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Emmanuel Richon explique
le mythe de la lémurie

Jean-Pierre Bertrand

L'Express, 19. Janvier 2010

Lemuria

Lors d’une conférence à la mairie de Port-Louis, ce mardi 19 janvier, Emmanuel Richon a rappelé que la fascination qu’avait Madagascar sur les îles des Mascareignes. Le thème de la causerie était «Quelques mythologies du Sud-Ouest de l’Océan Indien».

Le conférencier a rappelé  qu’étymologiquement le mot Lémurie dans la langue malgache veut dire: l’âme des défunts disparus.

«Le mythe de la lémurie cache quelque chose de plus fondateur pour les Mauriciens aujourd’hui», explique  Emmanuel Richon, le conservateur du Blue Penny Museum de la Mauritius Commercial Bank.

Dans un premier temps, Emmanuel Richon a expliqué comment le terrain était propice à l’émergence du mythe de la Lémurie dans cette région de l’hémisphère Sud.

La Lémurie est ce continent hypothétique situé dans l''Océan Indien. «Les mythes naissent de l’étonnement et des mystères avant les découvertes scientifiques » avance Emmanuel Richon.

L’un des premiers mythes était la découverte que l’hémisphère Sud, n’était pas un miroir de l’hémisphère Nord. La théorie de l’évolution de Darwin développée dans un contexte géologique fixe, c’est-à-dire, où personne ne soupçonnait la dérive ou séparation des continents en était un autre. 

La présence de certaines espèces dans les îles de l’Océan Indien ainsi que le peuplement de la Grande île, et l’étrange paysage de Maurice où les montagnes ont des formes bien définies surviennent au milieu de plaines, tout cela demeurait donc un mystère parmi tant d’autres.

Le terrain était propice pour l’émergence de mythes. «Il y avait un terreau pour la création», avance Emmanuel Richon.

C’est ainsi que trois générations, d’écrivains de Maurice et de la Réunion vont émerger et parler du mythe de la Lémurie: Jules Hermann de l’île de la Réunion, Robert Edward Hart et Malcom de Chazal de l’île Maurice.

Le premier fut l’un des pionniers de la littérature dans les Mascareignes. En 1898, il sort son ouvrage: «Projet de constitution pour une autonomie financière de la Réunion». Peu connu du grand public, cet écrivain était extrêmement en avance sur son temps.

Quant à Robert Edward Hart, il est un auteur qui milite sincèrement pour l’hindouisme. Et Malcom de Chazal était un indépendantiste avant l’heure.

«Ces trois auteurs parlent de la Lémurie tout en essayant de dire quelque chose de nouveau» révèle le conférencier.

Emmanuel Richon déclare que le mythe de la Lémurie, ce continent perdu, nous parle aujourd’hui encore. Il s’agit d’un continent qui se perd, peut être pas physiquement, mais dans l’âme.

La conférence d’Emmanuel Richon s’inscrit dans le cadre d’un projet à trois volets. Les deux autres étant une exposition au Blue Penny Museum et  la publication d’un livre sur le même sujet.

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Et si les lémuriens pouvaient conter la Lémurie engloutie

Yvan MARTIAL
L'Express Dimanche

Aller à la découverte de la Lémurie. C'est ce que nous propose l'exposition d'Emmanuel Richon qui se tient au Blue Penny Musuem jusqu'à fin janvier.

Il paraît qu’Avatar, film en 3D, successeur d’autres films comme Terminator, Goldorak, Guerre des étoiles, Da Vinci Code, est en train de battre tous les records. Fruit de l’imagination de James Cameron, Avatars ne repose pas sur une part de vérité et même de vraisemblance. Il ne peut donc pas nous embobiner. C’est là où l’exposition d’Emmanuel Richon sur la Lémurie au Blue Penny Museum (jusqu’à fin janvier 2010), devient cent mille fois plus intéressante et plus instructive que tous nos futurs avatars cinématographiques.

En effet, la Lémurie, elle, aurait existé. Le continent disparu de la Lémurie ne constitue d’ailleurs pas une premiére. Nous n’avons pas eu besoin de Pierre Benoît pour connaître l’Atlantide, île légendaire à l’ouest des Colonnes d’Hercules qu’un cataclysme aurait, en 9 600 avant Jésus Christ, au dire de Platon, englouti au fond de l’océan, portant d’ailleurs son nom.

Le Sahara, 8 millions de kilométres carrés, n’a pas toujours été désert. Il connaît plusieurs périodes humides pendant le quaternaire (les quatre millions d’années précédant notre ére), permettant végétation «savanaise», peuplement abondant tant animal qu’humain.

