L'Aide mauricienne aux Réunionnais durant l'épidémie
de choléra de 1859, peinture à l'huile sur toile
par Louis-Antoine Roussin

Emmanuel Richon

APPROCHE CONTEXTUELLE

Lazaret
Le lazaret de la Ravine à Jacques. Les cholériques y étaient isolés jusqu'à guérison complète. (Lithographie de J. A. Roussin, "Album de la Réunion"). ©

Ce tableau est à lui-seul le témoignage tangible des relations privilégiées et cordiales qui existaient entre les îles sœurs, c'est-à-dire l'île Maurice et l'île de la Réunion. L'affreuse nouvelle qu'une épidémie de choléra s'était déclarée à l'île de la Réunion parvint à l'île Maurice en avril 1859. Dans Le Mauricien en date du 5 avril, on lit : «Le "Neptune" parti pour la Réunion jeudi est rentré dans notre port la nuit du samedi au dimanche. Arrivé en vue de la Réunion on lui a fait des signaux qu'il existait une épidémie dans l'île; il a alors viré de bord et regagné Maurice. Les uns prétendent que cette épidémie est le choléra les autres le "seringos", espèce de dyssenterie endémique à l'Afrique, mais au fond nous croyons que personne ne sait encore positivement quel est le mal dont souffrent nos voisins.» Dès le 8 avril, le même journal confirmait la triste nouvelle: «Le choléra règne à la Réunion depuis le 16 février dernier.» La municipalité de Port-Louis passa vite à l'action. Une souscription publique fut organisée dans le but d'aider les familles nécéssiteuses de l'île sœur, frappées par l'épidémie. Dans un premier temps, onze caisses de chlorure, une caisse de camphre et trois caisses de moutarde furent expédiées à Gilbert des Molières, Maire de Saint-Denis. Quant à la souscription, elle connut un gros succès, en pas moins de six occasions, des dons en numéraire purent être envoyés.

Le Mauricien en date du mardi 19 avril 1859 relata l'épisode émouvant de cette manifestation de solidarité, qui fut donc à l'origine directe de la conception du tableau de L. A. Roussin: «Meeting pour venir en aide aux classes souffrantes delle de la Réunion.

Aujourd'hui, à trois heures, sur la convocation de l'Honorable Maire de Port-Louis, une réunion nombreuse avait lieu à l'Hôtel de Ville. Il s'agissait de prendre des mesures pour venir en aide aux classes malheureuses de 1'Ile- saur. Etaient présents: S.E. les Evêques de Maurice et de Port-Louis, Son Honneur E. Remono, chef juge, l'Honorable Procureur Général, l'Honorable Gabriel Fropier, l'Honorable Arthur Edwards, le Consul de France, MM. Jules Mal lac, G. de Courson, H. Messen, H. Chauvin, le colonel Twiss, le colonel Cobhurn, le Député-Maire, Adolphe Wiehé, N. Arnaud, F. Channell, H. Lemière, Ducray père, Bonnefin, Lafarque, Vigoureux de Kermorvan, E. Pipon, le Révérend Lebrun,

L'Honorable Gabriel Fropier propose la lère résolution:

Que l'assemblée s'empresse de se rendre l'interprète des Mauriciens en exprimant la vive sympathie qu'ils ressentent pour les habitants de La Réunion et le chagrin qu'ils éprouvent de les voir exposés au cruel fléau qui a naguère visité Maurice. Cette proposition, appuyée par M. G. de Courson, est votée à l'unanimité.

M. G. de Courson propose la 2ème résolution:

Que dans le but de venir en aide aux souffrances de la classe malheureuse de 1'lle de La Réunion, il soit formé un comité de douze personnes pour recueillir les souscriptions destinées à être offertes aux Municipalités de 1'Ile-sœur comme témoignage de notre sympathie.

3ème résolution:

Faire tous ses efforts pour envoyer à La Réunion l'assistance d'un praticien qui au r ait acquis à Maurice la triste expérience de cette maladie terrible.

4ème résolution:

L'Honorable Procureur Général prie le Maire de Port-Louis de faire connaître au Maire de Saint-Denis toute la sympathie de la Colonie pour les malheurs de nos voisins.

L'Honorable Fropier demande que des remerciements soient aussi votés à l'Honorable Arthur Edwards qui a eu l'initiative de la présente réunion.

M. Henry Chauvin père demande qu'une liste de souscription soit présentée immédiatement à l'assemblée. Adopté. Les personnes présentes souscrivent séance tenante, pour plus de 1500 piastres.

L'Honorable Rémono fait part à l'Assemblée du manque de camphre à La Réunion. Il est résolu que l'Honorable Maire est autorisé à en expédier immédiatement. »

Autre témoignage de sympathie, non dénué d'une certaine franchise, cet article exemplaire du même journal, le lendemain:

«On sait quelle profonde impression de tristesse s'est emparée de toute notre population, au moment où la triste nouvelle de l'introduction du choléra à l'lle-sœur s'est répandue parmi nous. Tant de liens de confraternité, d'amitié et de famille même unissent les deux îles qu'il ne pouvait guère en être autrement. A ce sentiment de sympathie réelle pour nos frères de Pile voisine est venu se mêler naturellement, avec le cruel souvenir de nos malheurs passés, un triste et pénible retour sur nous-mêmes en songeant à la contagion qui pouvait nous atteindre aussi en dépit des quarantaines et de toutes les mesures sanitaires possibles. Mais il faut le dire à la louange de la population mauricienne, le premier de ces deux sentiments, le sentiment de sympathie pour nos voisins, a obtenu dès l'abord la priorité sur l'autre.»

