Potomitan

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Commémoration
du cent cinquantenaire
de la révolte antiesclavagiste
1848 - 1998
MARTINIQUE

 

 

 

 

 

 

Photo © Christine Le Moigne-Simonis.

Liberté

Nèg pa ka mò
(Serge RESTOG)
Désanm 1973

(Ce poème a été adapté pour le théâtre «NÈG PA KA MÒ», par la troupe Mawon.
Traduction française: Rémi SIMON.)

Yo pran barik
Yo pèsé'y épi klou.
Yo pran neg yo fèmen'y adan.
Yo ladjé'y désann
Dépi anlè mòn.
Klou-a pèsé neg.
Klou-a krévé zié neg.
Klou-a krévé vant neg.
Klou-a krévé tèt neg.
Neg-la pa mò kanmenm.

Yo pran neg
Yo maré'y anlè poto tou touni
Tou pré nich fonmi.
Yo mété sik anlè'y.
Yo ladjé fonmi anlè neg
Dépi tet-li, jis an pié'y.
Yo fè fonmi rantré
An tout tou kò'y.
Fonmi manjé zié neg.
Fonmi manjé tou zorèy neg.
Fonmi manjé lapo neg.
Neg-la pa mò kanmenm.

Yo fouété neg.
Yo senyen neg, yo fiziyé neg.
Yo fouété neg,
Yo senyen neg,
Neg abiyé an ranyon
Oben tou touni toubannman
Ka wè mizè, neg fret ka klaké dan.
Neg tonbé malad,
Yo fouété neg,
Yo senyen neg,
Pas yo di neg pa malad,
Mé neg fenyan, neg pa lé travay.
Yo fouété neg,
Yo senyen neg, mé,
Neg-la pa mò kanmenm.

Yo pran ba fè.
Yo chofé sé ba fè-a.
Yo brilé chivi neg,
Yo brilé janm neg,
Yo brilé platpié neg, Neg kriyé anmwé,
Neg pléré san,
Neg kriyé bondié.
Neg avoué menm sa i pa fè, mé,
Neg-la pa mò kanmenm.

Neg an jou chapé,
Neg an jou vini neg maron,
Neg révolté, prézonnen tout bet.
Neg fouté difé adan tout kay sé met-la.
Neg fè yo pé tibren.
Mé apré, yo tiré fouet-la,
Yo tiré chenn-lan.
Yo ranplasé tousa épi dékré, lwa,
Épi lenpo.
Neg ka wè mizè,
Ayen pa chanjé pou neg.
Neg ka trimen, neg ka pléré, neg ka jémi, mé,
Neg-la pa ka mò kanmenm.

RESTOG Serge, 1981.- La gorge serrée, le ventre creux, autoédition

                                                               © Serge RESTOG 1981

anis

Le Nègre n'est pas mort
(Traduction de Rémi SIMON)

Ils ont pris des barils,
Ils les ont transpercés de clous,
Ils ont pris le Nègre ils l'y ont enfermé.
Ils l'ont lâché
Du haut de mornes.
Le clou a transpercé le Nègre.
Le clou a crevé l’œil du Nègre.
le clou a crevé le ventre du Nègre.
Le clou a crevé la tête du Nègre.
Le Nègre, quand même, a survécu.
Ils ont pris le Nègre,
Ils l'ont attaché tout nu à un poteau
Au voisinage d'une fourmilière.
Ils l'ont couvert de sucre.
Ils ont versé des fourmis sur le Nègre
De la tête aux pieds.
Les fourmis ont pénétré par
Toutes les orifices de son corps.
Les fourmis ont mangé les oreilles du Nègre.
Les fourmis ont mangé la peau du Nègre.
Le Nègre, quand même, a survécu.
Ils ont fouetté le Nègre.
Ils ont fait saigner le Nègre, ils ont fusillé le Nègre.
Ils ont fouetté le Nègre,
Ils ont fait saigner le Nègre,
Le Nègre est vêtu de haillons
Ou bien tout nu tout simplement
Qui souffre, le Nègre a froid, il claque des dents.
Le Nègre est tombé malade,
Ils ont fouetté le Nègre,
Ils ont fait saigner le Nègre,
Parce qu'ils ont dit que le Nègre n'est pas malade,
Que le Nègre est plutôt paresseux, le Nègre ne veut pas travailler.
Ils ont fouetté le Nègre,
Ils ont fait saigner le Nègre, mais,
Le Nègre, quand même, a survécu.
Ils ont pris des barres de fer.
Ils ont chauffé les barres de fer.
Ils ont brûlé les chevilles du Nègre,
Ils ont brûlé les jambes du Nègre,
Ils ont brûlé la plante du pied du Nègre,
Le Nègre a hurlé au secours,
Le Nègre a versé des larmes de sang,
Le Nègre a invoqué Dieu.
Le Nègre a même avoué ce qu'il n'a pas fait, mais,
Le Nègre, quand même, a survécu.
Le Nègre un jour s'est échappé,
Le Nègre un jour est devenu nègre marron,
Le Nègre s'est révolté, a empoisonné tous les animaux domestiques.
Le Nègre a incendié toutes les habitations des maîtres.
Le Nègre les a fait taire un peu.
Alors, ils ont supprimé le fouet,
Ils ont supprimé la chaîne,
Ils les ont remplacé par des décrets, des lois,
et des impôts.
Le Nègre souffre,
Rien n'a changé pour le Nègre.
Le Nègre traîne dans la douleur, le Nègre pleure, le Nègre gémit, mais,
Le Nègre, quand même, survit.

 

 Viré monté