Potomitan

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Annou voyé kreyòl douvan douvan

Une brève dissection
De la musique haïtienne

Gifrants

 

Consulat de France & Alliance Française
Boston, 5 Décembre 2008

Partie 1

 

 

Yordan Dabady © Galerie Nader

Yordan Dabady

La musique vaudou |La musique flolkorique | Rara | La musique classique haïtienne | La période d’après 1960
La musique «rasin» | La musique contemporaine | Le mouvement du Créole Jazz et du Vaudou Jazz Haïtien

Mesdames, Mesdemoiselles et Messieurs,
Chers professeurs,

Je m’appelle Gifrants. Laissez-moi commencer par vous souhaiter  la bienvenue à cet atelier, tout en profitant de l’occasion pour remercier les membres du Consulat Général de France à Boston, particulièrement Ms. Samantha André, la Direction et les membres de l’Alliance Française à Boston, et mon ami Brian Thomas pour cette invitation.

Je suis né au Cap-Haïtien, dans la partie septentrionale de la République d’Haïti,  mon pays. J’entends faire cette remarque pour la raison bien simple que ma musique reflète les tendances et les coutumes de cette région. Le vocabulaire du Créole, les intonations de celui-ci, et ses expressions diffèrent du reste de notre pays car, comme le dénote l’histoire, nos ancêtres ont été extirpés de tribus distinctes, quant à leurs dialectes et leurs traditions, sur le sol africain.

Tout au long de ces vingt dernières années, je me suis adonné non seulement à promouvoir notre musique, mais aussi à la disséquer tout en recherchant une façon plus authentique pour la transpirer après l’avoir inspirée. Aussi, cette analyse m’a permis de distinguer plusieurs genres,  et j’en parlerai brèvement tout en les illustrant avec des examples. En d’autres mots, vous aurez l’opportunité d’écouter  des chansons appropriées.

Je commence mon exposé  en tout premier lieu avec

La musique vaudou

En dépit du grand courant de conversion au christianisme qui sévit dans notre pays, nous pratiquons toujours le vaudou. La musique vaudou chante Dieu et les dieux qui vivent parmi nous. Qu’ils soient les dieux et les déesses de guerre, de feu, de fécondité ou autres, que leurs habitats sur le sol haïtien se situent dans nos rivières,  nos arbres, nos forêts, sur nos collines et montagnes, et au-dessous des mers,  nous croyons que leur royaume s’étend dans les profondeurs de la terre du continent Africain et en particulier en Guinée. Nous croyons aussi que l’eau nous ouvre le passage à ce royaume – l’eau des fleuves, des rivières, des mers et même l’eau d’un puits. Mais Dieu, lui-même, demeure toujours en haut, dans le ciel.

L’instrumentation utilisée dans la musique vaudou est très limitée et peut être divisée en deux parties: voix et percussions – chanteur principal et chœur – et les percussionnistes.

Pour les voix, le «sanba» ou «simidò» est le chanteur principal et les «hounsi», très souvent des femmes habillées en longues robes et mouchoirs blancs à la tête, forment le chœur.

Cette description nous porte à mentionner la première forme de la musique vaudou:

Les incantations

Elles sont les invocations et prières adressées à Dieu et aux dieux du Vaudou. Très souvent atonales, elles subissent néanmoins l’influence des prières grégoriennes et utilisent même des mots latins tels que «Kyrie, Deus Sanctus, Dominus Dei» et autres. Parfois, on peut entendre certains mots des dialectes de nos ancêtres et  des références à de nombreux Saints canonisés par l’Eglise Catholique – St Jacques Majeur qui représente Ogou Feray, Ste Anne pour Larèn Èzili, etc.

L’abscence des tambours et autres percussions apporte un aspect plus solennel aux incantations, souligne l’importance accordée à l’«ason», lequel en retour, confère l’autorité du «houngan» ou «bòkò» – le prêtre du vodou.

«Ason» est le mot. Celui-ci est constitué d’une baguette de 40 à 60cm de long à laquelle est attachée une petite calebasse dévidée, séchée et remplie de perles, d’os de serpents ou de couleuvres, (je ne parle pas des perles coûteuses et recherchées qu’on trouve dans les huîtres).
L’ason est utilisé ausssi au début des cérémonies pour  invoquer les «lwas» sans être, pour autant, un instrument effectif dans la musique vaudou traditionnelle.