L'aide humanitaire n'empêcha d'ailleurs en rien une précaution redoublée, témoin cet article dans Le Mauricien du 9 mai : «Les ordres les plus sévères ont été donnés pour empêcher la communication et un petit bateau à vapeur appartenant à notre port a été chargé par le Gouvernement de croiser le long de nos côtes, pour empêcher les bateaux de l'île voisine d'y débarquer en contrebande. Le "Neptune", petit vapeur de notre port, arrivant de Bourbon et forcé de faire sa quarantaine sous voiles, a eu l'heureuse idée d'aller à la grande satisfaction de ses passagers, faire la pêche sur les côtes de Saint-Brandon.»

Le même jour, on note également :

«un brillant concert organisé par les soins d'un artiste voyageur, M. Ali Ben Sou Alle, dont la générosité égale le talent, a été donné dans le même but à la salle de spectacle nouvellement restaurée et avait attiré une foule nombreuse. La recette s'est élevée à 1104 piastres, chiffre énorme pour notre petit théâtre et qu'on doit attribuer, en grande partie, à la sympathie du public pour nos voisins. L'lle de la Réunion ne tarda pas non plus à réagir devant un tel élan désintéressé : On peut lire dans "Le Moniteur" du 18 mai, sous le titre "Souscription de Maurice", : «La souscription que nos voisins ont spontanément entreprise en faveur des victimes du choléra à la Réunion comptera avec éclat dans les fastes de la générosité mauricienne. Jamais plus rapide et plus complet succès n'aura couronné une si belle ouvre de charité. ... Longtemps La Réunion se souviendra de la riche offrande que lui fait en ces jours d'adversité sa sœur de Maurice, elle n'oubliera jamais qu'au premier bruit de notre souffrance, la société de l'île-sœur a songé à lui tendre une main fraternelle et secourable, et que les bienfaits tombés de cette main, non seulement empruntent à leur origine un prix inestimable, mais sont encore d'une munificence qui nous confond de gratitude. La population de la Colonie se rappelle avec reconnaissance le chiffre du premier envoi de fonds adressé par l'Honorable Maire du Port-Louis à M. Gilbert des Mol/ères, Maire de Saint-Denis. Il s'élevait, outre la valeur des médicaments, à 18 322,40 F. A son précédent voyage, l'Union, avait apporté à la Municipalité le complément de la souscription du Port-Louis, se montant à 3 431 F. Ce qui donnait déjà un chiffre de 21 753,40 F

Hier, M. le Maire a reçu, par le même Steamer, qui est venu nous porter la malle, le produit de la souscription des campagnes qui est de 7'105,50 F Total de la souscription de Maurice : 28 858,90 RNous savons que M. le Maire de Saint-Denis, fidèle au vœu de l'Honorable Maire du Port-Louis, a déjà fait parvenir à ses collègues des autres communes, où le choléra a sévi, la part qui leur revenait dans le produit de la souscription du Port -Louis. La population de chaque commune a été prise pour base de cette répartition.»

Le Maire de Saint-Denis ne fut pas insensible à pareils élans de solidarité. Le 6 septembre, au nom de la ville, il fit don à la municipalité port-louisienne d'un magnifique tableau du célèbre peintre

L. A. Roussin, tableau couronné à la récente Exposition 1ntercoloniale qui s'était tenue à l'Hôtel du Gouvernement à Port-Louis.

On peut lire dans Le Mauricien du 23 septembre 1859 :

{A la dernière séance du Conseil Municipal, le Maire a donné lecture de la lettre suivante de M. Gilbert des Molières, Maire de Saint-Denis, en date du 6 septembre :

Monsieur et cher collègue,

je m'empresse de vous informer que le Conseil Municipal de Saint-Denis m'a chargé d'offrir à la Municipalité de Port-Louis, le tableau de M. Roussin qui a figuré à l'Exposition mauricienne et qui représente la distribution des secours aux pauvres pendant le choléra. Votre corporation municipale représentant la population de Maurice, qui s'est montrée si secourable et si généreuse pour nos malheureux pendant cette cruelle épidémie, voudra bien accepter l'hommage de reconnaissance qui lui est offert au nom de la ville de Saint-Denis. Rien ne saurait mieux servir à l'interprétation des sentiments que nous voulons exprimer, qu'une œuvre locale destinée à perpétuer le souvenir de l'assistance fraternelle portée par les habitants de Maurice à notre colonie si sévèrement éprouvée. Le Conseil Municipal de Saint-Denis est heureux qu'une récompense accordée par le jury d'Exposition, à l'ceuvre de L. A. Roussin, soit venue attacher quelque prix à l'hommage que je suis chargé de faire agréer au Corps Municipal de votre ville. Veuillez agréer, Monsieur et cher collègue, l'assurance de la très haute considération avec laquelle j'ai l'honneur d'être votre très humble serviteur, le Maire de Saint-Denis,

Gilbert des Molières

Ce ne fut pas sans émotion d'ailleurs que le Maire mauricien exprima à son tour les remerciements du Conseil Municipal à son collègue de l'île sœur, avec promesse que le tableau trouverait désormais une place de choix dans la salle des délibérations.

Jusqu'en 1859, l'île de la Réunion, ex-île Bourbon fut relativement épargnée par les épidémies, si on compare les conséquences relatives des foyers de contagion sur les deux îles. Néanmoins, cela ne signifiait nullement que l'impact psychologique de maladies contagieuses y fut méconnu. L'épidémie de choléra de 1820, pourtant bien moins meurtrière que sur l'île sœur (278 morts contre environ 10'000 à Maurice) n'en influença pas moins les esprits. Depuis l'épidémie de variole de 1789, apportée dans l'île Bourbon par des esclaves amenés sur le navire l'Aimable Eléonore, on prit de sévères mesures et un protocole drastique prévalut à l'arrivée des navires. On créa un lazaret pour les malades à la Petite Ile et, au vent du lazaret, un camp de quarantaine destiné aux gens les ayant fréquentés. Plus tard, on ouvrit un autre camp de quarantaine supplémentaire à la Ravine à Jacques, pour les esclaves à débarquer.

