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Emmanuel Macron peut-il sauver
sa majorité absolue à l’Assemblée nationale?

Hugues Saint-Fort

Ceux qui suivent l’actualité politique française savent qu’il y a eu une élection présidentielle dans l’Hexagone en avril dernier et que le président Emmanuel Macron a été réélu pour un second quinquennat. Ils savent aussi que des élections législatives se sont tenues environ deux mois après la présidentielle et que le second tour de ces législatives aura lieu dimanche prochain le 19 juin. Dans la tradition politique française, ces législatives n’ont jamais constitué un enjeu politique de taille: le parti du président nouvellement élu (réélu) généralement suit les traces victorieuses de son président et assure la victoire de la grande majorité de ses députés. Cependant, cette année, les choses sont loin de se dérouler comme à l’accoutumée. Les résultats du second tour de l’élection présidentielle avaient donné le classement suivant: Emmanuel Macron, leader de La République en marche (LREM), parti centriste, réélu président, Marine Le Pen, leader du Rassemblement National (RN), parti d’extrême-droite, arrivé deuxième, et Jean-Luc Mélenchon, leader de La France Insoumise (LFI), parti d’extrême-gauche, arrivé troisième.

Entre la réélection de Macron et la tenue des élections législatives ---environ sept (7) semaines --- il y a eu d’extraordinaires développements: Jean-Luc Mélenchon a réussi l’exploit de bâtir une union de la gauche qu’on avait jugée improbable avec les 4 partis de gauche les plus en vue, i.e. La France Insoumise, LFI, le Parti Socialiste (PS), le Parti Communiste (PC) et les écologistes, Europe, Ecologie, Les Verts (EELV). Cette union de la gauche a été dénommée Nouvelle Union Populaire, Ecologique, et Sociale (NUPES). Mélenchon s’est ensuite assuré une omniprésence dans les médias avec des affiches en direction du grand public sur lesquelles il clamait: «Elisez-moi Premier Ministre». Cette dernière stratégie était d’une audace renversante dans la mesure où, dans l’histoire de la Ve République, le Premier Ministre en France a toujours été nommé par le Président et n’a jamais été élu par les électeurs français. Cette stratégie de Mélenchon a porté ses fruits puisque la coalition de gauche, la NUPES, a fait jeu égal avec la coalition d’Emmanuel Macron, renommée Ensemble! Cependant, la plupart des instituts de sondage rapportent que les candidats rangés sous la bannière de la NUPES ne parviendraient pas à devancer la coalition présidentielle en nombre de sièges à l’Assemblée Nationale. Il faut 289 députés pour atteindre la majorité absolue et, selon toute vraisemblance, la NUPES risque de se retrouver à court d’électeurs dans le second tour dimanche prochain 19 juin car elle avait déjà fait le plein au premier tour. De son côté, la coalition présidentielle devrait pouvoir compter sur les électeurs de la droite classique, comme ceux du LR (Les Républicains). Si cela se réalise, Emmanuel Macron pourrait obtenir les 289 députés dont la coalition présidentielle a besoin pour dominer le Palais Bourbon.

Tout se joue donc au cours de cette semaine pour les deux coalitions en termes de mobilisation de leurs troupes. Les deux leaders, Jean-Luc Mélenchon pour la NUPES, et Emmanuel Macron pour Ensemble!, sont rompus à ce genre d’exercice. Mélenchon et ses lieutenants vont cibler principalement les jeunes des banlieues des grandes métropoles ainsi que les travailleurs des catégories populaires, les ouvriers à bas revenu mensuel, tandis que le président et ses hommes / femmes s’adresseront surtout aux électeurs des catégories supérieures (cadres, artisans, commerçants) et aux électeurs qui exercent des professions intermédiaires.

La bataille sera rude car il ne leur reste que quelques jours. A partir de vendredi minuit jusqu’à dimanche soir 20 heures, la loi interdit toute référence publique dans les médias de la presse parlée. Les projections des instituts de sondage donnent la NUPES perdante avec 195 députés et Ensemble! qui devrait sortir gagnante avec au moins 295 députés. Dans un tel scénario, Macron conserverait ainsi sa majorité à l’Assemblée nationale. Cependant, Mélenchon ne serait plus député puisqu’il ne s’est pas représenté dans sa circonscription. Mais, la NUPES deviendrait tout de même la principale force d’opposition à l’Assemblée nationale. Sans la présence de Jean-Luc Mélenchon au palais Bourbon, quel sera l’impact de la NUPES? Quelle sera l’intensité de sa capacité d’empêchement? La coalition de la gauche ne risque–t-elle pas de se désintégrer? Si les députés de la France Insoumise vont défendre du bec et des ongles leurs valeurs et leurs idéaux fondamentaux, quel sera le comportement des députés du PS, du PC et de EELV? Si Macron, dimanche soir, ne dispose que d’une majorité relative, il y aura des risques de paralysie  dans la capacité du gouvernement français à gouverner ou surtout à pouvoir imposer les projets qui lui tiennent à cœur.

Il fut un temps où le fameux «front républicain» fonctionnait comme le remède idéal dans toutes les situations difficiles. Il était brandi lorsqu’il s’agissait d’unir tous les républicains contre l’extrême droite. Mais, conservera-t-il encore son pouvoir quand des candidats de gauche sont également ciblés parce qu’ils sont aussi perçus comme s’écartant du champ des valeurs républicaines?

Hugues Saint-Fort
New York, 15 juin 2022

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 Viré monté