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Je suis de Guadeloupe

Max Rippon

Marcel Lollia

Marcel Lollia, alias Vélo. Photo Francesca Palli

Je suis en enfant de la Guadeloupe, égal aux autres enfants de ce pays, avec  les qualités et les défauts qui vont avec. J’ai été nommé, baptisé, Marcel Lollia. J’ai pris racines dans les sillons fertiles de ces terres, avec ces champs de cannes à perte de vue. J’ai couru le tracé des ravines, à la recherche de fruits à chaparder, d’insectes à poursuivre et d’oisillons à dénicher. J’ai aussi entendu et reconnu leurs chants, et la musique du vent dans les cheveux verts des arbres… J’ai senti la chaleur des midis tiédir mon crane. Des sons venus des ravines et des grands fonds sont venus à mon cœur, créant en moi de neuves émotions. C’est tout cela, pêle-mêle, que j’ai embarqué dans mes bagages, quand j’ai enjambé les ruisseaux lents  et les ponts ballants menant aux lumières de la ville. J’ai abordé l’en-ville par le brouhaha des faubourgs, plus à ma portée. J’avais gardé de ma campagne, la vie de solidarité des miens et le rythme de leurs chants de labours. J’avais gardé aussi, au fond de ma mémoire la saveur des mélopées des soirées de quinzaines, et les silences des bouches ivres…

Sété tan a moun ka bat men an kadans an lawonn. Tan a moun ka wonflé lèstonmak fal gran ouvè anba siren. Tan a moun ka sanblé an tout ti-wèt, pou chèchè ola son-la ka ba-y.

An chayé tousa désann èvè mwen jik an bòdaj a lavil…

C’est ce bagage lourd de sens dans sa ruralité profonde que j’avais à offrir en partage à la ville. Ils ont adopté ma fragilité, ils ont aimé ma voix chevrotante. Ils ont aimé ce qu’ils ont appelé mon phrasé, faisant tour à tour geindre le ka et s’enflammer la peau tendue sur le fût à salaison. J’ai chanté avec eux et pour eux, et les joies et les peines...

J’ai abusé du tafia à leur invitation, et avec eux nous avons versé dans l’euphorie de nuits qui s’allongent et se bouturent. Je ne sais plus ni qui, ni quand, ni comment… Ils m’ont rebaptisé.

Je suis devenu Vélo, coureur de Léwòz et de kout-tanbou, d’un bout à l’autre du pays et hors du pays. Je suis devenu emblème d’accostage de bateaux de croisières. J’ai pris à la vie tout ce que la vie pouvait me donner. A mesure d‘exploits de mes dix doigts sur la peau tendue du cabri, un autre ronde s’est formé autour de moi, sous le feu des réverbères et des projecteurs.

Mon talent reconnu, j’ai fait des émules. Marcel avait cédé la place à Vélo. Les portes étaient entre-ouvertes, juste pour le jeu du marqueur que j’étais devenu.

Une jeunesse authentique, avide de ses marqueurs identitaires a tenté de prendre mon destin en main, mais mon destin de paria m’a toujours ramené à un coin d’une rue, attelé à faire ce que j’ai su faire le mieux. J’ai aidé à donner voix et visibilité au Gwo-ka. Certains m’ont traité de proscrit, quand d’autres me portaient au pinacle. C’est ainsi que je suis devenu un soliste reconnu par tout un peuple qui m’a porté en terre comme un de ses fils valeureux.

Je suis né Lollia…Je suis mort Vélo.

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 Viré monté