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ZWÈL,
dires créoles imaginaires et
mensongers

 

Hector Poullet

et

Monique Mesplé-Lassalle

 

 

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Zwèl, dires créoles imaginaires et mensongers, Hector Poullet et Monique Mesplé-Lassalle •  PLB Éditions • Avril 2008 • ISBN 978-2-35365-056-1 • 25 €

Asterix

«Cette production d’Hector Poullet et de Monique Mesplé-Lassalle est un outil pédagogique de plus mis à la disposition des enseignants, des animateurs, de tous ceux qui s’intéressent à la langue créole, qui veulent approfondir et découvrir ses multiples richesses.» (Jean Galeron, inspecteur de l’Éducation Nationale)

Quand la maturité de la langue rejoint la créativité, elle se traduit pour Hector Poullet par l’écriture de nouvelles adaptations des fables des Maîtres du passé, Florian, La Fontaine, et celle de ses propres créations aux résonances si justes, tantôt savoureuses tantôt graves. Hector Poullet s’est amusé aussi à donner une suite à certaines fables des Maîtres:

«Tout tik sé tik,
Mé tout tik pa menm tik
Etik é génétik pa menm bò.
Si Misyé Lafontèn té la jòdijou
Asiré i té ké fè on tipawòl asi sa
Pou rédé-nou fè dan ri kò.»
 

Ses créations en créole ont été traduites par Monique Mesplé-Lassalle dans une belle écriture en français.

Tous deux ont mis dans cet ouvrage les ingrédients nécessaires au «Dire» et au «Lire» des deux langues, en y incluant des accompagnements pédagogiques. Au rythme des mots écrits et ponctués s’est ajouté celui des mots dits et respirés. Neuf textes dans les deux langues font l’objet de l’enregistrement sur CD distingués entre eux par une ritournelle musicale de Jean-Michel Lesdel. Voix, textes  et musique vous seront un vrai régal!

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Préface

Des jeux d’enfance à l’âge adulte, il n’y a qu’un pas, qu’un saut à faire, comme autrefois sur le feu de la St Jean.
De l’âge adulte au temps des rides et de la sagesse, il y a des brasiers à affronter, à traverser, pour revenir enfin aux souvenirs d’enfance.
«Qui est-ce qui brûle?»
Ce jeu d’enfants n’est qu’une prémisse de ce que sera notre vie; la recherche de l’objet caché, précieux, à conquérir. La recherche d’une éthique.
«C’est chaud, tu brûles»
Que ce soit en France où aux Antilles, on retrouve ce même jeu: un objet est caché, la quête commence, l’avancée dans la conquête étant signifiée par des mots de chaleur.
C’est le «chaud, tiède, froid» français, le «lanbi kuit» guadeloupéen, le «zwèl séré» martiniquais.
Vivre est un travail, sur soi, un perpétuel apprentissage qui nécessite des guides - même si nous les refusons souvent, par manque d’humilité -  guides que sont les anciens et à travers eux les proverbes, les contes, les fables, tous genres porteurs de leçons initiatiques, de morales. Tous les apprentissages apportent avec eux une part de souffrance car ils impliquent des efforts pour parvenir à un dépassement de soi.
D’où notre choix de ce mot «zwèl» comme titre de cet ouvrage.
«Zwèl»est un mot du créole de Guadeloupe aussi bien que du créole de Martinique, signifiant à la fois le cri de douleur «aïe», le son d’un violon et «c’est bien» venant de «it’s well». Souffrance des apprentissages qui impliquent erreurs, échecs, déceptions, tâtonnements, comme l’enfant sur son violon qui ne peut pendant longtemps que faire grincer affreusement les cordes avant de parvenir à jouer un son plein et harmonieux.
«C’est bien» ne conclue pas seulement un moment ou une sensation de plaisir, mais exprime aussi le sentiment de justesse. La maturation d’une réflexion menée tout au long du déroulement d’évènements conduit au constat du «c’est juste».
«Qui est-ce qui brûle?» C’est celui le plus proche de l’objet caché. L’objet de la convoitise n'est, en réalité, ni l’argent ni le pouvoir….
Quant à nous, l’objet de la quête était de parvenir à faire se rencontrer deux imaginaires, deux cultures, deux langues, dans une harmonie et un équilibre qui permettent qu’aucun des deux ne soit favorisé par rapport à l’autre.