Qu’est-ce qui peut donc empêcher certains d’entre nous de croire que, quelque temps, au milieu de ces quatre millions d’années quaternaires, a pu exister un continent lémurien, aujourd’hui aussi englouti que l’Atlantide et dont la Grande Ile de Madagascar, les îles Mascareignes et leurs îles lointaines et éparses, constitueraient les uniques vestiges émergeant encore au- dessus du niveau de la mer, d’ailleurs montant.

Qui sommes- nous, quand quatre millions d’années nous contemplent, pour oser dire que n’a jamais existé la Lémurie, si chére à Philip Lutley Sclater (1829-1913), à Helena Petrovna Blavatsky (1831-1891), à Hans Hörbiger (1860-1931), à Alfred Grandidier, à Jules Hermann (1845-1924), entre autres? Lémurie si chére à Léoville L’Homme, à Robert Edward Hart, à notre ineffable Malcolm, à Emmanuel Richon, comme aux nombreux visiteurs de son exposition.

Ne me demandez pas si la Lémurie a ou non existé, il y a quatre millions d’années. Je n’y étais pas. Mais si ce continent existe avant d’être englouti, il pourrait être intéressant de connaître son histoire. Et si les témoins de la Lémurie, d’avant l’engloutissement, existent… Et si les lémuriens madécasses peuvent nous conter leur continent perdu.

Quatre millions d’années d’histoires

Il nous suffirait de comprendre le langage des lémuriens pour connaître les temps forts de leur Lémurie ancestrale et peut-être même du Gondwanaland. Et si les lémuriens ne nous terrifient pas assez avec leurs histoires paléolithiques, on peut compter sur les… aye- aye (Daubentonia madagascariensis), avec leurs longs doigts crochus à souhait et leurs larges oreilles décollées pour nous faire atteindre les limites des terreurs visuelles.

Science-fiction pour science-fiction, comment, à ce jour, aucun Cameron n’a pensé imaginer un quelconque savant ou prophéte Philippulus ( voir L’Etoile mystérieuse de l’inoubliable Hergé) pour découvrir le moyen de comprendre la ou les langues lémurienne (s) et nous ouvrir ainsi la connaissance de quatre millions d’années d’histoires. De quoi s’y engloutir pour de bon.

Ne badinons pas, en tout cas, avec nos cousins lémuriens.

Ils sont protégés et même tabous dans la Grande Ile, à l’abri donc du plus cruel et du plus stupide de tous les prédateurs existants sur Terre (l’homme).

C’est dire combien est intéressante et instructive l’exposition d’Emmanuel Richon. Encore plus passionnant et révélateur encore est son livret, intitulé Lemuria, le continent disparu de l’océan Indien , paru aux Editions Mauritiania du précieux Christian Le Comte. Grâce à eux, vous saurez tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur Terra australis incognita, sur Isola Juan de Lisboa, sur la face cachée de la Terre, sur l’ Aepyornis maximus ou oiseau éléphant, sur le lémurien dans l’âme (l’ineffable Malcolm) et pour finir sur le fantôme de la Lémurie… Brrr!... Frissons garantis, même au-delà de la derniére page…

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Lémuria

Extrait de le Quotidien de la Réunion, 30.12.2009.

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Le motif mythologique lémurien

Norbert Louis
Week End 24 janvier 2010

Des mythologies autochtones font contrepoint à celles des Européens. La plus révélatrice est celle de la Lémurie qui surgit initialement dans l'œuvre du Réunionnais Jules Hermann (1846-1924). Les Révélations du grand océan, une parution posthume de 1927, a réuni ses multiples articles, publiés de 1896 à 1898 dans la Revue des colonies. L'ouvrage réunit des études qui concourent à démontrer l'existence, avant la dislocation des terres au Tertiaire, du continent Gondwana comprenant la Lémurie - réunion, en ces temps préhistoriques, des îles aujourd'hui disjointes de l'océan Indien. De centre du continent, la Lémurie devient petit à petit pour Hermann le centre du monde puisqu'il conclut à la présence sur ce territoire d'êtres humains qui auraient laissé des traces dans les reliefs montagneux. Le motif mythologique lémurien resurgit lors d'une conférence à la Municipalité de Port-Louis réunissant sur le sujet Emmanuel Richon, Conservateur du Blue Penny Museum. Nous vous proposons ci-dessous un extrait de son intervention.

Appelée Kumari Kandam, la Lémurie joue, dans la culture dravidienne, le rôle d'une terre ultime et ancestrale. L'image explicite figure dans nombre de textes anciens, dont le fameux Manimékhalai. La tradition mascarine littéraire du continent disparu émane des deux sources, occidentale et dravidienne.