Lors de l'épidémie de 1820, les Dionysiens touchés se virent entourés d'un cordon sanitaire impitoyable par les habitants des quartiers, pour empêcher que la maladie ne se répande. D'autre part, la vaccine anti-variolique, découverte durant la Révolution, avait été pratiquée dès 1756 à Maurice, où Cossigny avait fait pratiquer l'inoculation préventive du pus de varioleux puis à Bourbon tout de suite après. Il faut souligner l'action du Dr Reydellet, infatigable propagateur de la vaccine à l'île Bourbon. Pourtant, ces quelques mesures prophylactiques et préventives n'eurent pas toute l'efficacité escomptée: c'était en effet sans compter les fraudes multiples au système de quarantaine nécessairement coercitif.

Des pratiques illicites amenèrent à débarquer des engagés indiens pourtant atteints par une maladie contagieuse. En 1852 donc, quelques années avant l'épidémie représentée par le tableau de L. A. Roussin, la variole décima un nombre beaucoup plus important d'habitants et de plus, sur l'échelle de l'île entière, 1'413 décès et 9'617 malades au total furent enregistrés pour une population comptant 115'633 habitants.

Mais l'impact psychologique de ces épidémies fut augmenté par l'annonce des décès causés les années précédentes à Maurice du fait du choléra: en 1819 tout d'abord, une frégate anglaise venant de Calcutta introduisit la maladie à Maurice, du fait d'une erreur de la Commission de santé. En six semaines, il y eut environ 10'000 morts. Plus tard, en 1854 et 1856, l'épidémie reprit avec violence à Maurice, emportant 7'650 et 3'264 personnes officiellement. Tout ce passé récent et l'apparition de cette nouvelle épidémie que constituait le choléra pour l'île Bourbon fut sans doute à l'origine d'un inconscient collectif très marqué par les risques épidémiologiques liés au choléra, sa vitesse de propagation et le pourcentage énorme de décès relatif au nombre de malades.

Cette maladie vola donc la vedette aux autres épidémies l'ayant précédée: d'abord par l'étendue de ses ravages. Partie de l'Inde en 1815, l'épidémie atteignit l'Europe occidentale en 1832, et par la même occasion, l'impact psychologique de cette épidémie travailla les esprits jusqu'en outre-mer. De plus, la rapidité des délais entre la contraction de la maladie et le décès effectif fut telle qu'elle ne manqua pas de frapper l'imaginaire collectif. La médecine, quelque peu désemparée devant ces épidémies, n'en fit pas moins quelques progrès dans la compréhension des mesures préventives et prophylactiques indispensables. Néanmoins, malgré cette meilleure connaissance du danger et des mesures à prendre, le commerce illicite de main d'œuvre, alors en pleine expansion, ayant pris la place de la traite esclavagiste, faisait fi de toutes ces obligations sanitaires allant à l'encontre des intérêts strictement commerciaux des marchands, guère différents en cela de leurs sinistres devanciers négriers.

Concernant la peur de cette maladie et les frayeurs qu'elle suscitait, lisons plutôt les commentaires du journal Le Cernéen en date du 13 avril, ils concernent directement La Réunion, sous le titre révélateur "Le terrible voyageur" , ils évoquent également un passé encore bien présent dans les esprits mauriciens:

«!I y a cinq ou six mois, le choléra régnait à Aden. Depuis cette époque, il a parcouru toute la côte orientale d'Afrique, il a passé à Zanzibar, il est descendu à Quiloa; le voilà presque à Mozambique, bientôt peut-être à Port-Natal et au Cap de Bonne Espérance! Lorsqu'on se souvient de la marche du terrible fléau, ravageant d'abord toutes les contrées asiatiques, puis celles de l'empire Ottoman et de la Russie, et franchissant une à une les frontières des différents territoires européens pour arriver jusqu'aux capitales de l'Angleterre et de la France, on ne peut s'empêcher de se demander où en est la Science, et si elle pourra jamais fixer le caractère et la nature de cet effrayant voyageur que rien n'arrête, que rien n'intimide, qui franchit les vallées et lesmontagnes, les fleuves et les mers! On assure que le choléra qui règne en ce moment à la côte d'Afrique et dans les environs de Quiloa, n'avait jamais jusqu'ici paru dans ces contrées. Comment y est-il arrivé? Comment a-t-il pu s'y produire? Qui l'a vu? Qui donc a le premier constaté la présence de ce mal affreux? Il est probable qu'on l'ignorera toujours.»

C'est donc en 1859 qu'eut lieu la seconde grande vague d'épidémie de choléra asiatique à la Réunion.

L'introduction de l'épidémie dans l'île fut la résultante d'une honteuse affaire de négoce de main d'œuvre. Le vapeur Mascareignes, ayant Rontaunay pour armateur, avait été "recruter" des travailleurs à Quiloa, au Mozambique. Ce qu'ignoraient les marchands, c'est que le choléra avait fait son apparition là-bas, ramené par des pèlerins de la Mecque. Le mal s'étendit donc à bord, sans doute dissimulé par l'équipage. Arrivé au large de Saint-Denis, le subrécargue, ne voulant en aucun cas essuyer une perte sèche, soudoya un chirurgien de Marine et obtint une patente sans mention de malade contagieux à bord. Trompée par ses mensonges, ses dissimulations et par la patente frauduleuse achetée, l'administration de la Santé autorisa le débarquement.

