nous-mêmes, en toute conscience.
Le navire de notre maison
décampe vers d'autres mondes,
sans oublier celui-là qui souffre.
Le toit a déployé ses deux ailes
tuiles, plumes qui broutent le ciel
Je chante ce qui maintient les murs,
pleurant que chaque matin s'écoule par les fenêtres
ouvrant les portes sans serrures,
ces piliers qui soutiennent la structure
comme un tronc enraciné.
Le présent
sans lieu ni continent
sans vérités absolues,
un arbre de changement constant -
au centre, un coeur en feu
qui avec les cendres paie la mémoire,
il grandit très lentement
avec des branches pleines d'espoir
nées d'un simple câlin.
sans oublier celui qui souffre…

Poème de Miguel Angel Martinez Venegas, en espagnol, traduit en anglais par l’auteur (les voir après mon texte dans ce post) et traduit en français par votre serviteur.

© MAMV et KT pour la traduction française

Cher Miguel Angel,
J’ai connu les Andalousies avec l’impression d’avoir manqué tous mes rendez-vous avec la Beauté.

C’était en 1999. Je tournais un film sur les routes de la soie.

Quand j’ai vu l’Alhambra, j’ai redécouvert la beauté de mes yeux, ceux, intérieurs, qui me permettent de tant voir dans une seule journée.

J’ai traversé la Cour des Lions, des patios fleuris, des portes ouvragées sous le soleil écrasant et parfumé de midis blancs.

J’ai marché à l’Albaycin, visité les bains maures et arpenté des escaliers fossiles menant au mirador de San Hiéronimo.

J’ai marché sous la pleine lune de Lorca, entre la porte des poètes fous et des poètes assassinés, entre la Madrassa et la statue de Colon.

Grâce à ton poème, j’arpente l’Andalousie en confinement.

J’entends le silence des balcons fleuris.

Les murmures des enfants devant un calcul énigmatique.

J’entends tes pensées revenir au port des mémoires vives.

Nos confinements sont reliés, nos silences nous unissent par-delà nos patios et frontières;
nos Andalousies nous parlent.

Depuis la Porte de la Justice aux stucs des abeilles.

Depuis la main de Fatma qui a attrapé la clé, réalisant la prédiction, aux grottes des gitans éberlués de vivre un autre confinement dans le confinement, là-bas au Sacromonte.

C’est d’ici que j’ai vécu la plus belle vue sur l’Alhambra, en contrebas des cactées et épines d’aloé vera.

Tu vois, cher poète, tu es là, ici, je suis avec toi, là-bas, aux moments où tout semble si proche et lointain à la fois.

Comme toi, il y a cet espoir de retourner vers moi, vers nous, vers un monde intime que l’Andalousie a exprimé dans le dernier soupir de Boabdil, ce dernier Sultan de Grenade, qui en quittant son Andalousie aurait poussé l’ultime soupir du Maure. On ne quitte pas Grenade sans un soupir de regret, on n’y revient pas sans un autre soupir exalté.

Est-ce cela que j’entends en moi en ce moment de confinement, cher Miguel Angel, ce soupir me disant que nous avons peut-être perdu un monde, en pleurant, comme un marchand sans âme, un monde que nous n’avons pu défendre comme un humain?

Pour moi, en te lisant, c’est ce que je ressens au plus profond de moi.

En espérant ne pas être le dernier des Abencérages, en gardant cet espoir de me perdre à nouveau dans les bouches liquides des lions de pierre, au patio des ombres rayonnantes de Grenade.

C’est à l’Alhambra, si propice à la beauté de l’introspection, dans la salle des ambassadeurs, que j’arpente le monde en nous, dont les échos s’enchâssent, comme les zelliges, de Grenade à Séville, de Cordoue à Fès, de Malaga à Tanger, Tunis, Tlemcen et Agadir.

Mes Andalousies… Nos Andalousies…

Merci cher poète de cet écho qui fait de moi un andalou d’adoption au pays des poètes.

Un pays, que tu définis si justement un dimanche où les ports sont vides et tellement chargés de départs vers l’imaginaire et la fraternité…

© KT, 8/4/2020

Version originale du poème et sa traduction en anglais par l'auteur

Mi casa pájaro y árbol. Dentro hay una revolución los juguetes se sublevaron tomando cada espacio los niños siguen jugando sin preocupación. Hoy, domingo sin prisa sin ansiosas tareas apurados compromisos las doce sin misa la ciudad sin campanas los balcones sin ramos los balcones con palmas que cada tarde aplauden en un ritual de vecinos agradeciendo a su vez espantando a ese mal que las golondrinas no saben por que de sur a norte todo el mundo está encerrado. El reflejo en la ventana, la taza, las cucharas y el espejo me veo en ti y en cada uno de los hijos que en éste momento revelan una comprensión más allá de todo dando lecciones en casa no tan sólo de física o matemáticas sino en la escuela de las emociones dónde la expresión es libre y el compartirlas todo un privilegio viajar cada día por diferentes estados tristeza, rabia, alegría con distintas edades entre la infancia y la adolescencia impulso explosivo a flor de primavera dentro de casa sin fugas al exterior se encuentra la libertad sentada siempre en cada habitación dónde sin represión los sueños avanzan y todo cobra sentido el equilibrio de la balanza dejando el peso atrás teniendo la oportunidad de conciliar con nosotros mismos, en conciencia la nave de nuestro hogar despega a otros mundos sin olvidar lo que éste está sufriendo el tejado ha desplegado sus dos alas tejas, plumas que rozan el cielo canto que guardan las paredes llanto que cada mañana escurre por las ventanas puertas abiertas sin cerrojos pilares que sostienen la estructura como un tronco enraizado al presente sin lugar ni continente sin verdades absolutas un árbol de cambios constantes en el centro un corazón de fuego que con ceniza abona la memoria y muy lentamente crece con ramas esperanzadas de un simple abrazo.

My bird house and tree.
Inside is a revolution
the toys revolted
taking up every space
The kids keep playing
No worries.
Today, Sunday no hurry
without anxious tasks
hurry up commitments
the twelve without mass
the city without bells
the balconies without bouquets
the balconies with palms
that every afternoon applaud
in a ritual of neighbors thanking
in turn scaring that evil
that swallows do not know why
from south to north everyone is locked up.
The reflection in the window,
the cup, the spoons and the mirror
I see myself in you and each of the children that at this moment reveal
an understanding beyond everything
giving lessons at home
not just physics or math
but in the school of emotions where expression is free
and sharing them a privilege
travel every day in different states
sadness, anger, joy
with different ages
between childhood and adolescence
Explosive impulse to spring flower
inside home without leaks outside
is found freedom
always sitting in every room
where without repression
dreams move forward
And everything makes sense
the balance of the balance
leaving the weight behind
having the opportunity to reconcile
with ourselves, in conscience.
The ship of our home
take off to other worlds
not forgetting what this one is suffering
the roof has deployed its two wings
tiles, feathers that graze the sky
I sing that keep the walls
crying that every morning drains through the windows
open doors without locks
pillars that sustain the structure
like a rooted trunk
The present
without place or continent
without absolute truths
a constant change tree
in the center a heart of fire
that with ash pays the memory
and very slowly grows
with hopeful branches
from a simple hug.

JOUR 25 de nos CHRONIQUES AUX TEMPS DU CORONAVIRUS.

Aujourd’hui un cri du cœur d’une artiste de Nador, ville marocaine proche de Melilla (enclave espagnole), où a lieu de Festival de Cinéma de Nador chaque année. Une ville qui m’est chère. Lisons ce texte, comme un cri d’amour à une ville aux matins du Covid-19. Je converserai avec ce poème frais de Fatiha Belkhir, vivifiant comme la brise marine de cette ville tranquille, aux brochettes et poissons savoureux.

Le confinement .
J'ai la nostalgie de toi
Ô ! Nador .
De ta mer blanche!
Tout en rêvant :
Que tu me prennes un jour:
Dans tes bras
à bras le corps !
Je te vois dans mes rêves, les pieds nus
Tu n'as point de chaussures pour venir me voir
Tout semble stagnant et mort !
Mais je rêve
Je rêve quand même.
Oui, je rêve de toi
Pour embellir ma pâle mine:
Tel un mort-vivant :
Derrière les barreaux
Dans le noir d'un cachot
D'un confinement
D'un covid 19
Qui fait la loi
Sans pitié
Sans couleur
Sans identité
Sans passeport !
Ô ! Nador .
Quelle connerie la pandémie !!!

Que la brise de ton Mar chica bleue
Passe sur mon front ses mains douces
Que le vent qui caresse ses eaux
Souffle sur mon âme chagrinée !
Les parfums des poèmes d'Al-Andalus
Et ceux des piments des routes de Soie
Pour que je puisse naître et renaître encore!!
J'ai follement envie de toi, Nador
Mais que cette torture cesse
Je n'ai ni notion du temps
Ni celle de l'espace.
Mon physique et mon être psychique
Se métamorphosent !!
Nador , ville muette
Je hâte de revoir
De sillonner :
Tes rues et ruelles
Tes places et placettes
Dès que ce monstre aura cessé de construire:
Son empire.
Et que la forêt serait lavée
Et que l'oiseau cesse de parler de moi
À sa copine :
Voila la race des pollueurs
Les ingrats
Qui ont mis nos forêts en deuil
Qui nous ont fait souffrir
Qui nous ont malmené.

Voila Corona, elle vient leur montrer le chemin
Et les mettre sur les rails
En leur rendant la vie amère
En faisant de leurs saluts et bisous des revolvers !
Nador, mon amour, je sais qu'on se verra
Oui on se verra un jour
Et j'embrasserai chaque grain de sable
De tes plages basanées :
Tcharrana .
Tiboda
Arkmane !

J'embrasserai chaque arbre de Gourougou :
Au sourire doux
Au sourire mystérieux
Et tout rentrera dans l'ordre
Tout deviendra comme un conte :
Il était une fois un virus nomade
Qui désunit puis réunit le monde…

CORONAVIRUS
OU COVID 19........
© F.B, 10/11/20

Chère Fatiha,
Je me retrouve dans ce cri poétique, cette impatience de retrouver Nador. Vous y êtes, moi, j’y demeure un peu.
Un ami d’ici m’avait raconté que le dernier Sultan de Grenade, l’infortuné Boabdil, aurait abordé les rives d’ici en 1492. Après avoir poussé son célèbre « dernier soupir du maure », comme le je l’ai dit en conversation avec Venegas, poète de Grenade, dans une chronique postée sur mon mur. J’ai écrit, pastichant la légende de ce soupir, l’étendant à la pandémie, puisqu’elle touche nos poumons et notre respiration : « Pleurons-nous comme un marchand sans âme ce monde que nous n’avons pas pu défendre comme un humain » ? Sommes-nous tous des exilés en confinement, ou un peu un réfugié dans nos maisons ?
Boabdil à Gourougou, ce mont où courent des singes chapardeurs et où se faufilent des malheureux du Sahel, espérant passer à Melilla et en Europe. Je ne sais pas si c’est avéré, mais c’est bien possible, le petit Sultan à Nador. En tout cas, une part de mes Andalousies se niche ici, de cette vue surplombant la Méditerranée imperturbable. Elle en aura vu des épidémies, des pandémies, des actes de piraterie, comme actuellement, pour les masques et les matériels médicaux... En effet, des pays bloquent ces denrées que le Codiv-19 a rendu précieuses, mettant en lumière la veulerie humaine.

Qu’aurait dit Boabdil en pareil moment ? Aurait-il défroissé son burnous d’exilé devant les déchirements des hommes, ceux qui partent à la conquête du monde et qui s’étrillent devant un masque capable de sauver une vie, si on n’est pas déjà dans le sillage d’un postillon ou d’un éternuement ? Aurait-il serré la main au premier passant venu l’accueillir ici, au bord de la mer ? Aurait-il parlé avec les pêcheurs nadoriens, penchés chaque jour sur leurs filets colorés, rêvant de dorades ou de sardines pêchées dans la Mar chica, cette lagune maintenant devenue réserve de biodiversité ?

Chère Fatiha, j’ai connu cette ville il y a environ 8 ans. C’était une bourgade tranquille, sans le front de mer à l’allure cannoise où j’aime me promener quand je suis dans votre ville, pour le cinéma, des tables-rondes ou des conférences. J’aimais aussi aller au coin « camarguais » à l’écart de l’animation, vers notre « studhôtel » Le Sélect, admirant les grues ou les flamants.
Nador ma belle…

J’aime aussi votre marché où les olives sont empilées délicatement comme des faïences fragiles, gourmandes. J’aime les croquer, parfois avec la pâte pimentée et le citron confit, pour accompagner le couscous du vendredi. Au bout du marché, j’ai mon petit restaurant de pêcheurs, des sardines grillées sur de la braise, servies avec des frites à tomber par terre, une salade de tomates avec menthe et coriandre, et de la bonne huile d’olive, le tout arrosé du thé à la menthe dont les marocains ont le secret. Comme vous, tout cela me manque, cette ambiance conviviale, chaleureuse, familière… Nador, mi amor.

Votre cri, demandant un retour au jour d’avant, sera-t-il entendu ? Mais que signifie le jour d’avant pour nous tous et toutes? Certains se demandent s’il est souhaitable de retrouver nos erreurs, nos faillites humaines, nos cupidités, nos consommations effrénées ? Bien entendu, j’aimerais retrouver Nador avec cette profondeur de vie, de joie, de générosité que j’ai connue ici et qui me manque. Cela n’est pas questionnable. Mais ce Covid-19 a déjà modifié le visage de beaucoup de villes, de pays. Mon ami d’Agadir, Omar Abdouh, s’en est fait l’écho hier, lors d’une conversation sur le confinement.

J’ai, aussi, parlé hier avec le notaire Abdelaziz Sekkat, notre formidable président de la Maison de la Sagesse de Fès-Grenade, qui m’a appris que le loyer des Habous (propriété de l’état) sont gratuits, que l’on ne peut pas couper l’électricité aux démunis, qu’une aide financière est donnée à tous les précaires du pays, que l’on fait la queue pour aller à la boulangerie, que les hôpitaux mis à la disposition de la population ont de la chloroquine, fabriquée au Maroc et des équipements de pointe pour sauver des vies, que le Maroc fabrique des millions de masques, qu’il pourrait exporter partout ailleurs, jusqu’en Allemagne, que le pays construit des respirateurs... Un élan solidaire qui nous rassure.

Et si le jour d’après pourrait nous donner cette sagesse en temps de pandémie, ici et ailleurs, pour dépasser nos cupidités habituelles ? La solidarité est bien là, la sagesse aussi, et on ne cède pas à la panique à Nador et dans les autres contrées du royaume. Ce covid-19 nous parle au plus profond de nos sociétés et nous inspire à penser une vie d’après.

Et je voudrais revenir à Nador, voir ses plages, ses enfants jouer au ballon près des bateaux bleus et aux couleurs vives, avec la mémoire d’avant la pandémie, certes, mais aussi avec celle pendant et après le Covid-19.

En attendant, portez-vous bien, embrassez vos élèves piailleurs de l’école primaire, continuez à peindre et à écrire pour nous. C’est dans cette trace que nous esquissons tous et toutes que le coronavirus pourra parler aux générations futures. Bon confinement à vous.

© KT, 10/04/20

EN CE JOUR 26 DE NOS CHRONIQUES AUX TEMPS DU CORONAVIRUS

Comme de coutume, nous nous ouvrons à d’autres voix pendant le confinement. Pour le rendre palpable en des endroits divers.

Je vous invite à lire ce texte fort venu de ce pays dont on entend rarement parler durant la pandémie.

Voici le texte de Constantin, que j’ai traduit de l’anglais, qu’il a lui-même traduit du roumain.

LA MORT EST UN STRIGOL D'UN AUTRE UNIVERS

quand j'étais jeune, je pensais que j'écrivais pour vaincre la mort
que j’en portais un peu dans ma poche de chemise,
parmi les cigarettes les préservatifs bonbons
bourgeons de sapin et cartouches usées

mais la mort est un mort-vivant d'un autre univers

plus tard j’ai essayé d'écrire pour apprivoiser la mort
celle qui est plus vivante à la lumière des yeux
cherchant désespérément à toucher ses courbes félines
et arrêter son saut suicidaire parmi les branches du noyer
celle disparaissant d'un arc-en-ciel à l'autre

mais la mort est un mort-vivant d'un autre univers

maintenant, quand le printemps est plus vivant que jamais
et la mort danse le flamenco autour de moi
frénésie saupoudrant des cadavres scellés dans des sacs en plastique noir
Avec des objets intimes et des téléphones qui continuent de sonner
Je sculpte chaque lettre cuite de sang chaud,
essayant de l'aimer avec toute la haine du monde

mais la mort est un mort-vivant d'un autre univers

Suceava, 7 avril 2020

(c) CS, traduction de KT

***

Cher Constantin,

Lors de notre échange, tu m’avais donné de bien tristes nouvelles de Roumanie. C’était il y a quelques jours. Tu m’écrivais ceci : « La situation en Roumanie: 5.202 malades et 229 morts, dans ma ville, Suceava, la situation est plus grave, environ 1500 malades et 60 morts, nous sommes en quarantaine totale
Dans l'hôpital la situation est très grave, depuis 3 semaines, il y a environ 400 cadres médicaux infectés »…

Je comprends, sans comprendre tout à fait, ton désarroi, et ta réponse poétique à cette situation déroutante.
J’ai d’abord été interpellé par le mot strigol ou strigoï, j’ai d’abord cru que strigol était en fait « struggle », signifiant « lutte » en anglais. Je t’ai demandé le sens de ce mot, mais j’ai « googlé » pour débusquer le sens de ce terme.
Strigoï, prononcez strigol, me dit Wikipédia est un pan du discours national roumain avec la mort, mais une mort hybride, entre mort et vivant.
Lecteurs, suivez mon regard… On arrive au Comte Dracula dans son célèbre château de Carpathes, popularisé par Bram Stoker et repris à l’écran par Christopher Lee. Ces films d’épouvante étaient célèbres dans mon île natale, et le vampire fait partie de mon imaginaire profond.
Wikipédia explique que : « Les strigoi… sont des créatures mort-vivantes qui font partie du folklore roumain. Généralement, les « strigoï » sont des âmes troublées qui sortent de leur tombe et reviennent tourmenter leurs proches. Le terme désigne une sorte de revenant avec un corps physique, sans être pour autant un zombie. Avec la popularisation du mythe de Dracula et le fait qu'ils aspirent l'énergie vitale de leur entourage, les strigoï sont apparentés aux vampires ».

J’utilisais les mots vampires, zombies, morts-vivants, mais j’ignorais strigol. Merci de m’avoir appris le mot strigol, un mot métis de l’entre-deux, mort et vivant, ni mort, ni vivant… Un être entre deux univers, dans l’entre-deux de la vie et de la mort, et qui se nourrit des morts pour s’étendre dans le monde des vivants.
Ethymologiquement, il vient de « styge », qui désigne un autre habitant connu de nos îles, le loup-garou. Ce champ baigne encore, de nos jours, l’imaginaire du monde.
C’est ce que ce poème que tu as écrit m’apprend, en sus de sa charge émotionnelle et esthétique. On est amené à parler avec les strigols et, pour te citer, « à les aimer avec toute la haine du monde ». Dans ce seuil incertain, on pourrait peut-être aussi les haïr avec tout l’amour du monde. Même si cela dépasse nos limited humaines…
Strigol… Le Covid-19 pourrait s’appeler ainsi étant dans l’air, prêt à fondre sur vous à un moment d’inattention. Il se repaît de nous, pour contaminer ailleurs, il est un passe-frontières et vampirise nos instants. Comme Dracula en quelque, nous vivons en confinement, au seuil incertain entre la vie et la mort. On nous interdit de franchir nos seuils sans le laissez-passer qui nous empêche d’aller contaminer les autres.
Le strigol n’est pas sans nous rappeler la chauve-souris, figure du vampire connue, celle qui à Wuhan, nous dit-on nous a transmis le strigol de la globalisation. A moins que ce ne soit l’infortuné pangolin, qui lui, est appelé à côtoyer la chauve-souris dans la galerie des épidémies.
Il est intéressant de constater que comme le vampire, la chauve-souris est une création métisse, entre l’oiseau et le mammifère, dormant, comme on le sait, la tête en bas, se fiant à l’ouïe pour se guider par l’ultrason… Une créature que l’on associe aux bas-fonds de nos consciences, et pourtant, la chauve-souris est un animal qui nous aide dans nos vergers, même si elle nous pique nos mangues et nos letchis. Elles peuvent nous débarrasser des insectes nuisibles.
Mais je m’éloigne du strigol.
En fait, Dracula est un noble et n’aurait pas dédaigné d’être l’alter ego du virus à couronne. On le voit dans le film remanié intitulé « Entretien avec un vampire, 1994, qui a rapporté quelque 224 millions de dollars), que Brad Pitt mène une vie princière et suce le sang de charmantes créatures qui souvent succombent à son charme. Je me rappelle ses yeux injectés de sang, ou ses dents pointues de Dracula, que nous imitions gamins, pour nous faire peur… Films d’horreur, films nous plongeant dans l’univers glacial des morts sombres.
Oui, strigol est un mot qui m’interpelle. Nous sommes, devant la pandémie, entre la mort et la vie. Tout en nous barricadant de nos postillons et respirations, l’essentiel est de continuer à avoir un « entretien avec le vampire », au fond de soi et au-delà. Car, pour citer Albert Guignard, il nous faut « converser avec le covid-19 », sous le nom de strigol ou de « struggle », de mort-vivant ou de vampire. Tous les vampires, y compris ceux de la finance ou d’autres activités mortifères en plein jour.
Converser, justement, au moment où je termine ce texte, miracle de la connectivité, tu m’écris par messenger, à midi (authentique), l’heure de l’entre-deux, ceci : « …maintenant 5990 malades et 282 morts en Roumanie ».

Courage poète, la vie n’est qu’un court instant de l’éternité…

Il nous faut la poétiser, même quand nous marchons sur la tête dans un monde où nous devrions cesser nos haines et nos guerres pour nous penser frères des chauves-souris ou des pangolins et de nos strigols humains.

© KT, 11/04/2020, fin de texte 12 :05

Chères amies et cher amis, en guise de chronique aujourd’hui, cette conversation entre des textes poétiques sur les routes de la soie, en souhaitant JOYEUSES PAQUES à celles et ceux qui les célèbrent aux temps du coronavirus. Que Lumière soit ! Nous arpentons ces routes qui ont fait nos humanités communes, à un moment où nous devons retrouver le sens de nos vies te les chemins de nos espérances.

CHRONIQUES au JOUR 27, dimanche de Pâques

Cet échange est accompagné d'une vidéo où Ahmed, artiste et poète tunisien vivant en Italie, déambule. MERCI de m'avoir fait partager cette marche de déconfinement, cher Ahmed...

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Textes inédits de Ahmed Ben DHIAB, avril 2020

Il me reste d’être le sourire de ton visage parmi les étoiles
D’être mille fois plus caresse que lumière
D’être toi et encore toi souffle

Dans ta présence-absence confinée

Sur les rives de l’encens
moi et toi à Samarkand avant la rose
Je nous vois danser avec la rose de Damas ------------

Lire les pierres patientes le lieu de toutes les naissances
retrouver le premier regard
la première écoute de ce qu’est le multiple le divers la présence du Vivant
qui peuple notre traversée
explorer d’espace en espace
le matin le brasier la neige la brume les oiseaux l’océan
les ombres la lumière
sommes-nous le chemin la marche le souffle la mémoire
l’instant et l’éternité la nuit et l'aurore
l’azur la rosée l’oiseau et son silence
sommes-nous chaque saison et sa respiration
autres commencements reflet magique de l’image
or azur blanc ton regard dans les pâturages du possible

Ivre rêvant des roses de Saadi
Ivre de l’essence des rêves en paradis retrouvé au fond de soi
de l’âme je parfume le vide
le silence du vivant

Vive levée d’ancre cher soleil poétique
Que la danse continue sa transe
et je nous invite au vendange de nos sourires à la vie vraie
dans l’idée Ahmed IVRE rêvant des roses de Saadi
Ivre de l’essence des rêves en paradis
retrouvé au fond de soi de l’âme -
je parfume le vide.
Le silence du vivant.

***

Merci cher Ahmed pour cette poésie déconfinée, cette poésie partagée.

Ces mots continuent notre dialogue, entre Nador et d’autres lieux.

Me revient une chose que j’ai écrit pour ton livre, que j’ai eu le bonheur de préfacer,
Poème pour Raouda.

Préface que j’ai posée sur le papier sur les routes de la soie, entre Samarkand et Khiva…

AUSSI

Cher Ahmed, en résonance, car les routes sont testament de nos silences:

L’oiseau, l’instant, la rose.
La route de la soie aussi, si je l’ose.
Ecrivant comme un derviche,
Tournant autour de l’unique chose. L'UN. Donc, l'INFINI.

J’aurais voulu imaginer quelque chose,
Un mot infime, à peine sorti
De la matrice de notre poésie,
Comme un sentiment au souffle de Saadi:
«Je vous ai apporté des roses dans ma ceinture close»…

Ce poème, je l’ai médité entre Samarkand et Boukhara.
Lentement, entre la tombe de Nakshbandi
Et le sanctuaire d’Avicenne, à Afshéna.
J’étais seul avec lui. Je parlais au roi de la philosophie.
Et une tourterelle bleue me répondit :
« Et j’écrivis que les roses se souviennent aussi
De ton parfum à l’ombre des rosées ».

Puis passent les feuilles et sombrent les lauriers,
Les fables de Mawlana, les tapis tissés
Entre l’orage des mongols et l’oracle des derviches.
Je lis entre l’espoir et cette rencontre bénie :
Avicenne, et aussi, le magnifique Al Qwarizmi,
Celui qui porta le zéro et le un vers l’infini.
J’ai arpenté les poèmes avec leur Poésie.
Et comme par enchantement, je découvris,
Sur la route arrêtée, le sens du déconfinement promis.

Assis entre mon ombre et ma vie,
J’ai croqué l’amande et le raisin des steppes.
Au cœur de ces routes, cher ami,
J’aurais pris le poète pour un fugitif,
Un liant de faucilles au détour du turnep.
Ou pour un adepte de la fuite aux champs de cèpes.

Mais la rose de Saadi m’a interdit
De brûler le papier de nos intimes cris.
Sur ces routes, il y avait toi, il y avait moi,
Sur ces routes, le poème se lisait dans la soie :
Samarkand est le somptueux caravansérail
Des nomades ; rêvant l’azur au cil des épouvantails.

J’ai comme toi, en confiné, pensé aux roses d’émail,
A la taille des figuiers dans la faille du temps.
Avicenne, Saadi et le Goulistan :
Et le monde s’est livré en poèmes, se souvenant
Que la vie fit de la mort des roses/ sa première entaille.

(c) ABD et KT, dimanche des pâques 2020

CHRONIQUES au JOUR 28, lundi de Pâques

MESSAGE du Président de la Maison de la Sagesse Fès-Grenade, en 28ème jour de nos CHRONIQUES AUX TEMPS DU CORONAVIRUS, vivant à Fès, capitale spirituelle du Maroc.

Maître Abdelaziz Sekkat, doyen des notaires de Fès, où est basée la MDS, nous envoie ce message fraternel et profondément humain, en ces temps où la moitié d l’humanité est confinée et réfléchit profondément à sa destinée.

Lisons maître Sekkat, qui s’adresse à la Maison de la Sagesse, notre maison à tous et toutes:

Chères amies, chers amis de la Maison de la Sagesse Fès-Grenade (MDS),

Bonjour.

Ce confinement de 29 jours, auquel je me suis habitué, m'a servi à ouvrir les yeux sur plusieurs sujets, notamment humanitaires.

Au-delà des malheurs que ce coronavirus cause à tous les peuples de la terre, il y a ces constats à faire, tels que les dysfonctionnements des pays dits puissants, dont les politiques sanitaires laissent à désirer.

Il est apparu clairement que seule la recherche est importante face à cette urgence et que tous les chercheurs, quelles que soient leur nationalité, et leur culture, sont sollicités pour s'unir et trouver un vaccin pour vaincre cette terrible maladie.

Pour ma part, tout cela m'a permis de me fixer et de clarifier ce que nous défendons à la MDS, à savoir les diversités culturelles.

On parle de dialogue, de conflits et de luttes ou de guerres des civilisations.

Or, il n'existe qu'une seule et unique civilisation, l’humaine.

Depuis l'éternité l'homme a toujours construit cette civilisation.

Chaque peuple a sa culture. C’est un fait.

Et c’est justement la coexistence de ces différentes cultures qui sont à l'origine de la richesse de cette civilisation humaine.

Les pyramides, que ce soit en Égypte ou partout ailleurs, c'est bien l'homme qui les a construites.

Tous les humains construisent la Civilisation Humaine.

Les ennemis jurés de la civilisation humaine, ce sont justement: 1 l'ignorance 2 le terrorisme 3 et le sous- développement.
C'est ainsi que l'intelligence et la sagesse d'un intellectuel, d’un artiste, d’un citoyen, d’une citoyenne, quelle que soit sa culture, ne peut que construire, avec les autres, une civilisation humaine.

On peut citer comme exemple de cette observation les multiples cultures et différentes nationalités des ingénieurs de la NASA, qui ont permis à l'homme de marcher sur la lune.

Apprenons maintenant à marcher sur notre planète en temps de pandémie.

Nous y ressentons tous la gravité et la gravitation – la Terre, c’est scientifiquement prouvé, depuis le confinement, connaît une baisse de ses vibrations et du bruit sismiques– face à un virus invisible, qui cloue nos plus formidables machines économiques ou de guerre à terre. Cela devrait non seulement nous inciter à plus d’humilité mais plus de solidarité et de construction commune en tant que Terriens, et non pas seulement comme des nations perpétuellement dans la course aux profits ou en guerres, de façon épidémique. Incompréhensible fuite en avant...

Il nous faut, pendant ce confinement, prendre conscience de notre petitesse et essayer de nous sortir face au virus couronné ENSEMBLE.

Il s’agit, bien entendu, que les réponses des décideurs tous azimuts, des savants, des penseurs, des artistes, des citoyens et citoyennes, soient partie prenante d’une dose de sagesse. Cette sagesse qui a fait la beauté de nos civilisations doit faire partie de nos visions à venir.

Oui, chères amies, chers amis de notre Maison commune de Fès-Grenade, posée sur les deux rives de la Méditerranée, mais aussi connectée à l’Atlantique, le Pacifique, l’Arctique et l’océan Indien, il est temps qu’une conscience du Bien de l’Humain émerge, connectée avec le respect du Vivant.

En effet, la civilisation humaine est bien l'oeuvre de toutes les cultures. C’est une construction des différents peuples. Et la pandémie nous rappelle qu’il nous fait nous sauver ensemble, pas l’un.e contre l’autre.

Nous continuerons, avec vous et toutes les bonnes volontés, cette œuvre de sagesse, afin de grandir ensemble dans cette épreuve.

Paix et Sagesse à nos vies, à nos visions et à nos énergies à mobiliser!

Dans cette volonté commune, je rappelle que pour notre Maison ouverte sur les humanités:

  • Notre fondateur et secrétaire-général, le sémiologue et écrivain Khal Torabully, expert de l’UNESCO pour l’Atlas Interactif des Routes de la Soie, est très actif en ce sens, ralliant ces routes de l’humanité pour y construire notre commune demeure. L’UNESCO nous a signalé son intérêt pour notre œuvre de paix il y a deux ans, presque jour pour jour. Khal était à Samarkand le jour où la nouvelle est arrivée, célébrant le Naurouz ou printemps ouzbék.
     
  • Le Bureau est à l’écoute des propositions et étudie des projets à venir.

