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Propos de vie, 2

Hommage aux Jahaji

Hommage aux Jahaji (Gens du Bateau). Image photo-graphique de Jean S. Sahaï, © 2009.

Homme libre, toujours tu chériras la mer... chantait Baudelaire au XIXème siècle. A la même époque pour l'engagé indien, Kala Pani, ou l'Eau Noire, représentait l'enfer, l'espace tabou à ne pas franchir. On ne quitte pas sa terre natale... Quitter le continent indien pour chevaucher Kala Pani, c'était s'exposer à croiser des hoogli (monstres). Enjamber l'eau maudite brisait le lien familial et social avec Bharat, l'Inde Mère. En éloignant l'hindou de la Ganga sacrée, cet exil perturbait le cycle cosmique des réincarnations...

Prenant pour protection leurs Dieux, le héros Madouraï Viran, le prophète Nagoumira, les hardis conquérants partaient nonobstant. Pour exorciser la peur de la traversée interdite, illusionner ceux qu'ils allaient soumettre à la pwofitasyon cannière en leur promettant l'Eldorado, les Britanniques embarquaient aussi de grands chaudrons d'eau de Gange... Beaucoup d'engagés souffrirent, maltraités ou malades. D'autres rendirent l'âme. Jetés par dessus-bord avec leurs bels espoirs de poudre d'or, ils finirent festin pour requins. 

Pour nous descendants, Kala Pani n'est plus que la perte de notre identité originelle. En créant aux îles une geste indo-créole, "un nouvel imaginaire corallien" (Khal Thorabully), le défiant océan s'est fait source de résilience, de construction et de beauté. 

La mer, depuis toujours notre forte maîtresse
De ses accents prenants, ses richesses pulsées,
Nous invite à tirer hardiment un grand trait.
Comme elle, point lassés, à espérer encore
Que le train de la vie nous conduit à bon port.

Sharad


Viré monté