Suivant l’exemple de Pilpay, cherchons donc ensemble, à travers ces pages, où se trouve l’objet essentiel de notre quête d’Homme.                                                                                                                                            

Certains lecteurs ont fait observer que les Fables créoles n'étaient en fait qu'une version de plus des œuvres de La Fontaine. Si l'écriture en était belle, l'inspiration par contre manquait d'originalité.
A ces remarques, on peut répondre que tout apprentissage passe par l'imitation des Maîtres avant de trouver sa propre création.
Ne faisant pas exception à la règle, après avoir maîtrisé (si tant est que cela soit possible) le fond et la forme, le temps est venu de passer à des créations plus personnelles. C'est pourquoi si cet ouvrage débute par des traductions créoles de La Fontaine, il s'achève par des textes originaux.

INTRODUCTION

  Esope, Pilpay, Marie de France, Faërne, La Fontaine, Florian et les autres: fables et contre-fables.

Nous nous sommes inspirés de Florian et de La Fontaine, comme eux-mêmes s’étaient inspirés  d’Esope, de l’Indien Pilpay et de Faërne. A vrai dire, la plus grande partie de ces Fables remonte à la nuit des temps, transmises de bouche à oreille au gré des guerres, des voyages et des flux migratoires.

Il faut savoir que ces fables que nous apprenons aux enfants étaient à l’origine destinées aux adultes. Elles sont l’illustration de la réalité des rapports humains et sociaux, un regard lucide qui met en garde contre les illusions. Les faibles et les naïfs sont souvent bernés par les puissants ou les plus rusés, «la raison du plus fort est toujours la meilleure». Le Loup dévore l’Agneau sans autre forme de procès,  le Renard laisse le Bouc au fond du puits, le Corbeau se fait voler son fromage, sans que jamais justice ne soit rendue. « Selon que vous serez puissant ou misérable les jugements de cour vous rendront blanc ou noir». Le dur combat pour la vie vient parfois battre en brèche les idéaux d’entraide, de fraternité, de solidarité.
D’où l’idée d’écrire des contre-fables.
Dans cet ouvrage, certains textes nous ont été inspirés de faits divers publiés dans la presse ou de mésaventures arrivées à des amis.

Comment utiliser ces textes?

Ces fables sont d’abord et avant tout écrites pour être dites. Elles incluent souvent  des dialogues. Dans ce cas, un conteur ou récitant dit l’ensemble de l’histoire, deux ou trois protagonistes jouant les personnages ponctuent la narration. La morale peut être énoncée soit par le récitant, soit par plusieurs voix ensemble. Se mettre en situation spatiale, corporelle et émotionnelle permet une meilleure compréhension du texte,  une appropriation de la situation et de la «morale». Donner à apprendre et à jouer ces textes est un excellent exercice ludique de mémorisation et une initiation au théâtre. Il s’agit aussi d’un exercice qui doit améliorer la diction.

En second lieu, l’étude des fables peut être l’occasion d’une réflexion sur la graphie. Rappelons qu’il ne s’agit pas d’une orthographe, au sens strict du terme, du moins en Guadeloupe où aucun texte officiel n’a tranché sur la graphie. Il ne saurait, par conséquent, être question de parler de «fautes d’orthographe». Cela, de plus,  découragerait tous ceux qui manifestent un réel engouement pour l'apprentissage de la graphie phonologique. On peut tout au plus parler d’incohérence graphique quand il y a chevauchement des codes utilisés,  phonologique ou étymologique. Il faudrait  alors  parler de «discordances» ou «d’incohérences» graphiques  et non de «fautes d’orthographe».