Pour vous donner une idée, je vais vous jouer une incantation intitulée «Enkantasyon Sole», que j’ai écrite il y a deux ans lors de ma participation à SummerRevels ici, à Boston.  Au lieu de l’ason, je vais utiliser un egg shaker.

Performance…

Enkantasyon Sole

Ayibobo! Ayibobo! Ayibobo!

Hey!

(Sanba)
Sole, Sole,
Sole tenyen je li
Sou latè beni, adje !

(Kè)
Sa fè lapenn o,  sa fè lapenn o
Sa fè lapenn o
Sole tenyen je li

(Sanba)
Deus Sanctus, Deus Sanctus,
Deus Sanctus, limyè sole
Nan fon tchè we

(Kè)
Wi, li klere vre 

(Sanba)
Ha!

(Kè)
Deus Sanctus, Deus Sanctus,
Deus Sanctus, limyè sole
Nan fon tchè we

 

 

 

(Chanteur Principal)
Soleil! Soleil!
Tu t’es détourné les yeux
De la terre bénie, O Dieu!

(Chœur)
Quelle peine! Quelle peine!
Quelle peine!
Le soleil a fermé ses yeux

(Chanteur Principal)
Deus Sanctus! Deus Sanctus!
Deus Sanctus! La lumière du soleil
est au fond de mon cœur

(Chœur)
Oui! Elle illumine mon cœur

 (Chanteur Principal)
Ah!

(Chœur)
Deus Sanctus! Deus Sanctus!
Deus Sanctus! La lumière du soleil
est au fond de mon cœur

Avant de passer à l’instrumentation additionnelle de la musique vaudou, nous voulons mentionner l’«asòtò», le tambour sacré du vodou, de deux mètres de haut au moins. Il n’est pas utilisé dans l’instrumentation traditionnelle du vodou, mais sa présence de moins en moins marquée dans nos péristyles souligne le recul ou l’effacement modéré de nos rites.

Nous avons les tambours et ils sont au nombre de 3

  1. Le «manman tanbou» porte l’emphase sur les improvisations. Il est le plus gros des trois et sa résonance produit une fréquence plus basse par rapport aux autres. Toutefois, le son devient très éclatant avec le «slap» – le fait de frapper très fort le tambour avec la paume de la main – et l’utilisation du «kwòk», une baguette très courte de la forme d’un croc.
    La prédominance et l’affluence de ses syncopations caractérisent l’aspect polyrythmique de notre musique, aussi bien que celui de la musique africaine.
     
  2. Le «Segon tanbou» détermine les rythmes et sa fréquence peut être celle de la note «la» or tout près d’elle. En d’autres mots, l’analyse de nos rythmes commence par la composition musicale du «segon». Il est plus petit que le «manman tanbou», mais plus gros que le troisième.
    Faute de conservatoire et vu l’instabitlité consistante dans notre pays au cours de ces deux dernières décennies, nous n’avons pas pu arriver à cataloguer nos rythmes. Cependant, j’ai entendu qu’ils sont au nombre de plus d’une cinquantaine. Je peux vous en citer quelques-uns – l’ibo, le mayi, kongo, nago, djumba, parigòl, matinik, petro, yanvalou, ti kita, kontredans, rabòday etc...
     
  3. Le «marengwen» marque les « kata». Il sert de métronome et il  accentue le rythme. Sa résonance est plus aiguë par rapport aux autres tambours et il est aussi le plus petit d’entre eux. Deux baguettes de bois sont utilisées pour produire ce son perçant, intermittent et caractéristique avec un motif bien défini pour chaque rythme. 

Tout participant est libre d’utiliser une percussion improvisée – une bouteille, une piéce de métal, un «graj ou moso fè». Parfois, le tambourineur du «segon» attache un cordon  qui contient des perles autour de ses poignets produisant ainsi un son percussif – l’effet de jouer deux instruments en même temps.

