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6 Mai 1853 – 6 Mai 2012:
159 ans de présence indienne en Martinique.

De l’occultation à la lumière

Diana Ramassamy

 

 

 

 

Diana

La route est longue qui mène au bord de mer…

Alors que pratiquement tous les pays de la Caraïbe ont déjà un jour férié, «Indian Arrival Day», honorant officiellement la première arrivée de l’utile composante indienne de leur nation, la blessure de l’occultation reste ouverte dans le cœur des citoyens Guadeloupéens et Martiniquais conscients de la diversité de notre peuple.

Madame Diana Ramassamy, docteur ès lettres, spécialiste de littérature orale, en Martinique, s’insurge en un brûlot que nous vous présentons suivi de la réaction d’un Guadeloupéen professeur d ‘Anglais et de Langue et Culture Régionale Créole, M. Olivier Mounsamy.

Utile mise en garde, car, comme dit le Tao: «Ce qui est ancien sera de nouveau utile». - Jean S. Sahaï

En ce 6 mai, date de l’arrivée des premiers indiens à la Martinique, j’ai consulté, non sans curiosité, le site web de l’unique quotidien en ligne de l’île.

La lecture fut rapide. J’ai parcouru, avec attention, l’ensemble des articles proposés aux internautes. J’ai retenu l’intérêt l’article intitulé «À Sainte-Marie, bébé participe au vote» et un autre «J’ai voté Jah du premier coup». Touchée par l’exhaustivité des articles relatifs à la campagne présidentielle, j’ai pris le parti, de cliquer sur tous les onglets du quotidien et rien! Sur un territoire où les commémorations font légion, pas un mot, pas une phrase qui mentionneraient l’arrivée et l’histoire des travailleurs engagés indiens.

Pour mémoire, le 6 mai 1853, le navire l’Aurélie débarque à la Martinique avec à son bord 314 indiens ou «Anglo-Indiens» selon les terminologies.

Aujourd’hui, aucun lieu de mémoire.

Pourtant, d’aucuns reconnaissent que: «la culture créole n’aurait jamais vu le jour, sous la forme du ‘Tout Monde’, que nous lui connaissons s’il n’y avait pas eu cet apport tamoul et hindoustani».

Certains intellectuels s’émeuvent officieusement du cruel oubli qui déshumanise les Indiens et leurs descendants. On regrette l’absence de l’histoire des engagés indiens dans les musées ou encore dans les manuels scolaires.

Forts d’une mémoire collective qu’ils ne veulent plus occulter, à l’initiative du Conseil Régional de la Martinique, un certain nombre d’acteurs travaillent  avec l’écrivain Camille Moutoussamy à la construction d’un Centre Culturel et Relationnel Indo-Caribéen sis à Au-Béro dans la ville capitale de Fort-de-France.

La lumière au bout du tunnel?

Au final, l’apport indien et l’histoire des engagés indiens à la Martinique sont des thématiques qui alimentent et continueront à alimenter une nécessaire réflexion.

Est-ce qu’il n’appartient qu’aux seuls descendants d’indiens de la mener? Je n’en suis pas convaincue.

La traversée de l’Inde vers les Caraïbes témoigne de l’exploitation humaine par l’ordre colonial. Les descendants d’Indiens en dépit de la grande religiosité qui les anime, ne peuvent oublier, ni le mépris, ni les violences et encore moins l’ostracisme.

Pour terminer la réflexion d’aujourd’hui, je reprendrai que toutes les grandes traditions spirituelles l’affirment à un degré ou à un autre: nos souvenirs sont aussi mortels que nous.

Cette idée est contenue dans le concept bouddhiste d’impermanence historique et personnelle ou dans les paroles désabusées de l’Ecclésiaste 1, 11:

“On ne se souvient pas de ce qui est ancien; et ce qui arrivera dans la suite ne laissera pas de souvenir chez ceux qui vivront plus tard.”

La plupart des honnêtes gens sont favorables au pardon, mais il est rare d’entendre des voix en faveur de l’oubli.

