Potomitan

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Voix d'eau

Jocelyne Mouriesse

Ruisseau de l'habitation Céron au Précheur. Photo Francesca Palli.

Emergeant de la lecture de la revue Kaizen... je partage la fraîcheur du "grain" de ce petit matin, celui qui sang-ploie à se laver les plaies en abreuvant la terre des larmes indispensables à l"évolution collective...

Chacun y va de sa façon de percer le tuyau qui fera sourdre sa voix d'eau. En somme, il s'agit au propre comme au figuré d'opter entre:

  • laisser l' eau s'évanouir entre les doigts sans mot dire;
  • risquer l'éclaboussement en conservant la ressource pour soi;
  • la faire jaillir en transparence pour le plus grand confort de tous, hors de portée des eaux usées.

Muse des débordements; souffleurs d'orage, de désespoir, prières détresses ennemies...

Frères et sœurs que fleurir de tout ça?

Cette absence de pluie découle t-elle de toutes ces soifs de plus, se déclinant sous ses variantes, silencieuses ou déboussolantes.

Cette absence de pluie s'échine à en découdre à tout prix bondissant hors de vous pour le moindre prétexte! Peu importe qu'elle vous saoule dès l'instant où la brume emporte le sable et sa soif de désert et révèle le captage d'un ciel!

Peine d'eaux perdues, éperdues!
Le robinet refuse de couler, dégoûté....
Les instances nagent dans l'impuissance
Le curé n'en a cure
Tout cela est parfait mon préfet
Mais que font les pompiers?
Chacun se fige dans son bouillon.

Mais enfin c'est de nous, de nos soifs qu'il s'agit.... En rougir ou rugir!

En surface en eau souterraine la soif se faufile, entre un jet d'encre tremblant et une plume souveraine.

Pas d'angélisme l'affaire est trouble comme l'eau des fanges bacchanales; tout commence par la quête absolue de confortables fauteuils ... et peut finir à l'ombre!

Extra-lucides, voyants ou mal voyants vous ne faites que passer!

L'eau coulera sous les ponts après vous.

Dans les rues et sur les réseaux sociaux pas de déluge, de frêles échos; le filet maigre de sanglots de chagrin.

Pourtant à grand bruit on s'émeut de l'histoire; pas l'histoire d'Ô, celle d'aujourd'hui.

Celle des eaux usées.... d'autrefois...

Sidérant! Qui vivra verra qui fera de vieux os. Pour ce qui est de Joséphine, de Schœlcher, faux-frères et consœurs, cibles coupables ou non coupables, jouets de l'histoire... Marionnettes dérisoires dans l'histoire.

Qu'est-ce que l'histoire voudra bien retenir du déboulonnement?

Le geste de libellules écervelées, ailes brisées par le cours de l'Histoire?

Un sain élan de l'eau jeune jusqu'ici assoupie, écœurée soudain de sa passive assiduité, se déversant arbitrairement dans les méandres du fil de l'histoire.

Ou l'avènement flamboyant
d'un "NOUTOUT ISI-A"
A la hauteur d'un kolézépol!
La large messe d'un Lasotè!
Sur le terrain du respect

Cette eau de vie, cette œuvre-là plus que tout autre exige de quitter les rancœurs pour une ardeur au cœur lucide, soulevant le courage de tous.

De cette marche à l'amble, résolue, dépend la pérennité d'un boire à la coupe de l' harmonie.

Ce passage d'Edgar Morin me lourd de sens: "déléguer notre alimentation, notre protection, notre capacité à soigner, notre cadre de vie à d'autres est une folie".

Il en va de même pour le monde alentour oliron de la terre.

Compter sur ses propres ressources en premier lieu, s'appuyer sur les autres si elles viennent à manquer, la solidarité collective que peut-il faire de mieux!!!

S'il faut tirer quelque remède aux poisons émotionnels renaissants, le déboulonnement de statues peut se traduire comme l"ex-pression d'une overdose profonde, l'in-digestion de représentations "monoparentales" et monumentales héritages du passé colonial. C'est la griffe que la jeunesse pose sur des modèles à mettre au placard.

Pourquoi ne pas lire dans ce bouillonnement de colère comme l'opportunité d'un formidable élan de reconstruction, de réajustement, dans une dynamique écologique en rupture avec les politiques qui suivent aveuglément les rails inflexibles du désordre néolibéral.

D'autres statues prendraient la place aux côtés des autres ou laisseraient place aux héros ordinaires qui se dresseront en-dedans de nous-mêmes.

Encore cette ligne d'Edgar Morin:

"Si tous les mouvements de solidarité qui fermentent s'unissent, s'il naît une nouvelle forme qui va dans le sens de "la voie" (ouvrage d'E. MORIN), on peut espérer changer.

On ne va pas dire: Voilà le modèle de société parfaite!

On va dire: "Voilà le modèle vers quoi s'engager pour une métamorphose progressive."

"La métamorphose d'un papillon, ça ne se fait pas comme ça. Ça prend du temps, ça passe par la souffrance."

En fin ce compte, ce vieux Schœlcher, nous aurait rendu en chutant de son piédestal, un fier service!

Des chutes germent ce grand pouvoir de rédemption!

Les desseins des adieux sont impénétrables...

De la Chenille au papillon, il y a un long chemin.

Jocelyne Mouriesse
28.05.2020

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 Viré monté