Potomitan

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Errances

Max Rippon

Qu’avez-vous encore fait
Frères demeurés lotis en terre d’Afrique
Quels crimes inavoués nouveaux à expier
Pour mériter vos désespérances en charpie
Accrochées à la gourmandise des sentinelles barbelées
Au seuil des miroirs falciformes du monde ancien
Qu’avez-vous donc encore fait
Pour que d’autres hommes
De l’autre part du sahel mauvais
Fassent libre commerce de vos tribulations
Qu’avez-vous alors refusé de faire
Quels douloureux rituels non conformes à vos lois 
Quels agenouillements humiliants refusés
Irritant l’arrogance de ces dieux conjurés
Vous laissent pour seul bagage
Du please à la bouche
Et des larmes pour nourrir vos regards hébétés
Quelles soumissions ajournées par vos ruses inventées
Pour justifier que des hommes cupides et fauves
Depuis le partage de votre sol sous vos pas
Parquent en silence sous les feux ardents des déserts amnésiques
Vos espoirs échoués…
Je souffre en frère impuissant le calvaire de vos pas    
Et j’appelle à vous joindre la cohorte des silences blasés
Je souffre en frère impuissant la litanie de vos humiliations
Je souffre en frère impuissant pour chaque partie de vos corps lardés
Je souffre en frère rebelle quand je mange à ma faim
La pitance qui vous manque le soir à midi
Je suis amer et triste de me résigner seulement à souffrir
Je suis amer et triste de me résigner à casser mon fusil
Contre les murs sans cesse rehaussés des combats inégaux
J’appelle les bouches sans voies à donner alerte de vos pleurs
J’appelle les bouches sans voix à détourner les oublis complices
J’accuse de perte de mémoire les vagues blessées des savanes sèches
J’accuse de vigie borgne le baobab majestueux qui domine le vent
Je contredis le partage ingrat du monde en tiers et en quart
J’accuse et le ciel et la terre et l’eau et le feu et le vent qui se fane
Quand nos questions osent pointer le doigt

Je veux avec vous inventer la part qui nous fait défaut
Je veux refaire route ensemble sur la piste intacte des jours premiers
Je veux abattre les distances qui nous séparent du monde
Nous obligerons nos tuteurs communs à livrer aux loas en transe
La matrice des quatorze mille greffons extorqués
Nous ferons écumer contre les cayes acérées
L’émeraude soutenu des pales du siguine en fleurs
Et logés sur le mat le plus haut du dernier des ébènes
Nous dirons au plus frêle d’entre-nous
Avance sur la trace renouée de nos pas comptés
Rameau  brandis de touffes du devant-nègre déraciné
………………………………………….
Dans l’urgence du départ et la peur de tout perdre
Nos patronymes sont demeurés crochetés aux seuils tristes de Gorée…
Et nos larmes
Se sont remises au sec sur ces sols nus  sans mémoire…

 

Viré monté