Je dois ajouter aussi que ces rythmes subissent parfois  de légères modifications dans la façon dont on les joue au nord, au centre ou bien au sud de notre pays. L’instrumentation peut être modifiée aussi. C’est ainsi que j’ai appris que dans le sud, on joue de la cruche connue encore sous le nom de «Hudu drums» en Afrique.

Faute d’instrumentation appropriée, je vous ai apporté un CD enregistré par Elizabeth A. Mc. Alister,  à «Lakou Badjo», situé près des Gonaïves, et publié par Smithsonian Folkways Recordings dans une compilation titrée «Rhythms of Rapture: Sacred music of Haïtian Vodoo». La chanson que vous allez écouter s’intitule «Pyè Aleman Lèmiso Batala».

J’aimerais souligner que la courte durée des phrases mélodiques et de leurs énonciations littéralement parlant centre l’inspiration de la musique vaudou.

Cette chanson confirme tout simplement que Pyè Aleman Lèmiso Batala est un dieu de feu.

Pyè Aleman Lèmiso Batala e / Pierre Aleman Lemiso Batala he !

Pyè Aleman Lèmiso Batala e
Pyè Aleman Lèmiso Batala e
Aleman se lwa dife w ye
Aleman se lwa dife w ye
Pyè Aleman Lèmiso
Pyè Aleman Lèmiso Batala e

Pierre Aleman Lemiso Batala he!
Pierre Aleman Lemiso Batala he!
Aleman, vous êtes le Dieu du feu
Aleman, vous êtes le Dieu du Feu
Pierre Aleman Lèmiso
Pierre Aleman Lèmiso Batala he!

On distingue deux branches dans le vaudou – celle du Dawome et celle du Rada.  Elles includent de nombreuses familles de «lwa» telles que les familles «Ibo, Nago, Rada, Petro, Gede, Azaka, Ayizan, Simbi, Ountò, Ogou, Lègba, Loko, Agwe, Danbala» etc...

Moi, je suis plus familier avec la tradition et la notion de Ginen. Cette traditon repose sur les rites pratiqués en famille où les «serviteurs» Ginen célèbrent périodiquement et parfois en des circonstances spéciales, leurs affiliations avec ces dieux du Vaudou au cours des cérémonies communément appelées «solobodjo».

J’aimerais ajouter que les offrandes constituent des mets et repas déjà cuits et préparés, que le sang est tout-à-fait interdit. En outre, après l’arrivée des «lwa» et durant ces cérémonies, le festin est dégusté et partagé entre les membres de la famille et les participants.

Nous allons passer maintenant à

La musique folklorique

L’instrumentation est différente de celle du vaudou et quoique similaire à travers le pays, les intonations dans ce genre diffèrent quant à leurs expressions chez les montagnards, les paysans vivant dans nos plaines, et les paysans qui vivent dans nos villes.

Se trouvant très souvent dans l’impossibilité de s’acheter des instruments, les paysans les fabriquent eux-mêmes. Qu’ils s’agissent de la guitare ou du bandjo, ces réplicats sont ajustés et des fils d’acier ou de cuivre «d’un starter d’automobile», par exemple, servent comme des cordes pour ces instruments.

Le son de la contrebasse ou de la basse électrique est reproduite par et avec le «manniboula», une boite de 50 à 60 cm de haut sur laquelle s’assied le musicien qui le joue. Cette boîte rectangulaire a une ouverture circulaire  sur laquelle s’étendent trois lames de metal peu épaisses. Leurs mouvements de bas en haut et de haut en bas  épinglés par ce musicien, égrènent des sons d’une fréquence basse tels que ceux  de la contrebasse. Toute considération harmonique se révèle peu satisfaisante  vu que l’instrument lui-même n’est pas accordé mais son mouvement suit de très près les phrases mélodiques de la chanson aussi bien que son rythme.

Parfois, au lieu du «manniboula», les «siwèl» ou «twoubadou» comme on appelle nos musiciens de la musique folklorique, utilisent le «marengwen». Il ne faut pas confondre ce dernier avec le «tanbou marengwen».  Toujours pour reproduire le son de la contrebasse, ils utilisent cet instrument composé d’un vase métallique, le plus souvent fait d’aluminium ou de fer-blanc, au milieu duquel ils attachent une tige défeuillée, peu rigide et  haute d’un mètre ou plus. Cette tige sera pliée pour former un arc peu courbé avec une ficelle assez résistante. Tirer sur cette ficelle produit un son d’une fréquence basse tel que celui  du «manniboula» et de la contrebasse.