Lorsqu'on s'aperçut de la supercherie au premier mort à l'hôpital, il était déjà trop tard. Saint-Denis fut contaminé tout de suite. Notons cependant que le capitaine d'Agnel, commandant du Mascareignes bateau incriminé, maintint quant à lui que lors de son départ, le choléra ne régnait pas à Quiloa, qu'il était porteur d'une patente de santé constatant qu'il n'y avait pas d'épidémie, et qu'à son arrivée à la Réunion, il avait déposé entre les mains de l'autorité un rapport concernant toutes les particularités de son voyage et notamment la mort de 47 hommes de la dyssenterie inflammatoire. Qui croire cent-cinquante ans plus tard? Toujours est-il qu' à partir de l'hôpital, le quartier de la Rivière fut infecté, puis à partir des marines, ce fut le tour des nies du Four-à-Chaux et du Moulin- à-vent. Par le dépôt des immigrants, cette fois, proche du jardin colonial, l'épidémie gagna la rue Dauphine et le Butor. A la fin du mois de mars, la contagion augmenta et on arriva à compter neuf décès par jour en moyenne en ville, le 17, trente-cinq. Alors ce fut la panique, tout le monde voulut fuir le théâtre d'une telle hécatombe. Les voitures publiques ne suffisaient plus, on en vint à payer jusqu'à 200 francs pour quatre lieues de transport. On vit des gens camper dans les bois, attendant la fin de l'épidémie.

Dans Le Mauricien en date du 8 avril on peut lire le sentiment des Mauriciens à l'annonce de l'épidémie réunionnaise, les malheurs passés sont encore proches:

«...La panique s'est naturellement emparée de la population de l'île frappée si inopinément de ce terrible fléau. On a fui dans les campagnes et comme en 1854 à Maurice, les affaires y sont suspendues. Cependant, nous osons espérer que la Providence préservera nos voisins des terribles épreuves qui ont éclairci les familles mauriciennes et que l'espoir qu'ils ont que le choléra est entré dans sa période décroissante, se réalisera.»

Ce ne fut malheureusement pas le cas et le 25 avril, Le Moniteur annonçait que «les décès des trois derniers jours atteignent un chiffre de plus du double de la moyenne des décès antérieurs.»

Les pauvres, les prêtres et les médecins demeurèrent cependant à Saint-Denis. Notons toutefois que le Gouverneur eut le courage de rester aussi et même de faire rentrer sa famille de Salazie. Relatant l'attitude du Gouverneur réunionnais, le baron d'An-icau, Le Mauricien du 8 avril ne manquera pas de faire la comparaison avec l'épidémie récemment jugulée:

«...ces lignes n'ont pas besoin de commentaires de notre part. Dans leur simplicité elles font le plus noble éloge du baron d'Arricau. Cependant, nous formerons un vwu: nous souhaitons qu'elles tombent sous les yeux de Sir James Higginson, dont le souvenir est inséparablement uni chez nous à ce fléau, et qu'elles lui fassent expier les douleurs qu'il nous a fait souffrir... Le Baron d'Arricau va continuellement inspecter en personne les hôpitaux et les ambulances et tâcher par sa présence de communiquer à tous le zèle infatigable si nécessaire dans d'aussi pénibles circonstances.»

Le Conseil Municipal de Saint-Denis n'était d'ailleurs pas en reste point de vue civisme, puisque, convoqués en séance extraordinaire, ses membres résolurent d'un accord unanime et spontané, qu'aucun d'eux ne quitterait le chef-lieu pendant toute la durée de l'épidémie.

Il y avait une ambulance au Muséum, une autre à la loge maçonnique. Les religieuses de Saint-Joseph-de-Cluny firent preuve en cet événement, d'un admirable dévouement.

Le Mauricien du 9 avril relate leur abnégation:

«Les sœurs de charité, elles surtout, prodiguent leurs soins et leurs consolations aux malades, elles se multiplient partout où sévit l'épidémie.»

Deux tombereaux portaient les morts au cimetière de l'Est où fut installée une chapelle ardente. Ce n'est que vers le mois de mai, après notamment l'utilisation massive de chlorure et de moutarde dans les mesures de désinfection et ce grâce à l'envoi par Maurice voisine de caisses de produits, que l'épidémie se trouva enrayée. Elle avait quand même réussi à gagner les quartiers, à commencer par Saint-Louis, où les immigrants du Mascareignes, entrés illégalement, avaient trouvé leur destination tristement finale. En définitive, seuls Saint-Paul et Salazie furent épargnés. On compta les morts : 2200 à 2700 victimes, sur une population de 175 000 âmes.

Le Mauricien du 28 juin reflète alors le soulagement mauricien à la constatation de la décrue de l'épidémie

«nous apprenons avec plaisir par les derniers journaux de la Réunion, que nos voisins, après la cruelle épidémie qu'ils viennent de subir, s'occupent sérieusement d'établir un lazaret qui puisse, en cas de nouvelle invasion du même fléau, les mettre à l'abri de la contagion. On sait que chez nos voisins, moins favorisés que nous sous ce rapport, les quarantaines sous voiles sont impossibles et les navires doivent appareiller. Un lazaret où les malades recevraient tous les secours qui leur seraient nécessaires, au lieu de les exposer à une longue et pénible traversée, est donc une chose de première nécessité aujourd'hui à La Réunion... Celui de la Ravine à Jacques qui existe aujourd'hui, ne suffit plus aux nouveaux besoins de la Colonie.»

Quant à l'affaire du Mascareignes, elle s'acheva sinistrement aux assises de Saint-Paul, par un acquittement aussi honteux que surprenant. La Gazette Commerciale en date du 23 septembre 1859 se contenta de commenter laconiquement:

«La loi a imposé des obligations à l'Administration avant d'en imposer aux capitaines; les devoirs de ces derniers ne commencent à exister que quand l'Administration a rempli les siens.»

Fort heureusement, le choléra ne revint pas à la Réunion durant le reste du siècle.

