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Poème écrit le 8 mai, pour nos mémoires et histoires solidaires Puisqu’il y a tant de chaînes, je me refuse… Le Monument de l'abolition du 22 mai 1848, Prêcheur (Martinique). |
Je me refuse d’ignorer la déveine de l’ombre
Devenue poids de ma sinistre rengaine. Si tu fus
Esclave et moi engagé ou coolie de mille décombres
Je ne pourrais me célébrer entier si je suis perdu ou confus
Dans la haine ou l’indifférence de ta mémoire enchaînée.
L’holocauste des mémoires est à l’envers de ma parole
S’entretuer dans l’indifférence est une mine, un pactole
L’instant appartient aux langues que l’oubli désole
Je gémis de mille morts avant d’être jeté par-dessus bord
J’ai damné l’arabesque de nos morts en signant la pétition des échines brisées
Mais il pleuvait du matin au soir dans l’océan des indes au parapet des caraïbes
Moins sereine est la balle dans l’aine
Mais sur nos rivages un paon sauvage est syncope
Et brasier des noms maléfiques d’opium ou de sucre
Je refuse de me libérer sans ce nouveau pacte fraternel
A toutes les dates nos chairs vont réussir à braver l’interdit
Comme toi je fume des méditerranées dans le cratère des mers
Ma montagne est l’abat-jour des mornes et des ghats
Je ne suis ni l’horizontal des chaînes ni la verticale des contrats vérolés
L’oubli de partager notre douleur est le dernier convoi des chairs tristes
Je suis l’esclave, de très près, de toute ma scène primitive,
Je suis le coolie, l’engagé de nos servilités,
Si je reste à bord c’est parce que je suis à la solde des nouvelles fraternités.
© Khal Torabully, 8 mai 2018
Monument du premier jour, Pointe-à-Pitre (Guadeloupe). Photo F. Palli.