Aussi, je me prévaux de cette occasion pour remercier notre sémillant A. Benghazzi, psychanalyste et propriétaire du Palais Shérézade, joyau architectural de Fès, qui nous accueille. C’est un lieu que je vous invite à visiter, une fois que le confinement sera levé. Il nous faut être patient.e.s.

Je salue aussi notre vice-président, Sophie Crolla, styliste, toujours à nos côtés, Taoufik Sbai, architecte et notre trésorier, nos ami.es fidèles de Fès, nos membres d’honneur, dont : l’historien John Wang, à Quanzhou, Nathalie Bléser, universitaire au Nouveau-Mexique, Sandra Rojo Flores,, anthropologue à Grenade, Carmen Espinosa, humaniste de la même ville et d’autres ami.e.s grenadin.e.s et andalous.es, Esther Regina, comédienne de Madrid, Lia Beltramini, femme-courage et réalisateur d’Italie, Erkut Tokman, poète de Turquie, Isrofil Usanov, Consul honoraire de France à Samarkand, A. Al Suheili, rédacteur-en-chef d’Oman, Françoise Souchet, Consule de France à Grenade, Doudou Diene, ex-directeur des Routes de la Soie de l’UNESCO, Moussa Ali Iyé, ex-directeur des mêmes routes à l’UNESCO (ces deux personnalités ont été nos tout premiers soutiens) et nos innombrables soutiens et relais et ami.e.s à Fès et dans de nombreux pays.

Rappelons que la MDS a signé des conventions avec Quanzhou, ville visitée par le globe-trotter Ibn Battuta, avec le Centre International des Etudes d’Asie Centrale de Samarkand, qui opère sous l’égide de l’UNESCO et qui regroupe une quinzaine de pays, avec Sidi Ifni et Agadir, au Maroc.

En octobre 2019, la MDS a été membre-fondatrice de la Coalition des Routes Maritimes de la Soie, réunissant 17 entités et pays, dont Macao, Hong Kong, les Philippines, le Sri Lanka, la Chine, le Pakistan, Singapour et l’Italie.

Notre, votre Maison est ouverte sur le monde.

Oui, nous nous relions à nos richesses et diversités, aux sagesses des individus et des nations, pour une démarche commune plus que nécessaire en ces moments cruciaux.

Car sans la sagesse, ne répéterons-nous pas nos erreurs au lendemain de la pandémie ?

Sujet à méditer chers humains, du Maroc, à la France, de l’Espagne à l’Italie, de l’Ouzbékistan à la Chine, de l’Italie à l’île Maurice…

Nous sommes tous sur le même bateau qui flotte dans l’immensité sidérale.

Courage à vous tous et toutes. Votre souffle actuel est à venir nous est précieux.

Bien solidairement,

© Abdelaziz Sekkat, Président de la Maison de la Sagesse

***

Merci cher Aziz de ces mots, si précieux en ce moment.

Fès, je l’ai vécue comme si c’était mon labyrinthe familier.

Mon chemin de Grenade à Quanzhou ou Samarkand.

Nous nous sommes connus lors d’une rencontre pour le développement et le dialogue en Méditerranée. Fès et Grenade entamaient leur premier contact pour une coopération citoyenne et j’étais heureux d’être présent à ce moment historique. Depuis, la MDS a inspiré de multiples échanges dans ce sens.

Je remercie Carmen Espinosa de m’avoir invité à cette réunion qui m’a donné ton amitié en héritage.

Nous avions continué l’œuvre commencé à Grenade, cinq ans auparavant.

Une Maison de la Sagesse est née à Grenade, car nous constations que sur le chemin où elle s’était engagée, l’humanité était en proie à de nombreuses contradictions, guerres, famines, pauvreté, ignorance, pour ne pas dire plus. Il y avait un cruel manque de sagesse pour se penser comme une espèce humaine.

C’est ce que tu appelles la civilisation humaine. Une vision juste.

Il est significatif que tu rappelles cette donnée fondamentale à un moment de «porosité» entre espèces. En effet, l’on sait que le coronavirus serait passé de chauves-souris ou du pangolin à l’humain. Nous sommes encore en train d’explorer cette contagion d’une espèce à l’autre…

Qu’importe les faits à venir, cette catastrophe nous donne la possibilité de nous penser comme humains, si on veut bien dépasser nos limites géographiques, politiques, militaires, nos cupidités, en somme.

Et il y urgence en la matière. Et ce, à un moment où l’équation entre la santé et l’activité économique semble de plus en intenable, le confinement ne pouvant durer éternellement. Mais, dans la balance, fondamentalement, n’est-ce pas la survie de l’espèce humaine qui doit nous faire pencher du bon côté? La sagesse, c’est œuvrer dans le sens de la Vie, de l’être et non de l’avoir qui détruit tout sur son passage, s’il n’est pas raisonné.

Tout cela doit se méditer dans ce moment où la Terre s’est partiellement arrêtée.

Tu as raison de nous rappeler que les sismologues ont mesuré un silence accru, du fait de l’arrêt des activités humaines pendant le confinement. Il y une réduction dramatique du «bruit sismique», des vibrations terrestres, dont un tiers est dû aux mouvements et activités humaines. Ce sont les sismologues qui ont mesuré ce silence profond. On peut détecter des tremblements de terre, même de faible magnitude, dans ce silence accru.

Un silence rarement atteint depuis peut-être la Révolution industrielle.

Tout un symbole…

Et si nous mettions ce silence à profit, pour nous ressourcer? Pour nous écouter? Pour entendre le chant de la Vie, de la Terre, de la beauté qui est un pilier de la Sagesse? Pour réfléchir ce que sera l’après-confinement, afin que nous ne foncions pas tête baissée dans un modèle de développement suranné, sans respecter les diversités culturelles et biologiques, sans engager un dialogue entre les espèces ? Pour réfléchir à des activités économiques à l’aune d’un partage entre les privilégiés et les pauvres, non plus limitées par la croissance à tout prix mais indexées sur la solidarité et le bien-être à mettre en œuvre dans le respect du Vivant?

La sagesse, c’est la valeur ajoutée à nos connaissances, scientifiques ou non. C’est ce qui nous permet d’utiliser à bien celles-ci. C’est aussi celle qui est à rajouter aux leçons à tirer au cœur de cette crise mondiale. Il nous faut penser demain aujourd’hui.
Et cela, comme une espèce, au-delà de nos entraves meurtrières et égoïstes.

Et le faire avec toutes les cultures, les perceptions, les sensibilités.

Oui, la Maison de la Sagesse, tu as raison de nous le signaler, est ouverte aux rives du monde, aux voix qui peuvent les ensemencer pacifiquement. Nous avons commencé cette œuvre il y a 8 ans, en dépoussiérant le concept de la convivencia expérimentée en Andalousie avec ses hauts et ses bas, qui ne signifie pas exclusivement vivre de façon conviviale, mais «vivre avec l’autre», ce qui reste un défi majeur de la civilisation actuelle, curieusement, dans un monde globalisé et connecté.

Pendant ces 8 ans, nous avons fait des émules, la convivencia étant reprise en Espagne et au Maroc, elle a voyagé jusqu’en Chine avec la MDS. La sagesse que nous avons remise à l’aune des cultures aussi a inspiré plus d’un. En effet, ceux qui pensent le monde constatent qu’il est nécessaire de l’inclure aux élaborations de modes de vie, de pensée, de développements.

La sagesse c’est la valeur ajoutée de la connaissance, c’est la distance et la profondeur qui nous permettent de mettre savoirs et connaissances en relation avec le bien fondamental, ne serait-ce que sous l’angle du bon sens ouvert sur le bien de toutes et tous.

Et il faut qu’elle inonde les esprits et les cœurs des citoyens et citoyennes, des chercheurs, des artistes, des décisionnaires. Il en va de la survie de la civilisation humaine.

Merci cher Aziz de ce message inspirant.

Avec ta formidable énergie et désir de semer les graines de la paix en temps de pandémie, nous continuons cette œuvre fondamentale, avec l’intérêt de l’UNESCO, qui sera encore plus nécessaire pour penser le monde de l’après-crise. Nous pensons, à vrai dire, la catastrophe afin que les jours d’après soient différents des jours d’avant…

Mes salutations à Fès, et à tous/toutes nos ami.e.s sur les rives du monde.

Courage, paix et sagesse à toute l’espèce humaine. A notre civilisation…

© Khal Torabully, 13/04/20

CHRONIQUES AUX TEMPS DU CORONAVIRUS JOUR 29

Chères amies, chers amis, voici nos CHRONIQUES AUX TEMPS DU CORONAVIRUS JOUR 29. SUITE AU TEXTE D'HIER, UNE CONVERSATION AVEC ANNE BOURREL, ROMANCIERE ET DRAMATURGE.

Aujourd’hui, nous proposons un commentaire de la romancière et dramaturge Anne Bourrel. Il exprime une réaction au message du président de la Maison de la Sagesse Fès-Grenade et à ma conversation avec son texte, partagé hier, dont lien est à la fin de mon texte.

Disons-le d’emblée, ce message d’hier a fait de nombreux heureux.

J’ ai eu plusieurs témoignages, parfois sur mon mur, en MP ou sur d’autres murs. Aujourd’hui, voilà ce qu’en dit Anne Bourrel:

«Magnifique texte.
Justement je n'arrête pas de penser à ça: pour la première fois dans l'histoire de l'humanité nous sommes obligés de nous vivre comme humains.
Personnellement, il y a longtemps que je pense ainsi.
Je crois en l'humanité.
J'ai une vision globale de notre humaine condition et toujours eu envie de découvrir la culture partout sur le globe.
Je suis donc très enthousiaste enthousiasmée et presque heureuse quand je lis qu'il faut se penser comme espèce.
Enfin !
Enfin !
Est-ce que ce sera l'idée qui définira les siècles à venir ?
Comme l'humanisme fait référence au 16ème siècle italien, le super humanisme dira le 21ème siècle ?
Ojala! Inchallah ! If only!
Et en plus je l'espère !
Bonne journée Khal,
merci pour ce partage,
une éclaircie dans ma journée…
Bonne journée sur notre cher caillou bleu !»…

Anne Bourrel

***

Merci de votre lumineux commentaire chère Anne.

Il illumine aussi ma journée.

Se penser en espèce permet de se libérer des divisions et guerres, comme je vous l’ai dit.

C'est une perspective solidaire et essentielle dans notre ère anthropocène.

Solidarité entre humains et avec les autres espèces, remplaçant cette domination éhontée de l'homme sur les autres formes de vie et des ressources. Et sur les humains eux-mêmes.

Une pensée du Vivant. A penser ensemble, résolument.

Une vision connectée avec la vie et non le profit à tout prix ou le travail devenu pathologie...

Je me permets de revenir sur deux points de votre observation : la pensée humaniste de la Renaissance et celle de l’espèce au 21ème siècle.

On se rappelle que cette pensée de la Renaissance, appelée humanisme, met au centre l’homme, comme centre de pensée et de développement. Il est significatif que ce mouvement naît, au 14ème siècle en Italie, avec un poète, Pétrarque, qui est allé quêter des vérités dans les vieilles pierres romaines.

Depuis cet humanisme, le savoir, les arts, les sciences mettent l’accent sur l’homme, alors que dans les systèmes des servage et des asservissements, l’homme croulait sous le poids des états de droit divin. Dans ces systèmes où l’homme ne vaut que par sa caste ou son groupe social dominant (notamment, la noblesse, la royauté, l’aristocratie), tout le reste n’est que serf, paysan subissant le droit de cuissage, la gabelle et la privation des droits humains.

L’humaniste est une utopie remettant l’homme dans une visée moins dégradante. Il lui donne des lettres de noblesse face aux lettres de cachet.

Il l’élève au rang de ce qui est noble dans la construction sociétale, nomme l’homme épanoui comme un but à atteindre dans les constructions intellectuelles, artistiques et politiques à venir.

C’est la Renaissance et son éclosion de talents, de productions, d’utopies, qui met l’Europe en ébullition.

Dans cet élan, il y a un volet souvent mis de côté, qui a miné la portée « universelle » de cet humanisme.

C’est la part de l’autre.

C’est l’angle mort de sa noble ambition et de sa générosité.

On oublie qu’au même moment, la «Renaissance» était florissante en Orient et ailleurs, le Moyen Age n’étant pas vécu de la même façon.

On a constamment – les croisades et les préjugés de l’époque obligent – étouffé une réalité historique. Sans l’Orient, sans les routes de la soie, l’Occident n’aurait pas pu se penser comme une entité politique, même si celle-ci était captée dans les rets de la religion chrétienne. L’Orient vivait aussi son Age d’or, et ce, sans attendre l’Europe.

Le papier, l’imprimerie (perfectionnée par Gutenberg, permettant la démocratisation des savoirs), la soie sont chinoises. Même la poudre à canon. Ce sont les arabes, les persans, les ouzbéks… qui les ont transmises à l’Europe médiévale. Tout comme l’astronomie, l’algèbre, l’algorithme, l’optique et j’en passe, toutes des disciplines inventée ou perfectionnées hors de l’Europe. Il en va de même pour la philosophie gréco-romaine, traduite par la Maison de la Sagesse de Bagdad, sous la férule d’un calife esthète et savant.

Sans la traduction arabe d’Aristote et de Platon en Orient, ces deux philosophes n’auraient sans doute pas été lus par l’Europe chrétienne.

Ceci est un fait d’importance. Les savoirs n’ont jamais été confinés dans des frontières nationales, ils ont toujours été transfrontaliers.

A. Sekkat le rappelait opportunément dans son message d’hier: à la NASA, des cerveaux du monde entier ont travaillé pour envoyer un homme sur la lune. Il en va de même à la Silicon Valley ou ailleurs. La matière grise se fiche des nationalités.
Ce déni de l’autre, disais-je, s’explique en partie par le fait que l’Europe s’est construite contre «l’autre»; elle s’est unie contre l’autre perçu comme le danger absolu, alors même que le commerce et les échanges entre l’Orient et l’Occident étaient florissants, même si les guerres ont été légion. L’autre est souvent resté hors champ de l’humanisme.

Ceci explique que finalement, on le voit avec l’esclavage et la colonisation, cet humanisme a fini par s’enfermer non pas dans l’épanouissement d’un homme universel, mais plutôt d’un Homo Europaeus, souvent réduit à un homo economicus.
L’objectif premier d’honorer les valeurs «humaines» n’est pas respecté, l’humain signifiant l’européen, au détriment d’autres humains, considérés comme inférieurs.

Bien entendu, la Renaissance a été un moment exceptionnel en Europe, elle a donné des élans généreux chez des philosophes (même si certains étaient négriers) et des artistes. Mais, l’humanisme européen, à un moment, s’est mû en un humanisme différentiel. Racisme et exploitation de l’homme du sud étaient légion, on le colonisait au nom même de ces idéaux de la Renaissance et des Lumières : il fallait civiliser le bon sauvage.

En disant cela, je ne cherche pas à raviver des plaies ou relancer la guerre des civilisations.

Non. JUSTEMENT, pour grandir ensemble, il faut reconnaître la part de l’autre.

Voici justement ce que permet la pensée de l’espèce que nous développons.

Et qui vous plaît chère Anne.

Se penser en espèce, c’est entrer dans une idée fraternelle, une idée de l’égalité de tous les humains, de toutes les cultures, sans ces hiérarchies qui légitiment l’exploitation et le déni de l’autre, en vertu de son épiderme, ses croyances, ses convictions, ses langues… Cela ne signifie pas nier les diversités humaines.

Vous comme moi, nous aimons ces différences.

C’est ce que la Maison de la Sagesse Fès-Grenade promeut dans la nouvelle convivencia, qui signifie «vivre avec l’autre», qu’elle a ravivé en la réactualisant il y a 8 ans.

L’humanisme de l’espèce, c’est vivre la pensée du complexe.

Et il nous faut l’apprendre tôt dans nos écoles, dans le respect mutuel.

Donc, en finir avec les hiérarchies civilisationnelles, raciales, politiques ou militaires.

Vivre en humains.

Utopie, me direz-vous. Mais en temps de pandémie, il faut justement ne pas perdre espoir et ne pas avoir peur, en apprenant de nos erreurs passées, de proposer des mondes plus solidaires, le monde de la pensée ou de l’humanisme des espèces.
Celui-ci nous permettra de respecter la barrière de Vie entre les espèces: on dit que le coronavirus est passé de la chauve-souris ou du pangolin à l’humain, soit en crevant la barrière entre une espèce et une autre, car nous avons empiété sur l’espace vital d’une autre espèce.

Cette pensée nous permettra d’articuler, sur une base d’égalité la diversité culturelle et la biodiversité, une vision que j’ai déjà développée dans la poétique corallienne de la coolitude, il y a plus de vingt ans. J’avais pensé qu’avec la conscience écologique actuelle, être pour la diversité biologique et être contre la diversité culturelle, c’est être schizophrène. Le corail comme le peuple premier sont un même maillon de Vie.

Oui, se penser en espèces pour faire évoluer nos présences au monde, en les mettant en conversation permanente, pour faire taire nos armes et nos canons, afin de panser l’Homme, non plus le centre de la civilisation, mais considéré, humblement, comme un vivant parmi d’autres vivants. Une civilisation supérieure, tenant compte de la part de l’autre…

Il s’agit, chère Anne, de nous penser comme responsable d’autres humains, donc comme espèce humaine ET à égalité avec les autres espèces qui fondent la convivencia terrestre, nous permettant de vivre avec l’autre, qu’il soit humain, animal, minéral ou végétal…

C’est ce que la pandémie nous enseigne de toute urgence.

© KT, 14/4/2020

CHRONIQUES AUX TEMPS DU CORONAVIRUS JOUR 30

Chères amies, chers amis, j'espère que vous allez bien. Voici notre CHRONIQUE AUX TEMPS DU CORONAVIRUS, Jour 30. Aujourd'hui, conversation avec une œuvre originale réalisée quasiment en ma présence par l'artiste Abdallah Bellabes. Je lui avais demandé de proposer quelque chose pour nos chroniques. Il m'a dit: "Attendez"... J'ai attendu quelques minutes. Par la magie d'internet, il m'a envoyé l'œuvre en un clic. Je vous laisse l'admirer. Elle m'a inspiré ces mots. MERCI cher Abdallah Belabbes:

Demain, Covid-19 aura changé nos matins.
Il a déjà effacé la brume des villes forçats.
A nous d'effacer nos dettes et notre désarroi.
Il nous aura déjà donné la joie des mutins.
Il nous aura pensé en maîtres de notre destin.
Le Covid-19 aura mis une lumière sur notre chemin.
Pas une simple lueur, mais un vrai phare pour demain.
Je l'ai pris de tes mains, avec des gants d'artiste,
Je l'ai humé au festin des inspirés, en autovaccin.
Je l'ai salué comme un plasma nous immunisant du profit.
Mais demain, comme tu le sais, c'est déjà aujourd'hui.
C'est pour nous tous que le corona sonne le tocsin.
Pour arrêter nos courses effrénées au profit,
Pour contrer nos désir devenus braderie de la vie.
Oui, demain, cher calligraphe, c'est déjà aujourd'hui.
Je savoure cette oeuvre venue du pays algérien.
Elle me dit que désormais, nous nous pensons en Terrien.
Mais sera-ce notre patrimoine quand l'alevin
Sera noyé , déconfiné dans le calcul cartésien ?
Le monde me dira confucéen, je dirai que je suis citoyen,
Forcené de la beauté du monde, celle que dépeint
Ce virus que tu as élancé en figure de notre demain,
Dans son enfance, s'éveillant dans un moment cristallin.

(c) KT, 15/04/2020
Un autre post suivra dans l'après midi, avec un poème d'Albert Guignard Maquis Permaculturel

CHRONIQUES AUX TEMPS DU CORONAVIRUS JOUR 31

Chères amies, chers amis des CHRONIQUES AUX TEMPS DU CORONAVIRUS, voici un texte né de ces conversations avec Albert Guignard, poète sauvage, poète vivant, que je retrouve avec un plaisir accru en ce 31ème jour de confinement. Je lui réponds après, comme c’est souvent l’usage dans cet espace d’échanges, de créations et de réflexions aux temps du coronavirus. OEUVRE ORIGINALE DE RAOUF ODERUTH, peintre mauricien vivant en Angleterre. Merci, cher Raouf, pour cette bouffée d'air frais, que tu offres aux fidèles lecteurs de nos chroniques.

Lisons Albert :

LES BONNES CONFITURES DE MAMAN PANGOLIN

Telle jadis une peste brune déferlant sur l’Europe,
le monde entier, paniqué dans l’exode...
d’une soudaine immobilisation,
planqué comme juif ou résistant,
s’installa rapidement dans l’occupation....
De se trouver des occupations ;
quitte à sortir marcher noir.
En ces temps de Pandémie,
le monde entier toujours aussi désuni
était en guerre contre un même ennemi.
Guerre des mondes à la H.G. Wells,
mais pas celle du terrestre contre l’extra-terrestre,
non, celle du vivant visible contre le vivant invisible.
Guerre menée comme la partie immergée de l’iceberg
la conduirait contre sa partie sous l’eau.
Autrement-dit : en parfaite ignorance des causes ; profondes.
En mode collabovirus, 2 témoins alors,
entreprirent de parlementer avec Covid-19.
De quoi être fusillé sur le champ de la raison rationnelle.
Ce qu’ils vécurent comme un signe clair et fort,
car comme une parole entre une Terre-Mère
et son fils martyrisé, la poésie-sauvage,
venue du fond des âges,
forte d'un animisme de bienveillance,
bénéficiait d’une immunité NATURELLE.
Aussi, laissèrent-ils venir à eux leur enfance,
mobilisant au nom de leur semblable, leur frère,
Lecteur, toutes ses capacités d’enchantement,
comme un organisme guéri grâce à ses Anticorps.

© Albert Guignard, 16/04/20

***

L’ENFANCE DU MONDE

MERCI cher Albert pour ce texte d’une fraîcheur solaire.
Vivifiante.

Tes mots ramènent l’odeur des sous-bois, de la fougère arborescente.

La sagesse première du Vivant. Le mot qui ensemence en silence. L’opalescence.
Une chose retient mon attention. L’enfance. Oui l’enfance…
Hier, en me promenant pendant un moment permis au bord de l’eau, j’ai pu observer
des petits poissons dans la rivière.
Je n’en avais jamais vu cet endroit. Eau sombre, pollution, activités humaines… Ordinaire pestilence.
Mais hier, l’eau était claire.
Une nouvelle magnificence.
Et comme dans un moment proustien, je me revois enfant, capturant des petits poissons « long tail » ou des tilapias dans mon île encore naturelle. A eaux claires, ses rivières encore peuplées de camarons.

Ah, ces crevettes énormes que l’on capturait avec des « lacs », pièges tressés avec des raphias ou des racines. L’enfance de Robinson, naturelle des îles bénies. C’était un autre moment du monde.

De Vie.

Incandescence.

Je suis sûr que d’autres personnes, en ce confinement, ont vécu ce moment d’épiphanie, de grâce mémorielle. Cadeau de vie en temps de coronavirus.

Revoir un monde moins souillé, reprenant vie, retrouvant ses jours de luminescence.

Oui, j’ai eu l’impression de retourner à l’enfance du monde. Que le temps était revenu en arrière. Comme si une autre chance nous était donnée après tous nos saccages et pillages des écosystèmes, nos guerres, pollution, réchauffement climatique... Une chance de Délivrance…

Si seulement nous voyions cela, écoutions cela, et nous ne courions pas encore après l’oseille comme des malades pathologiques de l’argent.

Magnifique chance: retrouver la pureté de l’enfance du monde, dans un monde arrêté, en convalescence, quel cadeau du coronavirus !

Nos corps en résonance…

Au moins, cet instant-là, je ne l’ai pas raté. Qu’importe ce que j’aurai perdu comme oseille dans ces moments de pandémie, ce que j’ai vécu n’a pas de prix.

Quel émerveillement ! Je le souhaite à d’autres, sachant que l’on commence à remettre la machine à détruire l’enfance du monde en route. On appelle ça la reprise, la croissance, le remboursement des dettes, la relance, la gestion de l’après-crise etc etc Refaire la décadence?

Dans les dispositifs des gouvernants, à part un lancer rapide de « la sobriété carbone » de Macron, je n’ai pas entendu la nécessité, pendant que nos bronches sont menacées, le moindre discours politique nous disant d’écouter la respiration de notre monde, son battement de cœur, sa joie de respirer à pleines alvéoles pendant notre pandémie.

Intransigeance. Courir après la croissance…

Ce que l’on met en priorité de l’après-pandémie, c’est bien la relance de la machine qui a tué l’enfance du monde.

Cela m’attriste, cela m’inquiète. Quand comprendrons-nous le sens de la vie ? Quand comprendrons-nous que nos «primes» par ci, nos primes par-là, nos reports de dettes, de paiement de frais d’intérêt pour réveiller la machine à produire, à consommer, à s’endetter encore plus, devrait tenir compte de la pureté de l’air, des rivières, des mers?

Quel est le sens du mot «résilience» que Macron a cité dans son discours, avec appétence?

Une dissonance?

Quand comprendrons-nous que voir des oiseaux revenir dans nos jardins, des animaux dans nos villes, nos villages, est un signe que nous pouvons encore faire quelque chose pour préserver cette planète qui nous abrite? La pandémie est une possibilité de vivre avec intelligence.

Et je me dis, cher Albert:

Quand?

A quelle prochaine déchéance?

Je sens déjà que nous irons de gâchis en gâchis.

Le rendez-vous semble pris.

Tuer l’enfance du monde:

Est-ce là le sens de notre présence sur Terre?

Convalescence rimerait-il avec financière délinquance???

Oui cher Albert, nous aurions pu être des collabovirus. Collaborer avec lui, pour sauver ce qui peut l’être par une pensée solidaire avec les intelligences.

Mais nous avons préféré, non pas la guerre des mondes de Wells, mais à reprendre nos guerres contre le monde. Ce même monde qui nous regarde, les yeux écarquillés, suppliant l’humain qui regarde ailleurs.

Tuer l’enfance, encore et encore:

choix de notre inconséquence.

© KT, 16 avril 2020

Tableau original du peintre Raouf Oderuth, uneœuvre faite hier, toujours de grande beauté et de rare maîtrise. MERCI pour cette merveille représentant l'enfance du Mont St Michel.

JOUR 32

Chères amies, chers amis, bonjour. En guise de CHRONIQUES AUX TEMPS DU CORONAVIRUS, aujourd’hui UN HOMMAGE A LUIS SEPULVADA, grand auteur chilien. Il est décédé du coronavirus hier. J’ai connu sa femme Carmen Yanez, que vous voyez sur la photo, à gauche, caméra à la main. C’était à un festival de poésie à Naples. Sur la photos vous verrez également, au fond, Jack Hirschman, un énorme poète américain, vieux complice que j'affectionne, Amiri Baraka, Agneta Falk… C’était en 2005 ou 2007. Merci à mon cher Francesco de Francesco de m’avoir fait parvenir ces photos hier. Cela restitué la mémoire de ce partage fabuleux. GRAZIE MILLE.

Aujourd'hui, donc:

Je rends un hommage à Luis, à travers son amour pour Carmen, elle aussi infectée par le coronavirus.

Hommage à Luis Sepulvada, emporté par le coronavirus

A Carmen Yanez, le cœur vivant de Luis

Et un auteur chilien est mort tout près de toi.
Comme si pour poursuivre le Destin de l’Exil.
Ne pas s’arrêter en chemin quand on est chilien.
Cher Luis Sepulvada, mon frère lointain,
Mon message de chagrin ira à Carmen Yáñez,
Ton épouse, que j’ai connue lors de mon exil napolitain.
Luis, je t’ai connu à travers cette poétesse de talent.
C’est elle l’amour que tu as légué en testament.
C’était lors d’un festival de poésie, un repas au Camaldoli.
Je lui ai racontée mon éveil à la vie
A l’ambre trouée de soleils purs de mon île.

Elle m’a raconté sa vie loin de sa famille, de sa ville
Où les sabots du mulet écrasent le soleil en vrille.
Des souvenirs que les exilés racontent en partageant l’oubli.
Elle t’a aimé à Santiago, elle t’a aimé à Oviedo.
Luis, que puis-je te dire, toi que je pleure aujourd’hui ?
Que ta femme est ta plus belle parole, poèmes à l’appui ?
Que Carmen est ma sœur d’espérance au pays des exilés ?
Car écrire, n’est pas la patrie de ceux qui ont égaré leur pays ?

Tu es parti, Luis, et Carmen ne me l’a pas dit.
Ce n’est pas nécessaire, je connais le silence qui strie
Le ciel. Il est devenu tente fraternelle au-dessus de nos cris.
Ce virus, qui sait comment tu l’as pris ?
On me dit que c’était en février, Carmen et toi
Au festival "Correntes d'Escritas", près de Porto,

Le covid-19 était l’intrus.
Ou l’invité que personne n’a vu entrer. Il t’a enlevé de toi.
Carmen a vécu ton dernier exil pire qu’en la villa Grimaldi,
Quand le féroce Pinochet tuait la lune au bout de la nuit.

Mais au début est l’amour, à la fin, il y est toujours.
Au milieu, vous aviez demandé le divorce. Mais l’amour
N’est pas un livre que l’on laisse lire aux vieux troubadours.
Vous n’avez jamais quitté l’âme qui s’écrie d’éternels serments.

Puis arriva le jour où tu redemandas la main à Carmen.
Elle t’accepta, dans la forêt noire, au pays des cyclamens.
D’exil en exil, amour, mariage, naissance et divorce.
Mais l’Amour revient toujours en force.

Voici le poème que tu écrivis à ta poétesse dans le train,
En la nouvelle saison des amours, remarié sur d’autres chemins.
Comme si pour dire qu’aimer, c’est s’exiler encore et toujours :
La plus belle histoire d'amour.
La dernière note de votre adieu
m'a dit que je ne savais rien
et que je suis arrivé
au moment nécessaire
pour en connaître les raisons.
Ainsi, entre pierre et pierre
Je savais que l'addition unit
et que la soustraction nous laisse
seul et vide.
Que les couleurs reflètent
la volonté naïve de l'œil.
Que les solfèges et les sols
doublent la faim de l'oreille.
Quelle est la route et la poussière
la raison des étapes.
Que le chemin le plus court
entre deux points
est la tournée qui les unit
dans une étreinte surprise (…).
Toi, tu n’as jamais été "Le Vieux qui lisait des romans d'amour ».
Tu resteras le jeune qui écrivait des poèmes d’amour à Carmen Yanez… Au dernier Exil, je préfère te le dire. En temps de pandémie, nos coeurs suivent les ports solaires. Et réinventent nos écritures...

Carmen, infectée aussi, avait écrit, exilée dans la pierre perdue et le pain des mémoires nomades:

Parole qui pétrit le pain.
Parole habitée de mémoire.
Parole métisse d’une présence
sur la terre et sur les pierres.
Voici ce que je suis :
Une petite flamme sous la manche
du voisin aveugle.

A «L’ombre de ce que nous avons été…», un de tes livres, je lui souhaite de résister. Elle doit se souvenir que tout ce que tu as été. En ce moment terrible, cela demeure en elle, Luis, au nom de votre grandiose amour nomade.

Je te souhaite de lire de pages en Page, le souffle de l'Amour. Bon voyage Luis !

© KT, 17/04/20

 

JOUR 33

Chères amies, chers amis, JOUR 33 de nos CHRONIQUES AUX TEMPS DU CORONAVIRUS. Aujourd'hui, le portugais FERNANDO PESSOA, un de mes poètes préférés.

