e vidi il buono accoglitor del quale, 
Diascoride dico; e vidi Orfeo, 
Tulio e Lino e Seneca morale;

Euclide geomètra e Tolomeo,
Ipocràte, Avicenna e Galïeno,
Averoìs che ’l gran comento feo.
Inferno, Canto IV, Dante Alighieri

Introduction

Averroès, de son véritable nom, Abû-al-Walid Muhammad Ibn Ahmad Ibn Muhammad Ibn Ahmad Ibn Ahmad Ibn Rushd, connu comme étant un grand savant arabe ayant excellé dans diverses disciplines comme la philosophie, les mathématiques et la médecine. Il fut le symbole de la grandeur de la civilisation arabo-musulmane et de son passage dans les contrées espagnoles, cependant l'image du savant que nous avons dans nos pays européens n'est pas celle partagée par le monde arabo-musulman. Ces deux civilisations s'approprient son œuvre afin d'appuyer leurs idéologies. Il semble nécessaire d'éclaircir cette ambiguïté en se basant sur ce qu'il a réellement écrit et en comparant les diverses opinions émises sur cet éminent personnage.

1. Vie générale d'Averroès

Averroès naquit au XIIème siècle en 1126 à Cordoue en Andalousie(Espagne Musulmane) à l'apogée de son histoire, il est issu d'une famille de juristes de grande renommée, il grandit durant le règne de la dynastie des Almoravides(déformation de l'arabe Al Murabitun) qui ont pris le pouvoir sur le Maghreb et l'Andalousie depuis 1071,à cette époque la dynastie almohade(déformation de l'arabe Al Muwahhidun) appelait au Djihad (Guerre sainte) contre les Almoravides ainsi cette période est marquée par plusieurs tensions. Dans ce contexte politique difficile, Averroès commença à étudier, jeune, avec des maîtres particuliers en débutant par l'étude du Coran puis de la grammaire, de la poésie, des rudiments du calcul. Puis il s'instruisit ensuite dans les Sciences religieuses notamment le droit musulman ce n'est que par la suite qu'il se forme aux Sciences profanes que sont la physique, l'astronomie, la philosophie et plus particulièrement la médecine avec Avenzoar (médecin arabe né à Séville). Il devint alors un savant réputé à Cordoue et comme le furent ses pères, il en devint l'un des juges et l'un de ses grands juristes en travaillant pour les Almoravides, en 1147, le mouvement des Almohades prend le pouvoir en Andalousie. En 1160, Averroès présente l'œuvre d'Aristote au calife almohade Abû Yacoub Youssouf. Il en commenta l'œuvre tout en la critiquant, c'est ainsi l'un des plus fidèles aristotéliciens. Vers 1188, dans un contexte politique délicat dû aux pressions militaires des catholiques, le calife Al-Mansour interdit la philosophie, les études, le vin ou encore la musique. Ainsi Averroès sera destitué de sa fonction de juriste et ses livres seront brûlés, il s'exilera à Lucena (Province de Cordoue), ce n'est qu'après 1 an et demi qu'il sera rappelé au Maroc par le même sultan qui lui demandera pardon. Il meurt suite à ces faits le 10 Décembre 1198 sans avoir revu l'Andalousie.

2. Divergences arabo-occidentales de l'Averroïsme

La pensée d'Averroès est sujette à polémique, l'image qu'en ont gardé les Occidentaux est totalement différente que celle du monde arabo-musulman, cela est dû aux différents commentaires et interprétations de sa pensée mais également des nombreuses traductions dont il a été en quelque sorte victime.

Selon les Occidentaux, il fut un philosophe, grand partisan d'Aristote, qu'il commenta et en admira les idées, c'est ainsi le portrait d'un intellectuel réformateur et révolutionnaire qui sera dressé par ces commentateurs, il aurait d'après eux jeter les premières idées du concept de laïcité dont la volonté était de séparer ses interprétations philosophiques et métaphysiques à la Sharia (loi islamique), à la conception traditionnelle de l'Islam dont il était l'un de ses savants.