KONTEKS TABLO LA

Sa tablo la par li mem, li enn tras, enn temwayaz bann bon relasyon sere sere ki ti ena ant bann zil ser, setadir ant Moris ek Lareynyon. Se dan mwa avril 1859 ki Moris finn gany move nuvel konsernan sa epidemi kolera dan Lareynyon. Dan lagazet «Le Mauricien», 5 avril sa lane la, nu kapav lir :

Neptune, enn bato ki ti bizin al Lareynyon, inn return Moris dan lanwit samdi a dimans. Letan li finn ariv pre lakot Lareynyon, li'nn gany mesaz ki ena enn lepidemi dan lil. Lerla li'nn fer manev pu li vire e return Moris. Ena dir ki epidemi la se kolera mem, ena lezot dir ki non, li zis «seringos», enn lespes dyare ki u kapav gany dan Lafrik. »

Aster la, personn pa konn ankor ki sa maladi ki nu bann vwazin ena la ete. 8 avril, move nuvel ti konfirme : «kolera dan Lareynyon depi 16 fevrye.»

Minispalite Por Lwi finn pas a laksyon byen vit. Finn uver enn suskripsyon zis pu ed tu sa bann fami dan lil ser ki ti dan nesesite e ki ti pe sibir lepidemi la. An promye, Morisyen inn avway Gilbert des Molières, Lemer Sen Denis, enn kes kanf, onz kes klor ek trwa kes mutard. Tanka suskripsyon la, li'nn ramas enn sikses byen byen gran. Par sis fwa, Moris inn avway kas laba.

Lagazet Le Mauricien andat mardi 19 avril 1859, li'nn dekrir tu sa lelan solidarite ki ti finn ena e ki alorizinn mem tablo Roussin la. Enn sinp ti fraz :

Miting anfaver bann kamarad Lareynyon ki ape sufer

Zurdi 3 zer, lor konvokasyon lonorab Lemer Por Lwi, finn ena enn gran reynyon. Dan sa komite ki ti finn forme la, ti prezan levek Moris ek Levek Por Lwi, lonorab E. Remono, Sef ziz, lonorab Prokirer zeneral, lonoral Gabriel Fropier, lonorab Arthur Edwards, Konsil Lafrans, Misye Jules Mallac, G. de Courson, H. Messen, H. Chauvin, Kolonel Twiss, Kolonel Cobhurn, Depite mer, Adolphe Wiiehé, N. Arnaud, F. Channell, H. Lemière, Ducray per, Bonnefin, Vigoureux de Kermorvan, E. Pipon, Reveran Lebrun.

Lonorab Gabriel Fropier propoz enn promye desizyon pu pran:

Bizin lasanble isi prezan, onon tu bann Morisyen, deklar so sinpati pu bann abitan Lareynyon, esprim tu so sagrin letan truv Reyone sufer sa epidemi la, mem epidemi ki, lontan de sela, Moris finn kone. Sa propozisyon, ar ki de Courson finn donn so sutyen, finn adopte a linanimite.

M.G. de Courson propoz dezyem desizyon pu pran. Dan bi nu vinn ed bann kamarad reyone ki dan sufrans e pu nu temwany nu sinpati, anu form enn komite duz dimunn pu nu rekey bann suskripsyon kas anfaver bann minispalite lil ser.

Trwazyem rezolisyon : Anu fer tu zefor pu nu avway Lareynyon enn lasistans medikal atraver enn dokter ki deza finn ena leksperyans sa move maladi la.

Katryem resolisyon : lonorab prokirer zeneral dimann Lemer Por Lwi pu kominik Lemer Sen Denis tu sa sinpati ki nu koloni ape santi konsernan bann maler ki pe tus nu bann vwazin la.

Lonorab Fropier dimann ki lasanble dir mersi lonorab Arthur Edwards pu sa nide sa reynyon sa komite la. M. Henry Chauvin per dimann ki enn lalis suskripsyon sirkile aster la mem. Tudswit, tu bann dimunn ki ti prezan finn donn so kontribisyon anplas mem e montan la inn ariv 1500 pyas.

Lonorab Remono fer tu dimunn kone ki Lareynyon inn deklar enn mank kanf. Tu dimunn zwenn so lavwa pu dir Lemer avway kanf laba tudswit tudswit. »

Enn lot tras sa sinpati spontane e fran ki ti ena, se sa lartik dan mem lagazet ki finn paret dan landime :

Nu kone kuma tu nu konpatryot inn viv dan tristes, letan finn aprann sa nuvel byen grav lor kolera dan Lareynyon. Ena telma fraternite ant bann abitan nu de lil, pa ti kapav ena enn lot reaksyon. Nu tu nu byen byen lye ek bann Reyone, lamitye, fraternite, fami mem ape lye nu de lil. Telma nu finn sufer nu mem dan lepase, dan enn lot epidemi ki zordi, nu byen kapav konpran nu bann frer. Anplis sa, nu bizin avwe nu per pu nu gany sa epidemi la isi. Malgre nu finnkre enn karantenn, malgre tu bann prekosyon saniter, nu bizin dir ki nu gany per pu zot ek pu nu mem usi. Me nu bizin dir ki ant sa de santiman ki nu ape viv azurdi, se santiman konpasyon ek solidarite ki pe vinn an promye dan nu lespri.»

Dayer apre sa, bizin dir, led ki Moris finn aport so vwazin, sa pa finn anpes li pran prekosyon par rapor a risk epidemi.

«Bann lord byen byen strik finn fini done pu anpes kominikasyon fizik. Enn ti bato avaper ki pu nu lepor, finn ansarz kontrol lakot pu anpes tu bann bato Lareynyon debark kitsoz par frod. Mem « Le Neptune », sa ti bato nu lepor, letan li finn ariv depi Burbon e li ti bizin sibi so karantenn olarz Moris, li'nn desid par li mem pu al lapes olarz Sin Brandon, seki dayer ti fer gran plezir tu so bann pasaze.»