Cette création picturale de Carmen Panadero Delgado, peintre et auteure espagnole, originaire de la superbe ville de Cordoue, est aujourd'hui source de mon inspiration. Carmen a réalisé cette oeuvre en 1998, pour célébrer le centenaire du célèbre poète de Lisbonne. MERCI, chère Carmen, DE CE PARTAGE AUX TEMPS DE CONFINEMENT, preuve que l’humain reste ouvert à la solidarité et au partage…

Voici ce que j'ai écrit sur Pessoa, en écho de cette œuvre picturale, rappelant la pandémie et nos masques de poésie et de vie(s) confinée(s):

Cher poète lisboète, cher Pessoa,

-Qu'aurais-tu écrit en ce temps où l'on se masque
Pour ne plus être démasqué par l'anonymat,
Toi qui as souvent inventé une persona,
Non pas pour te cacher, mais pour révéler tes frasques ?

Sais-tu que Lisbonne a fait taire les chants d'Henriquetta ?
Que si fado s’est perdu dans l’ombre de l’Alfama ?
Que le Tage est revenu aux lueurs de ses pas,
A la montée des marais, à l'abandon
des navires sans nom ?

La mouette fugitive a niché au pied de Camoens ; le poète
a perdu un bras
A sauver le manuscrit des scélérats
aux temps du choléra.
Mais, pour toi, ce qui compte, c'est redorer les compas
des nations égarées aux caps de la désespérance.

Tu as ton masque, c'est là ta dernière chance
D'avancer dans la foule qui cache mal son désarroi.

Ta moustache luit au passage de l'ascenseur mécanique,
Mais tu as choisi le subterfuge poétique.

Aux temps du coronavirus, les poètes sont de sortie.
Comme si le temps leur permettait de se masquer
Pour révéler leur visage à ce monde vidé de ses comptables.
Tu étais bureaucrate, certes, mais tu écrivais sur le sable,
Tu dénonçais la vie que l'on te vendait sous la table.
Certains t’ont trouvé adorable, d’autres détestable…

Tu es devenu écrivain hétéronymique,
tu as multiplié des communications médiumniques,
pour éviter le virus de la vie factice.

Tu t'es adonné à la récréative métaphysique.
Et tu as multiplié les masques et les tics.
C'est, dit-on, ton vrai théâtre poétique...

Je connais la vertu de la parole thérapeutique
entre amnésie et anamnèse. Tu es pathétique
quand on ignore la beauté du masque d’épure,
sans tes visages d’azur.
Moustachu, certes, mais le front
estampillé de mille horizons...

Qu'aurais-tu dit en temps de corona, poète aux
cent corps ?
« Certainement, pas encore. Ne parle pas fort...
La mort est provisoire.
C'est la non-vie qui est dérisoire »...

Tu le surprendras certes, comme la mort devant le cadavre de la foule,
Celle qui tournoie sur la place du Commerce,
Comptant les bateaux revenus des Indes avec de Gama,
la tête vérolée de sesterces
et vivant comme un pacha en pyjamas.

Mais devant le virus, je te vois inspiré :
Tu te caresses la moustache, l’œil ravivé :
"J’ai vécu, aimé – que dis-je ? j’ai eu la foi,
et aujourd’hui il n’est de mendiant que je n’envie pour le seul fait qu’il n’est pas moi.
En chacun je regarde la guenille, les plaies et le mensonge
et je pense : « peut-être n’as-tu jamais vécu ni étudié, ni aimé, ni eu la foi »
(parce qu’il est possible d’agencer la réalité de tout cela sans en rien exécuter) ;
« peut-être as-tu à peine existé, comme un lézard auquel on a coupé la queue,
et la queue séparée du lézard frétille encore frénétiquement ».

Et quand il repartira, en lézard ou pangolin vérolé,
ne sachant pas qui de Pessoa
ou de personne sera au trépas,
il saura que le poète démasqué est insaisissable …

Le virus sans sa rengaine,
Une âme en peine…
Tu lui diras ceci, comme pour le consoler d’être en quarantaine :
"Je ne suis rien
Jamais je ne serai rien.
Je ne puis vouloir être rien.
Cela dit, je porte en moi tous les rêves du monde.

Fenêtres de ma chambre,
de ma chambre dans la fourmilière humaine unité ignorée
(et si l’on savait ce qu’elle est, que saurait-on de plus ?),
vous donnez sur le mystère d’une rue au va-et-vient continuel,
sur une rue inaccessible à toutes les pensées..."
Une fenêtre de poète confiné, son imagination libérée…

Désormais, de ma colline d’Alcantara, joyeusement égaré,
Masqué et démasqué,
Le coronavirus en pensée,
Je veux avec toi marcher...
Masqué et démasqué…

Pessoa, mais est-ce vraiment à moi que j’ai parlé ?
Est-ce vraiment toi qui ne m’as écouté ?

(c) KT, 18/4/2020
En complicité… MERCI Carmen Delgado ! Bonjour à Ciudad Real !

JOUR 34 LE COVID ET TCHERNOBYL

Chères amies, chers amis, pour les chroniques AUX TEMPS DU CORONAVIRUS, on a l’impression que le jour pendant est comme le jour d’avant. Il préfigure le jour d’après. J’ai reçu ce texte d’un post aujourd’hui, sur le retour du nuage radioactif de Tchernobyl, revenu en Europe après 1986. Il est signé de Yann Quero. Je salue son observation SI JUSTE, écrite en juin 2019. Lisons le:

Tchernobyl: ce n’est pas fini...

La récente série sur HBO a rappelé, voire informé le monde (car les gens ont la mémoire courte), que l’accident de Tchernobyl en 1986 avait été d’une rare gravité. Reste que, contrairement à ce que certains lobbys veulent faire croire, la catastrophe n’est pas finie. D’autres problèmes sont à attendre, y compris via des incendies qui pourraient nous renvoyer des éléments radioactifs dans le futur.

Les informations sur Tchernobyl, et plus généralement le nucléaire, ont du mal à circuler, particulièrement en France. La sortie de la série de HBO a été l’occasion de revoir par exemple des images de journaux télévisés de l’époque, où des personnes supposées bien informées assuraient le public que l’anticyclone des Açores aurait empêché le nuage radioactif de pénétrer en France. Il n’en était bien sûr rien.

À l’époque encore, le public avait été assuré que l’accident était arrivé à cause de la faillite du système soviétique et qu’un tel désastre n’était pas envisageable dans les pays capitalistes. 25 ans plus tard, Fukushima prouvait que des accidents pouvaient survenir partout. De nombreux experts reconnaissent même désormais même que «statistiquement», après Three Miles Island (évité de justesse aux Etats-Unis en 1979), Tchernobyl et Fukushima, un nouvel accident nucléaire devient envisageable tous les 20 ou 30 ans. La multiplication des installations, notamment en Inde (22 réacteurs nucléaires), en Russie (37) ou en Chine (42) ne fait qu’accroître ce risque.

Il y aurait aussi beaucoup à dire, notamment sur le manque de transparence des chiffres et des informations, sur le nombre des victimes et sur l’efficacité plus que contestée du «sarcophage» qui a coûté plus de deux milliards de dollars pour recouvrir au mieux pendant un siècle des installations instables et toujours susceptibles d’exploser de nouveau.

Mais concentrons-nous sur un sujet plus rarement abordé et malheureusement encore plus probable: les risques liés aux dépôts d’éléments radioactifs dans les sols et la végétation.

Le césium 137 et le strontium 90, qui sont les principaux éléments concernés, ont des «demi-vies» d’environ 30 ans. Comme il faut 10 demi-vies pour que la radioactivité puisse être considérée comme résiduelle, cela signifie que les sols seront encore contaminés pendant 300 ans, c’est-à-dire jusqu’en l’an 2286.

Les pro-nucléaires insistent parfois sur le fait que Tchernobyl aurait été «bénéfique à la nature» en créant une immense réserve naturelle où la biodiversité aurait repris ses droits. Sans même évoquer les problèmes de mutation de la faune et de la flore, c’est oublier que cette végétation qui croît et qui produit de la litière fait remonter en surface les éléments radioactifs, avec le risque qu’ils ne soient envoyés dans l’atmosphère en cas d’incendie.

La question a été prise très au sérieux en 2010 lors des grands incendies qui ont frappé la Russie et l’Europe de l’Est (qui s’en souvient?), car les feux se sont approchés des zones contaminées. En 2010, ils se sont arrêtés avant, mais qu’en sera-t-il dans les années à venir? A fortiori si le réchauffement climatique augmente la fréquence et la gravité des incendies?

Dans ce contexte, ces zones contaminées constituent des bombes à retardement et il y a fort à parier qu’on aura droit à d’autres nuages de Tchernobyl, ou de Fukushima, ou d’autres sites... dans les années à venir.

Une raison de plus pour réfléchir aux menaces que fait peser la construction de nouvelles centrales nucléaires dans le contexte du réchauffement climatique...

© Yann Quero, 2020
Le césium 137 et le covid-19.

Cher Yann,

Si Capri semble bien fini, Tchernobyl, je le sens, ne sera jamais fini.

Fukushima non plus…

Mohammed Boualam, qui a participé à mes chroniques, commentant le fait que le nuage soit revenu, disait, pour rappeler une erreur de frappe lors du discours de Macron: «C’est le foutur», le futur foutu. J’ai envie d’écrire, moi, c’est l’avenuire, ce futur dont l’avenir est déjà pollué par le jour d’avant et qui infecte le jour d’après.

Thernobyl, je l’ai connu. En 1986, j’ai marché sous son nuage. Comme beaucoup d’autres. Sans le savoir, j’ai mangé thym, cresson, fromage, bu du lait, et jamais pris de l’iode.

En France, c’est connu, on arrête les nuages clandestins aux frontières. On a une muraille de Chine dans la stratosphère.
Mais voilà qu’en temps de confinement, la deuxième vague radioactive est là. Et elle a repassé la frontière…

Elle semble être en écho avec la deuxième vague du covid-19 que l’on nous annonce.

Comme si, dans le «jour pendant», deux choses invisibles, redoutables passe-frontières, devaient converser au-dessus de nos gardes-barrières dérisoires.

Le virus et la particule radioactive? Y-a-t-il pire association de «malfaiteurs» en ce moment?

Je les mets en guillemets parce qu’ils sont les produits de nos modes de vie…

Le césium 137 et le covid-19 nous disent l’avenuire, c’est certain. Je vous cite: «Le césium 137 et le strontium 90, qui sont les principaux éléments concernés, ont des «demi-vies» d’environ 30 ans. Comme il faut 10 demi-vies pour que la radioactivité puisse être considérée comme résiduelle, cela signifie que les sols seront encore contaminés pendant 300 ans, c’est-à-dire jusqu’en l’an 2286».

Capri, Lyon, Berne ou Bonifacio, c’est le foutur, et Fukushima pollue déjà les mers. Lui aussi pourrait nous dire, s’il se réveillait ou s’affaissait, que l’avenuire est bien là. Le covid est le compagnon du césium, son complice apocalyptique. Et comme les hordes d’Attila modernes, ils foncent à travers villes, steppes, déserts et aéroports (à l’arrêt). Mais s’arrêtent aux portes du FMI et des décisionnaires occupés à gérer l’après-confinement, pour activer la machine à produire encore plus pour s’enrichir encore plus.

Oui, pendant ce temps, que font ceux qui créent le foutur? Ils nous préparent une taxe, inventent des façons de nous ponctionner un peu plus, pour nous faire payer leurs, ou plutôt nos choix. Demain, Trump risque d’être réélu, Macron remonte dans les sondages… Les peuples foncent, comme d’habitude, vers l’avenuire, en devenant chaque jour de plus en plus esclaves du travail toxique, celui qui nous endette, nous appauvrit, détruit la planète et la vie sur une échelle inouïe. Et si la faute de frappe sous-titrant le discours de Macron, ce «foutur» annonçait et scellait le pacte entre le césium et le covid-19 ? Et non seulement notre cohabitation avec le corona?

Association de virus et de radioactivité, comme si la Terre criait à pleines poumons pour nous mettre en garde, vague après vague, et que nous, préoccupés par notre porte-monnaie, on fabriquait des masques pour nous voiler les yeux devant une catastrophe conjuguée?

Non, covid-19, c’est pas fini. Césium 137 non plus… Combien de quarts de vie, avant et après virus, nous faut-il pour résister aux sirènes de l’argent à n’importe quel prix??? Le césium et le covid pourraient bien avoir leur petite idée dessus… En attendant, quelle époque, faire une bise ou marcher sous un nuage pourrait bien vous être fatal…

© KT, dimanche 19 avril 2020
LIEN DE L'ARTICLE DE Y Yann Quero
https://blogs.mediapart.fr/…/…/tchernobyl-ce-n-est-pas-fini…

A LA FOURCHE DU COVID-19 - JOUR 35

  

Chères amies, chers amis, bonjour. Nos CHRONIQUES AUX TEMPS DU CORONAVIRUS de ce jour sont inspirées par ces photos, les premières dessinant un V, un V de vie, un V de non-vide, une lueur du fanal de la Terre toujours là, pour nous inspirer encore et encore, car le monde vivra et a vécu sans nous. La Vie est le sens final de tout ce que nous vivons.

Aussi, avec le V, j’ai voulu écrire un texte ludique, léger et méditatif, en tissant ce V qui fourche comme la langue devant un virus volatile. Mais qui restera dans nos voix blanches et franches…

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A LA FOURCHE DU COVID-19
Le V, une traversée sans vide
C'est une évidence.
Une vivace révélation. Pas fugace, ce virus est une voie à explorer.

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Je vois, donc je vis.
Pleinement.
Car en vie confinée, on voit le vide, la vie, dans ce qui l’évide, qui l’évite.
Mais ce n’est pas qu’un simple jeu de mots sur la fourche du covid, sur le V.
Une insistance sur la vue et la vie.

La covid révèle notre aveuglement à la vie. La vraie.
Elle dit :
Il s’agit de vivre pleinement avec soi. Sans visière.
Avec un masque, mais pas en vase clos.
Le virus se veut vecteur de vivantes pensée.
Je le vis ainsi. Avec lui.
Dans ses mots volés à la vie,
Ce virus pourrait nous vacciner contre la veulerie,
le vol, la violation de valeurs essentielles.
Il valide, il invalide.
Il est violent, mais une valeur refuge.

La vie est valide en toute circonstance.
Le covid en use pour nous le rappeler. Il valorise, déteste la vantardise.
La fausse velléité des voleurs en cravate.
Il vendange sans vendetta.
Il revend nos fausses visions de va-t-en-guerre
Au marché des vauriens.

Il tient la vengeance du virologue.
C’est un vent debout sur la Terre arrêtée.
Contre le virus du mensonge,
Il impose la ventriloquie des interloqués.
Il vient et se souvient...

Un être viral sans écran. Son verdict est vérité.
C’est notre verre de contact avec la vérité, en version originale.
Si on veut de lui comme révélation, il est vertigineux.
La vie en viager, la mort aussi, c’est sa virevolte.
Le covid est une virgule vigoureuse, pas un point final.
C’est un virtuose, qui nous dévisage et nous masque.
Nous évide.
Il rend la fourche visible.
Le monde vivable, à visage découvert.
Serait-il le Vizir sans visières ?
En tout cas, son vocabulaire est valide, mondial.
Il nous rend voisins de nos voix pâles ou sépulcrales.

Je l’appellerai le vomito de nos vortex. De nos cortex.
Une vision de chauve-souris, pour nous qui vivons à l’envers.
Il offre la voûte céleste. La voyelle qui éternue en voyage.
Est-il l’ultime voyageur de commerce ou la voyelle nasale des vassaux ?
A la fourche, il se veut… Pour nous dévoiler.
Sans nous voler à outrance. Il vient et revient...

Et nous, que voulons-nous au jour d’avance ?
Il continue d’avancer vers nous.
Et il nous vouvoie déjà.

A la fourche, vivement, je lui dit:

CORONAVIRUS,
Vade in pace…

© KT, 19/04/20

JOUR 36

MON ARTICLE DE CE JOUR: "Un constat : ...Maurice a utilisé des remèdes à sa disposition, sans attendre… Sans entrer dans l’arsenal des mesures préventives et du couvre-feu sanitaire appliqué par les autorités, deux médicaments sont à mettre en évidence dans le dispositif sanitaire : LA CHLOROQUINE et L'AZIMOTHRYCINE. Ils auraient été utilisés pour traiter les 208 patients mauriciens considérés comme guéris. J’ai laissé de côté la chloroquine ou l’hydroxychloroquine (...) Pour réfléchir sur l'azithromycine..." L’île Maurice, pays du dodo, deviendrait-elle un cas d’école mondial pour inspirer des peuples en temps de pandémie ? Le temps le dira, puisque l’espoir est permis sous les tropiques…" Ma réflexion sur le traitement mauricien, qui devrait intéresser tous les pays concernés par le coronavirus.... Ce sera ma CHRONIQUE AUX TEMPS DU CORONAVIRUS DU JOUR. Vos remarques m'intéressent. BONNE LECTURE A VOUS CHERES AMIES ET CHERS AMIS...

MAURICE: une réponse adaptée au Covid-19?

https://www.lemauricien.com

Le 19 avril, Maurice semble atteindre un plateau relativement stable (324 cas et 9 décès), comme annoncé par le Dr Zouberr Joomaye, porte-parole du gouvernement mauricien pour le Covid-19. Sans parler d’une décrue, la prudence restant de mise, je me suis penché sur un des facteurs qui auraient fait la différence dans la doctrine épidémiologique mauricienne, notamment, le traitement qui aurait été mis en oeuvre. Un cas qui pourrait inspirer d’autres pays en temps de pandémie?

Médicaments et prises de décision rapides

Un constat: tout comme pour les mises en quarantaine rapides des touristes infectés et la fermeture des frontières dès fin mars, Maurice a utilisé des remèdes à sa disposition sans attendre… Sans entrer dans l’arsenal des mesures préventives et du couvre-feu sanitaire appliqué par les autorités, deux médicaments sont à mettre en évidence dans le dispositif sanitaire: la chloroquine et l’azithromycine. Ils auraient été utilisés pour traiter les 208 patients mauriciens considérés comme guéris. J’ai laissé de côté la chloroquine ou l’hydroxychloroquine, des tests étant en cours en France, (tout comme pour le second médicament, les 2 étant testés séparément). Quittons le climat passionné impliquant le Dr Raoult, que le président Macron a visité la semaine dernière. Rappelons seulement que le savant marseillais utilise aussi une combinaison de ces 2 médicaments dans son traitement. Je me pencherai davantage, dans mon observation, sur l’azithromycine. Je pense que ce médicament utilisé ici devrait inspirer une réflexion à Maurice ET bien au-delà aussi. Faisons connaissance avec l’azithromycine. Pour citer le Dr Denis Gastaldi:  «L'azithromycine a l’avantage d’être un antibiotique, mais d’avoir aussi une action sur les virus et une activité anti-inflammatoire sur le parenchyme pulmonaire, le tissu fonctionnel des poumons»… L’azithromycine est un médicament anti-bactérien (…) souvent prescrit pour certaines infections des voies respiratoires (otite moyenne aiguë, angine bactérienne, surinfection des bronchites…). Il est également prescrit à certains patients qui souffrent de mucoviscidose car la maladie les rend particulièrement sensibles aux infections respiratoires». Rappelons que le Dr Gastaldi, atteint du Covid-19, s’est auto-prescrit l’azithromycine. Dans l’urgence. Il a fait un choix entre la mort et l’incertitude clinique du médicament et un certain flou méthodologique… Il a opté pour la vie, déclarant: Je n’étais pas bien le vendredi et le lundi, je travaillais. C’est le retour que me font presque tous les patients à qui je l’applique: au bout de 3 jours, ils me disent qu’ils sont bien» (voir les sources en notes). Qu’est-ce qui pourrait, si on se fie aux chiffres officiels, expliquer l’efficacité, parmi les autres pratiques, la possible accalmie du coronavirus à Maurice? Certainement, comme je l’ai signalé auparavant: les mesures relativement rapides de fermeture de frontières, de quarantaine et de confinement ET la rapidité d’action des services sanitaires. En pandémie chaque heure compte. La même rapidité décisionnelle a mis en place le traitement de la bithérapie, associant, comme je l’ai dit, un antiviral et un antibiotique, n’ayant pas d’autre traitement sous la main, et prenant le pari pragmatique de traiter avec ce qui est disponible et dans l’attente de toutes les données cliniques. Cela, me semble-t-il, aura fait la différence. Comme le dit le docteur Gastaldi lui- même: «Une des clefs, est de démarrer ce traitement dès les premiers symptômes». Cette action préventive, il me semble, expliquerait, pour une bonne partie, les résultats à Maurice. Espérons avoir plus de données à ce sujet. Ici, la doctrine aura été: traiter sans attendre, même quand on n’a pas assez de distance et d’analyses pour ces médicaments. Mais, il convient d’ajouter que ce choix ne vient pas ex nihilo. Je citerai le même Dr Gastaldi qui explique qu’il a prescrit cela à plus de 200 patients. En raison de la pandémie, il a pris la décision en interne. C’était, en l’absence d’autres recours, le seul moyen de faire face au coronavirus: «Statistiquement, il aurait dû avoir parmi ceux-ci au moins 2 décès et 40 hospitalisations. Or, explique-t-il, il a «eu seulement 2 cas graves nécessitant une hospitalisation et sortis depuis.» Cela fait écho au cas mauricien, contrariant le graphique prévisionnel de l’OMS, indiquant plus de mille infections dans les semaines passées… L’utilisation de l’azithromycine par le Dr Gastaldi concerne son hôpital. A Maurice, il concernerait tout un pays. Cette fois le médicament est mis en œuvre dans le cadre d’une réponse épidémiologique nationale face au Covid-19. A mon sens, cela pourrait un cas d’école prometteur au moment même où le corona sévit dans le monde, nous indiquant un choix entre la mort et lui, en l’absence d’un vaccin et d’un médicament TOTALEMENT testés.

D’autres témoignages

Pour conforter cette réflexion, je cite aussi le Dr Erbstein, qui a aussi fait ressortir que l’administration de l’azithromycine a eu un effet bénéfique sur sa patientèle: «…plus d’hospitalisation, ni de décès» à déplorer. Il est à faire ressortir que ce médicament, à la différence de l’hydroxychloroquine , comporte moins d’effets secondaires». Il affirme que le médicament a une action antivirale alors que ce n’est pas un antiviral. Avec deux autres médecins, utilisant ce médicament, ils s’inscrivent dans une démarche qu’ils qualifient de «très empirique». Mon observation est que Maurice pourrait offrir un terrain élargi pour «une étude multicentrique et randomisée» de l’utilisation de l’azithromycine avec la chloroquine, mais une étude avancée grandeur nature. Ajoutons aussi que trois médecins, de façon encourageante, ont testé une association d’azithromycine (aussi utilisée par le Dr Raoult, je le rappelle, dans son traitement à Marseille) et de zinc sur des centaines de patients du Covid-19. Selon le Pr Jean-Marc Tréluyer, un des initiateurs de cette approche: «…l’équipe du Pr Pierre-Régis Burgel à Cochin a remarqué que le taux d’infection au Covid-19 était faible au sein d’une grande cohorte de patients atteints de mucoviscidose, alors que beaucoup sont sous azithromycine. Il s’agit d’un constat observationnel, mais cela nous a semblé intéressant». Les résultats devraient être connus d’ici 70 jours. Si les textes sont concluants, cela pourrait aboutir à une prophylaxie pour tous. Rappelons que la prophylaxie désigne «le processus actif ou passif ayant pour but de prévenir l’apparition, la propagation ou l’aggravation d’une maladie, par opposition à la thérapie curative, qui vise à la guérir».

Quid des éléments à risques?

Quant aux éléments à risques de l’utilisation de ces deux médicaments, un fait est à considérer: le dosage est différent en préventif et en curatif. En effet, comme le précise le Dr Tréluyer: «En préventif, les doses nécessaires sont beaucoup plus faibles qu’en curatif. Par exemple, pour l’hydroxychloroquine, la dose est d’un comprimé de 200 mg par jour, alors qu’en curatif, il s’agit généralement de doses de 400 ou 600 mg».

Ce dosage inférieur aurait pour effet de diminuer les contre-indications, par exemple, pour les personnes ayant des troubles cardiaques. Aussi, pour les diabétiques, Maurice étant le deuxième pays le plus affecté par ce mal dans le monde.

Au vu de ces considérations, je pense qu’un facteur aurait joué en faveur de Maurice: celui de la rapidité d’exécution des responsables de santé, permettant un traitement aux premières phases de l’infection coronavirienne, c-à-d, utilisant ces médicaments quasiment en préventif. Le Pr Raoult dit qu’en stade avancé, la bithérapie n’est pas aussi effective.

Ajoutons que 3 médecins préconisent l’application de ce «traitement précoce avant la survenue de complications respiratoires sévères». Ils sont l’ancien directeur scientifique de l’Institut national du cancer, Fabien Calvo, l’ancien président de la Haute Autorité de santé, Jean-Luc Harousseau et l’ancien directeur général de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, Dominique Maraninchi. Ils reconnaissent aussi que l’absence de randomisation des tests pourrait empêcher la généralisation de ce traitement où on parle de l’hydrochloroquine associé à un antibiotique rarement mentionné, l’azithromycine, et qui a fait l’objet d’une pétition ayant recueilli 240,000 signatures en France, dont le Dr Douste-Blazy. Le Pr Raoult, au vu de la nécessité de soigner en l’absence de remède, réclamait «une réflexion sur la morale du choix entre le soin et l’expérimentation». Ici, ce qui est dans la balance, c’est de faire admettre que les «essais randomisés ne sont pas supérieurs aux essais observationnels». On pourrait aussi insérer l’effet placebo dans la réflexion. Débat complexe en l’absence des protocoles cliniques avérés et révélés ci et là… Mais je pense que Maurice pourrait, dans son traitement précoce du virus avec cette bithérapie, apporter de l’eau au moulin des praticiens sur le terrain. Elle offrirait des données précieuses d’une approche empirique, pragmatique, qui donne des résultats.

Rappelons, cependant, pour respecter des précautions nécessaires, que le débat éthique contre pratique, au vu de certains résultats contradictoires, est loin d’être tranché. Même si le Pr Raoult, qui a effectué 50,000 tests, détecté 2,400 cas infectés (9 fois plus qu’à Maurice) fait observer que plus le virus est traité rapidement, moins il évolue. Voilà ce qu’il dit sur sa chaîne YouTube: «Nous avons maintenant du recul sur un millier de personnes qui ont reçu le traitement à base d’hydroxychloroquine, associée à un antibiotique, l’azithromycine. On continue d’avoir des données qui montrent que quand on soigne les gens au début de la maladie, on évite d’avoir une évolution défavorable.»

Ceci, combiné aux autres facteurs de prévention mis en œuvre, expliquerait-il les éléments encourageants à Maurice, la relative accalmie annoncée dimanche par le Dr Joomaye?

En attendant confirmation de ce plateau, qui, je l’espère, serait descendant dans les jours à venir, et sans crier victoire trop tôt, une deuxième vague étant possible, le cas mauricien pourrait offrir une base clinique in situ pour la mise en pratique d’un protocole pour d’autres pays, permettant l’étude non plus in vitro des effets de ces deux médicaments précités, mais en situation réelle de pandémie.

Cela pourrait être adapté à l’échelle d’autres pays, suivant leurs propres contextes épidémiologiques.

Rappelons que le président Macron a salué les recherches sur la bithérapie que nous avons évoquée ici, en disant que le professeur Raoult “nous invite à être humbles… parce que lui-même dit que les choses peuvent varier selon les saisons et les géographies, et qu’un virus réagit à un écosystème”. Le programme Discovery à Lyon étudie l’hydrochloroquine en ce moment. Des résultats seraient connus dans les jours à venir. Donc, il ne s’agit pas, dans mes propos, de dire que nous avons découvert le remède miracle contre le Covid-19 et favoriser l’auto-médication. Mais que nous avons ici un réel champ d’investigation porteur.

Aussi, le cas mauricien, s’il est confirmé, j’en suis convaincu, pourrait bien inspirer des pays tels que la France, les USA ou le Brésil, pris dans l’œil du cyclone viral. Et qui semblent parfois hésiter entre la nécessaire précaution des scientifiques et le tsunami viral qui continue à tuer… Choix cornélien, auquel se greffe une guerre économique de l’industrie pharmaceutique mondiale.

L’île Maurice, pays du dodo, oiseau emblématique et endémique de l’île, deviendrait-elle un cas d’école mondial pour inspirer des peuples en temps de pandémie? Le temps le dira, puisque l’espoir est permis sous les tropiques… Déjà, au pays du dronte, on parle d’un déconfinement progressif le 4 mai prochain…

Espérons que les autorités médicales du pays pourront nous éclairer davantage sur le protocole mis en place, afin que la population soit mise au courant de ces mesures qui la protègent. Et de communiquer sur sa doctrine en temps de pandémie. En ce moment, le graphique de l’OMS est contredit. Un bon signe. Un dicton affirme, dans l’état des connaissances actuelles, que «l’on ne change pas de cheval au milieu du gué»…

21/4/20

Notes

https://www.topsante.com/medecine/maladies-infectieuses/zoonoses/azithromycine-un-antibiotique-qui-pourrait-soigner-le-coronavirus-636321

https://la1ere.francetvinfo.fr/reunion/coronavirus-3-nouveaux-cas-confirmes-et-208-patients-gueris-a-l-ile-maurice-824680.html

https://www.rtl.fr/actu/bien-etre/coronavirus-un-nouveau-medicament-l-azithromycine-guerirait-du-covid-19-7800395708

https://www.lequotidiendumedecin.fr/actus-medicales/medicament/covid-19-trois-medecins-reputes-plaident-pour-le-traitement-base-dhydroxychloroquine-du-pr-raoult

https://www.europe1.fr/sante/coronavirus-il-faut-soigner-les-gens-au-debut-de-la-maladie-preconise-le-professeur-raoult-3959597

https://www.vosgesmatin.fr/sante/2020/04/06/chloroquine-le-bilan-tres-positif-d-un-praticien-lorrain

DAY 39/JOUR 39. CHRONIQUES AUX TEMPS DU CORONAVIRUS / DAILY CHRONICLE IN TIMES OF CORONA. EN BILINGUE; BILINGUAL POST. FIRST IN ENGLISH ET PUIS EN FRANCAIS…

Today, inspired by the famous painting by Munch, Constantin Severin, who has already participated on our page, wrote the poem THE FEAR / LA PEUR, which we are posting in English with a French translation. I conversed with his text, also in bilingual version. First the texts in English and the translations in French. Let's read Severin:

THE FEAR

everything you search for searches itself along with you
until the roads scrape
into speechless cascades
on the being’s lunar face
all you see sees itself along with you
until the rain of eyes hachures
the muscular meanings
with such a moist blinding
everything you hear hears itself along with you
until a whirl of ears
submerges your head
tumefied with silence
everything you touch feels itself along with you
until the skin under feverish tactile concentration
garments the words’ meanings
with luminescent sores
everything you smell inhales itself along with you
until a lilac grove
explodes into
your attentive nostrils

(c) Constantin Severin, English version by Dan Nicolae Popescu

TRADUCTION DU POEME LA PEUR

tout ce que vous recherchez se recherche avec vous
jusqu'à l’instant où les routes s’éraillent
en cascades sans voix
sur le visage lunaire de l'être
tout ce que vous voyez se voit en vous
jusqu'à ce que la pluie des yeux
hache les significations musculaires
avec un tel aveuglement humide
tout ce que vous entendez s'entend avec vous jusqu'à ce qu'un tourbillon d'oreilles
submerge votre tête
tuméfiée de silence
tout ce que vous touchez se sent en vous jusqu'à ce que la peau
sous concentration tactile
fébrile
habille la signification des mots
avec des plaies luminescentes
tout ce que vous sentez
s’inhale avec vous
jusqu'à ce qu'un bosquet de lilas
explose en vos narines attentives

(c) Constantin Severin, version anglaise par Dan Nicolae Popescu

Comme il est de coutume dans nos chroniques, conversation avec le poème de Constantin, écrit dans la langue de Shakespeare, la traduction suit après/

As is usual in our chronicles, I am in conversation with the poem of Constantine, written in the language of Shakespeare, the translation follows after:

Between a fly and a cockroach
Already, I fear that I had to falter
But I stammer and write again:
Because silence is not pain
It spits on me like a drizzle of rain.
Where will I hide from myself?
A sense of panic feeds and linger.
I run between the wardrobe and the buffer.
Like a cockroach, I climb over
The rim of the planet, locked as ever,
Just to falter before I could fall.
I faint, I swoon I come over.
Where is my face, where is my saliva?
I must lose contact with my lips
And what is beyond description.
I might run, I might have some fun
Before I touch my finger or my ganglion.
Fear, I would say, I munch and mince,
Thinking that the invisible smile of the contagion
Is already spreading in my hairy visions.
As a human, I might fear to be a fly,
Just to soar as high as those who fear to cry,
For those who dance and in silence die…

© KT, 22/4/20

Entre une mouche et un cafard
Déjà, je crains de devoir vaciller
Mais je balbutie et réécris :
Parce que silence n'est pas douleur
Ça crache sur moi comme une bruine de pluie.
Où vais-je me cacher ?
Un sentiment de panique se nourrit et s'attarde.
Je cours entre la garde-robe et le tampon.
Comme un cafard, je grimpe
Au bord de la planète, toujours confiné,
Juste pour vaciller avant de tomber.
Je m'évanouis, je m'évanouis je viens…
Où est mon visage, où est ma salive ?
Je dois perdre le contact avec mes lèvres
Et ce qui est au-delà de toute description.
Je pourrais courir, je pourrais m'amuser
Avant de toucher mon doigt ou mon ganglion.
La Peur, je dirais, je la grignote et la mâche,
Pensant que le sourire invisible de la contagion
Se propage déjà dans mes visions velues.
En tant qu'humain, je pourrais craindre d'être une mouche,
Juste pour monter aussi haut que ceux qui ont peur de pleurer,
Pour ceux qui dansent et meurent en silence…

© KT, 22/4/20

JOUR 40. CHRONIQUES AUX TEMPS DU CORONAVIRUS.