En revanche, ce qui semble davantage poser problème à nos nouveaux scripteurs créoles c’est le figement de certains lexèmes. Pourquoi écrire «chapèdbangn» et pas «chapè-d-bangn», pourquoi «twazè-d-maten» et pas «twazèdmaten»? La vraie préoccupation de ceux qui aimeraient écrire «correctement» le créole est de savoir quand il faut mettre des tirets, des apostrophes ou quand agglutiner. Des notes sur la graphie viendront expliquer nos choix.

En troisième lieu, l’étude des fables peut être l’occasion d’enrichir le vocabulaire créole. En effet, le lexique que nous utilisons quotidiennement est souvent restreint au strict minimum. Dans ces textes, au contraire, nous cherchons volontairement à réemployer des mots ou des expressions en voie de disparition. C’est un choix. Il va de soit que notre parler de tous les jours n’est pas émaillé de «apoulòsdonk», «kifèwvwè», «érèzdibonnè», «asifi», «anni», «konmdifèt»,«kanmenmsi»,«kisiswa-kinanswa». Il s’agit du créole «des gens de  l’habitation», un créole «campagnard» de ce  temps où les créolophones étaient encore unilingues et où la langue française était en cours d’acquisition. Pour ceux qui ne connaîtraient plus ce vocabulaire, nous avons mis un lexique à la fin de l'ouvrage.

Le quatrième point étudié sera d’ordre grammatical. Quelques notes de grammaire émailleront certains textes.

Le cinquième domaine qui fera l’objet d’annotations sera d’ordre culturel. Les textes font souvent référence à des histoires connues autrefois de tous ou à des pratiques traditionnelles en voie de disparition. Une note culturelle rappellera ces histoires et/ou pratiques d’antan.

Le sixième point traitera de la traduction.  Volontairement, certains textes n'ont pas été traduits afin de laisser au lecteur le loisir de s'y exercer. Traduire en français (ou toute autre langue) est un exercice passionnant. Il faut choisir le niveau de langue qui semble le plus approprié. Pour notre part, nous avons parfois choisi le français créolisé des Antilles ou un  français plus académique. Nous pensons que traduire systématiquement n’est pas indispensable à la compréhension surtout pour des créolophones, et qu’il est fort intéressant de s’imprégner du texte sans le traduire. Mais  travailler sur la traduction amène à  une gymnastique de l’esprit qui renforce le bilinguisme. S’entraîner à passer d’une langue à l’autre, sentir les différences de musicalité des langues, la force particulière des mots français ou créoles, l’entrée convergente de deux imaginaires, ne peuvent être qu’un enrichissement.

Enfin, septième exercice auquel pourra donner lieu l’étude des fables est l'atelier d’écriture ou plus exactement de réécriture. En effet la forme d’un texte n’est définitive que par la force des choses. Il arrive un moment où l’auteur doit décider d’arrêter de modifier son texte. Désacraliser un texte d'auteur, permettre à chacun de réécrire un paragraphe à sa façon, ou encore d’imaginer une suite possible à une fable, voilà un atelier d’écriture pour tout apprenti  écrivain.

 Chacun pourra de lui-même imaginer  d’autres prolongements.
Merci et bon travail.

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EXTRAITS

Tikrikèt épi Foumi

Eben mafi, apré chanté
Sé dansé pou ou dansé !

Tikrikèt ba Manzè foumi do :

-An pa janmé konpwanndi
fi-lasa té rapya konsa !

Gita a-y anba bra a-y
Tikrikèt ka ba kòsyè chenn.
Ka monté, ka désann
asi mòn , an fon ravin
toupatou tè-la sèk ka fann.
Akwèdi chéchrès-lasa
paré pou mété difé an pay sèk.
Boyo a Krikèt ka fè kòd.
I abo hélé :

- Anmwé ! anmwé !

