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La Mer en face

Max Rippon

Photo Francesca Palli

Aux portes de mon île
Je ne vois que la mer
Je la vois sans la regarder
Elle est en moi
Dans le sel de mes larmes
Dans le silence de ma voix
Dans le rugissement de mes colères
Entre elle et moi
Il y a le sable fin comme un nuage
Sable frivole et sans mémoire
Qui efface les traces de mes pas à chaque ressac
Sable qui fait ruptures douloureuses
Quand les solitudes insulaires vous accablent
Et referment vos ailes rebelles
Nous avons navigué par raison
Repoussant les bornes des cadastres imposés
Nous avons été éduqués à nous méfier de la mer
Nous avons compris entre paroles chuchotées
Que la mer est ce tombeau traître et meurtrier
Où gisent les lambeaux de ma race extenuée
Le temps passant nous avons fait corps
Et nous nous sommes rapprochés
Pour nous nourrir d’abord
Pour nous unir nos solitudes souvent
Pour nous divertir plus tardivement
Miroir argenté qui fait briller le soleil au loin
Sans racines ni branches
Notre commerce enfin apaisé
Nos canots toutes voiles lourdes de vent
Nous filons vers le large…
Les catalpas aux bras des résiniers charnus
Agitent à la brise leurs feuillages en feux
Pour nous indiquer la raie hospitalière de la passe sur le chemin du retour
Et comme on tisse sa toile et file les cordages du lorin accoudés à la table des forets
Nos vaillants matelots exposent la farandole fleurie de leurs voiles
Pour survoler les vagues et tracer la route des victoires

Max Rippon, Durocher 17 mai 2022

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