Chères amies, chers amis,j'espère que vous allez bien. Aujourd'hui une création poétique aérienne inspirée par notre artiste Abdallah Belabbes. Histoire de dire que la poésie, comme la vie, respire envers et contre tout...

Abdallah Belabbes.

Virus, coléoptère

L'air se respire
Dans le parfum des oiseaux.
L'air glisse sur le dos
De l'eau. Il flaire
Le soleil accroché au poteau.
Il se crispe, puis se libère
Dans la lumière surprise
De l'aube.

Le virus à couronne frise
La peur du vide interstellaire.
Il a l'air de savoir
Qu'il a semé le désespoir
Dans le vol des moineaux.

Au cœur de la crise,
Il sait qu'il est trop tôt
Pour respirer en mousquetaire
Sans blesser Lagardère.

Il se multiplie dans la brise
Et vise le porte-hélicoptères.

Son silence a l'air de plaire
Aux enfants qui savent se taire
Devant son masque d'écolière.

Ils le cherchent dans le dictionnaire,
Ils le trouve au dos du dromadaire.

Un jour, se disent-ils, tu seras hétéroptère,
Poussière interstellaire,
Et qui sait, petit luminaire ?

(c) KT, '23.4.20

CHRONIQUES AUX TEMPS DU CORONAVIRUS, JOUR 41

Ben Dhiab AHMED.

Aujourd'hui un poème en mémoire du Dr Hossenbux, décédé du coronavirus à Paris . Il soignait les pauvres gratuitement. Un homme qui a fait honneur à sa profession et à l'humanité. Paix à son âme et pensée pour sa famille...

Pour le bon docteur
L'oiseau bleu pleure l'absence du ciel.
Brisé aux sol de la quarantaine,
Le temps s'est donné la peine
De revenir de son désir véniel -
Nous parler sans démasquer l'éternité.
Comment se résigner à ne plus chanter
Sans la dérogation de migrer à son gré ?
Devant la porte de l'aveugle lucide,
L'univers balbutie en déluge bactéricide.
Il sait que l'oiseau a gardé le brin d'olivier
Pour l'offrir au virus bifide.
La pandémie libère l'oiseau emprisonné,
Elle lui montre l'homme entravé.
Et l'homme sage a suivi l'oiseau sans rancune.
L'aile gauche bivouaque à la lune,
L'aile droite se strie des dunes.
Les plumes d'océans se donnent
Aux débris des ombres piétonnes.
L'oiseau traverse la planète recolorée
En alvéoles de coquelicots déchaînés.
Il nous regarde, sachant que nos corps masqués
Flottent aussi entre la mer et l'éther.
L'homme s'est s'envolé pour son désir d'Amour !
Son cœur apaisé pépie en nouveau jour...

(c) KT, 24.04.2020

MERCI À Ben Dhiab AHMED POUR CE BEAU DESSIN INSPIRÉ DE MA CHRONIQUE D'hier.

Notre confinement prouve une chose: l'art déconfine, car l'imagination est notre planète qui suit son cours dans le magma des astres... Nous tenons donc notre gageure d'écrire, de peindre, d'imaginer aux temps du coronavirus.

Merci de votre fidélité. Et masquez-vous !!!

JOUR 42, CHRONIQUES AUX TEMPS DU CORONAVIRUS.

Chères amie, chers amis, Aujourd’hui, nous accueillons une des plus belles voix du Maroc et de la poésie sans frontière ; celle d’ABDELMAJID BENJELLOUN, grand témoin de son temps et personnage attachant. Il a été élu, le 9 juillet 2009, Président du Centre marocain du PEN INTERNATIONAL.

Il nous livre un magnifique texte, mi carnet, mi création, tissé en pensée de sagesse poétique de la pandémie. Lisons cette belle plume rafraîchissante en temps de pandémie. Je me suis régalé de cette vision entre rire et réminiscences. Je réponds à l’auteur après son texte:

Rabat le 19 avril 2020

Mon propos se subdivise en deux parties/ la première étant consacrée aux idées que m’inspire le coronavirus, et la deuxième, à quelques textes/ disons/ de création/ plus ou moins poétiques.

1. Le corona et nombre d'idées

A- la peste des temps actuels

A la défaveur de cette sinistre pandémie/ parfois, j’ai l’impression que le temps tourne dans le sens contraire des aiguilles d’une montre, nous ramenant au Moyen –âge/ où la peste noire faisait rage. Notre peste à nous de nos jours c’est le corona, devenant en quelques mois, et même en quelques semaines, l’Ennemi universel n° 1/ une sorte de coup de tonnerre incessant audible dans le monde entier.

Avec le coronavirus/ le séisme est mondial/ c'est comme si l'univers tremblait entièrement en même temps.

L'heure est au confinement/mais sans que l’on puisse s’échapper d’un iota/ de l'enfer de la vie moderne/ dont parle le poète Aragon.

Le coronavirus est le corollaire de la sinistre mondialisation.

B- la justice distributive

Sans entrer dans les détails de cette notion introduite par Aristote, j’observe qu’en ces temps de pandémie/ le communisme primitif marxien étant tout simplement une vue de l'esprit/ il est quand même curieux que la mise sur pied d’une certaine justice distributive à l’échelle de la planète, surtout au plan interne des Etats - celle à l’échelle mondiale/ sous la forme d’aides financières pour les pays les plus pauvres de la part des pays les plus riches/ n’étant pas à l’ordre systématique du jour- survienne/ pour la première fois dans l'histoire de l'humanité/ et ce /à des degrés divers, sur toute la planète- même les pays pauvres aident alors leurs pauvres/ et les pays riches, leurs employés plus ou moins en chômage, entreprises, commerçants, etc…

Même les USA/ gouvernés actuellement par des ultralibéraux défenseurs/ d’un capitalisme sauvage/ à la limite de la misanthropie/ distribuent aux pauvres/ des milliards de dollars, dépassant de très loin le New Deal.

C- le corona ou une révolution copernicienne dans notre vision du bien-être

Le corona est venu désarçonner/et pour longtemps/ nos certitudes/ quant au fait que nous sommes toujours sur la bonne voie de l’amélioration tous les jours de notre bien-être matériel, considérant même/ dans les cas les plus extrêmes/ que nous vivons déjà dans un paradis terrestre/évidemment artificiel.

D- la responsabilité objective de la Chine quant à l’expansion à l’échelle universelle de la pandémie

De nombreuses voix se sont déjà élevées/ pour qu’à la fin de la pandémie/ et même avant/pour que la Chine paie/pour ainsi dire/ la funeste note des dégâts monstrueux dont elle est la cause.

Le système judiciaire américain est d’une telle puissance - arrêtez-vous un instant aux amendes colossales infligées à Volkswagen/je dirais presque pour un banal irrespect d’un impératif écologique-alors/ qu’en serait-il pour les réparations qu’il demanderait sans doute à l’Etat chinois, en matière de réparations:

  • pour les morts US/ pour cause de coronavirus/ que Trump s’est empressé d’ailleurs d’appeler ‘virus chinois’;
  • les dépenses colossales en matière médicale;
  • et les pertes colossales dans le domaine économique et financier?

Un tribunal américain demanderait assez vraisemblablement comme dédommagement des milliers et des milliers et des milliers de milliards de dollars/ que les réserves en or et en devises de la Chine/ de même que ses avoirs bancaires un peu partout dans le monde/ ne suffiraient pas à éponger.

Les USA peuvent parfaitement considérer nuls ses bons du Trésor détenus par l’Etat chinois/ atteignant plus de mille milliards de dollars- une sorte de self-service- mais c’est plus compliqué que cela a priori/ mais je n’ai nul besoin de m’en expliciter dans ce bref texte mien.

Et il va de soi que tous les pays/ soit quasiment toute l’humanité/ demandera les mêmes comptes à la Chine.

La Chine aura alors où/ à s’exécuter/ ou à refuser/Dans le cadre de ce scenario-catastrophe/ une guerre se déclencherait-elle/ entre/ notamment/ les USA et la Chine?

E- le corona à mon humble niveau

C’est la deuxième fois de ma vie/ que je vis un confinement, le premier du genre/ avait été le couvre-feu instauré au Maroc par les autorités françaises/ suite à l’’exil du Sultan, en 1953-56.

J’aurais des tas de choses à raconter/ quant à ce que j’ai vécu alors/ dans cette période de violence extrême. Mais je me contenterais de noter que ma sœur Noufissa a failli mourir de fièvre typhoïde/ dans la mesure où/ nous n’avions pas le droit d’aller chez un médecin la nuit, pour la sauver.

2. textes de création miens plus ou moins poétiques

12.4.2020. La première association de mots que je conçois en prenant mon petit déjeuner, ce matin, c’est ‘une mort moderne’, comme écriture automatique/ voire plutôt comme acte manqué; mais sans penser à rien d’autre qu’à une mort moderne, et plutôt comme interrogation.

Qu’est-ce qu’un mort moderne, pensais-je?

Et ce n’est qu’après que je commençais à relier cette question au corona-maudit!

26.3.2020. L’univers vit avec le coronavirus qui tue.

25.3.2020. J’aurais préféré de très loin que le nom de Corona soit plutôt le prénom d’une jolie femme.

J’avais écrit cet aphorisme à la main en octobre 2019, mais que je n’avais pas reporté sur mon PC: le terrible poids des mots/pas uniquement dans les catastrophes. (MON DIEU en écrivant ces mots, le CORONA n’avait pas encore fait son apparition).

Cet adolescent craint d’attraper le coronavirus/ en ouvrant un mail venant de Wuhan, bien sûr en Chine, épicentre de l’épidémie!

L'amour, pour combattre le coronavirus/ et peu importe/ si on perd le combat.

Jeudi 19 mars 2020. Il est trois heures du matin. Et le vaste mot. Le sinistre sieur corona/ Le Corona merde. Le Corona sapristi. Le Corona caramba/le coronavirus est dans toutes les fibres de mon être.

Cette peste de Corona et notre couple de perruches
CORRONNA
on dirait une femme,
une mégère bien sûr,
et non pas,
comme je l’écris ces derniers temps,
une belle femme dont je voudrais tant qu’elle s’appelle ainsi ;
nos perruches sont mortes ces derniers jours,
le mâle, de couleur verte, le premier,
et sa tendre épouse, blanche, un ou deux jours après ;
je ne saurais le préciser avec certitude;
je me demande
si c’est le coronavirus qui les a assassinés
je sais que c’est idiot ce que j’avance là,
mais je me le demande quand même;
naïvisme oblige;
ces mêmes derniers jours,
il me semble qu’elles ont chanté plus que d’ordinaire
et même à tue-tête,
au point de me déranger sérieusement,
étant même obligé d’aller fermer l’arrière cuisine,
où elles séjournent dans leur cage douillette;
tu parles, cuisine douillette/ prison, oui !
mais peut-être, je me trompe;
et qu’il s’agit là, peut-être, de chants d’oiseaux
se trouvant au jardin;
je ne sais si ce que je vais dire
est un poème ou une proposition
d’un homme de plume arabe :
lorsqu’on égorge un coq
l’on ne sait
s’il crie d’effroi
ou au contraire
s’il chante !

Une femme splendide/ au temps du corona/pas du choléra - Bonjour Gabriel Garcia Marquez !- voulant également participer au grand élan de solidarité, qui anime et mobilise toute la société/ ne sort dans la rue, que pour distribuer de merveilleux sourires à toutes les personnes/ qu’elle croise/en enlevant à chaque fois son masque/cela va de soi/si elle agit de la sorte, c’est qu’elle n’a rien d’autre à offrir aux autres que sa beauté/ par le biais de son offrande de sourires aussi sublimes les uns que les autres.

AB, 25/4/2020

Merci cher poète et grand aphoriste:

Je te l’avais dit à notre première rencontre au Select, où nous avions une belle suite (c’était bien avant le corona, au tout premiers festivals de cinéma de mémoire commune de Nador). Autour d’un thé à la menthe, nous avions parlé de Malcolm de Chazal, que nous admirons tous deux. J’avais réalisé un film sur lui dans les années 1990, ce qui a aidé l’île Maurice à ne pas oublier ce génie des antipodes. Ce jour-là, jour mémorable pour moi, j’avais découvert un passionné des aphorismes, style abrégé de la poésie et surtout, chez Malcolm, d’une vision du surréel.

Tu as aimé le surréalisme comme lui. Et quand tu m’as offert des aphorismes en plusieurs volumes, constatant aussi ta production impressionnante, je me suis dit, voici le Malcolm de Chazal marocain ! Une certitude jamais démentie. Malcolm de Chazal vit en toi.

J’ai toujours voulu écrire sur toi, le temps m’a emmené vers des projets urgents, à faire hier ou avant-hier alors que nous étions déjà demain… C’était partie remise. Jusqu’au coronavirus, qui nous permet de reprendre la conversation dans ces chroniques. Oui, en d’autres temps, cela aurait reporté encore et encore, mais, là, je suis d’accord avec toi, la Corona, cette belle dame, nous a remis en échange de paroles. De mots dont le timbre me rappelle le tintement d’une cuiller finement ciselée sur le verre peint au motif de jasmin…

Merci pour ton texte limpide, lumineux, engageant, où l’aphorisme pointe du nez, comme fulgurances de vision, de pensée, d’intuition. La sève poétique est bien contenue en lui, dans un ultime geste d’esprit qui observe et communie avec une réalité pandémique. Tu sais de quoi tu parles. Tu l’as vécue avant, dans ton enfance. Et cela te donne une capacité de la tutoyer, de rire avec.

Mais tu le dis bien, on demande des comptes à ce virus couronné.

Les uns accusent les chinois, les autres les USA. Ce tout petit virus cacherait-il un enjeu géopolitique qui pourrait secouer la planète après la pandémie, sachant que celle-ci est appelée à «tuer» nos perruches pour quelque temps encore? Ce qui est significatif dans tout cela, c’est que des lignes idéologiques semblent avoir bougé aux pays hyper libéraux, où on a acté un New Deal de la pandémie, pour sauver les pauvres afin qu’ils épargnent les riches. Mais on serait dans le naïvisme, pour te citer, si on pensait que cela nous aurait fait dépasser nos querelles égoïstes d’hier pour imaginer un monde plus juste, plus fraternel, maintenant ou demain. Le jour d’après ressemble beaucoup à cette file de voitures de la région parisienne pour savourer des nuggets ou mac do, comme si cela représentait le summum de la consommation avisée…

Après tout, certains nous demanderont comment ils ont pu faire la queue trois heures d’affilée, alors que le confinement autorise une sortie…d’une heure. Comprenne qui pourra l’attente interminable pour manger de la restauration rapide, qui contribue à amoindrir votre système immunitaire en temps de coronavirus… Est surréaliste ou signe d’une vraie décadence que le virus aurait du mal à endiguer?

Entre le supposé chant de tes perruches, l’égorgement poétique d’un coq ou le piaillement d’oiseaux de ton jardin intérieur, quelque chose nous parvient, subrepticement… Comme un vent de réalisme magique. Tu as raison de ramener Gabriel Marquez à l’arrière-cuisine de ton inspiration; c’est lui qui a écrit parmi les plus belles pages en temps de pandémie, ou d’épidémie. Qui inspire plus, son choléra ou notre corona? Qu’importe, la littérature n’en a cure de la taille ou de la quantité d’un virus, mais de sa profondeur de champ dans nos vies réelles ou supposées. Le virus aura fait couler beaucoup d’encre dans les éprouvettes des savants devenus poètes devant cette ingérence virale dans nos affaires intérieures. Tu le vois, cher de Chazal de Fès, très cher ami, tu me fais voir les choses derrières les choses, avec cet humour fin que je te connais…

Allez, je vais écouter les oiseaux de mon arrière-cour…

Mais d’ici j’entends les perruches de ton arrière-cuisine, et par ma fenêtre de poète confiné, je vois une dame masquée me sourire. Mais je ne sais plus si elle te reconnaît en moi…

Tu m’as appris que la réalité est derrière les choses... Regarde, sous cape, Corona arbore un sourire de madone, à moins que ce ne soit derrière sa mantille sévillane… Ah, elle a la grâce andalouse de tes inspirations...

Une femme virale ? Une femme vitale?

EN ATTENDANT, cher poète:

Restons confinés, cher Abdelmajid, mais dans les mots, et pas dans les prisons de nos peurs ou de nos effrois. Je sais que parmi les tiens, il y a des voix solaires. Rumi, écrit en lettres d’or étant l’un de tes amis couronnés.

Un de tes textes se lit: «Rumi ou une saveur à sauver du savoir»…

La sagesse poétique est bien là, dans ta voix, car en temps de pandémie, elle conserve la saveur du monde.

Merci.

© KT, 25/4/2/2020

JOUR 43, CHRONIQUES AUX TEMPS DU CORONAVIRUS

Chères amie, chers amis, Aujourd’hui, QUEL PLAISIR DE RETROUVER ALBERT GUIGNARD, poète des soleils cachés, de soleils vifs de la parole-source. Un amoureux de la parole née de l’arbre qu’il soigne dans ses monts de biodiversité, dans la région lyonnaise. Un passionné du jardin des mots, une conscience de la pureté du monde quand on caresse le miracle de la vie, la biodiversité.

Plongeons-nous dans sa parole vive de poète sauvage, c’est-à-dire, proche de son arbre salvateur. EXTRAIT DE
COVID-19:

MA MINUTE D’AVENT

L'ange se tourne vers nous. Je l'entends dire: Et vous, quelle serait votre minute d'avant?

Khal Torabully, Chronique aux temps du coronavirus. J’annonce un Noël qui ne sera pas suivi de Pâque

Dialogues avec l’ange

"En moi, il y a quelqu’un d’autre de qui jaillit cette fureur, Tu sais bien, si l’eau est bouillante c’est dû au feu. Ma fureur ne vient pas non plus de moi,elle provient d’un autre monde; Ici un monde, là un autre monde; moi sur le seuil, entre les deux. Le poète est l’homme du seuil des mondes, le parlant muet. Voilà! Le secret est dévoilé.

Ca suffit, silence ! "

Rûmî

Voici décodé verbalement, Khal, le génome de l'égrégore Covid-19. Oui, car je pense au final qu'il s'agit d'un égrégore. Le mot égrégore découvert sur mon chemin d’écriture m’a semblé d’intuition nécessaire et important; d’autant plus qu’il est apparu dans la langue française sous la plume inspirée de Victor Hugo. Son étymologie latine signifie littéralement «hors du troupeau» dans le sens d’élection. En grec il dérive d’un mot signifiant ‘‘veiller, faire lever, être éveillé’’.

On donne le nom d’égrégore à une force engendrée par un puissant courant spirituel. Esprit de groupe autonome, volonté matérialisée, entité proche de l’ange ou de l’inconscient collectif. (…)

Trois jours plus tard, le pays se voyait à son tour confiné. Puis une grande partie du monde dans sa foulée. Ce virus est porteur d’une vérité subtile toute en paradoxe révélant l’absurdité de nos contradictions. C’est le sens du poème Le fond de l’air effraie. Toute personne saine d’esprit, ne pourrait que se réjouir des effets bénéfiques pour la planète suite au confinement imposé à des populations malades du trop de tout, toujours plus vite. L’air et les eaux sont de moins en moins pollués. La chaine de l’Himalaya redevient visible à 200 kms, et à Venise, tu l’as dit, les eaux des canaux redevenues claires accueillent des bancs entiers de poissons. Les cygnes, qui désertaient ces lieux à cause du trafic fluvial, sont également réapparus. En Sardaigne, des dauphins ont été observés dans le port habituellement envahi de gros ferries. Comment pourrions-nous être en guerre contre un tel allié de quiétude et Beauté?

Espérons que cette beauté de paradis retrouvé servira de déclic psychologique salvateur pour nous guérir de notre conditionnement masochiste empreint de déni quasi schizophrénique. Pour ce soin, tous deux, Khal, poètes de la veillée ardente, en avons pleine conscience: Jamais la poésie n’a été aussi nécessaire...

C’est la raison pour laquelle la mienne L’encourage, désormais, à continuer à contrecarrer nos moindres pulsions de mort, Ce virus à couronne est intelligent. Son obstination n’a d’équivalent que notre entêtement capricieux d’enfant gâté, devenu névroses obsessionnelles chez l’adulte. Notre seul libre-arbitre réside dans notre refus de vouloir ou non d’être sauvé corps et âme. L’aliénation générale demeure forte pour se ranger du côté de la secte des assassins de la Terre. Celle-ci peut Lui résister jusqu’au bout dans l’espoir de relancer son monde d’avant, ces dégénérés généraux ne trouveront jamais meilleur stratège en face d’eux pour ruiner systémiquement leur Satan business.

Son nom n’est pas Covid-19. Il est Diktat du Bonheur quitte à tordre un peu le bras des plus rabat-joie. 30 ans plus tard, Il impose aux Bourgeois le paradis communiste qu’est Cuba pour les abeilles faute de pesticide suite à l’effondrement de l’empire soviétique.

Jamais vu un virus aussi scrupuleux pour rendre à chacun la monnaie de sa pièce. Ultime paradoxe: Il n’attend que notre soumission à un retour en Eden pour se laisser vaincre. Plus longtemps refuserons- nous son bonheur qui ne doit rien économiquement à la souffrance d’autrui, plus longtemps durera la grande tribulation.

Poète-sauvage, jardinier-cueilleur, Il a, par avance, toute ma Docilité du poème de Supervielle que j’ai offert en lecture pour le promeneur en bordure de mon singulier jardin sur les flancs du mont Popey.

Je devine, Khal, ce qu’il y a de pohérétique à faire de ce coronavirus émergeant le Christ ressuscité, archange rédempteur du jugement dernier, tout autant Issa chez les musulmans. Il ne manque pas de mâchoires en poésie contemporaine pour le ricanement. C’est vrai partout dans le monde mais en France plus qu’ailleurs pour y mépriser le grand miracle souligné par Armel Guerne lorsqu’il écrivait que prise dans son génie la langue française était un instrument de contrôle spirituel d’une précision et d’une justice prodigieuses. Je vois la miséricorde divine à l’œuvre au fait que ce jugement soit laissé sur la forme à un prophète guérisseur. Mais cela ne change rien au fond: qui n’est pas avec Lui est contre Lui. C’est dit! Qu’en ce lundi privé de pâque, (et pour cause) Il reste tout le temps qu’il faut pour sonner l’heure d’une résurrection de notre vivant. Et tant pis pour les incurables insensés, délirants, qui choisiront, en minute d’avant, un dolorisme de vendredi saint pour leur propre crucifixion à la 25e heure.

Quant à moi, en poète orphique, homme du seuil du monde, le secret est dévoilé; ça suffit: SILENCE...

Albert Guignard Lundi de Pâque en Poésie année zéro
© AG, 25/4/20

En conversation avec Albert, aux sillages d’une illumination pandémique, aujourd’hui, je voudrais établir comme un léger bilan, une rétrospective de nos chroniques, car parfois, pour avancer, il faut compter ses premiers pas:

MERCI cher Albert pou le Poème, poème d’Amour, d’espoir, sans rhétorique ou illusoire envolée. Rien que la Beauté qui s’écrit en poésie onirique, orphique. Poésie d’échange des règnes végétaux, animaux, humains, minéraux. Poésie guérisseuse dans un monde de pandémie. Poésie que ne change pas son cœur, son âme, son esprit face au Covid-19.

Je pense, cher Albert, que le verbe poétique a rencontré le virus, l’a entendu dans sa capacité à nous régénérer, comme la sève poétique éternelle. Nous avons été, comme tu l’as dit, à son écoute et nous conversons avec lui. Je l’ai fait, avec toi, avec d’autres: S. Constantin, A. Venegas, C. Delgado, R. Oderuth, A. Bellabas, P. Pratx, A. Ben Dhiab; A. Chenet, A. Benjelloun, A. Bourrel, A. Sekkat, M. Boualam, A.M. Leite et toi-même. D’autres suivront, parmi lesquels: E. Tokman. Oui, depuis le premier jour, nous avons mis sa présence entre nous, pour partager nos confinements. En pensée égrégore certes, mais aussi à l’embrasure d’un monde d’avant et d’un monde d’après.

Nous avons cité Rumi, Saadi, Munch, Baudelaire, Shakespeare, Dante, Socrate et tant d’autres dans nos partages avec le covid. Nous avons constaté que la couche d’ozone se reconstituait, les vents de la Terre se réorientaient, les dauphins nageaient près des gondoliers, que l’Himalaya était visible des villes indiennes normalement asphyxiées, que les Alpes nous sourient chaque jour d’un ciel bleu, que les tortues viennent pondre sur des plages jadis bondées de touristes en Thaïlande, des daims, des otaries, des lions, des éléphants et des cerfs reviennent nous rendre visite, dorment sur nos routes, se promènent dans nos villes et villages. Oui, tu l’as dit l’Eden aux portes de la pandémie, je l’ai dit, l’enfance du monde revenue au cœur de nos quarantaines.

Le poète est là pour les voir, les chanter. Pour citer Rumi : "Le poète est l’homme du seuil des mondes, le parlant muet. Voilà! Le secret est dévoilé ".  Nous voici dans l’entre-deux, ou l’antre des deux des règnes, la transhumance des espèces en sens inverse, à l’ouverture non pas de la chasse mais de la cohabitation avec l’autre, animal, plante ou humain. A Jérusalem, des prières sont faites entre les juifs, chrétiens et musulmans, des «pauvres» donnent aux pays riches: la Turquie donne du matériel aux Britanniques, Cuba aide l’Italie. Des pays riches font des actes de piraterie entre eux, saisissant masques et matériels médicaux, leur vie étant plus précieuse que celle du voisin. Retour à des pratiques archaïques, qui laissent présager que dans cet entre-deux, d’inquiétantes ombres brunes se profilent, attendant leur moment pour fondre sur leurs proies de prédilection.

Lisons, conversons avec le monde du Covid: les prix augmentent de façon faramineuse, des agro-industriels peuvent ne pas indiquer toutes les compositions de leurs produits sur les étiquettes, des millions sont au chômage partiel, ici on vend des masques à 5 francs, là-bas, on les donne gratuitement… On parle d’un travail forcé le jour d’après, pour payer l’impréparation d’avant. Dans ce monde incompréhensible, en Inde on accuse presque les musulmans d’avoir inventé le coronavirus. Aux USA, un président qui atteint bientôt un million d’infectés chez lui recommandent à ses scientifiques d’inventer un moyen pour injecter des détergents dans l’organisme humain… L’homme est un cowboy pour le démuni.

Partout, aussi, des beaux moments de solidarité. D’humanité. Les peuples sont plus libres que leurs dirigeants empêtrés dans leur pouvoir et intérêts particuliers. On a produit de l’argent sur la planche à billets, sans l’étalonner sur la richesse, qui de toute façon, est mise en sommeil. Le confinement aura eu la peau, pour le moment, d’un système toxique du profit, avec la croissance à tout prix…

Voici, en substance, ce que cette quarantaine du confinement nous a fait voir, cher Albert. Macron n’a pas utilisé le mot confinement dans son premier discours, il n’a pas utilisé le mot déconfinement dans son dernier. Une continuité pour le locataire de l’Elysée? Une façon de ne pas nommer ou de converser avec le covid-19, comme nous le faisons depuis 42 jours déjà ? La parole du coronavirus, sera-t-elle entendue le jour d’après, maintenant que le 11 mai approche, que les écoles pourraient ouvrir (on dit maintenant ce n’est plus une obligation) et que la ré-ouverture ou reprise est proche, on évite aussi de parler de déconfinement au niveau national, comme si ce flottement sémantique révélait à quel point les sociétés de consommation n’arrivaient pas à saisir les nouveaux paradigmes qui se profilent en ce moment…

Signe inquiétant, qui suggèrerait que l’éveil n’est pas encore pour le jour d’après?

Comme toi, cher Albert, restons à son écoute, suivons-le, car il me semble qu’il est là, entre les deux-mondes du poète, pour quelques confinements encore… Hors du monde à l’arrêt, pour un nouveau départ? Quelle qu’en soit l’issue, je sais que dans les monts Popey, ta biodiversité continue son cycle immuable, avec des magnifiques fleurs de poésie. Avant, pendant ou après les confinements…

© KT, 26/4/20

JOUR 44, CHRONIQUES AUX TEMPS DU CORONAVIRUS

CHERES AMIES, CHER AMIS, JOUR 44, CHRONIQUES AUX TEMPS DU CORONAVIRUS.

Aujourd’hui, nous accueillons une voix reconnue de la poésie turque, grand traducteur des œuvres italiennes et roumaines, ERKUT TOKMAN. Je l’ai connu il y a une dizaine d’années, et notre amitié n’a pas pris une ride. C’était quand mon fils Camil, dans le cadre d’un échange ERASME, a passé six mois à la prestigieuse université Köch. Erkut l’avait pris sous son aile. On ne se connaissait pas, mais comme Hikmet, qui croyait dans la fraternité des artistes, Erkut (me sachant poète) avait ouvert les portes de son cœur.

