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Retour aux Chagos

Fernand Mandarin raconte

Propos recueillis par
Emmanuel Richon

 

En vente en librairie et au Blue Penny Museum,
144pp, 300Rs.

 

Chagos index

 

 

 

 

Retour aux Chagos

J’ai connu Fernand Mandarin il y a cinq ans environ. Il était passé au Musée pour me demander un renseignement. Il voulait savoir si j’avais quelque information concernant le naufrage du navire la Sainte Marthe. On prit rendez-vous, puis nous nous rendîmes à la réserve du Barkly Wharf afin d’enquêter sur de vieux journaux de l’entre-deux-guerres.

Comme il disposait de la date exacte du naufrage, je retrouvai vite l’article relatif à l’événement… Il s’en trouva très ému et pour ainsi dire les larmes aux yeux… Aussi j’entrepris de l’interroger sur ce fait-divers et fus étonné de constater qu’il ne l’avait en fait pas connu, ni de près ni de loin, étant né près de vingt ans après… J’en fus intrigué. Comment et pourquoi se passionner pour un sinistre qu’il n’avait pas vécu et qui concernait des personnes qu’il ne connaissait pas? C’est ainsi que je rencontrai Fernand Mandarin pour la première fois. Je ressentis bien vite que tout ce qui pouvait avoir trait à ses origines et à son archipel revêtait pour lui la plus haute importance. Il fut du reste très reconnaissant pour ces recherches et nous nous joignîmes plusieurs fois par la suite, amicalement. C’est ainsi que naquit en moi l’idée de faire une exposition sur la culture chagossienne.

Fernand est une véritable bibliothèque vivante dont l’étendue s’agrandit au fur et à mesure qu’on en consulte les rayonnages! Il y a 18 mois environ, alors que nous avions fini l’exposition sur la culture chagossienne, visant justement à ne pas cantonner les Chagossiens dans une identité purement victimaire, nous fûmes animés par l’idée d’aller plus loin et de marquer durablement l’empreinte de ses connaissances. C’est ainsi que le projet d’écrire un livre ensemble vit le jour. Il en rêvait, il avait une foule de faits, d’anecdotes et de traditions à raconter et qu’il redoutait d’emporter comme un secret, le jour de son grand départ…

Il me fit confiance et j’en fus plus qu’honoré, nous nous vîmes tous les lundis durant une année. Il me contait sa vie, je l’interrogeai sur tous les détails et ensemble, nous progressions dans le récit d’un monde si brutalement disparu. Sans quitter le crime de l’excision et de la déportation, nous tentions de recouvrer ne serait-ce qu’un bout de la richesse d’une véritable civilisation. L’archipel avait son histoire, ses traditions, son peuple, sa culture, ses anecdotes par centaines. Petit à petit, au fur et à mesure, il me fallut consigner tout le récit de Fernand, retrouver l’ambiance, le ton de son exposé… Et lui, parlait, intarissable, tenant sa mémoire constamment en alerte. Ti guitte par ti guitte, le livre prit forme, d’abord disparate et touffu, puis, avec le temps, nous finîmes par en obtenir quelque chose de cohérent et nonobstant l’exhaustivité, nous arrivâmes à en être fiers tous les deux. Comme une jungle dont on serait venus à bout.

Écrire un livre à deux n’est pas chose facile, il faut faire preuve de discipline, toujours comprendre le point de vue d’autrui, ce qui est vraiment important pour lui n’est jamais ce qui nous apparaît primordial… Il faut du temps, se donner du temps, réciproquement… Mais au bout du compte, lorsque le livre paraît, on est content… C’est toujours ça, un tout petit quelque chose de positif et de digne qui montre qu’on a pu s’écouter… Au final, une expérience riche, content d’imaginer que ce petit livre vivra sa vie… Reste le combat, ce dernier demeure entier! Aucun livre ne pourrait le remplacer…  Chacun devra y mettre du sien et il y aura place pour tous les coups de mains…

Merci à Fernand d’avoir bien voulu partager ses connaissances et son passé avec nous.

Le livre paraît avec une préface de Philippe Forget, initiateur et réalisateur du projet et un avant-propos de Me Hervé Lassémillante, sans leurs aides respectives, le livre n’aurait pas vu le jour.

Emmanuel Richon

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