Jules Hermann, le Réunionnais, découvrant Ph. L. Sclater, le prolonge en magnifiant la Grande Ile de Madagascar, faisant d'elle l'origine de toutes les civilisations et trouvant dans le malgache, langue adamique, la source même de toutes les langues de la planète, preuves à l'appui… Le premier, il interprète les montagnes de son île comme des sculptures réalisées par un peuple de géants.

Robert Edward-Hart en eut connaissance, sans doute par son père Walter, à qui l'on doit un répertoire topographique de l'île non exempt de nombreuses légendes populaires et héritant la tradition, il relaya l'idée de la Lémurie à son tour, au sein notamment du fameux Cycle de Pierre Flandre. C'est lui qui, un jour, en conversant avec Malcolm de Chazal, parvint à le convaincre. Nous savons désormais la suite… De très nombreux auteurs reprirent cette thèse originale en en faisant une sorte de mythe fondateur de la société mascarine. De Chazal, quant à lui, devait se livrer à une œuvre titanesque au cœur de la civilisation lémurienne, l'amenant à réinterpréter totalement son environnement immédiat et en lui donnant une valeur herméneutique fondamentale.

L'île Maurice devenait ainsi le centre du monde, l'origine de tout, la grande métropole de l'univers. Dès lors, tout y faisait trace, tout y était allusion, empreinte, messages laissés là par quelques "Lémuriens", dans le seul but de nous communiquer un mystère à décrypter. Pour les uns, thèse rocambolesque, pour les autres vérité révélée d'un passé enfin recouvré. Il est temps aujourd'hui, de nous pencher sur ce chapitre incontournable de notre littérature mascarine, que nous aurions en tout cas tort de ne pas prendre au sérieux, tant il monopolisa l'attention des contemporains. La Lémurie, en fait, nous apprend beaucoup sur nous-mêmes et notre société insulaire. Elle inverse de plus les relations à nos métropoles respectives, faisant d'elles des satellites de nos îles désormais antérieures et à l'origine de toutes civilisations. Jules Hermann n'était-il pas l'auteur d'un Projet de Constitution pour La Réunion et Autonomie financière, Robert Edward-Hart n'était-il pas un pionnier dans l'intérêt qu'il sut porter à l'hindouisme, Malcolm de Chazal, quant à lui, ne fut-il pas un fervent partisan sans concession, et contre toute attente, de l'indépendance? C'est dire si ces adeptes de la Lémurie, visionnaires, n'en acceptèrent pas pour autant de passer pour des illuminés…

Voir dans la Lémurie une erreur de jugement frisant la folie, serait nier la nécessité récurrente qui semble avoir présidé à l'apparition d'une pareille théorie. Comment ne pas voir que la persistance consciente ou subliminale de cette image perpétuée par plusieurs auteurs et sur plusieurs générations, correspondait parfaitement au désir profond de faire de l'île un lieu de centralité, d'inverser la périphérie et de faire de l'insulaire, ici venu d'ailleurs, un habitant originaire de l'île et y puisant son ancestralité reconstruite et sans doute sublimée. Aucun mythe n'est insignifiant, il est au contraire le détour qui permet de dire ce qui ne peut pas se dire.

A ce titre, le nom même de ce continent, Lémurie, pourrait être interprété, selon l'étymologie, comme l'impossible " terre des âmes mortes ", continent de l'ancestralité à jamais endeuillée, terre de la déchirure identitaire.

Emanant de trois auteurs issus de la communauté des planteurs blancs, mais sur bien des points, opposés à elle et à ses valeurs de l'époque, il n'est pas impossible que le mythe de la Lémurie puisse être interprété comme une symbolique de la rupture et du renouveau. Théorie utopique, certes, mais qui, en filigrane et par delà l'indicible de l'horreur, propose en fait une réconciliation jusque là impossible, en tout cas la conscience d'une généalogie à jamais bouleversée et à redécouvrir, ensemble.

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MYTHE LÉMURIEN

Emmanuel Richon et le jeu de la vérité

Dominique Bellier
Le Mauricien

Avec la sortie de Lemuria, le continent disparu de l'océan Indien édité chez Mauritiana, Emmanuel Richon vient relancer l'attention sur l'exposition qu'il organise jusqu'au 31 janvier au Blue Penny Museum. Ce petit essai de 110 pages est disponible depuis la semaine dernière pour ceux qui s'intéressent à la question, ceux qui aimeraient réactualiser leurs connaissances sur ce mythe cher à de Chazal et Robert Edward Hart, ou encore pourquoi pas?, pour ceux qui entendent débattre de ce que raconte le bouillonnant conservateur du musée port-louisien…

Emmanuel Richon s'est tellement pris de passion pour le mythe de la Lémurie et tout ce qui l'entoure, qu'une simple exposition ne pouvait suffire… Le livre qui l'accompagne donc depuis la semaine dernière donne in extenso ce que l'exposition effleure avec quelques extraits joints aux documents, objets et autres spécimens exposés. Prévenons tout de suite que ce livre ne peut remplacer la découverte des lémuriens naturalisés au XIXè siècle, qui ont été prêtés par le Museum d'Histoire Naturelle de la Réunion, et qui sont visibles au musée port-louisien jusqu'au 31 janvier.