Lisons sa lettre “à la prose incertaine”:

Lettre d’un poète à la prose incertaine

Chers présidents et dirigeants de tous les pays et aussi de France,
Par le langage fatal du temps
Qui nous montre son autre visage :
Nous sommes perdus, dans la terreur, la peur, l’épidémie,
La faim, la guerre, la catastrophe naturelle,
Sans humanité.
Et vous,
les gouvernements, les politiciens, la réalité et l’esprit commun
distillez de la raison pure
disant il était une fois l’illumination…
MAIS
Nous traversons des moments sans présidents, sans précédent,
les pays, les communes, les rues, les religions,
les langues, les races, les sociétés, les règles, la vie commune
semblent infectés, dans la fosse commune…
Parce que nous avons tous vu que nous étions égaux dans la liberté,
Nous croyons que nous existons.
Nous avons des milliers de morts dans les tombes, les hôpitaux,
dans les rues, les parcs et ailleurs.
Oubliés, nous avons des milliers de malades dans le métro,
les rues, les maisons de tout pays et peut-être, même ailleurs,
d’autres oubliés.
Nous sommes des millions partout dans le monde
qui avons peur tandis que d’autres milliards
regardent tout ce qui se passe
comme si le décor venait d’un film terrible, horrible, incompréhensible.

Un jour, nous sortirons de nos maisons,
la vie ne sera pas la même vie
parce que nous ne serons plus les mêmes personnes.
Et nous espérons que vous, les politiciens ne serez pas les mêmes personnes
qui nous dirigent car même si vous êtes sûrs d’aujourd’hui,
vous verrez que demain n’existera plus.

L’humanité appelle à l’urgence, les blessures deviennent plus lourdes
et saignent, nos morts ne rentrent plus dans vos linceuls,
nos péchés sont aussi en sang -
ces morts sont maintenant notre conscience
et notre péché commun est le plus grand cauchemar de notre humanité.
Les héros de l’histoire n’ont jamais été oubliés
et les victoires disent aussi mes héros sans nom…
Oubliés de notre humanité, ils sont enterrés dans leur terre sans horizon.
Et de notre conscience, seuls l’art, la poésie, la littérature leur parlent.

İl est temps de changer, sans attendre.
La révolution de l’âme nous attend tous.
La nature est le socle dans lequel la matière redevient esprit.
Présidents sans précédent
On s’attend à ce que vous soyez amoureux de la justice,
De l’égalité et de la liberté de tout l
e monde.
Ma prose, vous le voyez, balbutie :
Y aura-t-il un paradis où tout sera égal et libre à nouveau ?
Y aura-t-il la paix et la sérénité ?
Merci de m’avoir lu et je pense que la réponse ne tardera pas non plus…
P/S :Le rêve ne devient jamais réalité. Il devient une utopie, mythe ou une légende perdue,
se lisant de langue en langue... Peut-être qu’une nouvelle langue va naitre ; afin de parler sans fin et de tout et de rien et de nous aussi.
Et la soi-disant l’humanité qui ne peut rien changer va-t-elle se débarrasser de notre langue sans bégayer ?

© Erkut Tokman, 27 Avril.2020. Kadıköy-Istanbul

Cher ami, poète du Bosphore,

Je te connais depuis le superbe voyage vers l’île aux princes, à Buyukada, dans un magnifique archipel de la mer de Marmara, où jadis, dit la légende, le Sultan avait exilé ses élues de cœur. En effet, sur cette “grande île” existe un couvent où des impératrices, femmes, sœurs, mères ou filles d’empereurs déchus, que l’on voulait éloigner de l’empereur, étaient confinées. Comme quoi, même les aristocrates subissent parfois un virus virulent, le pouvoir. Celui qui confine à tour de rôle.

Ici, cependant, curieux clin d’œil par rapport au Covid, les femmes qui visitent l’île sont tenues à porter une couronne fleurie…

Les rancœurs et les rancunes finissent souvent dans un tiroir oublié de l’Histoire.

Je me rappelle avoir marché jusqu’au couvent…

Ici, on peut voir de somptueuses maisons et des parterres fleuris de toute beauté. Je l’ai parcourue, cette île enchantée, en calèche. J’ai imaginé Trosky ici, dans son exil de quatre ans, y écrivant l’Histoire de la révolution russe. Un autre confiné, mais de l’autre côté de l’Histoire.

Souvenir fort en temps de confinement, écho d’un écho d’autres vies en quarantaine. Mais aussi d’accueil et d’espoir. En effet, tes mots me ramènent à ces moments où mon fils a fait son échange dans le cadre d’Erasme, à la grande université de Koch. Tu l’avais accueilli avec chaleur. Et il s’en souvient. Il a étudié six mois entre deux continents. Il a beaucoup appris de son séjour stambouliote. Merci pour ton chaleureux accueil cher poète. A la grande île de la mer Marmara, ne dit-on pas deux types de salutations: “kalimera” en grec et “merhaba” en turc? Comme si les mémoires restent en conversation, même après de nombreuses séparations. Ici, on voit encore églises, mosquées et synagogues, toujours en activité.

Ta lettre aux dirigeants du monde malade nous ramène à l’essentielle question du derviche, qui tourne autour de lui pour semer le bien, la lumière, la guérison de l’âme.

Il s’inscrit dans la rotation de la Terre, des astres, de l’univers. Il ne tourne pas en rond mais avec les choses qui nous maintiennent en vie, debout. Toujours dans le courant d’énergie d’une égalité renouvelée. Il ne se retourne pas contre la Terre, il suit sa danse cosmique vers la Paix et la Beauté. Je l’associe bien à l’éclosion des tulipes noires et moirées, passion des Sultans éclairés, au parc d’Emirgan. Bien sûr, tu me diras, le derviche tourne comme la Terre autour du soleil, en communion, pour entendre le message d’harmonie qu’il est seul à connaître, et qu’il tourne du côté gauche, qui est celui du cœur… Ces aspects ne s’opposant pas... Ils sont en conversation silencieuse. L’important dans tout cela, comme on le sait toi et moi, c’est qu’il faut croire en l’amour… En son harmonie, qui règle l’univers.

İstanbul d’où tu écris, a vu mourir tant d’empires.

C’est ici, pour citer un poète, que se rencontrent les plus belles ruines des empires. J’ai toujours aimé cette formule, cela est vrai quand on est le long du fleuve, dans un parc ou sous un pont. Partout, Istanbul, ville, entre deux points cardinaux, Orient et Occident, tisse le passé qui résiste au présent pour redevenir l’avenir.

Oui, c’est ici que j’ai écrit des courts poèmes, de Kadikoy à Beşiktaş, d’Eminou à Karaköy, , que tu as traduits. Une belle aventure entre deux poèmes/rives/rêves du monde. Et je songe à revenir aussi, à la magnifique ville-carrefour et à l’archipel, dans la ronde du temps, si le virus couronné le permet. S’il nous permet de passer d’une rive à un rêve, comme je l’avais écrit sur les bateaux à vapeur, en buvant du thé roux, en croquant des amandes grillées…

Mais pour le moment, il doit arpenter l’empire qui s’est forgé à sa façon. Celui qui a rempli ses coffres-forts non seulement avec la complicité des eunuques mais aussi des émissaires non pas de la Sublime Porte, mais des portes dérobées.

Ce virus sait attendre, il se terre; on pense avoir sa peau, il nous revient à la figure. Pour nous démasquer. Et pour cela, on aura besoin d’un masque à l’enterrement des empires qui n’ont pas dit leur dernier mort. L’ombre des janissaires veille sur ceux qui donnent des tulipes rares aux sultans pénitents.

La vie, cher Erkut, comme tu le dis, en ce moment, est au bord de la fosse commune. C’est un lieu commun pour notre humanité commune.

Et nos princes semblent répondre à toute cette pandémie en imprimant des billets, en escomptant un retour sur investissement, travailler plus pour payer au Covid-19-bank de nous avoir épargnés…

Le retour serait possiblement là, aux portes sublimées des banques, qui nous feront payer pour les planches à billets à l’œuvre, heureuses de nous prêter de l’argent pour rembourser un richesse factice que le chancelier des épidémies a fabriqué, pour sauver l’empire de la ruine. Un tour de passe-passe, et la vie continuerait…

En temps de pandémie, ne dit-on pas que l’on répond au virus à couronne en imprimant des têtes couronnées sur la monnaie papier appelée à la rescousse pour rafistoler un système qui est en train de se phagocyter?

Je te fiche mon billet, cher poète du Bosphore, que demain ne sera pas çomme avant, mais peut-être pire, si les empires finissent par se succéder à eux-mêmes…

Déjà, la ronde du derviche suit les tourbillons des temps sous le pont Galata, là où j’ai jadis cherché l’âme du pénitent, qui continue à pécher des poissons échappés des remous du monde…

© KT, 27/4/20

NOTE SUR ERKUT TOKMAN

Erkut Tokman est un poète, acteur, artiste visuel, éditeur et traducteur turc de grand talent. Il a vécu et travaillé à Londres, Bucarest, Milan et Istanbul; il est le nouveau président élu de l'Académie interculturelle de poésie et de traduction de Turquie (IPTAT) et membre de PEN turc et italien. Son dernier livre de traduction poétique de Sebastiano Grasso comporte la préface de Yevgeny Yevtushenko et des dessins d'Adonis. Il a remporté le prix de traduction le plus prestigieux d'Italie. Il a aussi reçu le prix de poésie “Messina Citta d'arte” et le “Salvotore Quasimodo Jaci Poetry Award”. Erkut Tokman est aussi membre d'honneur de la Maison de la Sagesse Fès-Grenade.

JOUR 45, CHRONIQUES AUX TEMPS DU CORONAVIRUS

Chères amies, chers amis,

voici un poème de PHILIPPE PRATX, qui nous propose un Sirventès, dans la grande lignée des troubadours médiévaux de sa région natale. Violent, polémique. Il est à lire sans modération:

Prince souverain aux yeux vides
Aux doigts gourds de ne pas savoir travailler de tes mains
Prince aux dents aiguisées
Qui te nourris de la chair des humbles

Tu sortiras trois fois par une nuit de pleine lune
Trois fois tu sortiras puisque la lune seule
Est assez pure et assez loin de tes méfaits

=

Pour te juger
Prince qui d’un mot sans âme
Nies la réalité et promulgues les lois du mensonge
Qui d’un geste applaudi de ta cour
Jettes les innocents du haut des précipices
Et rit de les voir s’écraser

Pour la première fois tu sortiras et rendras compte de tes mots
Pour tes mensonges tu paieras

Prince au cœur plein de morgue
Plein d’additions de chiffres mortifères
Prince porté au pouvoir par la mécanique atroce
Des meules broyant des vies
Pour en extraire les farines de lucre dont vous vous gavez

Pour la deuxième fois tu sortiras et rendras compte de tes actes
Pour tes crimes tu paieras

Prince qui te crois l’Elu quand tu n’es que la lie
Des vins les plus obscènes
Prince qui nous prends tous
Sauf bien sûr tes comparses et tes propres maîtres
Pour des choses infimes des sujets des objets
Qui te crois légitime quand tu n’es qu’usurpateur

Pour la troisième fois tu sortiras et rendras compte de ce que tu es
Pour la hideur de ton ego tu paieras

Prince dont la perverse intelligence
Te châtre de l’essentiel et t’abreuve d’orgueil
Prince que cet orgueil raidit
Dans ces postures bouffonnes et que tu crois royales
Sous ce masque d’histrion incapable de vérité
D’humanité incapable d’amour

Sous la lune sereine qui sait encore éclairer le Pays
De quelque lumière dans les ténèbres où tu nous tiens
Tu paieras à ce peuple qui n’est pas tien
Mais que tu tiens pour ton esclave.

(c) PP, 28.04.20

****

Cher Philippe, en écho de ton Sirventès, une autre polémique en poème satirique?
Allez, le ton est bon...

Je citerai Machiavel pour faire bonne mesure: «Si tu savais changer ton caractère
quand les circonstances changent, ta fortune ne changerait point».

Que dire au Prince, sinon lui déconseiller de lire Machiavel sans loi ? Sans toi, sans moi...
De ne pas croire que la raison du plus fort n'est pas celle de l'état ?
Lire Machiavel, c'est renier que le virus est à couronne aussi.
Et que sa raison ne nous laissera pas en l'état.
Qui dirige qui, qui règne sur quoi en temps de pandémie ?
Celui qui est roi élu est indigne de toi, de moi, de nos choix.

Après, il y a le grand cri de la vie, de la présente vie ici-bas.
Mais le Prince a décidé de nous laisser sans deuil, il sait
Prévoir l’au-delà du virus, ce pays où la frontière est sa grande géographie.
S’il faut un visa, on l’octroiera, s’il faut une quarantaine on décidera.
S’il faut démasquer le Seigneur, on le fera ; tout à la fois.
Mais il faut déconseiller le Prince de lire Machiavel aux temps du corona.

Qu’il dise le contraire de ce qu’il a dit en toute foi,
Ce n’est pas certes là que son talent le fourvoiera.
Il sait attraper des éléphants avec des pièges à rats,
Faire des élixirs électoraux avec le jus des cancrelats.
Il expliqua ses failles, proclama son humilité, s’agenouilla.
Il doubla le tout d'un ’alinéa en alpha béta, au rayon gamma... Etcétéra.

Un Prince n’est jamais las, quand la vérité le met à bas.
S’il tutoie la bête à couronne, c’est que sa raison est à l’agenda.
Le peuple, s’il crève, c’est mérité, c’est un scélérat.
Machiavel n’a-t-il pas dit, de la crédulité du peuple tu abuseras ?
Il ajouta même, l’abus n’est pas là quand c’est de bonne foi.

Donc avec le corona, pour mille raisons, tu t’acoquineras,
Comme larrons au cafétéria. Une tape par-ci, une accolade par-là. un léger crachat. Et une promesse tu vaporiseras.
Et le sondage remontera devant la caméra.
Le Prince ne lit pas
Machiavel en pandémie, non, il évite le tracas de perdre son emploi. Il sait qui il vaccinera.

Déjà, on le voit, il n’est pantois que pour son électorat.
Un œil suppliant, un mea culpa minima il fera.
Il capitalisera sur les canapés grenat et les soyeux sofas.
L’heure n’est pas encore à la facture, mais au volontariat.
Le Prince sait qu’il zigzaguera entre le yaka et le yoga.

Car en temps de pandémie, c’est le Prince que le corona lira…

Et Machiavel dans tout ça ? Où sera son vice-consulat ?
Se revalorisera-t-il au trépas de son vice-versa ?
La question appartiendra à celui qui le lira et votera…

© KT, 28.04.20

JOUR 46, CHRONIQUES AUX TEMPS DU CORONAVIRUS

MERCI à Carmen Panadero Delgado pour cette magnfique création, qui a inspiré ce poème...
Elle a déjà contribué un portait de Pessoa pour un autre texte de nos chroniques.

Chères amies, chers ami, j’espère que vous vous portez bien. De mon côté, ça va, très occupé. Oui, l’écriture est un virus qui permet de vivre le confinement en géographies multiples… Aujourd’hui, justement, je vous propose CE POEME léger, témoignant d’un impensable virus SDF rencontrant un vagabond, sous la tente…

Comme écrire à un virus, dans l’attente
De sa probable disparition ? Un nomade parle à un bédouin…

Dans l'attente de la fin
De la quarantaine, j'ai semé une pensée de comorbidité,
La croyance que vivre c'est se blesser
Aux carrefours des vieux matins,
Et qu’attendre que la pandémie soit son butin,
C’est tisser des serments de prisonniers
Jurant que la liberté sera leur rêve prochain.

Mais qui écoute efin un vagabond souverain,
Vivant des soirs fatigués, sans lendemain ?
Pourtant, il est encore temps de converser,
D’épouser la conviction que tout tient enfin,
Que tout n’est que le début de la fin.

Il est encore temps de bivouaquer
Avec la lune, d'étendre la main
Vers l'épidémie des oiseaux fusillés.
Ici, le vagabond sait se rappeler
Le cri des enfants au regard éteint,
Le silence des vieillards réticents et résignés.

Le virus, dis-je aux quatre chemins,
A renoncé à parler avec nos mains.
Je le soupçonne d’être byzantin ou italien.
Il doit être encore plus malin
Que nos savons de Marseille parfumés,
Que nos savants pensifs et dépassés.

Moi je connais son chemin, on est cousins.
Donnez-moi une autorisation d’outrepasser
Sa tête piquetée de vérole, son crâne couronné,
Je lui écrirai son trépas sur un doux parchemin.
Mais comprend-t-il mon baratin ?
Lit-on les mêmes bouquins ?

Ce nomade invisible, plutôt vilain
Semble se cacher aux confins
De ma tente, sous le ciel déchiré.
De quoi a-t-il besoin ? De son bulletin
De salaire ou de salaud ? Mais, je le vois bien,
Je déraille à force de le voir dans le bottin.
L'as-tu vu saluer le médecin opportun,
L'infirmière agenouillée, dépassée
Par son désir d'imaginer un autre vaccin ?

Chacun semble suivre son chemin…
Lui, il sait que demain sera dévié,
Le locataire n’est pas là pour durer.

Il habite avec nous, c’est décidé, il est déconfiné
Avec le villageois, le bédouin et le citadin.
Il a tracé, en clandestin, l'impensable destin
De la chauve-souris ou du pangolin.
Il est mexicain déguisé en arlequin.
Mais je le crois un peu margoulin.

Devant le ciel etoilé, désormais étiolé
Il fait les cent pas. Comment faire le point
Avec un absent qui marche sur un filin ?

Chaque jour je crispe mon poing,
Chaque jour je veux modifier son destin.
Mais qui couronnera un virus sans déclin ?
Sait-il que j’ai des symptômes bénins,
Et que bientôt je commencerai à tousser ?
Il le sait, mais jamais il ne se plaint.
Quand je postillonne, il a le béguin…

Sous ma tente, j’imagine sa couronne solaire.
Je sais que bientôt, le souffle de la Terre
Le ramènera à sa première destinée.
Comme moi, ou le bédouin, il sera viré.
Mais qui sait, oui, qui sait ?
On le dit vivant depuis des millions d’années.
Et s’il revenait pour reprendre sa forme humanisée ?

Serait-il le prochain feu follet de l’été ?
Je sais que nous ne sommes pas consanguins,
Ca, c’est déjà un bon point.
Mais il me reste encore à trouver
Comment un idiot comme moi tuerait ce crétin…

En tout cas, il a tout arrêté, c’est le plus grand frein
Que l’évolution a créé pour mettre fin
A nos débauches, festins et plans hautains.

Dans ma tente, je n’arrête pas de cogiter.
Je serai le prochain Tartarin de Tarascorona.
Un jour, sa tête au bout de mon bonnet,
Je pourrai me proclamer Attila chef des Huns.

Mais voilà que je sens ma tente vaciller,
Ah être confiné sous un fichu crachin…
Et voilà que mes neurones sonnent le tocsin :
Comment ce SDF ébouriffé a pu confiner
Tout le monde en un tournemain ?

© KT 29/4/2020

JOUR 47, CHRONIQUES AUX TEMPS DU CORONAVIRUS

Chères amies, chers ami, j’espère que vous vous portez bien. Nous continuons notre pari quotidien, écrire en pandémie. Merci d’être avec nous. Aujourd’hui, un texte de Mohammed Boualam, qu’il nous offre sur un ton onirique… Je lui réponds, en résonance, en retournant à Grenade, Andalousie, question de quitter le miroir du confinement pour les spectres merveilleux des souvenirs…


Lisons Mohammed Boualam:

Je viens d'accueillir un voyageur du temps,
il vient du moyen-âge, il est lettré,
c'est un berbère qui vit à Grenade, en Espagne.
Il a atterri dans mon salon, je l'ai rassuré, en lui disant
qu'il n'était ni en enfer, ni au paradis, mais juste en 2020.

Il avait bien de questions.
En lui servant, un café, j'ai essayé de lui parler,
même si je ne sais pas parler l’arabe, ni une langue berbère, je m'aidais
avec mes mains, lui faisant des signes,
comme un singe bien dressé.
J’ai compris une seule, phrase qu'il soupira : "Vous et vos semblables, vous êtes mahboul"

Après quelques minutes, nous avons trouvé,
empiriquement,
un langage provoqué par nos essais de communication.
Il m'a dit : « Comment pouvez-vous vivre dans ce monde,
vous êtes condamné si vous continuez ainsi ? »

Il continua : « Mon maître Averroès, m'a prévenu
que le monde d'aujourd'hui, était le début de la fin,
il faut rentrer avec moi, à Grenade,
il faut vous sauver, de la pire maladie qui existe,
on l'appelle le syndrome de l'illusion de l'immortalité,
nous irons au palais de l'Alhambra, parlez au sultan,
et à toute l'humanité de mon époque, pour sauver votre monde,
car si tu ne viens pas avec moi, il y aura la peste, les guerres,
et des fruits et légumes empoisonnés et bien des malheurs ».

Je lui répondis : « Mais, non, arrête de dire des conneries,
tu es pire que le journal télévisé du 20 heures,
je ne peux pas venir avec toi, chez toi, il n'y a pas netflix, ni macdo, ni pq ».

P.S. : Puis, il rentra dans la salle de bain, et disparut dans le miroir.
Avant son départ, je lui ai donné, un livre d'histoire sur l'humanité,
je sais, qu'il en fera bon usage, ahahaahahahahahaha !

© M.B, dernier jour d’avril 2020

Mon cher Mohammed,
Petit intermède andalou, pour déconfiner les miroirs ?
Cher ami, merci de ce texte qui fleure bon la fleur d’oranger sur une pastilla…
Ou une amande grillée avec un thé à la menthe…

Il m’inspire ceci :

Ton voyageur dépasse non seulement le cadre du miroir, mais aussi l’étain, le temps et l’étrange confinement des siècles.

Etrange coïncidence, j’ai pensé à l’Alhambra ce matin, à Grenade, cette ville emblématique de l’histoire du monde.

Souvent, sur les autres rives de la Méditerranée, à Fès (où il a vécu), à Marrakech, à Nador, je crois voir Boabdil, le grand exilé de Grenade, le plus malheureux confiné du monde, car privé de l’Andalousie. Le banni par excellence de son royaume.

N’est-ce pas lui, dit la légende, qui a poussé le dernier soupir du Maure en quittant Grenade, à ce que les chroniqueurs nomment le Col du Chagrin, au mont Padul, que j’ai arpenté quelques fois ? Oui, j’ai gravi la cuesta de las Lagrimas, la côte des Larmes menant au mont Padul, et plus bas, vers Motril.

On peut le comprendre, cet infortuné Boabdil, qui dit adieu à la beauté géométrique des azulejos, aux formes concentriques des ruches d’abeilles plafonnées, aux jeux des ombres et des lumières au patio des lions, à la senteur des roses de damas près d’une fontaine en marbre blanc… Dire adieu à la beauté, n’est-ce pas un mortel arrachement de l’âme en temps d’exil et de confinement?

A vrai dire, le confinement, le dernier roi de Grenade l’a connu au palais, pendant les guerres intestines de succession. Il fut confiné à la tour Comares après le massacre de 36 des Abencerages, avant de s’enfuir à Guadix, avec l’aide de sa mère, la virago Aïcha. Tant d’exils et de reconquêtes dans la vie de l’infortuné. Exilé, il s'en fut à Fez, en 1493. Il mourut en 1527, dans une bataille au Maroc au bord d'un ruisseau nommé «la rivière des esclaves». Il avait 67 ans. Je me demande, comment cet exilé a pu survivre autant de temps loin des splendeurs de l’Alhambra, de la lumière dorée caressant les murs rouges de son palais?

Mais, Grenade, c’est comme partout ailleurs, malgré sa beauté. On passe le temps dans l’étain des miroirs damasquinés.

Mais, plus qu’ailleurs, ici, on voit l’ombre des philosophes, des poètes, des esthètes, de fins esprits. Des assoiffés de la beauté.

Et le prince des esprits, c’est, bien sût, Averroès, un savant confiné aussi, banni, exilé, expulsé, mais lui, en Andalousie … Le maître est exilé à Lucena en 1197. Le commentateur d’Aristote jugé félon et traître par ses détracteurs…

L’Andalousie conjugue ces confinements et déconfinements que nous éprouverons certainement, car le virus passe aussi le miroir du temps et des espèces. Rappelons qu’Averroès quitta la péninsule ibérique, pour mourir à Marrakech en 1198. Presque un siècle avant Boabdil, le visage du confiné royal.

Ah, si j’avais le miroir du temps, comme ce passe-miroir à qui tu offres le café…

Le berbère qui nous traite de «mahboul», de fou, de «pagla», n’a pas tort, même s’il dit ça pour boire un bon kaouah, un café bien tassé, revigorant. Traverser les temps, c’est comme marcher à l’envers tout en avançant à reculons. Qu’importe si l’image est bancale ou elle choque, je la garde, car elle est née en confinement, comme cette conversation entre nos paroles.

Il est sûr que l’on aime passer les barrières mentalement. C’est le luxe des berbères atemporels, des rêveurs au midi ardent de Malaga ou de Cordoue. Ecoutons-le, ce chenapan: " Mon maître Averroès, m'a prévenu, que le monde d'aujourd'hui, était le début de la fin, il faut rentrer avec moi, à Grenade, Il faut vous sauver, de la pire maladie qui existe, on l'appelle le syndrome de l'illusion de l'immortalité, nous irons au palais de l'Alhambra, parler au sultan, et à toute l'humanité de mon époque, pour sauver votre monde, car si tu ne viens pas avec moi, il y aura la peste, les guerres, et des fruits et légumes empoisonnés et bien des malheurs"…

Il est possible que je lui aurais répondu, mon ami sans temps fixe: «Pleurons comme un humain ce que nous n’avons pu défendre comme un Terrien»…

Et pourtant…

J’aimerais vivre dans la magnificence de ce palais que j’ai visité au moins 5 fois, c’est mon propre record pour la visite d’un monument très difficile d’accès, car on doit réserver longtemps à l’avance quand on va à l’Alhambra.

Mais y vivre, n’est-ce pas changer de confinement? Mais comment prendre les choses à rebours, sans pouvoir les mettre dans la bonne perspective de l’avenir?

Le monde, est ainsi fait: n’est-il pas toujours en état de siège?

Qui connaît vraiment le sens de la liberté sinon celui qui sait passer le miroir, comme Alice au pays des merveilles, qui pourrait bien être le palais de l’Alhambra, là où le corona ressemblerait à l’as de pique souriant?

Allez, je vais, de ce pas, traverser le Darro, et monter vers la Porte de la Justice, sachant que les miroirs reflètent plus que notre temps arrêté sur le virus invisible, celui qui fait vieillir les images des miroirs confinés… L’exil, en nettoyant mon petit miroir de poche, je me dis, est le confinement à l’extérieur de nos demeures, et le confinement, je le sais, est l’exil en la demeure…

Viens mon ami berbère.

Repassons le détroit de Gibraltar.

Pour pasticher un poète onirique, en bon confiné qui change souvent d’horizons, je dirai au miroir de Boualam que nous ferions mieux de réfléchir, avant de lui renvoyer nos images…

© KT, 31/4/2020

JOUR 48, 1er Mai et Journée de la Terre

Chers amies, chers amis, bonjour. J’espère que vous allez bien en cette grande journée confinée. Aujourd’hui, nous laissons la parole au malicieux Mohammed Laroussi, publicitaire, mémoire du cinéma marocain, et, cela tombe bien, chroniqueur et billettiste réputé au Maroc. Il a aussi, pour le citer, «attrapé le virus de la pub»… Il est de Casablanca.

Nous avons échangé régulièrement lors de ce confinement transfrontalier. Et voilà un texte profond à lire de sa part. Je converse avec lui après:

Lettre ouverte à Mister Covid 19 le maléfique

Qui aurait dit qu’un jour quelqu’un oserait défier le bon sens et écrire une lettre, de surcroît ouverte, à un virus, une bactérie, un gène pathogène, un être minus, minuscule, si lâche qu’il en est invisible, et dont les dégâts sont gigantesques et monstrueux?
Oui, moi, votre humble serviteur, perpétuel râleur, j’ai décidé de le faire quitte à passer pour un fou à lier, ce que je suis, au moins autant comme vous, aujourd’hui.

En effet, ne sommes-nous pas, et pour combien de jours, on ne sait pas, forcés de garder le lit, le canapé, le fauteuil à bascule, la chaise de cuisine, la banquette du séjour, ou le transat de piscine - rayez les mentions inutiles - car confinés à la maison, qu’elle soit une simple baraque, un appartement éco ou art-déco, ou une villa sur la colline ou sur la côte marine, sur ordre des pouvoirs publics qui, depuis quelques jours, il faut le reconnaitre, font preuve à la fois d’autorité et de réactivité, ce qui les change un peu des jours normaux sans maladie et sans épidémie.

Cher Mister Mister Covid 19 le maléfique, sache que le monde entier, chacun de son côté, fidèle croyant ou affreux athée, prie le Bon Dieu, le nôtre, et/ou celui des autres, pour qu’il t’anéantisse et te fasse disparaître à jamais.

Mais pour cela, je le sais, il va falloir que ces affreux mécréants qui, selon certains qui se reconnaitront, t’ont créé juste pour nous embêter, nous les gentils musulmans, trouvent dans les plus brefs délais le médoc pour guérir tous ces malheureux que tu as déjà piqués, vilain garnement, volontairement ou involontairement, et tant qu’à faire, et le plus tôt serait le mieux, qu’ils fabriquent également le vaccin qui va nous éloigner de toi à vie, pour que nous puissions enfin sortir de chez nous et reprendre nos occupations et nos bêtises habituelles.

Cher Mister Mister Covid 19 le maléfique, tu es tombé juste à pic pour nous rappeler, et rappeler à l’ordre tous ces adeptes de l’ordre mondial établi, qui instaure le désordre social, qui impose l’ordre immoral, l’ordre qui permet l’inégalité et l’iniquité et favorise la bêtise et l’absurdité, pour nous rappeler que, tous autant que nous sommes, du plus minable des prolétaires au plus pitoyable des nababs, en passant par le plus piteux de nos responsables politiques et économiques calamiteux, que, finalement, nous ne sommes que de piètres êtres inconscients et inconséquents, ni prospectifs ni prévoyants, mais juste prétentieux, arrogants et lâches.

D’ailleurs, dès que tu as montré le bout de ton nez, nous avons tous essayé de fuir, mais pour partir où, puisque tu es partout.

Cher Mister Mister Covid 19 le maléfique, on nous dit que pour ne pas t’attraper, il faut nous laver les mains 100 fois par jour, mettre un masque ou... pas, mettre des gants ou... pas, puisque c’est selon, de rester cloitrés chez nous à regarder la télé qui nous informe en boucle que nous sommes foutus, ou à être connectés H24 pour suivre les dégâts directs désastreux ou collatéraux que tu nous fais subir, et avec nous le monde entier que tu as fini par mettre sous les pieds.

Tout cela, nous l’avons accepté parce que dans tous les cas, nous n’avons pas notre mot à dire, mais nous interdire de nous câliner, de nous embrasser, ou juste de nous saluer en nous serrant la pince, comme on le fait depuis toujours, là, vraiment, tu exagères!

Cher Mister Mister Covid 19 le maléfique, depuis que tu as instauré ce nouveau système de salut de loin, avec le coude ou juste en hochant la tête, nous avons l’impression que tout le monde se moque de tout le monde. Oui, c’est vrai que le nouveau mot d’ordre “vivons heureux vivons éloignés” est censé nous garder au moins vivants, mais dis-nous comment nous allons faire pour rester tous ensemble à la maison, sans sortir, et, en même temps, ne pas nous toucher, ne pas nous approcher?

Et puis, est-ce que tu as pensé à tous ces pauvres malheureux qui, soit, n’ont pas de maison du tout, soit qui en ont une, mais si petite et si réduite qu’ils sont réduits à coucher tous côte-à-côte, et même parfois, les uns sur les autres - parce que, en plus, ils sont souvent très nombreux. Ils ne peuvent même pas coucher dehors parce qu’on leur ordonne de rentrer chez eux!