Mem zur, kapav note usi:

«Enn mari konser finn organize par enn lartis vwayazer, M. Ali Ben Sou Alle, so zenerozite usi gran ki so talan. Sa konser la finn fer dan enn nuvo lasal spektak pu ramas kontribisyon anfaver bann Reyone, li finn gany enn gran sikses.

So reset finn ariv 1104 pyas, enn montan enorm pu nu ti teat e nu kapav esplik sa bel som la par sinpati piblik morisyen pu nu bann vwazin.

Lil Lareynyon napa finn res san reaksyon fas a sa lelan zenerozite bann morisyen la. Kapav lir dan lagazet Le Moniteur andat 18 me, avek enn tit : «Suskripsyon Moris»:

«Sa suskripsyon ki nu bann vwazin finn organize pu nu bann viktim kolera la, li pu res a tu zame grave dan nu memwar kuma enn lelan zenerozite morisyen spontane inkrwayab. Zame enn sikses parey pa finn kuronn enn zes solidarite kuma sann la.

Lontan Lareynyon pu rappel sa kado byen byen ris ki so ser Moris finn fer li, letan li ti dan fenwar. Zame pa pu bliye ki, letan nu ti finn fek appel osekur, tudswit bann Morisyen finn tann so lame ek fraternite. Zame nu pa finn atann otan kitsoz. Lefe ki sa led la finn vini depi nu bann vwazin pli pre, sa finn donn sa led la enn valer inestimab.

Nu rappel byen sa promye som dan sa promye anvwa ki lonorab Lemer Por-Lwi finn avway nu Lemer Sin Denis, Gilbert des Molières. Anplis valer bann medsinn, kas la ti pe ariv 18322,40 F. Dan enn vwayaz avan la, bato «L'Union» finn amenn enn konpleman 3431 F, seki donn nu enn sif 21 753, 40 F.

Iyer, par enn bato vaper, Lemer Sin Denis finn resevwar par lamal enn lot som de 7 105, 50 F, seki pe fer enn total 28 858,90 F.

Nu kone ki, Lemer Sin Denis, ki ti fidel a sa swe so koleg porlwisyen, li finn fer partaz an fonksyon kantite popilasyon sak lavil ki ti tuse.»

Lemer Sen Denis pa ti insansib a tu sa bann lelan solidarite. Onon so lavil, li finn ofer Minispalite Por Lwi, enn portre manifik ki finn fer par sa pint Louis Antoine Roussin la, enn tablo ki ti kurone par enn legzibisyon interkolonyal ki ti ena dan Lotel Guvernman a Por Lwi.

Nu kapav lir dan Le Mauricien andat 23 septam 1859:

«Dan dernye seans nu konsey minispal, Lemer finn lir enn let so koleg Lemer Sin Denis ki ti andat 6 septam:

Misye, ser koleg,

Mo degaze pu mo donn u enn informasyon ki konsey minispal Sin Denis inn donn mwa lord pu avway u : tablo Roussin, ki ti dan legzibisyon e ki pe reprezant sa led pandan lepidemi kolera. U minispalite ki reprezant tu popilasyon Moris, li finn montre nu kuma li ti zenere pu nu bann malere ki ti tuse par sa move epidemi ki nu finn ramase.

Pena narnye ki kapav transmet u nu rekonesans, apart enn ev lokal ki reprezant sa suvenir sa led ki zot finn aport nu, letan nu ti dan lanwarte. Nu byen kontan ki sa tablo la finn ramas enn rekonpans dan sa egzibisyon la, sa pe donn enn valer anplis a sa kado ki nu pe fer zot.

Aksepte mo santiman respe ki mo ape avway u ek sinserite, tuzur mo pu la pu ninport ki servis u pu bizin,

Lemer Sin Deni,
Gilbert des Molières

Letan Lemer Por Lwi ti reponn zot pu dir mersi a sa don ki Reyone finn fer la, li usi, ti ena enn sertenn lemosyon, li ti promet zot ki sa tablo Roussin la pu truv enn bon plas lor miray dan gran lasal minispalite kot fer deliberasyon.

Avan 1859, Lareynyon pa ti gany buku epidemi, antuka, si nu konpar li ek Moris. Sa pa ti le dir ki linpak bann epidemi lor moral popilasyon pa ti gran. Mem enn lepidemi kuma sa lepidemi kolera 1820 la, ki purtan, ti lakoz buku mwens mortalite ki pu Moris (278 dimunn mor kont 10 000 anviron pu Moris), sa pa ti le dir ki li pa ti ena enn inflyans lor popilasyon Lareynyon.

Depi enn lepidemi varyol dan lane 1789, ki ti inporte dan lil Burbon par bann esklav amene par bato «Eleonore», lil ti finn met anplas bann mezir sever konsernan larive bann navir anrad. Bann lotorite finn kre enn azil pu bann malad dan enn landrwa appel «Petite-Ile». Pli tar, zot finn uver enn lot sant karantenn anplis, dan «Ravine à Jacques», sirtu pu bann esklav ki ti pe debarke. Pandan sa epidemi 1820 la, bann abitan Sin Deni inn sibir enn syez pu anpes dimunn antre sorti e anpes maladi la fane.

Apart sa, enn promye vaksin kont varyol finn dekuver pandan Revolisyon fransez, li finn deza pratike plis u mwens dan lane 1756 dan Moris, letan Cossigny finn inzekte enn ti giginn sa pi ki bann malad varyol kapav ena. Tudswit apre, finn fer vaksinasyon dan Burbon. Isi, nu bizin met lanfaz lor laksyon Dr. Reydellet ki ti infatigab e ki finn fer buku zefor pu dispatch sa vaksin la partu dan Burbon.