On retrouve le tambour, et cette fois-ci, il n’y en a qu’un.

Le «tcha-tcha» et le plus souvent au nombre de deux,  est fabriqué avec une petite calebasse non arrivée à maturité et remplie de perles à laquelle est soudée une tige défeuillée de 20 à 30cm de long.  Ce percussionniste qui peut être aussi le chanteur principal du groupe  tient les « tchatcha » par la tige avec ses mains. Dépendant de sa dextérité, il peut utiliser une main pour jouer les deux, mais ordinairement, il utilise ses deux mains – un «tchatcha» dans chaque main.  En d’autres mots, nous pouvons dire qu’en général, notre musique folklorique comprend la composition suivante:

  1. Les voix (chanteur principal et choeur)
  2. Une guitar ou un banjo
  3. Un tambour et le tcha-tcha
  4. Un manniboula ou un marengwen

J’entends faire une mention spéciale concernant la flute, instrument de choix utilisé dans le «kwazelewit», imitation du menuet français, et le violon joué dans les régions méridionales de notre pays.

Mais, en général, l’instrumentation ne va pas au-delà d’un quartet pour les «twoubadou» et les «siwèl» qui parcourent les rues de nos villes le soir, et performent pour quelques gourdes ou dollars pour toute audience éventuelle. Parfois, les devantures des maisons de certains notables de la ville deviennent une scène amusante avec ces sérénades nocturnes, où ils chantent leurs amours épicées, les intrigues du voisinage aussi bien que leurs déboires et vicissitudes.

J’aimerais ajouter que le «twoubadou» ou «siwèl» bien souvent emploie un créole plus francisé dans ses textes. Je prends un très grand plaisir à vous citer les noms de Ti Paris, Altieri Dorival, Toto Nécessité, Rodrigue Millien, Coupe Cloue, Lumanne Casimir, Emerante de Pradines, Toto Bissainthe et Martha Jean-Claude parmi nos troubadours les plus talentueux et fameux de tous les temps. Je crois que leurs cd’s sont disponibles dans les magasins virtuels de l’internet. De nos jours, «Ti Coca» a émergé sur la scène nationale parmi nos nombreux troubadours, préservant ainsi cette tradition résiliente.

Comme illustrations, je vais vous chanter trois de mes chansons. La première s’intitule «Tonfwi Defandi», la deuxième «Enamorado Soy», et la troisième «Simbi, Sove Mwa».

Performance...........

Tonfwi Defandi

Tonfwi Defandi

Pamela, tande  
Pa kite wen sèmante
Pa kite m sèmante
Si m ale, w a kriye
Pamela, majwa
Pamela, pèmète mwa
Goute tonfwi defandi
Menaje wen pou li

Pamela, poukwa
W pa vle m manyen w la?
Pa kite wen sèmante
Si m ale w a kriye

Woy! Pamela Oh ! Paméla
Kite wen manyen w la, Pamela
Han! Han! Han!
Woy! Pamela
Kite wen manyen w la, Pamela
Ha! Ha! Ha!
Hay! Pamela ho! Pamela

Kite wen manyen w la
Ho! Pamela!
Pamela, monnamou
Monnamou, Pamela wo!

Ton Fruit Défendu

Paméla, écoute
Ne me laisse pas jurer de m’en aller
Ne me laisse pas le faire
Si je m’en vais, tu pleureras
Paméla, ma joie
Paméla, permets-moi
De goûter ton fruit défendu
Essaie de m’accommoder

Paméla, pourquoi ?
Ne veux-tu pas que je te touche là ?
Ne me laisse pas jurer de m’en aller
Si je m’en vais, tu pleureras

Oh! Paméla
Laisse- moi te toucher là
Han! Han! Han!
Oh! Paméla
Laisse-moi te toucher là, Paméla
Ah ! Ah ! Ah !
Hay! Pamela! Oh! Pamela

Laisse-moi te toucher là,
Oh ! Paméla !
Paméla, mon amour,
Mon amour, Paméla !  Oh !