Cher Mister Mister Covid 19 le maléfique, pour finir, je sais ce que tu as fait de mal et que tu continues de faire un peu partout dans ce monde où les forts bouffaient les faibles qui, eux-mêmes, se bouffaient entre eux. Mais, paradoxalement, il parait que, grâce à toi, les méchants sont devenus subitement gentils, que les riches ont commencé à comprendre qu’il y a des pauvres et que, cerise sur le gâteau, que tout le monde est en train d’aimer tout le monde.

Si tout cela s’avère un jour vrai, ce qui est vraiment invraisemblable, et bien, je ne vais plus t’appeler Covid 19 le maléfique, mais Covid 19 le magnifique.

Quoiqu’il en soit, je ne te salue pas, et je te souhaite une disparition rapide, totale et définitive, d’ici et d’ailleurs.

Quant à vous, chères lectrices et chers lecteurs, je vous souhaite une très bon week-end de confinement, agréable et intelligent, et je vous dis à la semaine prochaine pour un autre vendredi, tout est dit.

© Mohamed Laroussi – vendredi 1/5/2020

Cher ami et facétieux billettiste, cher cinéphile invétéré, et co-membre de jury, merci pour ce texte qui m’interpelle, car le virus tue mais ressuscite aussi… Sachant ton amour pour le cinéma, je ne me priverai pas de saupoudrer mon texte de titres de films, pour nous rassurer que la réalité a bien dépassé la fiction…

Cher Mohammed,

Je sais que tu n’aimes pas le virus, mais qui peut aimer un virus?

Déjà, son cousin, le virus informatique, nous embête sur nos écrans, révélant un hacker mal intentionné, désireux de nous chiper nos éléments de vie privée ou nos codes secrets pour un tas de choses. Je te comprends dans ta dénonciation de l’animal invisible qui rôde, tapi dans nos mains, nos narines, nos alvéoles, mieux connecté que le virus informatique lui-même.
C’est peut-être pour cela qu’il a une couronne. Il est le boss incontesté de sa catégorie, car si le premier peut mener à wikileaks (tu vois, il y a aussi un bon côté chez son cousin virtuel), ou à la paralysie informatique ou des dysfonctionnements des systèmes informatisés, le second semble égrener un chapelet de cadavres d’un bout à l’autre de la planète. Il est pire que la guerre du Vietnam aux USA, c’est «Apocalypse now»…

Le Covid-19, c’est le virus réel que l’on a pu numériser, pour produire une image couronnée. Mais comment comprendre la réalité complexe quand le virus est un « alien » né parmi nous ? Peut-être, avec nous…

Et encore heureux que le covid-19 n’ait pas été accompagné par un virus informatique créant un bug, qui aurait fait un confinement au sein d’un autre confinement. Le premier virus tu le vois, a bon goût, préférant laisser la bienséance de la catastrophe à son cousin couronné, «the King».

Un jour, il y a matière à croire que ces deux-là pourraient se donner la main, dans un jour d’après que peut-être certains sont en train d’écrire, dans un scénario catastrophe que les «créatifs» d’Hollywood ont peut-être déjà imaginé, à moins que ce soit dans des arcanes du pouvoir, qui, sans être complotiste, sont souvent en lien avec le cinéma (cf la guerre d’Irak déclenchée sur la preuve d’un film tourné dans une soi-disant maternité des émirats où des vilains soldats d’un dictateur débranchaient les respirateurs de nourrissons prématurés…). C’était «Tora, tora, tora», mot de code signifiant tigre en japonais, utilisé pour l’attaque de Pearl Harbor, sur Bagdad. Des millions de morts.

Ah sacrée époque: l’image filmée fait bien office de preuve, surtout quand elle devient virale et pousse les peuples à s’entretuer au nom de l’humanité. Banzaï!

Aujourd’hui, comme tu le sais, le monde est plus ou moins à l’arrêt, et c’est la «faute» de ce virus «affreux, sale et méchant», pour rester dans la métaphore cinématographique que tu affectionnes.

Aujourd’hui, c’est le premier mai, fête du travail, quand des millions sont devenus chômeurs partiels ou chômeurs intégraux. Et c’est encore la faute de ce satané virus, me diras-tu. Pour te provoquer, je dirai ceci : le travail, on le sait, avant lui, était devenu une pathologie (Coluche disait: le travail est une maladie, la preuve, il y a la médecine du travail…). C’est cette pathologie d’un monde inégalitaire que le covid a aggravé.

Mais comme tu le dis aussi, grâce à lui (tu lui reconnais quand même quelques vertus à cette «verrue» sociale) les hôpitaux se sont modernisés à un rythme inouï, le Maroc a donné l’exemple en fabricant des millions des masques, en produisant des respirateurs à 1,000 euros, puisant de son savoir-faire aéronautique et autre, l’état a débloqué une aide d’urgence aux démuni.e.s, les marocains ont commencé à faire la queue devant les boulangeries (chose impensable surtout en période ramadanesque), ils ont su, avec une batterie de mesures, freiner la propagation du virus tant honni…

Le pays s’est retrouvé soudé devant l’ennemi, avant de retrouver ses failles après la «guérison», probablement, le jour d’après.
Mais, qu’importe, le covid a révélé un pays debout face à la pandémie, et les marocains peuvent être fiers de cette réponse extraordinaire.

Moi, je ne dis pas que j’aime le virus ou la bactérie.

Je sais qu’ils font partie de la Vie. Et qu’ils ont été là bien avant nous et seront bien là après nous, et qu’il faut composer avec et saisir les réflexions qu’ils nous permettent sur notre minuscule condition humaine. De reconsidérer «La folie des grandeurs» qui s’est emparée de notre époque technologique ayant réponse à tout, à la vie sur Mars, l’eau sur Saturne mais se retrouvant impuissante face au covid sur nos mains.

J’espère que ces orgueils des puissants deviendront vite livides dans ce «Very bad trip»… Et que l’humilité nous rendra plus empathiques.

Le temps le dira…

Aujourd’hui, c’est aussi le jour de la Terre, et la symbolique est puissante.

La petite bête nous permet de célébrer, depuis la création de ce jour, il y a 50 ans, le retour à une respiration planétaire retrouvée. Sans être «Jurassic Park», les poumons de la planète bleue vont mieux.

La couche d’ozone se colmate, l’air est plus pur, l’eau des rivières et des mers plus limpides, les animaux reviennent nous visiter au seuil de nos maisons ou dans nos jardins. Il y a même des oiseaux qui pondent des œufs sur des balcons.

Eux aussi, ils étaient là avant nous et ils seront là après nous.

Ce jour-là, vois-tu, cher Mohammed, je ne le rate pas.

Le confinement devrait nous inspirer plus de modestie et de retenue, quitte à gripper nos machines productivistes inégalitaires, destructrices des solidarités (la crise a démontré comment des pays sans couverture sociale ou détricotant leur système de santé ont vu l’amoncellement des cadavres).

Ce jour-ci, ces machines-là ne sont pas mortes.

Elles attendent leur retour «à la normale».

Et cela, comme tu le dis, ne soyons pas naïfs face à la bonté des bonimenteurs, nous tuera deux fois. Une pandémie suivie d’une reprise en main des profiteurs, des vautours.

Cette fois-ci, vois-tu, on ne pourra pas dire que c’est la faute de l’affreux sale ou méchant Covid, mais plutôt, un choix fait par ceux qui nous gouvernent, motivés par «une poignée de dollars» de plus… Déjà, certains engrangent des milliards nés de la pandémie. D’autres pays mettent en vente des masques, alors que chez toi, c’est quasiment gratuit…

En fait, le covid-19, cher ami, ne nous dit-il pas que nous ne sommes pas dignes d’aimer la vie dans toute sa splendeur ? C’est cela que j’aime chez lui. Il met le doigt sur des réalités que l’on voulait/qu’on n’avait pas le temps de voir.

C’est un virus qui fait dérailler nos claviers de commande, pour voir que derrière nos écrans d’orgueilleuses certitudes, il y a beaucoup d’écrans de fumée. Et comme me le disait mon complice Albert Guignard dans ces chroniques que nous tenons, sans discontinuer, depuis le début du confinement, ce virus-là, il faut converser avec lui.

Non pas pour l’aimer. Mais pour comprendre le monde qu’il a mis à l’arrêt devant nous et pour nous. Gandhi ne disait-il pas: «Comprendre est plus important qu’aimer»? Car comprendre, ce n’est pas masquer la réalité, c’est prendre un risque de nous distancer de nos certitudes, de nos modèles de développement basés sur le profit à tout prix, se désolidarisant des règnes de la vie (c’est peut-être la vengeance du virus masqué?) et des personnes précaires…

N’a-t-on pas fait le choix de laisser mourir les plus âgés en France ou en Italie? Aux USA, ceux qui sont pauvres, subissant le désert alimentaire, ne meurent-ils pas plus que les riches des quartiers huppés? A Delhi, les précaires ne sont-ils pas en train de manquer de nourriture, pouvant laisser craindre une famine? Est-ce vraiment la faute du covid ??? Avant, en Inde, le gouvernement populiste voulait tester la nationalité d’un milliard et de demi d’indiens, et on découvre qu’il n’a pas la capacité de faire des tests pour dix millions de personnes… On a beau vouloir alunir, mais on se demande s’il y a un pilote dans l’avion ou l’aéronef…

Ce virus-là n’est qu’un catalyseur de nos erreurs, haines et préjugés, une loupe grossissante de nos failles. Et quelle que soit l’issue de ce film de science-fiction devenue réalité, au moins, cette réalité-là, en nous mettant à l’arrêt, il nous l’aura pointée du doigt, du haut de son trône invisible. Le Covid-19 est une date incontournable dans l’Histoire humaine.

Il a créé une référence incontournable pour ceux qui veulent diminuer la pollution, apporter un souffle nouveau dans nos façons de voir la vie, de gouverner, de changer de paradigmes. C’est un fait historique, une histoire PLANETAIRE qu’il écrit, sans risque de contradiction, qui en ce Jour de la Terre, prend un relief tout particulier.

Ce virus nous parle…

APRES, ce qu’en feront les puissants qui commencent à penser le jour d’après, pour damer le pion au jour pendant, est une autre histoire… En bon cinéphile que tu es, tu pourras choisir entre Retour vers le futur du passé ou L’Empire contre-attaquera ou encore Il sera une fois la Révolution…

A moins que ce ne soit «Premier contact», ce qui ne te rassurera pas, car l’OMS a dit que le coronavirus a décidé de vivre avec nous un certain temps… Donc, disons, «Stand by me», cher lecteur de scénarii expérimenté et facétieux observateur.

Quant à moi, je pense que ce sera «La Vérité si je mens » ou encore «Tais-toi quand tu écri »… Les drones nous filment dans certains pays, la reconnaissance faciale semble être la réponse des intelligents qui jouent à Frankenstein ou Dracula.

La planche à billets a fonctionné, pas la planche à idées.

Et c’est là où le covid nous met devant nos propres responsabilités. Et pour cela, tout en rendant hommage aux victimes de la pandémie, je pense que la Terre comme entité vivante peut lui être reconnaissante…

Après, le plus important, c’est ce qu’on fera de cette expérience, pour penser hors de nos boîtes noires ou à idées récurrentes…
Il se pourrait que le «virus chinois», pour citer un grand penseur outre-Atlantique, soit envoyé aux calendes grecques en matière de sagesse… Ce n’est pas le virus que je déteste mais ceux qui sont aux éprouvettes des sociétés. Aux manettes des pays exsangues, qui pourraient réécrire le scénario de nos vies en Terriens. Mais, j’ai l’impression qu’ils sont en train de repenser le profit à refaire, pas un monde toxique à défaire.

Cher ami, le cinéma ne cache pas la vie. Comme le virus, il nous permet de converser avec elle, si le film est bien écrit et réalisé, avec des bons acteurs. Le film à venir est déjà sur la table. J’ai comme un mauvais feeling…

Je sens que nous risquons de voir le remake de Death for sal », la mort en vente, un beau film marocain. Tu m’accuseras d’aimer le virus et non la projection qu’il réalise…

Certes, certes, mais au point où nous sommes, en cinémascope, terminons par une note d’espoir, disons tous deux, «Mektoub», autre beau film de ta terre natale, signifiant «C’était écrit»…

Aussi, comme toi, cher Mohammed, je pense que le voyage «Au pays des merveilles» de la pandémie est reporté pour l’après-après-avant-pandémie… Mais qui corrigera leur mauvais scénario? Quant à moi, têtu comme un coronavirus, je pense déjà à 2020, l’odyssée des espèces… Je rêve de l’écrire, en confiné, «à la maison» avec ET. Et après le déconfinement, à Ouazarzate, aux portes du Sahara, où on tourna «Ali Baba et les quarante voleurs», «La dernière heure» et «La dernière tentation du Christ»…

Oui, j’oubliais, cher Mohamed, il y avait aussi «Les chemins de la liberté» tourné dans cet endroit né pour servir de décor au film viral à venir…

© KT, 1er mai 20

JOUR 49 de nos CHRONIQUES AUX TEMPS DU CORONAVIRUS.

Quel plaisir de retrouver Albert Guignard, le tout premier avec qui j’ai dialogué dans les chroniques coronavirales ! Sa parole remonte à l’enfance du monde, à sa sagesse impénitente. Aujourd’hui, il nous narre un souvenir que le corona creuse en lui, le temps d’une pandémie. Est-ce le moment d’une petite psychanalyse des confiné.e.s?

Je converserai avec la remontée aux temps d’Albert, là où le souvenir affleure:

De quoi Covid-19 est-il le nom, Khal ?
Du temps où j’étais surveillant de nuit
dans une maison à caractère social,
sous la figure protectrice de St Exupéry,
à un début de soirée, débarqua à l’improviste
une ancienne pensionnaire.
Afin d’éviter l’agitation que sa présence souleva
au moment du coucher,
mon collègue et moi isolèrent la fugueuse au bureau.
Nous joignîmes son éducateur par téléphone
qui ne pouvait venir récupérer
sa protégée que le lendemain matin.
Si j’espérais fermer l’œil entre deux rondes, c’était raté.
Pendant de longues heures, nous écoutâmes la gamine jouer
les ingénues et les affranchies, allant même
jusqu’à nous apprendre l’existence du haut de ses 15 ans.
A l’aube, je conduisis son éducateur
jusqu’à la pièce où nous l’avions confinée.
En ouvrant la porte, nous la surprîmes sur le canapé,
endormie, en position fœtale,
suçant son pouce.
Covid-19 a fait remonter à ma mémoire
ce monde de Petit(es) Prince(esses) que l’on assassine…

© AG, le 2/5/20

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Merci pour ce texte dépouillé, qui dit le corps dans son essence. J’ai pensé ici à l’anamnèse, mot-valise fait de ána (remontée) et mnémè (souvenir). On définit, comme tu le sais, ce terme grec comme « rappel du souvenir ». Elle nourrit la «réminiscence» qui a motivé ton texte et le mien:

Cher Albert,

La position fœtale… L’avons-nous quittée? Et si on la retrouvait spontanément en temps de stress, et maintenant, d’épidémie mondiale? N’est-elle pas le premier souvenir que la Vie imprime au corps? Comme un renoncement au confort du liquide amniotique tout en se laissant bercer par son souvenir?…

A mon tour…
Je me rappelle…
C’était à Port-Louis, dans ma ville natale.
Mon père était propriétaire d’un journal. Je le voyais tard le soir.
Comme une ombre spectrale.
Je l’entendais parler avec son rédacteur-en-chef, qui venait le voir jusqu’à fort tard.
Ensemble, ils échangeaient leurs vues sur la politique, les faits divers, l’histoire.
Moi, dans un sofa, je me tassais, j’avais parfois peur du noir,
De la nuit tropicale qui se met en embuscade.
Qui vous ravit tout l’espoir
De revoir le soleil qui vous a abandonné le jour d’avant.
Parfois, bercé par leurs paroles que je ne comprenais qu’à moitié,
Je m’en allais dans les bras de Morphée (dieu des songes, qui lui, il avait 999 frères et sœurs et moi seulement 12).
Ecouter parler son père, je le sais aussi,
Vous emmène derrière la lune et les étoiles. La voix est mémoire primordiale.
Elle est véhicule du corps et de l’esprit.
Et je me plaisais d’écouter en baillant…
Puis un soir, en me réveillant, je m’aperçus
Que j’étais seul. J’ai compris que mon père était parti
raccompagner son ami en voiture,
Comptant sur le fait que je n’allais pas me réveiller pendant son trajet.
Que faire ? Dormir encore ? Impossible…
Je poussai la porte de sa chambre :
Dehors la lune brillait entre les feuilles du tamarinier. Le vent secouait les palmes
Du papayer. J’entendis des crissements dans le cocotier.
Mon esprit s’est enflammé :
Et si les esprits du moringa s’emparaient du mien ?
S’ils m’entraînaient au loin, dans leurs forêts
Où les enfants désobéissants sont confinés dans des grottes obscures ?
Mais où est mon père ? Je repoussai la porte, l’imagination en tremblement.
Je retournai au sofa, murmurant, si seulement il m’avait réveillé,
Je n’aurais pas vécu en unique prisonnier de la nuit.
Je n’osai pas traverser la cour agitée d’ombres inquiétantes,
Aux dalles noires de basalte venant d’un autre monde.
Et je m’endormis ici, je ne sais pour combien de temps.
Au bout d’un moment, je ne sais comment, je me suis réveillé dans mon lit,
Tout recroquevillé, comme si mon corps me consolait de la crainte de la nuit.
Cet instant, n’est pas dominé par la peur, non,
Peut-être par l’empreinte du corps qui nous arrime au temps de l’enfance.
Dans le lit ou le sofa, quand je sens que la vie me submerge, je fais comme
Ta princesse endormie, je me retrouve dans le ventre de ma mère,
Le corps sans cordon ombilical, seulement, avec la marque de mon nombril.
On le fait parfois instinctivement, sans trop y penser.
Si le covid savait combien d’entre nous
Ont retrouvé la posture du fœtus en temps de confinement,
Je pense qu’il penserait davantage du jour d’avant avec nous…
Mais, le confinement, c’est aussi sentir la peur de la cour sombre
A traverser, dans le corps de la nuit, recroquevillée sur soi aussi.
Souvenir, étrange souvenir, dont le langage souvent nous guérit…
Ainsi en va-t-il dans ces temps de pandémie, en retrouvant l’enfance,
L’humain retrouve ses sens,
Il sait qu’il peut se rassurer du battement de son propre cœur,
A l’unisson de celui de sa mère ou de son père…
Ou de la Terre entière, qui enfin respire…
La position fœtale, après tout, n’est-ce pas le confinement naturel
Que l’enfant adopte devant la peur de l’inconnu ?
N’est-ce pas son abri sans la couverture qu’il ramène à lui
Quand il sait que le jour d’avant est gardien du jour
d’après ?
En tout cas, ton souvenir, cher Albert, nous rappelle que le confinement
Est en nous, il exprime notre réponse au stress, notre retrait face
A une situation angoissante, par exemple, pour échapper aux ours…
Mais il ne nous empêche pas
De nous étirer et nous mettre debout dans la réalité,
La mémoire en éveil, suçant le pouce du langage…

P/S J'oublierais, dans cette anamnèse, si je ne saluais pas Morphée, dans les bras duquel je suis souvent en songe éveillé. Ce fils de d'Hypnos (dieu du sommeil et de Nyx ((déesse de la nuit) prophétisait les événements d'importance. D'une main, il tient un miroir, que nous avons retrouvé dans le texte de M. Boualam, et de l'autre, des graines de pavot, qu'il sème, pour apaiser les mortels devant la nuit... C'est lui qui a donné son nom à la morphine. Autant de rappels de souvenirs, que les mots portent de siècle en siècle...

© KT 2/5/20

JOUR 50 DES CHRONIQUES AUX TEMPS DU CORONAVIRUS

Aujourd’hui, chères amies, chers amis, je voudrais nous proposer une RESPIRATION SENSUELLE DE MON ILE NATALE, la superbe île Maurice, en conversant avec un court-métrage. Les images avec lesquelles je converse, ne signifient pas que je sombre dans un exotisme béat. Elles sont là pour AERER mon confinement et m’inspirer. Je suis exote, «du dehors», comme vous le savez…

Merci à Bamba Sourang et Raphaël d’Aboville pour ce chapelet d’instants, dans ce court film que vous partagez opportunément en temps de confinement. Comment le nommer vraiment? Un souvenir qui se construit hors champ? Un désir de quitter le lagon (puisque le lagon est «confiné» dans sa barrière de corail) pour l’océan?

En tout cas, INVITATION AU VOYAGE, mon texte conversant avec ces images de l’île qui bat en moi, d’atolls en archipels…

***

Au début, était cet enfant. Il pourrait être ange du banian, ou atroce chenapan, voleur de mangoustan.
En tout cas, je le vois pendant, les cheveux en avant, le corps en forban. J’ai été cette décalcomanie de l’instant, suspendu entre le ciel et son hauban.
Qui sait mieux écouter le vent? Ne le saisit-on pas mieux en inversant son tympan?
Mais voilà que le ressac me surprend, ce lourd battement de la mer devenu toboggan. Un chant impressionnant, tambour de sel percutant.
Un son lancinant, comme un pénitent au cavadi des goélands.
Et je suis cet alizé qui surprend cette liane du boucan.
Je sens la mer jusqu’au sang.
En me suspendant, c’est l’horizon que je reprends.
L’arbre multipliant m’érige en monument.
Je vois son feuillage en écran, ses graines en paiement.
Riche, riche en propriétaire de petits océans…
Mais le chapelet me reprend.
L’ombre du Morne est mon orient. Sa pirogue devance les brisants.
Encore un écho de la mer au tournant.
Ici, je croquerais une mangue saupoudrée de piment.
La mer bleue, ô ce rouge piment.
Encore un bruit de talisman, que l’oracle coud dans mon vêtement.

Au début, la mer en occident…
Mon amie Anna danse le débarquement.
La terre de l’île en firmament.
Je la revois avec le dernier sultan.
Avec le coolie habillé de safran.
Elle sait que le départ est testament.
Et je pense à Sanedip, l’ami parti en adolescent.
En remontant le temps, tout départ est imminent…

Et l’île s’éveille en parole de volcan.
Lente, puissante, se souvenant du premier instant…

Oui, lancinant confinement,
voir l’île comme premier événement,
promesse d’embarquement.
Entre lianes de banian et chaland.
Se souvenir d’elle mais surtout en la désirant…

Je sais, depuis longtemps, que l’île est mon inconscient.
Ce qui nous lie est un serment. Un appel de sang.
L’ultime déconfinement ?
Du bus, je touche le flamboyant, j’avance en rêvant.
Plus rien ne me surprend. J’ai l’île en testament.
Sous l’arbre multipliant, entre katkat et vapeurs d’encens,
un nouveau commencement.
Un pan de la vie derrière le temps.

Puis, vient la fête du printemps. La Chine au Caudan.
Un parfum envoûtant de durian.
Au marché du midi ardent. Ayapana et sourire content.
Letchi, mangue, quel fruit sera plus tentant ?
Je prends les devants, longane et autres goûts d’antan.

Partons, quittons ce temps pestilent.
Sous l’arc-en-ciel, l’entêtant oliban.
Le bénitier transparent.
Le coquillage accroché au roulement de l’océan.
Suivre le courant, nager à contre-courant.
Remettre le banian sous la « fouche » des océans.
Saluer le poisson perroquet sans polluant.
Plonger de la cascade en riant.
En se tordant, en frétillant.

Sous le banian, j’étends les images sans désagrément.
Ah, l’enfant, le vrai conquérant du pays renaissant…
Il défie Chamarel avec son paon.
Les couleurs se noient en chatoiement.

Et les nénuphars, se dévêtent en se miroitant…
Et les palmiers dans l’aurore s’éventant.
Ah, enfin reprendre le confinement
En le devançant…

Tout revivre, soigneusement, en se souvenant.
Les cheveux du casuarina, peigne d’ensoleillement.
Marcher en se renversant…
Enfant buvant le soleil couchant.
Revenu à Port-Louis chez ma maman :
Le frangipanier parfume le temps.
Ablutions au coeur du ramadan.
Loup chinois dragon à mi-temps,
La cathédrale dans le basalte se sculptant…

Les feuilles de thé abreuvent l’imaginaire courtisan.
Le poète ne doute un seul instant
Que l’île est un puissant médicament.

Entre dal puri et gâteau piment,
L’île ne craint pas le bannissement,
Son sel asséché incessamment.
Entre la ravenale et le corona évanescent,
L’odeur d’ananas et de sable blanc.

La ravane au triangle se réinventant.
Sans cesse le séga pour briser l’internement,
Ce confinement de l’exil en pays de rapatriement.

Et Ana, ses doigts en trident,
Arpentant la géographie, finement,
Se demande comme le souvenant,
Si le souvenir n’est pas l’ultime applaudissement,
Le dernier cadenas du confinement.

Oui, sans désenchantement,
Se souvenir de l’île, proprement,
A son corps défendant,
Et se dire qu’après le silence des sens, le poème renaissant…

© KT, 4/5/20

P/S : Merci à Bamba Sourang et Raphaël d’Aboville pour ce partage de leurs images en hommage à l’île natale.
Quelques mots de Bamba Sourang, du Sénégal : «En ces temps de crise, qui nous contraignent à rester chez nous et qui nous empêchent de profiter pleinement de notre environnement, nous avons décidé de partager en exclusivité notre vision de l’île Maurice au peuple mauricien. Le confinement est à mes yeux l’occasion de prendre du recul dans nos vies. Nous profitons de ces moments pour partager avec vous la richesse et l’authenticité qui rendent votre île irrésistible. Ce film est un voyage intérieur en résonance avec les forces naturelles, le merveilleux des lieux, la culture, ainsi que l’amour »….
Merci, pari réussi !

JOUR 51, CHRONIQUES AUX TEMPS DU CORONAVIRUS

Syringa vulgaris (Lilas).

Chères amies, chers amis, aujourd'hui un texte du poète roumain Constantin Severin, une voix profonde et sensible, que j'ai le plaisir de retrouver. Il nous avait déjà livré un texte sur le spigol, le mort-vivant, en résonance de la pandémie. Aujourd'hui, il arpente la mémoire olfactive, comme légende salvatrice en temps du Covid 19. Lisons-le, son texte en anglais est suivi d'une traduction française. Comme il est de coutume, je converse avec ce poème magnifique après:

A LEGEND CAN SAVE YOU

An old schoolmistress from the village
in which I grew up
suggested to me that in the coronavirus era
a legend can save you
from inner collapse

I thought of all the legends
which I have lived intensely throughout my life
and I chose the lilac forest
from my homeland
I'm away from her
and perceive an auroral absence
with its velvety scent
fresh and ethereal
a painfully sweet absence
which has now become an ineffable
inner presence

I began to believe
that even the Romanian language itself
hides an island in its deep and melodious core
the lilac forest
a sacred space made up of light
word and life
a perfect poem
an archetypal universe
a runaway being
detached from Bach's scores
the old schoolmistress was right
people who love me
have begun to smell the lilac forest perfume
of my soul

Suceava, April 29, 2020
(c) C.S, English version by Constantin Severin&Slim FitzGerald

UNE LÉGENDE PEUT VOUS SAUVER

Une ancienne maîtresse d'école du village
dans lequel j'ai grandi
m'a suggéré qu'à l'ère des coronavirus
une légende peut vous sauver
de l'effondrement intérieur

J'ai pensé à toutes les légendes
que j'ai vécu intensément tout au long de ma vie
et j'ai choisi la forêt de lilas
de ma patrie
Je suis loin d'elle
et percevoir une absence aurorale
avec son parfum velouté
frais et aérien
une absence douloureusement douce
qui est maintenant devenu ineffable
présence intérieure

J'ai commencé à croire
que même la langue roumaine elle-même
cache une île dans son noyau profond et mélodieux
la forêt de lilas
un espace sacré fait de lumière
parole et vie
un poème parfait
un univers archétypal
un être en fuite
détaché des partitions de Bach

la vieille maîtresse d'école avait raison
les gens qui m'aiment
ont commencé à sentir le parfum de la forêt de lilas
de mon âme

Suceava, 29 avril 2020

.......

Cher poète,

C'est décidé, je n'écrirai pas un poème, juste une médiation.

En effet, je n'ai pas de raison d'aimer les lilas plus que les roses.
Mais toute fleur est entrée dans la beauté.

Aussi, merci pour cette légende, ce parfum ancestral.
Comme toi je voudrais cueillir un bouquet d'aurore boréale.
Ne serait-ce que pour ressentir la même chose que toi,
Revenu des forêts enfouis de nos premières mémoires.

Comme tu le sais,
Les fleurs sont les poèmes parfumés de la vie,
Même si ma légende remonterait à la première rose et rarement au lilas au teint de porcelaine.

Quoiqu'il en soit,
Chaque fleur raconte une passionnante histoire.
Une parole au-delà des mots.
En sondant ta légende, je me dis que de la rose ou du lilas, qu'importe,
Le parfum n'est-il pas l'ultime présence
Du jardin dans notre quête de quintessence ?

Si j'ai une histoire qui guérit, c'est avec le lilas de Perse.
Le lilas de mon passé est envoûtement et médicament.
Il pénètre l'alvéole de son goût amer, sans définir son alliance avec la suave piquance de ton lilas.

C'est résolument ton lilas qui mérite l'hommage du poète qui médite en temps d'épidémie.
Avec le poète alangui, il crée le sentiment
De l'amour, mais avec l'empreinte persistante de l'âme réjouie.
Mon lilas, c'est un feuillage et non des fragiles pétales.
Mon lilas, je le mouds en tisanier, je l'assèche pour aggraver son amertume.
Mon lilas a un goût qui révulse et pourtant, je le bois en élixir des tropiques.
Il parle moins à mon nez qu'à mon sang qu'il purifie.

Dans ton lilas légendaire,
L'âme s'y parfume pour revenir
dans la lumière,
Dans ton lilas,
Le poème s'humecte d'envoûtants éclipses pour se remémorer le philtre des elfes et des fées.
Ton lilas est une forêt enchantée.

Tout en préférant les roses, j'aime l'obscurité verte des lilas de mon jardin,
Pour m'y noyer et retrouver le mystère que le médecin oublie en se soignant.

Mon lilas n'a pas de parfum, seulement une constellation d'ombres.
C'est là que je me pose pour sentir la rose aimée,
Celle qui est la légende de toutes mes fleurs, promise à l'histoire des hommes en attente de guérison et de consolation.

Dans nos forêts de fleurs et de feuilles,
Une mémoire de salut précède la plus triste épidémie...

(c) KT, 4.5.20

JOUR 52, CHRONIQUES AUX TEMPS DU CORONAVIRUS

Chères amies, chers amis, aujourd'hui, méditation poétique d'un confiné, intitulée:

Nature morte en temps de pandémie...

Désormais, je sais combien la nature morte
Se confine et se libère dans un tableau.
Le temps ne fait rien à l'affaire.
Cette immobilité parfois m'insupporte,
Mais elle me permet aussi de me défaire
Des gonds que la perspective impose à la nature.
La nature morte déporte
Le silence des fruits des pensées mortifères.
Still life, en langue de Shakespeare
Traduit par nature morte. Qu'importe, il peut aussi dire vie figée,
Comme les humains confinés, dans l'attente d'une autre saison, d'une autre raison de vie.
Vie figée, et pourtant, à l'observer,
La nature se délasse dans un bol de fer,
Elle scintille dans une coupe de cristal.
Elle semble même déborder du récipient
Sans l'autorisation de sortir de son sommeil vespéral.

Confiné, je pense que le fruit cherche
À nous convaincre de sa beauté, il se rappelle qu'il était gracieuse fleur,
Secouée par le vent, rafraîchie par la rosée.
Ici il ne s'agit pas de le goûter, mais de le savourer des yeux.
C'est ce désir qui le rend gracieux.
Je pense que c'est cela l'âme de la nature morte.
Sans autre perspective, sans effet en trompe-l'œil.