Si cette exposition peut prêter le dos à la critique pour les zones d'ombres qu'elle laisse entre mythe et réalité, elle mérite le déplacement ne serait-ce que pour voir de près ces animaux empaillés… De mémoire d'homme, le public mauricien n'a jamais eu l'occasion de voir ces chefs d'œuvre de la nature sur sa propre île. C'est une occasion simplement unique. Dans son petit livre, Emmanuel Richon ne joue pas au spécialiste des sciences naturelles qui décrirait chaque type de lémurien, du aye aye aux indris en passant par les maki vari… Il agirait plutôt en anthropologue ou en éthologue dans la mesure où il évoque par exemple les traditions et les tabous qui entourent les différentes expèces de lémuriens à Madagascar, pratiques qui sont, pour une large part, liées au comportement des animaux en question.

L'auteur lance aussi quelques perches vers d'autres étonnants animaux de la région tels que le cœlacanthe qui vogue dans les eaux profondes des Comores ou encore l'oiseau éléphant dont il reste quelques traces dans les archives d'histoire naturelle. Il relate aussi les différentes théories qui ont alimenté le mythe de la Lémurie, ainsi que sa constitution en tant que tel et dans ses différentes manifestations: ésotériques pour les unes, purement poétiques et littéraires pour les autres. L'auteur aborde différentes façons d'interpréter l'histoire du continent disparu, à commencer par la référence géologique au Gondwana qui réunissait l'Afrique, Madagascar, l'Inde selon la théorie de la technotique des plaques, ou encore à l'Atlantide et à l'œkoumène et son complément l'antichtone, et encore à ce aux hypothèses qui ont entouré la quête de cette terra australis qui a occupé les explorateurs pendant des décennies.

Mais comme il l'explique en conclusion, le plus important est sans doute ailleurs, dans ces belles histoires que l'on a plus ou moins envie de croire… Il part ainsi dans une investigation littéraire et ésotérique qui le mène du côté de l'étonnant Jules Hermann, et aussi de celui du dangereux Dr Hörbiger qui aurait séduit les nazis. En conclusion, l'auteur défend l'idée de ce mythe tel qu'il a été construit par Jules Hermann, Malcolm de Chazal et Robert Edward Hart, en insistant sur son intérêt pour des îles comme celles des Mascareignes dont l'histoire s'est construite sur la colonisation, l'exil et la déportation.

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Lemuria: continent disparu ou le mythe littéraire?

Week End 03 janvier 2010

Depuis deux semaines et ce jusqu'à fin janvier de l'année prochaine, se tient au Blue Penny Museum, au Caudan Waterfront, une exposition sur le thème Lemuria, continent disparu. Parallèlement à cet évènement, Emmanuel Richon, directeur du musée publie un livre de 160 pages qui s'intitule "Lemuria, continent disparu de l'océan Indien" qui explique l'importance du mythe littéraire de la Lémurie dans la littérature régionale indiaocéanique à travers les oeuvres de Jules Hermann, Robert Edward- Hart et Malcolm de Chazal notamment.

Emmanuel Richon affirme vouloir démontrer, à travers la légende, comment d'une erreur scientifique lancée par Philippe L. Slater, a pu naître et se voir relayée par quantité de savants à l'origine, indirectement, une création littéraire régionale étalée sur plus de trois générations. En alliant histoire naturelle et critique littéraire, Lémuria, continent disparu permet de satisfaire tous les intérêts du visiteur en le plongeant dans l'onirisme fécond d'une reconstruction de nos origines désormais communes.

"Malcolm de Chazal fut un de ceux qui, s'emparant de l'idée de la Lémurie, le reprendra à son propre compte pour la pousser dans ses derniers retranchements", soutient Emmanuel Richon. Ce qui nous donna l'un des plus grand chefs-d'oeuvre de la littérature mauricienne, "Pétrusmok". En fait, affirme Richon, "Petrusmok" "n'était que l'aboutissement logique d'une grande aventure scientifique et littéraire remontant à plus de deux siècles".

 

 Viré monté