Tandis que la musique vaudou est ancrée dans la musique africaine, nous  pouvons remarquer que l’utilisation des intruments occidentaux a inséré l’influence d’autres genres de musique sur notre musique populaire et folklorique. La symbiose qui existe entre Cuba et Haïti, entre la République Dominicaine et Haïti y est révélée.

Dans le passé, nos paysans sont allés travailler dans les plantations de canne-à-sucre à Cuba bien avant le régime de Fidel Castro. Aujourd‘hui, beaucoup d’entre eux dans leur tentative d’émigrer aux Etats Unis, se retrouvent encore sur les rives de Cuba et continuent à vivre là-bas. En fait, dans mes efforts de publier mon premier livre de chansons traditionnelles haïtiennes, j’ai pu utiliser le CD du Groupe Desandan et ces musiciens vivent à Cuba.

La situation de nos concitoyens n’a été et n’est nullement toujours  lucrative dans les «batey» de la République Dominicaine. Cela n’a pas empêché à la langue créole d’emprunter du vocabulaire espagnol:

Kòman sa? flèche Como estàs?
Karetèl flèche Carretera
Rale pòt la flèche Hale la puerta

Et l’influence atteint son paroxysme dans ces deux styles de musique:
Mereng ou bien mérengue flèche merengue en espagnol
Bolewo flèche bolero

J’ai voulu que ma musique réflète cette influence de la musique latine. Aussi je vais vous chanter maintenant «Enamorado So»

Enamorado Soy

Enamorado Soy

Enamorado soy
Lanmou sa fè m pale panyòl
Tankou jakorepèt o
Amor de mi vida
Por ti, me muero

Mwen danmou fou vre 
Lanmou sa grape tchè wen
M pa wè, mwen pa tande
Nan pye w m ape trennen
W kwè m ap sove

Mwen pandye, mwen pandye
Devan bouch w, cheri
Tèlman mwen swaf
Ti pawòl danmou
Pa meprize, pa meprize wen       
Di wen poukwa
W ap fè wen soufri
Soufri san rezon
Di m wi, pran we
Enamorado soy

Je suis un homme amoureux

Je suis un homme amoureux
Si amoureux que je te parle d’amour
En espagnol comme un perroquet
Amour de ma vie
Je me meurs pour toi

Je suis fou de toi
L’amour s’est saisi de mon cœur
Je ne vois et n’entends rien
Je traîne à tes pieds
Je ne crois pas que je jeux  m’en sortir

Eperdu, je m’abadonnne
A tes lèvres, chérie
Assoiffé
De tes paroles d’amour
Ne me méprise pas
Dis-moi pourquoi
Tu me fais tant souffrir
Souffrir sans raison
Dis-moi oui, prends moi
Je suis un homme amoureux

La troisième chanson illustre mes efforts pour adapter la guitare aux sons de notre musique, comme vous allez le remarquer.

Simbi, sove mwa

Kote Simbi?
M ape nwaye la
Vini sove mwa
Simbi nan dlo
Si mwen pa rele
Gen lè m a toufe
Simbi nan dlo
Sou tè sèk mwen ye
Men m ap nwaye
Simbi nan dlo
Madichon mizè
Sou kò wen fè plè, ha!

Nan debwouye
M ap plede jongle
San mwen pa gen jon
Antre nan won
Gade mwen sanble
Yon ti annipye
K ape fofile
Anba pye lawon
K ap gwonde k on lyon
Simbi nan dlo
Depatcha lavi
Kraze zo piti

Sife, adje, Bondje
Makawon predi
Jan lavi wen fouti
Sife, adje, Bondje
Men pouki Simbi
Ankatimi? Ha

Simbi, viens me sauver

Où es-tu, Simbi?
Je suis en train de me noyer
Viens me sauver
Simbi, Déesse des Eau
Si je ne m’écris pas
Je finirai par m’étouffer
Simbi des Eaux
Je me tiens sur la terre ferme
Mais je me noie toujours
Simbi des Eaux
Ma misère est une malédiction
Elle est une plaie sur ma peau, Ah!

