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Umar Timol

Ainsi on vit au péril de l’autre, gouffre nécessaire, aventure qui est renouvelée à chaque instant, notre corps tendu vers l’autre, notre corps en quête de l’autre, notre corps qui se cherche dans l’autre et réciproquement mais un autre qui est résolument indicible. On ne peut jamais tout à fait parvenir à sa substance mais est-il seulement une substance à l’autre? N’est-il finalement qu’une évanescence, celle de tant de strates mêlées, chacune le confinant à un paraître, n’est-il qu’une ombre que son corps ne cesse d’infléchir et de transmuer, sait-il seulement ce qu’il est, son sentiment de cohérence sans doute une illusion? Et celui qui cherche l’autre est lui-même scindé en d’innombrables fractures qui le rendent à sa vacuité. Le rapport à l’autre est donc un perpétuel jeu de miroirs où on se cherche en espérant se retrouver mais on ne retrouve que sa propre absence, miroir déformant de l’absence de l’autre, absence qui s’accouple à l’absence. Nous sommes sans doute d’une unique solitude, exilé à soi-même mais cette solitude est celle de tous les êtres, nous l’avons en partage, le visage de nos inachevés. Et l’aventure de l’autre ne doit pour autant cesser, elle nous est nécessaire, sans quoi on meurt mais plus encore elle est l’aventure de l’improbable, avec son lot d’extases et de déceptions, l’impossible rencontre de deux solitudes, enfermées dans l’opacité de l’être, qui parviennent à s’en extraire non pour fusionner  mais pour se défaire durant un instant de la solitude. Nous demeurons absents à nous-mêmes et absents à l’autre, mystérieux à soi-même, toujours irrésolus mais il nous est donné la grâce de fonder quelques traces qui disent l’appartenance et la fin de l’exil, traces vite dissipées par ce que nous sommes, par notre nécessaire précarité. On vit au péril de l’autre, aventure toujours ressassée, corps qui se cherchent sans se trouver, jeu de miroirs dont le sens appartient à la solitude, jeu de miroirs dont la blessure appartient parfois au désir.

Umar Timol

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