Figé mais jamais sans mouvement,
J'imagine cette grappe de raisin se prélassant avant un déjeuner sur l'herbe,
Ou posée à côté de l'oreille coupée de qui on sait.
Ou encore en train de servir de modèle aux raisins de la colère.
Le fruit pose, sans penser à sa déconfiture.

Quel étrange destin, être immortalisé avant de flétrir...

En confiné, la nature morte me parle autrement,
Comme si j'étais le dernier témoin
De son éternité avant l'annonce de son effacement.

Et si j'étais tout bonnement une créature morte, un fruit oublié,
En attente du sommeil de la belle au bois dormant ?
En l'observant, je me demande
Quel artiste pourra immortaliser le temps mort sur le visage du confiné ?

Pour l'instant,
Il est évident que l'éclat du fruit est le sourire du ceps qui imite le firmament.
Dans cet imperceptible mouvement,
La peinture du fruit me déconfine et m'éloigne de la pire des épidémies, celle du temps des horloges figées.

(c) KT, 5.5.20

Merci à Raouf Oderuth pour cette nature morte peinte en temps de pandémie. J'ai déjà fait appel à deux de ses œuvres, la Porte bleue de Fes et le mont Saint Michel, qui ont illuminé ces chroniques. Merci l'artiste!

Jour 53

TRES IMPORTANT DE LIRE CETTE CHRONIQUE "Qui, MAIS QUI A INVENTÉ LE CORONAVIRUS?", que je pense être de de nature à considérer la pandémie de façon inédite, basée sur des faits méconnus, et qui nous concernent toutes et tous. C'est un écrit important pour moi. Vous êtes invité.e à le lire et le partager au maximum car il ouvre de nombreuses perspectives, et vous vous ferez votre propre opinion de ces éléments que j'apporte à votre attention et appréciation. Bonne lecture et bonne soirée à vous chères amies et chers amis...

...

Depuis le début de la pandémie, une question agite les consciences: comment est né le coronavirus?

En constatant la masse sidérale des informations et opinions sur la question, y répondre sans précautions serait suicidaire. Aussi je signalerai des faits qui sont désormais captés dans des subtils calculs géopolitiques, je signalerai de fortes présomptions, en vous laissant la possibilité de façonner votre propre opinion et d'exploiter des pistes de réflexion posées dans cette chronique.
Allez, venez avec moi, plongeons dans l'infodémie...

Dès lors, posons la question en ces termes: ce virus, serait-il le corona-Frankestein, le "monster germ" qui cache la forêt derrière un brin de protéine?

Retour vers le futur

Depuis un certain temps, le monde se demande si le virus qui a mis la planète à l'arrêt est naturel, venant de la chauve-souris ou du pangolin ou s'il est le résultat des expériences sulfureuses au laboratoire de Wuhan.

Un prix Nobel, le docteur Montagnier a abondé dans le dernier sens, y décelant un fonctionnement proche du virus du HIV dans la symptomatologie du Covid-19, menant à une levée de boucliers de la part de nombreux de ses collègues. Cependant, alors que des scientifiques condamnent le professeur, évoquant un naufrage intellectuel, des éléments "nouveaux" nous indiquent des éléments à prendre en considération dans cette affaire complexe qui donne le tournis aux chancelleries des puissances.

Pour ma part, n'ayant pas accès à toutes les données diplomatiques, je reprendrai des éléments du premier article mis en note et mes lectures précédentes, pour alimenter mon propos entre dérision, causticité et un comique involontaire de la situation, étayée par des faits et un épais brouillard discursif difficile à éclairer au moment où j'écris ces lignes.

Sans détenir la vérité dans cette affaire dont la complexité n'échappe à personne, j'ai essayé, pendant des semaines, de comprendre d'où venait le ciel qui nous est tombé sur la tête, et ce que j'ai appris à de quoi nous interpeller, car des arguments se contredisent sans cesse à ce sujet.

Se renvoyer la balle virale

Tout d'abord, un point de taille est à considérer: rompant avec la diplomatie du ping-pong, les USA et la Chine se sont renvoyés la balle virale en s'accusant mutuellement d'être les responsables de la pandémie.

L'on se souvient, au plus fort du pic épidémiologique en Italie, que la Chine, répondant à l'accusation américaine d'un virus "chinois" , par la voix d'un haut gradé chinois, rétorquait que le corona aurait été apporté par des soldats américains à Wuhan lors des jeux mondiaux des militaires en octobre 2019. Ceux-ci viendraient de Fort Detryck, dans le Maryland, où un laboratoire de guerre bactériologique expérimentait le coronavirus à des fins pandémiques, et où il y aurait eu des fuites. Des épidémiologistes américains auraient écrit sur ce point, parlant de cas suspects d'influenza aux USA (20,000 décès), dans lesquels on aurait rencontré des décès liés au coronavirus. Pour Pékin, des soldats infectés de la région où se situe le laboratoire américain auraient apporté le virus en Chine.

Trump, se voyant dépassé par les événements apocalyptiques dans son pays, revenait à la charge en disant que la Chine aurait des comptes à rendre pour le virus "chinois" et laissait entendre que l'OMS était trop proche de la version chinoise, arrêtant la contribution financière US à l'organisation sanitaire mondiale. Le virus aura initié une nouvelle guerre froide...

Des nouveaux éléments, que je mets en lumière ici, tentent cependant de démontrer que dans cette bataille de la responsabilité virale, on pourrait être dans une configuration où Dracula accuserait Frankestein d'être un monstre, et que celui-ci lui rétorquerait qu'il ferait mieux de se brosser les dents avant de les plonger dans les aortes de ses victimes, pour leur épargner le désagrément de sa mauvaise haleine d'outre-tombe. En effet, des informations, encore à recouper dans le flou actuel, pourraient laisser penser que le bébé corona aurait plusieurs pères, dont la France, la Chine, la chauve-souris et les USA. Dans cette histoire opaque, sordide, on se demande vraiment qui se fiche de la gueule puante de qui, tellement on est écrasés par les "proportions disproportionnées" de l'événement, des informations contradictoires, proches de la sideration.

Deux faits sont à prendre en compte. Premièrement, les USA ont travaillé sur la modification des pathogènes naturels pour les rendre plus destructeurs.

Il y a eu des fuites de ces virus trafiqués sur le sol américain en juillet 2014. Lisez l'article en note.

Deuxièmement, suite à cela, les autorités américaines ont delocalisé ces expériences sordides... en Chine en 2015. Ils ont reconnu un laboratoire de Wuhan (il y en a deux) la même année afin qu'il puisse continuer à recevoir des fonds fédéraux américains pour jouer aux apprentis-sorciers... C'est le conseiller Covid-19 de Trump lui-même, le Dr Fauci, qui a débloqué les fonds vers Wuhan.

Un monstre de la globalisation?

Une chose semble dès lors, se profiler dans ce flou bactériologique...

Le "monster germ" qu'est le Covid-19 pourrait bien être le bébé Frankestein de la mondialisation et de l'écocide en cours. C'est-à-dire, et avec moultes précautions, l'emblème même du monstre d'une globalisation glauque où pouvoir, guerre commerciale, business et manipulations se croisent et se nourrissent.

Je voulais écrire sur ce point depuis le début du confinement, me retenant jusqu'ici, car il y avait et il reste encore des zones d'ombres relatives à cette possible genèse du virus. Dans la guerre de communiqués et des déclarations qui oppose la Chine et les États-Unis, chaque jour apporte son lot de couches contradictoires, avec quelques saillies, vite contredites le jour même. L'enjeu est titanesque, on le constate...

Et voilà que je tombe sur cet article hier (le lire en note), où l'on apprend que les USA ont délocalisé leurs recherches sur le corona et la chauve-souris, à hauteur de quelques millions de dollars, avec le Dr Fauci, conseiller Covid-19 de Trump, bien au courant de la situation.

En effet, les autorités américaines, constatant des fuites liées à leurs recherches sur le corona, craignant une pandémie sur leur sol, ont fermé leur laboratoire épidemiologique et ont exporté leurs expériences d'apprentis-sorciers... en Chine.
Oui, vous m'avez bien lu.

Je répète ces faits, tellement ils sont énormes...

Dès 2014, les américains étaient au courant du vilain corona, puisqu'ils bidouillaient avec, afin de le rendre plus létal à des fins militaires...

Ils travaillaient la chauve-souris au covid, bien avant le marché aux bestiaux de Wuhan...

Fauci a dû, depuis, mettre la puce à l'oreille du chef américain qui octroyait la paternité du Frankestein yankee à Pékin...

rrêtons-nous un instant.

Que signifie, dans la bouche de Trump, le fait d'appeler le coronavirus le virus "chinois"?

Au-delà du caractère raciste et populiste de sa diatribe, ne nous laisse-t-il pas entendre que le Covid-19 est made in China, càd, FABRIQUÉ en Chine?

Mais, si c'est le cas, l'est-il totalement?

Fauci a dû lui dire que le virus a été exporté en Chine, à partir des États-Unis...

Est-ce pour cela que Trump accuse maintenant la Chine "seulement" d'avoir laissé fuité le covid, ne contrôlant pas assez la sécurité du laboratoire de Wuhan, alors que les USA avaient des problèmes de sécurité avec le même virus auparavant?

Voilà, il me semble, un bout du puzzle reconstitué: après avoir eu des problèmes de sécurité avec des armes bactériologiques, dont l'anthrax, cela rappelle les justifications pour la guerre en Irak, suivez mon regard, les USA ont préféré mener leurs recherches sur le monster germ... à Wuhan, et ce, dès 2015.

Oui, vous m'avez bien lu jusqu'ici...

Tout cela ressemble à de la science-fiction doublée d'un thriller digne du superbe et scabreux Nom de la rose.

En clair, et sur un mode sarcastique, mais avec des pincettes, peut-on considérer, si d'autres éléments émergent à l'avenir pour confirmer cette hypothèse, que Batman serait le cousin du Dracula chinois et le pangolin le petit-neveu de l'aigle américain, tout ce fatras de laboratoires interposés révélé pendant l'année du rat métallique de sinistre mémoire?

Poursuivons cette saga plus qu'imaginaire qui aurait fait dresser des cheveux sur la tête de Hitchcock s'il n'était pas chauve...

Chimère et montage viral

La chimère commence donc à prendre forme dans un satané bric-à-brac digne d'un film surréaliste tourné aux temps du choléra. Même si nous devons rester encore dans des réseaux de présomption qui se densifient ou s'amenuisent au gré des déclarations des puissants. Aux États-Unis, on sent qu'on est dans l'ambiance précédant les guerres du Golfe, avec son lot de désinformations et de pressions sur les informateurs, nous faisant comprendre que les états-majors monitorent l'approche objective des faits...

Mais déjà, il est loisible de penser que le Covid-19 nous éclaire sur le fait que la globalisation permet d'exporter même les failles de sécurité des tripatouillages d'armes bactériologiques.

Ceci est un point indéniable.

Or, reprenons le fil de la construction du virus transnational...

Les USA, pour se prémunir des problèmes de fuite, donc de sécurité, craignant un risque de pandémie aux EU, comme je l'ai dit, ont délocalisé leurs recherches sur le corona à Wuhan, en finançant leur projet du "monster germ" dans cette ville, d'où est partie l'actuelle pandémie...

C'est un facteur incompressible.

En 2018, l'ambassade américaine en Chine avait déjà tiré la sonnette d'alarme: le covid de la chauve-souris pouvait passer du mammifère à l'humain. Et avait prévenu le gouvernement américain des problèmes de sécurité au laboratoire de Wuhan, je mets l'article en référence en bas de page.

Donc, quand Trump dit qu'il n'avait pas d'information sur "son" virus à Wuhan, c'est qu'il ne lit pas les rapports de ses services ou qu'il est en train de mentir.

En fait, le Covid-19, serait-il l'histoire de l'arroseur arrosé par sa propre éprouvette?

Énorme pilule à avaler... Pire que la chloroquine? Ce n'est pas exclu.

À la lumière de ces faits, les accusations du père malgré lui du virus, Trump, pourraient venir de "l'ignorance" du chef américain sur cette affaire glauque ou de sa politique de bouc émissaire connue. Accuser la Chine d'avoir inventé le virus, c'est ignorer, ou faire semblant d'ignorer, qu'il est "né" aux US.

Depuis, Fauci, son mister Covid-19, a dû lui dire de rectifier le tir, en insistant sur des problèmes de sécurité et non de paternité virale.

Donc, dans tous les cas de figure, Trump semblerait avoir la mémoire bien sélective ou inexistante en appelant le coronavirus le virus "chinois", thèse possible s'il est né au China town du Maryland...

Et je me dis qu'il y a des choses qu'on ne nous dit pas. On nage dans un épais brouillard de laboratoire et de chancelleries.
Est-ce que les chinois auraient développé autre "chose" à partir du virus américain, poussant Trump à l'appeler le virus "chinois"? Et comme il laisse l'entendre, est-ce que les chinois l'auraient utilisé contre les USA comme arme de guerre?
Les chinois répondent par la négative, ne mettant pas, curieusement, en avant, que des fonds fédéraux américains ont été utilisés pour tripatouiller des pathogènes tueurs à Wuhan. Ils répliquent par l'accusation des soldats américains importants le virus lors des jeux mondiaux des militaires. S'ils ne communiquent pas sur le fait que les américains ont financé des recherches sur le virus à Wuhan, gardent-ils une botte secrète ou offrent ils une porte de sortie à Trump?

Beaucoup d'inconnus...

À la lumière des faits qui émergent, je pense qu'il y aurait une copaternité (à distance) franco-américano-sino-chauve-souriesque dans cette saga dramatique, ce qui apporterait de l'eau au moulin du Dr Montagnier, à savoir que le covid a été tripatouillé dans un labo... Ce bon professeur, découvreur du virus du sida, n'aurait peut-être pas totalement buggé ses neurones devant le monstre probablement élaboré in-vitro, même si on l'accrédite de plusieurs prises de position polémiques...
Mais l'essentiel n'est pas là.

L'article en référence nous apprend que l'argent des contribuables américains, à hauteur de 3.7 millions de dollars, aura servi, par un mécanisme transfrontalier de la globalisation sans âme, à transférer Frankestein dans une éprouvette chinoise qui aurait fuité, soit par manque de sécurité au labo de Wuhan, soit par la vente de chauve-souris infectées par un employé qui voulait arrondir ses fins de mois, comme le dit des rapports des services secrets, soit que des chauve-souris auraient par évolution naturelle, développé le coronavirus, coïncidence troublante, près d'un laboratoire de Wuhan, lui-même proche du marché des bestiaux, soit pour tout autre motif que j'ignore encore, et encore que ...

Aussi, dans l'état actuel de ce qui transpire et dans une complexité assourdissante du réel pandémique en cours, tirer à l'aveuglette sur la chauve-souris en disant qu'elle est chinoise pourrait nous faire croire que le pangolin ne serait qu'un pingouin à écailles que les USA auraient made in China (verbe en français) avec le savoir-faire gaulois.

Tout cela pourrait s'intituler: comment fabriquer un monstre en saute-moutons ou saute-pangolins transfrontaliers et qui vous revient à la figure quand vous pratiquez la politique de l'autruche...

L'imbécilité technologique

Le Covid-19, ne serait-il pas le virus post-hybride, né de l'imbécilité technologique des puissances qui ont voulu "collaborer" pour mener des expériences inouïes, utilisant l'argent des contribuables pour finalement les tuer dans un effet boomerang?

Car, comme dans le roman Frankestein de Mary Shelley, la créature finit par se retourner contre ses créateurs.

L'imprévisible, minimisé ou délocalisé, finirait-il toujours à redonner vie à la chauve-souris dénaturée, soumise aux expériences les plus invraisemblables?

À l'heure actuelle, nous apprenons que sénateur américain Matt Gaez a fait passer une loi pour arrêter le financement américain du laboratoire de Wuhan et il n'est pas exclu d'expérimenter sur Frankestein à la maison, la relocalisation ayant des vertus vraiment cachées.

Et la question qui agite le landernau américain est de savoir si les chinois ont utilisé leurs monstres dans une guerre bactériologique et économique contre eux, Trump ayant récemment accusé les chinois de "violer" l'économie américaine... Sans se poser la question essentielle: faut-il encore jouer avec le feu des pandémies en rallumant une nouvelle guerre froide contre Pékin?

En attendant d'autres épisodes de cet imbroglio mondial, protégeons-nous tout en nous posant des questions.

Voilà, sans détenir la vérité, mais sur la base des discours audibles, ces pistes de réflexion. Ce sera ma contribution du jour. À vous de chercher dans la bonne direction...

(c) KT, 6.5.20

Très IMPORTANT:

Jour 54

Chères amies et chers amis, à 5 jours du déconfinement, je vous propose une pensée poétique nécessaire. Ce sera nos chroniques aux temps du coronavirus de ce jour. Portez-vous bien...

Aujourd'hui, je dialogue avec une œuvre d'Abdallah Belabbes, qui nous a déjà accompagné dans ces pages. Merci encore pour ces créations faites pendant le confinement.

* * *

D'un air à l'autre

Faut-il quitter le temps d'avant ou le reconsidérer ?
Se replier sur soi et parler à l'air retrouvé ?
Demain, on se sourira, heureux et soulagé,
Si le masque en papier le permet.
Mais on nous dira que l'air est doublement vicié,
A l'intérieur de nos tissus redoublés,
Et à l'extérieur aussi, car l'air sera à nouveau pollué.

À quel air se fier ? Comment va-t-on respirer,
Maintenant que l'univers sera à nouveau piétiné,
Que les jardiniers d'Azur seront mis de côté ?
Et puis, d'autres ne manqueront pas d'exploiter
Cet état de fait. Pour notre propre sécurité,
Il faudra peut-être liberté brader...

Oui, comment allons-nous respirer,
Puisqu'on nous propose d'être traqués.
D'être vaccinés ou d'être par drones espionnés, dans le but de nous sauver ?

Par air terre et mer nous serons épiés
Dans cette bataille d'Angleterre remaniée.
Après, en confinés à peu près libérés,
Serons-nous des coolies électroniques pour travailler,
Pucés, bagués, scrutés, le contrat remplacé
Par la nouvelle coolitude covidée ?

Nos contrats de travail piétinés, révisés ?
Nos chaînes seront certainement remplacées
Par d'invisibles puces ou bracelets.

Même l'air sera démasqué, déprécié.
Le jour d'après sera-t-il un pire geôlier ?

C'est dans cinq jours que nous serons masqués.
Quelle sera la vraie réalité déconfinée ?
Est-ce un hasard si le mot sélectionné,
À savoir, déconfinement,
vient tout juste
D'être mémorisé par mon clavier ?

Devant la normalité pandémiée, menottés
Par un travail déprécié et une famine retardée,
Serons-nous punis en nouvelles heures travaillées,
À un taux déprécié ? ...

Parce qu'il faudra payer et encore payer
Pour l'irresponsabilité de ceux qui ont mené
Le Covid-19 du Maryland au Wuhan déprécié.
C'est là que ce virus d'apprentis-sorciers aurait fuité...

Et comment définira-t-on la vérité après tant de décès ?
Et comment enterrer après l'enterrement reporté,
Comment refaire un deuil étouffé, sabordé ?
Après l'agonie, entendons-nous le cri des suppliciés ?
De quelle oubli l'air sera-t-il le messager ?

Aurons-nous un autre Nuremberg, un grand procès
À l'évidence des menteurs dont les mots seront grippés,
Pendus à la potence des peuples martyrisés ?
Avant de nous déconfiner, il nous faut déjà questionner
La société qui se précipitera sur les champs Élysées.
Ou dans les restaurants aux nuggets anémiés.

Entre ma porte et le palier,
Désormais, tout a l'air plus que suspect,
Même le médicament qui pourra nous sauver...

(c) KT, 7.5.20

Jour 55, CHRONIQUES AUX TEMPS DU CORONAVIRUS

Aujourd'hui, une réflexion de Jean Louis Robert, poète et écrivain de l'île de la Réunion. BONNE FÊTE DU 8 MAI À VOUS. C'EST LA LIBÉRATION. ET ÇA TOMBE BIEN.

JEAN-LOUIS ROBERT réfléchit au confinement et à la notion d'une liberté amputée à la lumière de la pandémie. Un texte très intéressant à lire, suivi de mon observation, élargissant la réflexion sur un cadre géopolitique et historique.

* * *

Peut-être faudrait-il considérer certains événements critiques comme des répliques qui condenseraient un moment charnière marquant le début d’une mutation historique majeure et préfigureraient des changements profonds à venir. La crise sanitaire actuelle, initiée par le corona virus, pourrait être envisagée selon cette perspective dans la mesure où, me semble-t-il, elle fait signe vers la conversion des sociétés de discipline en sociétés de contrôle, opérée dans la première moitié du XXème siècle. C’est plus particulièrement l’expérience inédite du confinement, concernant plus de la moitié de la population mondiale, qui constitue le signe algébrique de cette conversion historique.

Il importe de rappeler avec le philosophe Gilles Deleuze, dans un article intitulé Post-scriptum sur les sociétés de contrôle paru en 1990, que se sont succédé, dans l’histoire de France, trois régimes de sociétés, se distinguant par des buts et fonctions différents : les sociétés de souveraineté, de discipline et de contrôle. Pour Deleuze, c’est Napoléon qui opère la conversion du premier type, qui ne nous intéresse pas ici, au second. Le régime disciplinaire, repose sur l’enfermement des individus dans des milieux clos tels l’hôpital et la prison, analysés par le penseur des disciplines qu’a été Michel Foucault, mais aussi l’école, l’usine et la caserne. Dans ce cadre, note Deleuze, l’individu ne cesse de circuler d’un internat à l’autre, chacun disposant de ses propres lois: «d’abord la famille, puis l’école (tu n’es plus dans ta famille), puis la caserne (tu n’es plus à l’école) […]» Le régime disciplinaire se développe aux XVIIIème et XIXème et arrive à son apogée au début du XXème siècle, avant que de nouvelles forces surviennent, qui précipiteront dans une crise généralisée l’ensemble des institutions d’enfermement, les réformes destinées à les sauver ne servant en réalité qu’à «gérer leur agonie».

Inexorablement se mettent en place les sociétés de contrôle qui relèguent à l’arrière-plan les sociétés disciplinaires, appelées à disparaître dans un avenir plus ou moins proche. ««Contrôle», c’est le nom que Burroughs propose pour désigner le nouveau monstre», note Deleuze. La dimension tératologique du nouveau régime se révèle dans le surgissement ultrarapide des formes de contrôle en milieu ouvert, qui viennent phagocyter les anciennes disciplines ayant cours dans la durée d’un système clos. Ainsi, les mécanismes qui permettent de géolocaliser à tout moment un élément évoluant dans un espace ouvert ont depuis longtemps quitté le domaine de la science-fiction, pour s’imposer dans la vie quotidienne. C’est le bracelet électronique, qui permet au condamné de quitter la prison mais lui impose une incarcération à son domicile, qui peut servir de modèle analogique aux mécanismes technologiques de contrôle, dont le développement s’accélère de nos jours.

L’expérience de confinement, initiée en réponse à la pandémie provoquée par le corona virus, s’inscrit dans les deux types de sociétés, disciplinaires et de contrôle, dont la co-présence va à l’encontre de l’évolution historique. Le confinement recourt à l’instrument essentiel des premières: l’enfermement, érigé en moyen de lutte privilégié contre le covid-19. Ce sont d’abord les confins nationaux qui ont été verrouillés, obligeant les avions, dissipateurs de frontières par excellence, à rester immobilisés au sol. Ce sont ensuite les internats, lesquels subissent depuis quelque temps une crise généralisée engendrée justement par l’enfermement, qui ont été claustrés. Cela provoque ipso facto de graves tensions menaçant d’explosion certains intérieurs, parmi lesquels la prison et la famille, en premier lieu. Cette dernière, déjà en crise comme tout intérieur, scolaire, professionnel…, est forcément malmenée, notamment si elle concentre dans un volume exigu des individus obligés de se supporter mutuellement, nuit et jour, pendant de nombreuses semaines.

Il paraît évident que la crise affectant l’intérieur familial ne peut que s’aggraver, d’autant plus que frappe aux portes le «nouveau monstre», baptisé par Burroughs, signalant l’avènement des sociétés de contrôle. L’entité monstrueuse, véritable Janus bifrons, peut, dans un premier temps, se présenter sous le visage avenant de l’émancipation, avant de montrer une face plus brutale, celle des asservissements. Deleuze note, par exemple, que «dans la crise de l’hôpital comme milieu d’enfermement, la sectorisation, les hôpitaux de jour, les soins à domicile ont pu marquer d’abord de nouvelles libertés, mais participe aussi à des mécanismes de contrôle qui rivalisent avec les plus durs enfermements». Dans le régime de contrôle donc, il s’agit de déverrouiller les vieilles disciplines paralysées par une trop grande clôture et de délocaliser certaines de leurs fonctions dans d’autres espaces, spécifiques ou pas.

Dans l’expérience de confinement, la situation est plus complexe : les asservissements et libérations ne concernent plus qu’un seul milieu clos mais s’étendent à deux ou plus. En même temps. Risquons, pour nommer ce processus ambivalent, le terme de clôverture, qui fait se rencontrer, se confronter, s’affronter dans une même valise verbale, l’ouverture et la fermeture. Il est ainsi facile d’observer que l’épreuve de confinement produit l’éclatement des internats professionnel et scolaire, contraignant l’intérieur familial, milieu clos en tension critique déjà –rappelons-le –, à se réorganiser. L’intrusion, plus ou moins bien acceptée, de l’école et de l’entreprise, par le biais du télétravail et du téléenseignement, et des procédures de contrôle y afférentes, exerce une forte pression sur la cellule (au sens carcéral aussi) de la famille, qui ne peut qu’engendrer de graves méfaits psychologiques. Dans un entretien avec Toni Negri, sous le titre de « Contrôle et devenir», Deleuze en 1990, prévoit que «l’éducation sera de moins en moins en milieu clos, se distinguant du milieu professionnel comme autre milieu clos, mais que tous les deux disparaîtront au profit d’une terrible formation permanente, d’un contrôle continu (je souligne) s’exerçant sur l’ouvrier-lycéen ou le cadre universitaire.» Il ajoute (en 1990) cette phrase à laquelle, aujourd’hui, on ne peut qu’adhérer: «On essaie de nous faire croire à une réforme de l’école, alors que c’est une liquidation.»

Pour finir, le geste emblématique – dit de distanciation sociale – de la crise covidique condense la mutation fondamentale qui s’opère dans nos sociétés. Il introduit une distance physique (met l’autre télé-) entre les individus, socle des sociétés de discipline (le moule analogique étant la prison qui met à distance les condamnés dans une structure close) ; mais celle-ci se double d’un autre éloignement, plus profond, celui de soi à soi-même, qui éclate, par le contrôle, l’individu en « dividuels », selon le mot de Deleuze qui s’origine dans le « dividuus » latin signifiant « divisible, divisé, partagé ». Le préfixe télé-, s’imposant devant –incarcération, -enseignement, -travail, apparaît comme le signe algébrique de l’aliénation propre aux sociétés de contrôle. Télé- est l’adjuvant maléfique du monstre « Contrôle », qui sévit dans l’espace paradoxal de la clôverture.

(c) JLR

* * *

Cher Jean Louis Robert,

Merci pour votre excellent article sur cet espace hybride, de l'entre deux, qui pourrait, en ce néologisme, clôverture, être l'oxymore de la pandémie.

En effet, il articule une réalité entre clôture et ouverture, éprouvée à domicile, en ce moment, qui penche plus vers le premier sème, car subsumé dans le confinement. En effet, même l'ouverture que la situation permet est limitée par une autorisation à circuler, à défaut de quoi, on paie une amende.

C'est à dire que même l'ouverture est limitée dans le temps, elle est définie comme une autorisation à circuler contrôlée. Le mouvement est donc enchâssé dans le contrôle du confinement, qui devient la référence à laquelle il est jaugé, tout non-respect étant sanctionné par les forces de l'ordre. Des saufs-conduits sont accordés aux sortants qui se rendent à un autre lieu confiné, le travail... Et on a observé des centaines de milliers d'amendes pour les déconfinés d'une heure ne se soumettant au cadre de leur liberté quotidienne surveillée. Même dans l'espace du travail, les mesures barrières et la distanciation sociale s'appliquent dans une sorte de confinement partagé.

En fait, même nos mouvements intimes, comme se toucher le visage sont à contrôler, barrière qu'ignorait même le prisonnier pré-pandémique. Nos visages sont masqués, nos élans vers l'autre freinés. La planète n'est pas seulement confinée mais jamais dans l'histoire de l'humanité on aura été autant confinés avec et entre nous-mêmes, sur une échelle plus vaste que les pandémies précédentes, car ce qui caractérise ce virus c'est sa foudroyante propagation, source première de la stupeur qu'elle cause.

Sommes-nous dans le clair-obscur du mouvement, redéfini en temps du Covid-19, de la redéfinition de la liberté de circuler, un des droits les plus inaliénables de l'humain? Dans cet espace de liberté contrôlée - tracking, reconnaissance faciale, avec la possibilité d'une puce électronique tenant lieu de carnet de vaccination étant dans l'air du temps comme le virus - on voit que la technologie permet la possibilité de l'enfermement libre, le bracelet électronique étant la préfiguration de cet état de liberté mise sous surveillance, comme vous l'avez signalé.

Serions-nous entrés dans l'ère des réseaux de connexion-distanciation sociale avec l'aide des technologies du virtuel ?
Certains ont évoqué un 11 septembre sanitaire, à savoir que l'équation liberté contre sécurité, qui a fait les belles années de Bush, menant vers un monde binaire et des contours d'une pensée unique néo-libérale, conjuguée par la politique populiste, revient sur la table.

Je pense que dans la sidération actuelle, le seul événement à peu près comparable qui me vient à l'esprit est bien le 11 septembre, dans notre récente histoire. L'écroulement des 2 tours du WTC, relayé quasiment en direct, avaient provoqué une stupeur planétaire inédite. Le monde était entré dans le spectacle de sa propre destruction par écrans interposés.
Après la sidération, on assiste presque automatiquement à une régression des droits individuels au nom du "collectif" à protéger.

C'est ici, comme vous l'avez si bien souligné, que le "divisuel", le divisé, prend le dessus sur l'individuel conçu comme partie prenante d'un contrat social. Littéralement, nous sommes dans la distanciation sociale, davantage que dans la distanciation physique.

Rappelons qu'après la sidération planétaire du 11 septembre, Hungtington et Bush avaient remplacé la guerre froide par le fameux choc des civilisations, entendons par là, une nouvelle croisade de l'occident contre les musulmans, tous frappés du sceau infâmant du terrorisme, engendrant des millions de victimes. Cela plongea le monde dans la guerre asymétrique entre l'axe du bien contre celui du mal, une guerre sans fin... Une guerre déconfinée du champ de bataille, étant planétaire, donnant lieu à des lois liberticides dans de nombreux pays.

Les contrôles de plus en plus rigoureux aux aéroports nous rappellent combien notre liberté de mouvement est surveillée depuis cette date fatidique...

Mais cette fois, ce ne sont pas les tours qui sont en ligne de mire, mais la grande muraille de Chine, derrière laquelle se trouve 2 laboratoires de virologie et d'épidémiologie, dans la désormais tristement célèbre ville de Wuhan. Une chauve-souris ou un pangolin serait à l'origine d'une zoonotique, c'est-à-dire, de la percée d'une autre grande muraille entre deux espèces séparées viralement, à savoir, le mammifère et l'homme. Le coronavirus serait l'infection de l'humain par la chauve-souris.