Malgre sa, sa bann mezir prevansyon la pa finn ena tu sikses ki zot ti pu bizin ena : anefe, ti bizin pran kont ubann frod lor sistem karantenn. Ti ena usi frod dan karantenn bann angaze indyen ki purtan ti ena lafyev. Deza, dan lane 1852, enn banane ti ginn avan tablo Roussin finn pintire, lavaryol finn tuy enn gran kantite dimunn lor lil antye, 1413 mortalite ek 9617 malad, lor enn popilasyon 115 633 abitan. Me linpak sikolozik sa bann epidemi ti ogmante par bann nyuz depi Moris ki ti byen move : lakoz enn mistek ki Hels komisyon inn fer, enn navir ki ti pe vinn depi Kalkita, finn amenn kolera dan Moris. Dan lespas sis semenn, ti ena anviron 10 000 mor.

Pli tar, dan lane 1854 ek 1856, kolera inn refer sirfas e finn tuy ofisyelman anviron 7650 dimunn dabor, 3264 dimunn answit. Tu sa bann fe ki ti finn derule la, ek lefe ki pu Burbon, kolera ti enn nuvo maladi , sa ti frap mazinasyon dimunn. Vites li fane, pursantaz mortalite parmi bann malad, tu sa la finn mark linkonsyan dimunn pu lontan.

Sa maladi la finn ariv promye dan sa tchalanj bann epidemi ki finn presed li. Dabor lakoz manyer li'nn reysi fane partu partu. Li finn kumans so sime dan lane 1815 dan Lind, inn ariv Lorop oksidantal dan lane 1832, seki finn kre enn linpak sikolozik lor bann popilasyon dan koloni. Anplis sa, sa vites ki sa maladi la reysi tuy dimunn, ant so promye sinptom ek so lamor, sa ti fer ansort ki limaziner tu dimunn finn marke. Medsinn ti konpletman inefikas lor sa maladi la, me selman, li finn fer buku progre dan manyer kre bann prevansyon saniter ki ti neseser. Alerman, malgre sa pli bon konesans ki finn ena lor sa danze ek bann mezir ki ti bizin pran, malgre sa, komers ilegal mindev ki ti an plin devlopman, sa sistem kuli tred ki finn ranplas sistem lesklavaz, li ti pe fer fut ek tu sa bann obligasyon saniter, parski tu sa bann mezir prevansyon ti pe al kont bann lintere komersyal bann marsan ek bann planter ki pa ti diferan ek bann lintere bann propryeter bann esklav letan ti ena lesklavaz.

Konsernan laper ki sa maladi la ti pe lakoz, nu kapav sit bann komanter ki finn paret dan enn lartik lagazet «Le Cernéen» andat 13 avril, sa pe konsern Lareynyon direkteman. Mem si lartik finn paret byen apre ki kolera finn fini ale, maladi la ti ankor byen prezan dan lespri sak dimunn a Moris:

Ena sink sis mwa de sela, ti ena kolera dan Aden. Depi sa lepok la, li'nn tus tu lakot les Lafrik antye, li'nn debark dan Zanzibar, li'nn desann Quiloa, li finn presk ariv dan Mozanbik, byento kapav li pu fann lor PorNatal ek Lekap Bonesperans ! Letan nu rappel sa manyer li finn fane, linn fer ravaz dan tu Lazi dabor, epwi sa, li finn fane lor tu lanpir otoman, Larisi, apresa, enn par enn, li'nn fer tu balizaz tu bann pei Lorop tonbe, enn par enn, ziska li finn tus bann kapital Langleter ek Lafrans. Nu an drwa dimann nu ki lasyans pe fer e si zame li pa pu kapav konpran sa maladi la ki kapav vwayaz partu, ki narnye pa kapav arete, ki pa per narnye, ki kapav sot bann vale, bann montany, bann larivyer, bann lamer ! Ena dimunn afirm nu ki sa kolera ki ape fann partu dan rezyon Quiloa aster la, zame pa finn ena sa avan. Kuma li finn ariv la ? Kuma li kapav devlope dan sa bann rezyon la? Ki sann la inn reysi truv sa vwayazer la? Ki sann la finn konstat an promye prezans sa mons la? Li byen posib ki zame nu pa pu ena okenn repons.»

Donk, dan lane 1859 finn ena dezyem vag sa epidemi kolera azyatik dan Lareynyon. Manyer sa epidemi finn rant dan lil la, gany onte letan u kone lakoz kifer li finn debarke:

Li nek enn zafer biznes ek mindev, enn zafer ki byen tris mem. Bato vaper «Mascareignes», e ki Rontaunay, so armater, li finn al Quiloa dan Mozanbik pu anbos travayer laba. Bann marsan pa ti pe kone, kolera inn kumans fane laba depi enn bann pelrin Lamek inn returne.

Maladi la ti abor, me lekipaz pa finn deklar narnye. Letan finn ariv devan Sin Deni, enn sef marin, ki pa ti ule perdi kas dan sa zafer la, li'nn desid pu bryb enn sirirzyen dan lamarinn, ek sa, li finn reysi gany enn patant san okenn mansyon konsernan bann malad ki, purtan, ti abor. Hels administrasyon finn dekuyone par sa frod lor patant la, li'nn desid pu les dimunn debark ater. Letan ti ena enn promye dimunn finn mor dan lopital, letan bann otorite finn konpran frod la, li ti deza tro tar. Sin Deni ti fini kontamine tudswit.

Kapitenn d'Agnel, komandan sa bato Mascareignes la, li finn dir pli tar, ki ler depar bato la, napa ti ena kolera dan Quiloa, li ti finn ale ek enn patant ki ti pe dir ki na pena okenn lepidemi dan lavil la. Li'nn deklar usi ki letan li finn ariv Lareynyon, li ti depoz enn lot patant a lotorite lepor, patant ki ti pe deklar lamor 47 dimunn lakoz enn disantri sever.

Aster la, plis ki 150 banane apre, ki nu pu kapav krwar?