Selon le monde arabo-musulman, une autre opinion, d’elle perçue dans le monde arabe nous montre un Averroès conservateur. C'est à dire qu'Averroès n'a jamais souhaité s'opposer dans sa philosophie au droit musulman et à sa loi divine ainsi il serait un conciliateur entre une philosophie rationnelle et des préceptes religieux dont la pensée n'est qu'un outil utilisable dans l'interprétation des textes islamiques.

3. Les apports d’Averroès à la connaissance

Sur le plan de la médecine, Averroès écrit Kitab-Al-Kouliyyat fil tib c'est à dire Livre de médecine Universelle, écrit avant 1162,il sera traduit en plusieurs langues notamment en Latin et en Hébreu, il sera enseigné jusqu'au XVIIIème siècle dans les facultés et écoles de médecine scientifique d'origine grecque qui est la base à l'ensemble des traditions pratiques et conseils du Prophète Muhammad, il souligne la nécessité de se baser sur une médecine expérimentale et sur l'observation qui permet d'aboutir à une connaissance globale des Sciences Naturelles afin de résoudre ces problématiques. Il fut également l'auteur de nombreux traités décrivant les aspects de  plusieurs maladies et leurs possibles traitements comme la diarrhée, la rage, les maladies héréditaires. Il définit dans At-Tiryak (Les antidotes), les différentes maladies pouvant être soignées par des antidotes et il affirme dans son traité du nom de Al-Adwiya wa Al-Aqhdhiya (Médicaments et Nourriture), Averroès affirmait déjà qu'une alimentation saine, une eau propre et un air pur sont les garants d'une bonne santé.

Averroès écrivit également un livre d'anatomie, il y décrit la circulation nerveuse du crâne, il reconnaît au cerveau des capacités d'imagination, de réflexion et de mémorisation, enfin il découvrit que l'organe sensible de l'œil est la rétine et fut un des premiers savants à affirmer que la rétine reçoit la lumières.

En Astronomie, Averroès se démarque avec son Kitab fi Harakat al Falak (Livre sur le mouvement des systèmes célestes), il expose la manière dont les étoiles et les planètes se déplacent, il se base sur l'almageste de Ptolémée.

La famille d'Averroès était une grande famille de juristes et savants de L'Islam, ainsi ce dernier maîtrisait parfaitement les Sciences religieuses comme les Sciences du Hadîth (Chaînes de transmission déterminant l'authenticité des récits prophétiques) mais encore le droit musulman dont il était d'obédience malikite comme la plupart des juristes maghrébins et andalous. Il ajoute une pierre à l'édifice avec le fameux  Bidayat Al-Mujtahid wa Nihaya (Début et fin de l'interprétateur).Cet ouvrage évoque avec précision toutes les questions juridiques avec lesquelles les écoles divergèrent par rapport aux textes islamiques, cette œuvre lui fera acquérir une grande réputation sur le plan de la jurisprudence comparée, qui est enseignée dans la plupart des facultés de droit musulman.

Surnommé «Le commentateur», il fut le plus grand admirateur aristotélicien, il en commenta d'ailleurs tous les textes et composa 3 commentaires à son égard.

• Le petit commentaire, abrégé, paraphrasé, destiné à de jeunes élèves.
   
• Le commentaire moyen, explication courte, destiné à des étudiants déjà familiarisés avec le sujet.
   
• Le grand commentaire, dans lequel Averroès par les plus grands développements énonce et donne la solution au problème que suscite certains passages de la philosophie aristotélicienne. En effet, elle joue un rôle très important dans la pensée médiévale en Occident. Il permettra aux Européens d'avoir accès à la philosophie d'Aristote et à son rationalisme qui libérera la pensée occidentale de la religion chrétienne.

Averroès fut un grand savant, ses travaux sur la médecine sont remarquables et ouvrent les portes à une médecine moderne, sa philosophie bien que sujette à divergences a en tout cas eu un apport non négligeable à la Renaissance et au progrès occidental. En tant que juriste, Averroès montra que l'origine de la jurisprudence islamique prend base dans l'utilisation régulée de la raison ayant pour limite l'épreuve et les sources islamiques de référence.

 Viré monté