Ce virus à couronne serait, en somme, les avions que l'on dit avoir torpillé 2 tours insubmersibles. Il aura franchi les frontières et, encore une fois, puisque Macron a parlé de guerre, crevé la ligne Maginot imaginaire de la France, vite submergée par la pandémie. Sans masques, gel, lits sanitaires suffisants, le pays, comme d'autres, a vécu son 11 septembre. La situation sanitaire catastrophique a initié, comme ultimes défenses, des gestes "barrières" (après la muraille de Chine et celles de la vieille Europe effondrées et la ligne Maginot de la France pulvérisée). Et le confinement, en l'absence des masques, est devenu le masque collectif d'un pays au bord du gouffre.

Et à 3 jours du déconfinement, que dire ?

Vous avez raison de penser cette situation de confinement, et sa levée progressive, en l'associant au virtuel, à la surveillance, non plus à la seule mise en résidence surveillée, mais surtout, à la mise en résidence surveillée étendue à la liberté de mouvement dans l'espace public et celui du travail, parmi d'autres.

Avant la pandémie, le pays d'où le virus est arrivé, expérimentait la surveillance à grande échelle en mettant en place des techniques de surveillance faciale et de notation sociale, une société de liberté surveillée avec les technologies du virtuel. C'était, dit-on, pour renforcer la discipline, le sens civique et récompenser le citoyen modèle...

Le mouchard et le virus semblent avoir fait le voyage ensemble, depuis l'empire du milieu, qui plus que jamais, mérite son nom, tant les regards se portent vers lui après et pendant la sideration.

J'avais écrit, dans ces mêmes chroniques que le virus, cependant, viendrait de Maryland, les États-Unis ayant délocalisé leurs recherches bactériologiques de Fort Detrick à Wuhan, en reconnaissant le laboratoire incriminé, d'où aurait fuité le coronavirus. Ils l'ont financé à hauteur de 3,700.000 dollars, provenant de fonds fédéraux afin de poursuivre les recherches américaines sur le sol chinois. Le Dr Fauci, le mister Covid-19 de Trump déposera bientôt sur ce sujet.

Oui, c'est un virus qui aurait franchi l'Atlantique avant d'enjamber la grande muraille de Chine.

C'est la face cachée de la sidération, à savoir que les USA ont financé des recherches sur le covid sur le sol chinois et que celui-ci, devenu virus "chinois" ait franchi l'Atlantique pour faire aux États-Unis plus de victimes que la guerre du Vietnam.
Vu le nombre de morts sur le sol américain, qui dépasse de loin celui du triste bilan du 11 septembre, il est fort à parier que l'axe du bien ajoutera la Chine à l'axe du mal, initiant une nouvelle guerre froide qui impactera notre déconfinement.

Pardonnez-moi cette digression géopolitique , je voulais ouvrir le confinement sur des sources qui l'alimentent et aussi sur le profil géostrategique du confinement et du déconfinement, car la clôverture, j'aime beaucoup ce mot-valise, sera forcément impacté par la nouvelle doctrine des états de l'après-pandémie.

J'ai parlé de sidération dans ce que vous explorez.

C'est ce paradigme, qui a mon sens, permet la clôture-ouverture sur le plan sociétal et politique.

Après le 11 septembre, développant la guerre contre le terrorisme, les idéologues hungtingtoniens de Bush ont fait de la vérité leur première victime collatérale.

Des censures et autres moyens de pression ont fait passer la critique si nécessaire à de l'anti-patriotisme, des lois sur l'information ont instauré une sorte de pensée unique d'un état en guerre. C'est ce Macron a dit, il faut faire bloc avec lui...
Sur ces décombres de la raison critique, CNN et les autres télés traitant une version des "faits" en boucle ont fait le reste, entretenant un climat anxiogène et sous couvert de l'événement montré en direct, déforment notre appréciation de la vérité et de l'objectivité, pour ne pas dire plus. Nous sommes encore dans cette forme d'information en temps de pandémie, les chaînes relayant les dommages du virus... de façon virale. Augmentant la sidération.

Il est important de relier le confinement à l'information télévisée et les réseaux sociaux. J'y vois ici une autre perspective de la clôverture.

Confiné chez soi, tout en étant connecté avec le réel pandémique, isolé mais avec une conscience planétaire d'être face à un ennemi commun qui fait sauter nombre de barrière du monde pré-covid, nos écrans nous ont aidés à nous confiner physiquement en nous connectant virtuellement.

Des choses impensables se sont passées, renforçant cette sensation d'une espèce humaine luttant pour sa survie contre une autre espèce intra terrestre.

On a vu, par exemple, des turcs offrant du matériel médical aux britanniques, des cubains au secours des italiens, des marocains offrant des masques et des respirateurs aux américains...

Cependant, dans ces ouvertures inédites, des pays ont aussi vécu un double confinement, Cuba, le Venezuela et l'Iran, subissant l'embargo américain en pleine pandémie.

Voici, sommairement, dans un cadre élargi, le champ dans lequel la clôture-ouverture à venir le lundi 11 mai est à articuler, à mon humble avis.

Une question nous taraude.

Le virus serait-il le signe avant-coureur du mouchard ou virus électronique qui ferait reculer liberté et intimité ? C'est bien là une interrogation essentielle des temps que nous vivons...

Gageons que l'humanité vivra à l'ombre de la grande muraille de Chine comme elle a vécu à l'ombre des 2 tours effondrées du WTC pendant ces derniers 20 ans, dans une époque de confinements et déconfinement qui pourraient s'enchaîner, d'une inversion possible des délocalisations en relocalisations etc... Double mouvement alimentant un monde qui semble vouloir ramener des clôtures à la maison, après des décennies de délocalisations accélérées, y compris du coronavirus que les États-Unis ont délocalisé à Wuhan pour des raisons de biosécurité, justement ...

L'équation liberté contre sécurité a de beaux jours devant elles, mais cette fois, elle sera conjuguée à l'aune de la santé nationale, devenue laiguillon des modèles sociétaux, de la raison d'état, de sa nouvelle rationalité et de la géopolitique mondiale, mettant progressivement en berne sa guerre sans fin contre la terreur pour se concentrer sur la sidération pandémique et le monde d'après... Est-ce que la démocratie aura le même sens au jour d'après, d'autant plus que le populisme a le vent en poupe dans beaucoup de pays?

Le paradoxe de tout cela étant que la société de contrôle pourrait se développer à la suite d'un virus qui aurait échappé au contrôle d'un laboratoire haute sécurité...

Dans cette sidération, nous entrons dans la complexité de ce que l'OMS, et c'est significatif, a nommé l'infodémique, c'est-à-dire une épidémie de fausses informations...

Pour conclure ce paradoxe clôture- enfermement et la société de contrôle, je voudrais faire un retour à l'engagisme, qui, me semble-t-il, est un moment fondateur de la clôverture.

En effet, après les abolitions de l'esclavage au premier tiers du 18e siècle, les empires ont développé le contrat du travail transnational des coolies ou engagés.

Théoriquement, ils étaient libres de quitter leur boulot après 5 ans d'engagement. Sur le papier du contrat c'étaient des hommes et des femmes libres. Sauf que, dans la réalité, ils étaient très souvent exploités er confinés dans leurs lieux de travail, qu'ils quittaient seulement munis... d'une autorisation de circuler en bonne et due forme forme. Faute de quoi, ils payaient une amende, devaient travailler plus (suivez mon regard) et souvent incarcérés dans des vagrants depot ou dépôt pour vagabonds, leur rappelant que leur liberté était définie par rapport à leur travail. Notons que pour contrôler leur mobilité, on les accusait souvent de propager des maladies et épidémies, légitimant une vraie distanciation sociale et actant une marginalisation socio-économique. Troublantes similitudes avec l'époque actuelle...

Est-ce cela aussi la nouvelle norme de la clôture-ouverture qui se profile actuellement, indiquant que le travail pourrait être l'autre bracelet au pied du citoyen, limitant ses acquis passés et définissant sa nouvelle post-pandémique nous rapprocherait des engagés ou coolies?

Car durant le confinement, des propositions ont été faites pour que les actifs paient la note astronomique du covid, notamment par l'augmentation des heures de travail et pas forcément de celle du salaire, tout cela avec une possibilité de contrôle accru du pouvoir politique par l'entremise des nouvelles technologies...

Est-ce la venue de la nouvelle coolitude ? Une époque où non seulement nous serions des cybercoolies mais des coolies électroniques, avec un contrat de travail, mais aussi avec un bracelet ou une puce électronique devenant notre mouchard et dépôt de vagabonds potentiels, une époque où nous serions à surveiller et à confiner socialement suivant les nécessités de la "reconstruction" nationale qui sera mise en œuvre dès le 11 mai?

Plus que dans le cadre d'un esclavage avec chaînes au pied, nous pourrons nous mouvoir, mais peut-être trackés, pucés, dronés non pour être mis dans des maisons de santé, mais pour des "raisons de santé" qui pourraient être instrumentalisées à d'autres fins si la distanciation physique cède le pas à un autre type de distanciation sociale, dans lequel le mouchard sera la police du virus à couronne...

(c) KT, 8 mai 2020

MERCI À Carmen Panadero Delgado pour ce tableau qui prolonge merveilleusement nos réflexions sur le confinement ouvert et contrôlé à la fois. Une peintre que j'apprécie énormément. MUCHAS GRACIAS QUERIDA CARMEN
https://m.facebook.com/story.php?story_fbid=10223241144360700&id=1346707788


JOUR 56, JOUR -2 avant le déconfinement

Chères amies et amis, nous avons tenu la gageure, grâce à votre soutien, d'écrire chaque jour en temps de confinement. Un livre est peut-être né... Merci de l'avoir lu chaque jour avec nous, dans ces moments où les mots et images nous ont rapprochés. Aujourd'hui, nous accueillons MANRICO MURZI, un très grand poète italien, qui fut l'ami d'Ungaretti, et qui, par l'entremise de notre collaborateur, Constantin Severin, nous propose ce poème, CE NOUVEAU TRIOMPHE DE LA MORT. Lisons-le, je converse avec lui après...

Main dans sa main,
quelque chose résonne au canton d'une place déserte
et je dis: Bones in riot crack
(les os craquent au cœur de l’émeute)
avec l'énergie d'une source occulte.

Ils s’agglutinent, côtes séchées,
et partout la frontière de la grimace,
une chevauchée de rugissements
d'angoisse.
Smunta, c’est la viande du cheval
et de la mort brutale qu'il enfourche :
sautant, dansant, puis s'effondrant,
il ricane,
mordant, puis sanglotant,
il crie,
et donne des coups de pied -
puis il bégaie;
ses flèches clignotent rapidement
et en vain comme un braconnier en colère.
Des gouttes de sang coule dans sa bouche,
il souffle et fait ces bulles
aux lèvres de blessés et de mourants.
La limite des yeux fatalement atteinte,
il les ferme,
éteint la lumière.

Il n'y a pas de pleurs et pas de lieu et de temps,
la grande douleur pénètre tout profondément.
Hortus conclusus est devenu le monde,
un puits de peur, et l'air sombre
est frappé
par des voix de blasphème et de prières,
qui pendent comme des festons
enroulés aux bords des murs.

Les plantes et les cris blessent le ciel,
vous ne dansez pas dans la disharmonie des sons.

C'est le triomphe de la mort
sans wagons à fleurs,
avec la menace de la faux brandie
des os charnus des doigts fragiles.

La mort meurt en donnant la mort.
Prêtres et poètes, dames et chevaliers,
dirigeants, riches et puissants passent à l'autre monde
et les pauvres sans un morceau de pain sous les dents
appellent à la fin de la souffrance.

Quel sens le mot aime a-t-il
ou ce cœur d'une flèche encore percé ?
Et crie le donateur d'ombre et de deuil :

Ils sont toujours une malédiction pour 2020.
Les virus m'appellent, forcés comme si
L’on devait être un parasite pour s'appeler vivant.

Regardé sous un microscope, une couronne de couleurs splendides,
il ressemble à ce qui est donné aux morts
pour décorer le chemin vers l'autre monde.

Quiconque veut gérer une bonne histoire
quand tu vas en terre sicilienne
où sur le mur de cour du grand hôpital,
(Les chrétiens et les musulmans vous ont aidés),
deux maîtres inconnus, au milieu du XVe siècle -
Ils disent que je ne sauve personne,
Je mets tous au même niveau,
et déjà de Naples, un prince l'a dit et redit.

D’être vivant, je suis déjà un squelette,
le squelette est mon cheval
et tueur
je viens avec la fureur du vent.

Pendant ce temps, discutez avec la jeunesse
de la fontaine ludique,
tandis qu'une harpe dégage des touches
de langueur
et l'aigle reposant sur l'épaule de Giovanni
voit à peine la lueur de la lumière
dans la nouvelle ville.

Aristote nous enseigne qu'en observant la guerre
La paix nous effleure.

Manrico Murzi, Gênes, 31 mars 2020

* * *

Cher Manrico,
Merci pour ce poème étourdissant, où le rythme est ponctué de brisures, de saccades, d’images pillées, arrachées d’un réel fracassant. C’est la parataxe du covid. Un langage épousant ce défi au langage. Oui, merci pour ce poème de la sidération qui zigzague entre mémoire, histoire, subconscient et la réalité qui chevauche le monde pandémique. Votre voix, avec sa nécessaire distance, ramène une vision depuis les fonds de nos subconscients, un rappel que le cavalier revient régulièrement nous visiter, demandant l’adresse des voyageurs en suspens que nous sommes.

Comme il est de coutume dans nos chroniques, j’écris ici ce que votre texte m’inspire. GRAZIE MILE maestro.

Cher poète,
Comme vous, je connais Naples et la Sicile,
Entre les deux j’ai navigué dans le golfe de Capri,
Et plus au sud, dans le détroit de Messine.
Ce souvenir me revient, car à Naples,
J’ai écrit un tango pour les migrants du monde.
Mais c’était avant la sidération, c’était quand l’italien
Parlait encore avec ses mains,
Et les masques réservés au carnaval de Venise.
Depuis, je pense qu’il n’existe pas de mains
Plus confinées au monde que celles de votre pays.

J’ai été promeneur des bassi,
Amoureux du spacanapoli,
Cette rue qui divise et relie la ville, côte offerte
Au Vésuve qui bouillonne pacifiquement.
En moi aussi, ce surprenant séjour
Au Capo de Palerme,
Où j’ai mangé des croquettes
faites par des gens de mon île.
Ils jouaient au domino avec le pizzaiolo
Délaissant son café pour un thé au lait.
Tout semble se rejoindre
Dans la mémoire, le dal puri et le pain noir ;
Le Normand et Idrissi de Sicile.

En vous lisant, j’ai vu que le spectre ne change pas de camp,
Il lisse seulement les morts d’un autre rictus.
La chevauchée de l’ange porte le sceau de l’invictus.
Merci pour ce rappel du hortus conclusus,
Ce jardin ouvert et clos à la fois,
Qui rappelle un confinement où la rose
Parfume le temps arrêté.
Un jardin avec une frontière…
Mais un jardin qui n’est pas confiné,
Le poète le sait,
N’offre pas le bouquet espéré
Par le rêveur du monde,
Même si le choléra parfume le lilas de mai.

Le paradis a une entrée
Et j’espère, pas de sortie…
Un jardin avec un mur, une haie…
Je ne parle pas d’iconographie ici,
J’aime beaucoup que le jardin échappe au cadre
Pour être enclos d’ouverture, dans le vivant
Du confinement.
Un jardin-fragment du temps suspendu,
Que Lamartine avait espéré en son temps,
Lui qui voulait confiner le temps quelques moments
Dans sa chevauchée vers l’immortalité…
Je l’ai arpenté, semant tomates de l’Ouzbékistan
Ou petits piments piqués des brûlures de l’Etna.
Ici, parfois je sème aussi la mélancolie
L’iris, le muguet et l’ancolie.
A Palerme, ou Trapani,
Villes qui prolongnent en moi le parfum
D’une Italie de toutes les Méditerranées,
Je vous imagine dans la cour de cet hôpital.
La mort n’a pas perdu son regard en planisphère
En argent repoussé.
Comme vous,
J’ai visité ces lieux où les mémoires se superposent,
Où les luttes entre les Méditerranées
Finissent en couches étagées de la cassata siciliana.
Une chevauchée pacifique, comme vous l’imaginez,
Après les conquêtes déflorant les jardins en sentines.

Mais, il est temps d’observer la couronne d’épines
De ce cavalier nouveau, mongol ou yankee,
Déferlant dans les steppes, les déserts et les places vides,
Où le chevalier lance flèche et faux
Aux brasseurs de café et aux jardiniers du Stromboli.
Est-ce le messager du temps qui piétine ?

L’hécatombe, en lisant vos images, je me le demande,
Est-ce l’addition ou le déconfinement des tombes ?
Cela me rappelle que ce mot d’actualité signifie
Le sacrifice rituel de cent bœufs. Un amoncellement
De corps, donnés pour pacifier la mort.

Relisons Homère :
« Quand la prière fut finie et l'orge répandue,
On releva les mufles, on égorgea, on dépeça,
On trancha les cuisseaux, on les couvrit sur chaque face
De graisse et l'on mit par-dessus les morceaux de chair crue
Et l'on tint au-dessus du feu la fressure embrochée.. »
Un carnage qui donne au sang l’autre couleur de l’encre…

Dans la chevauchée sémantique de la langue
Le sacrifice animal finit par désigner la mort humaine.
Le cheval enjambant les espèces avec sa faux sémiotique,
Tout comme pour le covid, passant d’un mammifère
Aux semeurs des graines et vendeurs des pangolins de Wuhan,
Pour coller comme les côtes séchées à la version officielle
De la mort virale.
La mort pourrait être la spirale, la diagonale
Du flou aux temps du virus informatique.
Oui, cher poète, la chevauchée fantomatique continue,
Le confinement et son contraire contrarié, le déconfinement
Ne saurait la rejeter aux bas-fonds du jour d’après.

Merci pour ce regard lucide que votre ami Ungaretti
N’aurait pas désavoué.
Je le cite aussi, aux portes du déconfinement :

"Quels yeux nous faudra-t-il et quelle patience, ou quelle cécité plutôt pour soudain voir le jour".

Les limites des yeux, est-ce ce que nous aurons chevauché, tant mal que bien, dans la poésie de la pandémie ?

Baci de quelque part entre les jardins et les mémoires à venir…

© KT, 9/5/20

MERCI au maestro Raouf Oderuth pour cette magnifique peinture de Venise en temps de confinement. Son art restera dans nos mémoires pour longtemps et longtemps...

CHRONIQUES AUX TEMPS DU CORONAVIRUS, JOUR 57

JOUR -1. CHERES AMIES, CHERS AMIS...

Demain, on retrouve un début de liberté, avec les gestes barrières nécessaires.

GRACE A VOUS, nous avons tenu la gageure, écrire pendant ces jours inédits, impensables, mais qui ne nous ont pas empêché de réfléchir, de proposer, de créer...

Le pari était là, comment imaginer le monde de demain, pendant le confinement, comment TEMOIGNER de la sidération que nous vivons, comment encore trouver l'émerveillement, la beauté dans un monde à l'arrêt ? Cela a guidé nombre de nos pages...

La beauté persistante du monde, elle, s'est déconfinée avant nous.

Les animaux, les oiseaux, les poissons ont dit qu'ils reprenaient leur liberté, leurs rondes joyeuses, la couche d'ozone s'est colmatée, les dauphins sont revenus à Venise, les flamants aussi. L'air est plus pur.

MAIS...

On l'a vu, dès le déconfinement en Chine, le ciel a changé de couleur, l'air devenant plus âcre. L'épidémie a commencé là-bas, le déconfinement d'un milliard et demi d'humains retournant à la machine de production et de consommation a eu un impact immédiat sur la qualité de l'air et le spectacle de la beauté du ciel bleu et des monts qui s'offraient aux yeux ravis des citadins, à des dizaines de kilomètres de là. La beauté avait vaincu, un instant, la machine surchauffée du profit à tout prix.

La pandémie est partie de Chine, donc il était logique qu'elle soit celle qui ait le déconfinement le plus marquant. Les effets néfastes ne se sont pas faits attendre, préfigurant ce qui nous attend ici et ailleurs.

Ce virus qui empêchait les humains de respirer semble être une punition, un nemesis doublé d'une catharsis, d'une faute suivie d'une purification... Les bronches de la planète, que la machine à profits avait impactées, disaient leur joie de respirer sans nos vies accélérées. Précision incroyable, un souffle déconfiné pour un souffle confiné.

Nous voilà donc à la veille de spolier cette beauté précieuse du souffle régénéré du monde. Aucun gouvernement n'a osé "renverser la table", préférant rester dans le modèle du jour d'avant.

Cependant, on le voit, des humains plus sensibles à la vie dans son essence de beauté, regrettent que le post-confinement signifierait seulement une mise en parenthèse, que fermerait a machine à profits, se désolant des queues des consommateurs se ruant sur les nuggets... Attendre trois heures pour manger de la nourriture rapide...

J'ai lu beaucoup d'entre nous exprimant une volonté de changement.

Beaucoup regrettant les mensonges des élites, pointant du doigt la faillite du système d'avant... La choloroquine, soignant avec l'azimothrycine, à Maurice, à Djibouti, au Sénégal, au Brésil, demeure interdite en France.... Un débat sans fin, qui sera un théâtre d'importance de l'après-confinement.

Un changement majeur pour nous? Pas sûr...

Dans les grands moments de traumatisme historiques, nous l'avons écrit dans ces chroniques, on se dit "plus jamais ça", pour recommencer le jour d'après.

Comme si nous étions condamnés, comme Sisyphe, de toujours rouler notre bosse autour du même itinéraire en dents de scie de nos vies, sans changer de route ou amorcer un virage. Terrible fatalisme d'un siècle matérialiste.

Tous les éléments étaient là pour accomplir de changement de taquet, de paradigmes, et la pandémie est encore en cours, même si les graphiques indiquent des courbes de mortalité et d'infections baissières, signifiant que l'on peut encore... Nous avons quelque 4,000,000 de cas d'infections dans le monde. Chaque jour, des morts, des cas nouveaux.

Les USA comptabilisent bientôt 1,700.000 infections.

Et on sort la tête juste pour observer la pointe de l'iceberg devant un itinéraire incertain...

Il est à prévoir, dans le système économique qui mène le monde, beaucoup de difficultés, des faillites, du chômage, de la violence sociale, peut-être des émeutes de famine etc. Les gouvernants nous font déjà comprendre que ce sont les classes moyennes et laborieuses qui paieront la note des aides sociales pour garder l'économie à flot.

Il est significatif que le dernier jour du déconfinement soit la journée de la mémoire de la traite et de l'esclavage, célébrée en France ce dimanche 10 mai. Tout un symbole, quand on sait l'enjeu que le travail va représenter dans le jour d'après. La liberté aussi.

Je pense qu'au lieu d'une nouvelle forme de l'esclavage, nous pourrions avoir une nouvelle coolitude, où des coolies ou engagés, ceux qui ont remplacé les esclaves aux abolitions, seront redéfinis à l'ère des technologies d'information et de surveillance.

Nous savons que les sommes engagées en catimini pour contrer le Covid-19 sont vertigineuses.

L'argent est encore l'aune qui guide la reprise des activités de l'après-confinement progressif de nombreux pays. On sait que cela risque de créer de grands conflits. Les USA sont au bord de l'explosion sociale, voire de la guerre civile, comme le Brésil ou l'Inde...

En France, on a parlé du virus gilet jaune. Assistera-t-on à un "virus jaune" social aux lendemains du confinement ? Beaucoup d'indices le laissent penser...

Une chose est sûre: le déconfinement ne sera pas un festival masqué de Venise.

Peut-être la saison où des masques vont tomber ou des baillons seront confectionnées pour les acquis sociaux et les libertés individuelles.

Les chroniques ont abordé ces thèmes en prospective.

Nos contributeurs ont parlé des strigols ou des zombies parmi nous revenus.

Nous suivrons le lendemain dans des écrits, cette fois, possiblement, moins dialogiques, plus spontanés, nés de l'observation du jour d'après.

Dans la balance, nous le pressentons, c'est la beauté restaurée du monde, l'air pur, le retour des non-humains dans des espaces libérés, qui seront posés, mais certainement pour être balayées par un système avide de ne pas changer sa course vers des bénéfices. Car la machine à profits, connaissant la précarité des humains lors de la pandémie - beaucoup étant endettés, beaucoup seront sans emploi, d'autres seront malades ou affaiblis ou ruinés - tentera, très certainement, de vouloir rattraper le temps du profit perdu, pour que la machine s'emballe à nouveau et crachote sa soif du profit en fumeroles des machines encrassées libérant leur fiel devant un ciel ébahi, dont la bleuté sera éloignée, et sa beauté renvoyée derrière les brouillards de pollution sous lesquels les humains se sont habitués à vivre pour leur subsistance.

Adieu donc lions, dauphins ou pangolins, l'homme en être dominant de la planète, revient prendre possession de ses terres, et les saillies d'un paradis retrouvé, comme souvent dans l'Histoire du monde, semblent vite s'obstruer avec les pelles cupides de l'impérieuse raison économique.

Le déconfinement de demain, ne serait-il qu'une parenthèse pour la Terre, qui conjuguait la beauté en se déconfinant pendant notre confinement?

On chuchote que la France aurait voté une loi pour émettre plus de carbone, pour rattraper la pollution perdue, qui aurait sauvé 1,000 vies pendant le confinement.

Adieu otaries, mésanges et lionceaux, le prédateur revient...

Le confinement, difficile et nécessaire en temps de pandémie, surtout pour des gouvernements déroutés par la contagiosité du virus, doit prendre fin, cela n'est pas à être débattu.

Cela est incontestable, on ne peut rester chez soi, sans contact social, sans activité. Cela n'est pas à débattre.

Ce qui est à débattre est que dans la pandémie, une raison/vision nouvelle aurait pu naître, car nous avons eu le temps de nous arrêter, de réfléchir, de voir l'inanité d'un système qui enrichit une poignée et appauvrit beaucoup, tout en attaquant le climat et la biodiversité. Les jours passés nous ont même démontré qu'en étant confinés, on permettait à la planète de se régénérer. Une leçon grandeur nature, UNE CHANCE POUR LES GENERATIONS FUTURES...

Il est évident que celles et ceux qui pourront retrouver un travail, une source de revenus, seront heureux, et cela se comprend. Il est difficile de concilier absence de pollution et travail. Cependant, une autre issue est possible. On le sait.

On ne vit pas que de beauté, mais pas non plus, que de pain ou du fromage ou de jambon, même quand on est Robinson, pour faire écho au président Macron, annonçant une année blanche aux écrivains et artistes.

Mais demain, le confinement, ce sera le monde d'avant, on le pressent...

La question cruciale, pour nous, sera: comment allons-nous traiter la beauté du monde généreux, qui nous a offerts le spectacle de sa renaissance?

Accepterons-nous de voir partir les dauphins des canaux, les flamants de la cité des Doges, pour toujours, une fois que nous avons su que ce spectacle de la beauté, impossible avant le confinement, est devenu une réalité. Qu'allons-nous faire, en ces temps de souffrance pandémique, d'une Terre qui nous a mis à l'arrêt pour nous proposer le cadeau de la Vie?

Que sera le jour d'après?

Nuggets, masque Vuitton et saisies bancaires, surveillance par drone, tracking, reconnaissance faciale, recul des droits sociaux, le recours aux coolies électroniques, le retour des populismes, la guerre des riches contre des pauvres, la course à l'oseille autour des vaccins, médicaments et la santé publique etc etc.

Une note positive est à rappeler, cependant...

Certains pays ont démontré qu'ils pouvaient faire preuve d'humanité, de partage, "renversant la table". Cuba a aidé l'Italie et d'autres pays dans les moments intenables de la pandémie, La Turquie a envoyé du matériel médical à la Grande-Bretagne sonnée par le covid, l'Irlande vole au secours des Amérindiens, qui les ont sauvé de la famine il y a deux siècles, Madagascar, un pays réputé pauvre, a donné son traitement à base d'Artémisia à une quinzaine de pays d'Afrique, je dis bien, donné et pas vendu, des citoyens et des citoyennes de France et d'ailleurs ont cousu des masques pour les offrir au personnel médical et à d'autres personnes, d'autres ont distribué des repas, des colis aux démunie.s, des artistes et écrivains ont produit des moments de bien-être et les ont partagés par internet, des réseaux de solidarité voyant le jour régulièrement, au-delà des gouvernants et de leurs impérities.

Ce sont des notes d'espoir formidables. Je pense qu'il ne faut pas les ignorer.

Dans ces chroniques, des idées sont nées, des beautés partagées, dans des textes et créations lumineux d'Albert Guignard Maquis Permaculturel, de Roland Dauxois, de Philippe Pratx, Raouf Oderuth, Carmen Panadero Delgado, Abdelmajid Benjelloun, Ben Dhiab Ahmed, Constantin Severin, Miguel Angel Martinez Venegas, Abdelaziz Sekkat, d'Ana Mafalda Leite, d'Erkut Tokman, de Manrico Murzi, Mohammed Boualam, Abdallah Belabbes, Yve Bressande, Mohamed Laroussi et d'André Chenet.

Quelle extraordinaire aventure humaine!

MERCI, car vous avez donné corps à une solidarité humaine témoignant de la beauté au plus fort des moments difficiles, mortels, de la pandémie. Cette œuvre, je le sais, témoignera des rêves des humains, avec nos doutes, nos faiblesses, mais jamais, sans nos générosités et extraordinaire solidarité aux temps du coronavirus.

Je sais que nous avons vécu cela ensemble, malgré la distance. En cela, nous étions des confiné.e.s priviliégié.es. Et cela restera un des moments les plus extraordinaires de ma vie d'écrivain et d'artiste. Le covid-19, le sait, l'art, l'écriture, les échanges avec nos lecteurs et lectrices, nous ont donné la preuve, par l'imaginaire, d'une "immunité collective", celle que le partage de l'humaine beauté permet dans les moments les plus durs de l'Histoire.

Oui, cela est possible, concret, cela nourrit, libère, régénère..

DEMAIN 11 MAI:

Pour celles et ceux qui seront déconfiné.e.s, bonne reprise à vous.

N'oubliez pas, le risque n'est pas écarté, l'Allemagne ayant constaté que le déconfinement peut aussi signifier reconfinement.
La pandémie n'est pas levée.

À la veille du (premier? dernier?) déconfinement en France, chères amies, chers amis, qu'il me soit permis de vous remercier, une fois de plus, pour votre fidélité.

Nous avons eu de superbes moments d'échange et de beauté ensemble. Nous gardons ce lien précieux pour le jour d'après.
A partir de demain, peut-être, un "Carnet de déconfinement" verra le jour, qui se définira au jour le jour.

Dès à présent, merci de me faire parvenir vos œuvres et textes en MP, l'aventure artistique et humaine continue... histoire de témoigner, de conserver la mémoire de ces jours ensemble.

MERCI ET A TOUT BIENTOT.

Masquez-vous, lavez-vous les mains, protégez-vous et les vôtres...

La beauté sera là, c'est le sens de la vie, malgré ses conjugaisons mortifères et ses douleurs. Elle vivra jusqu'au dernier souffle de notre planète commune, notre seule maison à ce jour...

(c) KT 10 mai 2020

Coïncidence? Hier, lors de la conversation avec Manrico Murzi, nous avions posté un tableau de Venise en temps de confinement de Raouf Oderuth, aujourd'hui, nous empruntons une photo superbe du canal de la cité des Doges, dont les couleurs, normalement sombres, sont sublimées par les flamants roses, une des images les plus mémorables d'une Terre qui avait retrouvé ses alvéoles en temps de pandémie... La mort n'est pas avare de beauté non plus. Même si certains internautes disent que la photo est un fake d'un artiste russe. Qu'importe, l'artiste sait que cela est possible...

 

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Viré monté