Ponmoun pa vlé tann
ni pòt, ni finèt pa ka wouvè
pa menm a dèmi bann.
Krikèt vwè sé mò i kay mò.
Alòkifè i di

- Avan Misyé Bazil-la chayé-mwen alé

pou i menné-mwen an Galilé
an kay bay on dènyé
dènyé sérénad.
An vlé sé pli bèl banjo-gita
Ponmoun ja janmé tann asi latè

Lèwgadé Tikrikèt konmansé
jwé on kalité mizik
atoupannan i ka chanté.
Mizik-la sitèlman bèl !
Chanté-la sitèlman tris !
Mé tousa sitèlman dous !
Kifèwvwè moun sòti toupatou
ka halé moucha a-yo
tout pòt a kaz ka wouvè
moun ka kouté pou tann
é lamenm-la yo ka konpwann.
Ni adan-yo ka chigné
ni ka pléré gwodlo
Dòt ka bay waka :

- woulo-bravo ba Tikrikèt !

 Kè a toutmoun-la sitèlman kontan
sitèlman ka fonn !
É mi yotout ka voyé ba krikèt
tousa yo té séré anba kouch a-yo
lò, bijou, lajan,
é tout kalité bon manjé.
Mi konsa Tikrikèt touvé on bèl lavi
douvan-y, kifè, i  rivé janbé mizè.

Zòt vwè-y ? Ka pou konpwann ?
Lè ou ja maléré maléré a-w
lè ou pa ni ayen pou ou démélé-w
lè ka fè nwè akaz a-w
pa kwèdi si ou ay mandé chyen pen
ou ké trapé ahak
si voumenm a-w pa ka pòté mannèv
si ou pa ba fès a-w twa tap
ponmoun pé ké pwan penn a-w.
Yo pé ké lévé-w digad.
Ou ké pwan bon dévenn.
Ou ké rété konkonm san grenn !

Le Criquet et la Fourmi

Et bien ma fille
Après avoir chanté tu n’as plus qu’à danser.

Le Criquet se détourna de la Fourmi :
«Jamais je n’aurais cru la fille si radine ! »
Sa guitare sous le bras, il part sur les chemins
A monter, à descendre par mornes et ravines.
Tout partout la terre était sèche à se fendre.
Le Criquet avait une faim dévorante.
«Mon Dieu, à moi, à l’aide !»
Personne ne veut entendre,
Ni porte ni fenêtre ne s’ouvre, ne s’entrouvre.
Le Criquet voyant sa mort prochaine
Se dit :
«Avant que la Mort
 Ne m’emporte dans l’autre monde,
Je veux donner ma toute dernière sérénade.
Ce sera le plus beau solo de guitare
Jamais joué et entendu sur terre.»
Et voilà le Criquet qui se met à jouer
Un long morceau exceptionnel.
La musique était tellement belle,
La musique était tellement douce,
La musique était tellement triste
Que les gens viennent de partout.
Les portes s’ouvrent
On tend l’oreille.
C’est comme si brusquement
Tous enfin comprenaient.
Certains laissent couler une larme,
D’autres pleurent sans retenue,
D’autres encore applaudissent à tout rompre
«Bravo, bravo petit !»
Et tous sont si contents qu’ils se laissent attendrir,
Donnent à Criquet leurs précieuses réserves,
Or, bijoux, argent
Les plus fins de leurs mets.
C’est donc ainsi que le Criquet
Parvint à trouver de quoi vivre
Et apprit par là-même à conjurer le sort.

Voilà. Qu’en déduire?
Quand vous êtes dans la détresse,
Misère, pauvreté ou humaine souffrance,
Ne croyez pas qu’en mendiant, qu’en pleurant
Vous obtiendrez quoi que ce soit
Si vous-même ne faites rien,
Si vous ne vous prenez pas en mains.
Personne ne se souciera de vous.
On vous laissera planté là,
Vous jouerez de malchance,
Vous resterez Gros-Jean comme devant.

boule

Pilpay é Dabchélin

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Viré monté