Je me débrouille
Comme un jongleur
Sans jonc
Je fais partie d’un jeu
Où je ressemble à
Un mille-pattes
Qui se faufile
Sous les pieds des larrons
Qui grondent comme des lions
Simbi des Eaux
Détruisent la vie
Et écrasent les faibles

Oui! Mon Dieu!
Les magouilleurs prédisent
Que je suis un homme foutu
Oui, Mon Dieu!
Mais pourquoi, Simbi
Te caches-tu? Ah!

Passons maintenant au «rara»

Le «rara» est l’une des traditions les plus riches de notre culture et de notre folklore. 
Il désigne à  la fois et le genre et le groupe musical.

Pour les pratiquants vaudou, le «rara» n’a pas perdu son identité. Pris dans son contexte religieux, il est demeuré  un rituel qui commence le mercredi des cendres et se termine à la veille du dimanche de Pâques. Chaque soir, durant cette période, des bandes circulent à pied  très tard dans la nuit, chantent et dansent, s’arrêtent au milieu de certains carrefours, performent des cérémonies au caractère mystique. Certains prétendent que le cannibalisme est pratiqué. D’autres insistent sur le caractère mystèrieux et maléfique de ces bandes de rara. Je ne peux vous confirmer aucun de ces dires.

Cependant, pris dans un contexte socio-culturel, le «rara» pour les masses, et «le peuple s’amuse» comme le dénomment les petits bourgeois et les bourgeois de Port-au-Prince, offrent un défoulement de joie qui peut se manifester à tout moment de l’année, mais de plus en plus fréquent durant la période de carnaval. Ce défoulement atteint sa culmination durant les trois derniers jours qui débouchent au Mardi Gras.

Pour moi, l’instrumentation dans le «rara» est l’une des plus fascinantes. En plus des voix et des percussions, le «vaksin» ou «banbou» fait son apparition. 

Il est fait d’une tige de bambou séchée de 10cm de diamètre au moins. Sa longueur et sa grosseur varient. Le nombre de musiciens varie aussi mais le plus souvent, ils sont au nombre de trois et peut atteindre plus de sept. Chaque musicien ne joue pas plus de deux notes. Celles-ci varient d’un musicien à l’autre. Le résultat fait l’écho d’une gamme dissonante, indépendante, non relatée à la tonalité du chanteur, et frayant ainsi la cacophonie à cause de sa polytonalité. Le concept «natif» que j’ai créé sur ma guitare reproduit ce riche aspect de notre musique.

Dans le «rara» des villes, l’instrumentation se compose aussi de la grosse et petite caisse des fanfares, du tuba, du clairon, «antonwa», trompette faite en fer-blanc,  et de tout instrument improvisé.

Une différence essentielle à noter – dans l’aspect vaudou du «rara», un participant claquant un fouet de 3 à 4 mètres de long – «fwètkash» – marche à la tête de la bande; cependant le «majòjon», ou «le major du jonc», habituellement un jongleur très habile prend sa place dans le «rara des villes».

Tout comme les textes du troubadour, ceux du «rara» des villes chantent des intrigues sociales, reflètent des faits courants de la vie, huent des satires politiques lesquelles marquent par moment le prélude des manifestations anti-gouvernementales. Mais, en général, comme je l’ai déjà mentionné, le rara offre des instances de joie et de défoulement.

Je vais vous chanter une chanson d’un groupe de rara de notre ville. Je m’en souviens très bien. Les jeunes de cette époque y participaient en grand nombre. Le plus amusant est le fait que ce rara prenait les rues aux environs de 4 heures du matin. Les gens ouvraient leurs fenêtres, mi-ensommeillés, dansaient et riaient à la vue de certains exhibitionnistes joviaux, heureux d’exposer leur costume de nassaince qu’ils révélaient de temps en temps sous des draps blancs.

Performance...

Ha! Chanpwèl o Al on tray m ap pe pase
Ah! Sans-poil o C'est l'une de mes misères

Tout moun ape dòmi
Mwen sèl ki nan la ri

(Kè)
Ha! Chanpwèl1 o
Al on tray m ap pe pase

Les gens sont en train de dormir
Je suis seul dans les rues

(Choeur)
Ah! Sans-poil o

C’est l’une de mes misère

1.(personnage mythologique—loup garou/wolf man)

boule  boule  boule

Continuation ici.

 Viré monté