Ofe, apre lopital, se ward Larivyer ki finn tuse, apre sa, «Four-à-chaux» ek «Moulin-à-vent. Apartir ward limigrasyon, tu pre ek zardin kolonyal, epidemi la finn ariv lari «Dauphine» ek ward «Le Butor». Lafin mwa mars, sa fane la inn demiltiplye, anvil, nu finn ariv kont ziska nef mortalite sak zur, le 17 sa mem mwa la, finn ariv 35 par zur. Apre sa, panik total, tu dimunn ti ule fwi Sin Deni kot masak la ti pe kontinye.

Loto guvernman napa ti ase pu dimunn reysi fwi. Ena finn ariv pey ziska 200 fran pu rul sis kilomet ek enn transpor. Nu finn truv dimunn kanp dan danbwa, zis pu atann lafin sa lepidemi la.

Dan lagazet Le Mauricien andat 8 avril, nu kapav lir enn lartik ki dir sa santiman ki bann Morisyen ti kapav ena apre lanons sa epidemi dan Lareynyon, nu kapav santi ki zot usi finn fek pas par la :

Lakoz sa epidemi klas kat inn fane enn sel kut lor lil, tu bann abitan finn panike. Dimunn inn al fwi dan lakanpany, parey kuma dan lane 1854 pu Moris, tu biznes anpann. Alerman, nu asper kan mem ki fatalite napa pu tus sak fami opwen ki zot nom pu diminye net, parey kuma sa ti finn fek ariv nu a Moris. Nu asper ki lespwar ki zot ena ki kolera inn fini rant dan so faz final, li vre.

Malerezman, sa pa finn arive e andat 25 avril, lagazet Le Moniteur ti pe anons ki nek dan sa trwa dernye zur, bann dese inn ariv enn sif ki plis ki ledub moyenn bann dese ki ti enan avan la.

Alerman, bann pov, bann prêt, bann dokter, zot finn res a Sin Deni. Isi, nu bizin note ki guverner Lareynyon, mem si li finn met so fami alabri dan Salazi, tankali, li finn res anplas dan Sin Deni.

Dayer, andat 8 avril, letan lagazet Le Mauricien pe sey rann kont latitid guverner reyone la anver so bann mandan, li pa pu mank fer enn konparezon ek lepidemi ki Moris inn fek ganye avan la :

Nu pa fer okenn komanter. Nek nu bizin fer isi leloz baron d'Arricau. Anu fer enn ve : ki sa bann laliny ki nu ape ekrir la, pu vinn anba lizye Sir James Higginson, nu pa kapav bliye tu seki li'nn fer nu sufer, atuzame so non pu res asosye ek sa epidemi ki Moris inn fek sibi.

Baron d'Arricau, tanka li, nek li pe al anpersonn dan tu bann lopital, li ti pe nek vizit bann lanbilans, nek li ti sey aport so prezans e so kuraz vreman enn rekonfor.

Dayer, tu konsey minispal Sin Deni ti fer parey, par enn desizyon ki zot finn pran dan enn spesyal komite, okenn mam pa finn fer defo, zot tu inn dir, tanki epidemi pu la, zot pa pu kit Sin Deni.

Ti ena enn lanbilans dan Mizeom, enn lot dan laloz bann fran mason. Bann maser Sin Joseph de Cluny, zot finn fer prev enn kuraz ek enn solidarite inkrwayab. Le Mauricien andat 9 avril pe mansyonn sa manyer devwe ki zot ti pe amene la :

Bann maser lasarite, sirtu zot, ape donn partu zot swen ek konsolasyon pu tu bann malad, kuma dir, zot prezan partu mem kot lepidemi ape fane.

Ti ena de saret pu amenn bann mor dan simtyer de Les. Laba finn kre enn sapel ardant.

Saint-Louis
Saint-Louis. Lithographie de J. A. Roussin

Nek dan mwa me, apre ki finn servi buku lamutard ek klor pu dezinfekte tu kitsoz dan sak lakaz, nek la ki epidemi la finn stope e sa, gras a sa anvwa ki Moris ti fer. Epidemi ti finn reysi tus tu rezyon, kumans par Sin Lwi, kot sa bann imigran sa bato Mascareignes la finn truv zot destinasyon final mem.

Total, zis Sin Pol ek Salazi ki pa finn tuse. Antu, ti ena ant 2200 ek 2700 mortalite lor enn popilasyon 175'000 abitan.

Le Mauricien, andat 28 zwin, li ape montre nu ki sulazman sa diminisyon sa epidemi la finn amene dan moral popilasyon:

Nu finn aprann ek plezir par bann dernye lagazet Lareynyon, ki nu bann vwazin, apre sa move lepidemi ki'nn ganye la, zot finn desid pu aranz enn sort lopital ferme kot anka enn nuvo epidemi, zot pu kapav tret tu bann ka apar san risk enn kontaminasyon.

Nu tu kone ki pu nu bann vwazin, inposib pu fer bann bato atann anrad. So lopital ferme, kot bann malad pu kapav gany tu swin, anplas bliz zot ale, li ti enn vre nesesite pu Lareynyon …

Sann la ki ti ena aiskaster dan Ravine à Jacques, li pa ti ase pu seki koloni la ti bizin.

Tanka sa djudisyal kes konsernan bato Mascareignes, so ka ti byen tris, li'nn finn fini dan lakur dasiz a Sin Pol, kot dimunn kupab finn akite, gany onte mo dir u.

Gazette commerciale la, andat 23 septam 1859, nek li finn ekrir:

Lalwa bliz ladministrasyon me pa bann kapitenn. Devwar ki bann la ena, li la zis kan ladministrasyon inn fini aplik so prop devwar, pa avan. Erezman, kolera pa finn revinn zame dan Lareynyon dan res sa syek la.