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CHAGOS !


exposition gratuite au Blue Penny Museum
Port-Louis (Maurice)


du 25 juin au 6 septembre 2014

Vernissage jeudi 14 juin à 15:00

 

Chagos index

 

 

 

 

 

 

 

 

Faire une exposition sur la culture chagossienne constitue un défi à relever pour plusieurs raisons. Même s’il ne s’agit pas d’une exposition sur l’excision des Chagos à proprement parler, fondamentalement, la justification de cette manifestation culturelle puise dans ce fait historique sa raison d’être.

Lorsqu’un crime a été commis, il est de coutume de se pencher sur «les antécédents du criminel» afin de mieux comprendre les multiples raisons de son acte, mais, ce faisant, la Justice néglige le plus souvent de s’intéresser aux antécédents de la victime, ce qui ne lui vient même pas à l’esprit, tant elle voit en elle, à tort, Monsieur et Madame Tout le Monde. Aussi le criminel, par son acte, se trouve seul digne d’un intérêt particulier. Il en ressort la plupart du temps, même quand la victime aura bien sûr été entendue, … un goût amer. Rien à faire, la victime n’a pas droit à ses antécédents!

Cette exposition prend résolument le parti pris inverse. Certes la perte de souveraineté sur une partie indivisible du territoire mauricien a déjà quelque chose d’intrinsèquement inadmissible et la question de la territorialité de cet archipel s’avère sans aucun doute cruciale, mais par delà cette lutte légitime, un crime humain a également été commis.

Elie Wiesel, prix Nobel de la paix, disait fort justement qu’un criminel agit toujours en deux fois, la première en perpétrant son forfait, la deuxième en effaçant par la suite toute trace du crime perpétré…

Dans le cas des Chagossiens, il en fut de même et, après les avoir déportés jusqu’au dernier, soigneusement dispersés en différents points de l’océan Indien, les occupants se sont empressés de nier l’existence d’un peuple autochtone. Ce faisant, l’impérialisme, adding insult to injuries, alla même jusqu’à prétendre que les habitants de l’archipel, rebaptisés promptement « îlois » par condescendance, n’étaient jamais nés sur place!

Cette exposition, qui se veut somme toute fort modeste, ne vise en fait qu’à présenter et affirmer une culture originale et authentique dont notre part d’humanité, de quelque origine que nous soyons, peut être particulièrement fière.

Grâce à Fernand Mandarin, né au Chagos, qui y a grandi, y a vécu de nombreuses années et dont le regard se trouve encore empreint de tout l’univers si riche de sa jeunesse là-bas, il nous a paru très important de pouvoir apporter aux Mauriciens comme aux nombreux touristes qui fréquentent quotidiennement notre musée, une pierre dans ce long édifice de la reconstruction d’une population meurtrie et exilée. Le défi ne sera jamais relevé tout à fait et beaucoup demeurera à entreprendre, mais d’ores et déjà, nous pourrons aisément comprendre, en tant que Mauriciens, que ce soutien, si chacun à son niveau et où qu’il se trouve, peut s’y associer, constituera une force indispensable à ce combat lui-même.

Journalistes, cinéastes, artistes, écrivains, metteurs en scène de théâtre, désormais muséologues, demain chorégraphes, dessinateurs ou simples citoyens, tous et chacun d’entre nous avons notre part de responsabilité dans la dénonciation du crime et la revendication des réparations, du retour et de l’intégrité territoriale.

Il demeure que, tenter de faire revivre une richesse humaine et culturelle aussi dense que celle des Chagossiens au sein de 200m2 d’espace d’exposition, s’avère une gageure difficile à relever.

Chagos

Une douzaine de cartes anciennes, à elles seules, présenteront un intérêt évident au visiteur. Certaines, fort rares, du 17e siècle, d’autres très récentes, permettant de mieux comprendre la situation géopolitique et stratégique de l’archipel. Découvrir une carte de Peros Banhos au sein d’un ouvrage majeur de Charles Darwin, Coral Reefs, voilà qui crée en soi une émotion pour ne pas dire une fierté… Faire refaire les maquettes du Zambezia ou du Diégo, forger les outils si caractéristiques de l’exploitation du coprah ou les instruments spécifiques de la pêche locale, quand les colons militaires ne vous permirent nullement de les emporter avec vous, quand ils ne demeurent plus aujourd’hui que dans le souvenir des Anciens… Voilà un défi intéressant!

Il n’existe à Maurice que quatre femmes sculptées, deux ne sont pas mauriciennes, la Reine Victoria et Indira Gandhi. Une autre, très mauricienne, sans doute, n’a jamais existé que dans l’imagination d’un écrivain et l’inconscient collectif d’une nation, Virginie… Somme toute, une seule, Anjalay Coopen a eu la chance de pouvoir être interprétée par un artiste… Aussi, pouvoir rendre aujourd’hui hommage au sein de l’exposition à Lisette Talate et Charlésia Alexis par deux sculptures, est en soi une grande satisfaction.

Si nous ajoutons à cela que le visiteur pourra user lui-même du bobre ou s’essayer au makalapo ou au zèze, nous espérons que le Blue Penny Museum aura pu contribuer, à sa mesure, à mieux conscientiser les visiteurs, que nous espérons nombreux, concernant un drame qui les touche souvent beaucoup plus qu’ils ne le pensaient eux-mêmes.

Reste qu’à l’avenir, nous espérons bien que les autorités comprendront mieux, elles aussi, la nécessité d’un tel travail culturel.

Promettre un espace et l’identifier est une chose, le réaliser en est une autre, qui demande volonté, travail et honnêteté. Puisse cette exposition temporaire, à défaut d’avoir pu se produire à Londres ou à New-York, ce qui, en soi, eut été beaucoup plus facile qu’il y paraît, au moins se voir un jour intégrée au sein d’une Maison des Chagos, c’est notre souhait le plus cher, il est en fait à portée de main.

Nous tenons ici à remercier chaleureusement Fernand Mandarin et le Comité Social Chagossien, Jean Marie Chelin, David Constantin, Kadress Soobaroyen et Marclane Antoine sans lesquels cette exposition n’aurait jamais pu voir le jour, chacun d’entre eux, sans le savoir et sans véritablement se connaître, s’avérait complémentaire des autres.

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 Viré monté