Peut-être sommes-nous trop influencés par cette phrase survalorisée de George Santayana, “ceux qui ne se souviennent pas du passé sont condamnés à le revivre” – une formule qui néglige le fait que l’Histoire, comme les comportements de chacun, est au moins en partie régie par ce que Freud appelle la chaîne de répétition inconsciente.

Peut-être croyons-nous en la supériorité éthique du souvenir par rapport à l’oubli parce qu’on nous a trop souvent répété que se souvenir, c’est être responsable, alors qu’oublier n’est pas seulement être irresponsable, mais tomber dans une sorte de lâcheté morale ou de nihilisme civique.

Après tout, Jésus lui-même a enjoint à ses fidèles de pardonner à ceux qui les avaient offensés, mais pas d’oublier l’offense subie…

Affaire à suivre!

Diana RAMASSAMY

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Réaction d’Olivier Mounsamy (Guadeloupe)

On n’est pas en reste en Guadeloupe non plus!

  • 1985: «Année de l’Inde en France»; des manifestations culturelles sont organisées un peu partout…à la résidence Départementale du Gosier, une superbe soirée avec des prestations culturelles traditionnelles Indo Guadeloupéennes…..en présence du Président F. MITTERAND… Feu Raymond LALSINGUÉ évoquait souvent le souvenir qu’il en avait gardé surtout  le moment où MITTERAND lui avait serré la main en le félicitant et en l’encourageant à poursuivre l’œuvre de préservation de ce patrimoine…
     
  • 1986: «Année de la France en Inde»; curieusement, on a oublié tout ce qui s’était passé un an plut tôt… la Guadeloupe envoie en Inde, pour la représenter, un groupe de Gro Ka! Sa pa té ka sanm zendyen Gwadloup!
     
  • 1988: «Mois des Antilles françaises»; organisé par les Conseils Généraux et Régionaux de Guadeloupe et de Martinique et l’Ambassade de France à Trinidad… La délégation Guadeloupéenne est composée d’un groupe de Carnaval, de Gro Ka, de Comédiens et musiciens… il n’est venu à l’idée d’aucun responsable culturel du Département ou de la Région, qu’un ou des groupes culturels Indo Guadeloupéens y avaient leur place, et auraient pu ainsi avoir des échanges culturels avec meurs homologues Trinidadiens
     
    Quant à la délégation Martiniquaise, elle n’y avait pas pensé non plus… Mais heureusement que le Président de «l’Association Martinique Inde» qui était un proche du PPM du Président de Région, a pu exiger et obtenir à l’arrachée la prise en charge d’une délégation Indo Martiniquaise…
     
    Le Président de «Martinique Inde» m’avait demandé de faire partie de sa délégation, ayant été l’initiateur des relations entre Le «National Council for Indian Culture (NCIC) de Trinidad», et l’«Association Martinique Inde» ainsi que l’«Association Culturelles des Amis de L’inde»
  • 2004: «Commémoration des 150 ans de présence Indienne en Guadeloupe»: on se débarrasse du dossier en confiant l’organisation à une fédération d’associations alors que le bon sens aurait dû faire que cela relève d’une organisation officielle…
     
    À cette occasion, on érige le «monument du 1er jour », sur la Darse de Pointe-à-Pitre… Sitôt l’année 2004 terminée, ce monument est rangé aux oubliettes… Heureusement que des associations culturelles y organisent chaque année une manifestation du souvenir.
     
    La logique, le bon sens aurait voulu que, depuis 2004, s’y déroule, de façon officielle, une manifestation de commémoration

Voilà à mon avis quelques exemples qui montrent bien que les responsables locaux ne se soucient guère delà prise en compte du «fait indien» dans notre Culture Commune…

Pourtant, Dieu Shiva sait s'ils sont très friands de beaux discours sur «la diversité et le métissage»!

Monument du premier jour

Monument du 1er jour, sur la Darse de Pointe-à-Pitre. Photo F.Palli

boule

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