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 Regards croisés sur le métissage
Rencontres euro-caribéennes

Fort-de-France, 9-10-11 novembre 2005

 

 

 

 

 

 

Fille martiniquaise. Photo F.Palli

Fille martiniquaise

Le métissage est une notion chargée de valeurs et objet de représentations variables, selon l’époque, le lieu et l’approche disciplinaire. Longtemps connoté péjorativement au nom de la pureté, le métissage participe aussi, depuis quelque temps, d’une mode à la fois scientifique et médiatique qui lui donne un contenu valorisant.

Cette rencontre scientifique touche donc à un sujet largement exploré par certaines disciplines (en anthropologie notamment). Compte tenu des travaux antérieurement conduits sur la question, notre ambition se situe à quatre niveaux:

  • une ouverture sur l’aire culturelle caribéenne entendue au sens large (des îles au continent) dont chacun mesure l’intérêt pour une investigation scientifique sur les questions de métissage;
  • une prise en compte des situations de contact dans toute leur diversité y compris celles qui semblent a priori échapper au métissage, puisqu’on le sait aujourd’hui, la mondialisation, loin de conduire comme on l’avait un moment cru à une complète uniformisation des cultures et des identités, s’accompagne plutôt d’une recrudescence des particularismes;
  • une approche pluridisciplinaire convoquant l’historien, l'archéologue, l’anthropologue, le linguiste, le sociologue, le philosophe, … en vue de permettre le dialogue des spécialistes pour aboutir à des regards croisés sur une question qui, le plus souvent, a été abordée d’un point de vue disciplinaire unique;
  • une volonté d’offrir à un public plus large une lecture, qui pourrait être opérationnelle, de questions qui taraudent les sociétés considérées.

Quatre thèmes ont été retenus:

  1. Genèse du métissage dans la Caraïbe

  2. Métissage, cultures, identités

  3. Métissage des langues

  4. Métissage et mondialisation

La restitution finale, en séance plénière, voudra être particulièrement attentive à mettre nos débats à la disposition d’un public plus large. Un forum culturel (musique, contes et légendes, ouvrages, arts plastiques…) clôturera la manifestation.

Secrétariat permanent du colloque à l'IRD: IRD, Colloque Métissage, BP 8006, 97259 Fort-de-France cedex - Tél. 0596 39 77 39, Fax 0596 50 32 61, Email.

Contact au Conseil de la Culture, de l'Education et de l'Environnement: Hôtel de Région, rue Gaston Deferre, 601 – Cluny, 97200 Fort-de-France - Tél. 0596 59 64 79, Fax 0596 59 63 21, Email.

Bulletin d'inscription ici.

lotus

Programme

Mercredi 9 novembre

Allocutions de personnalités - Hôtel de Région (Fort-de-France) - 8H30 - 12H00

Claude PETIT

Ouverture. Présentation du CCEE

Daniel BARRETEAU

Ouverture. Présentation de l'IRD

Roger BAMBUCK

Ouverture. Objectifs du colloque, méthodologie et perspectives d’analyse

Daniel MAXIMIN

Ouverture. Discours introductif
 

UAG - Campus de Schoelcher - Salle du Conseil  - 14H30 - 17H30

Roger TOUMSON

Coordination de l'Atelier I: Genèse du métissage

Laurette CÉLESTINE-TRIOLÉ

Qu’est-ce que le métissage? De la lexicographie à l’étymologie (XVIII e-XX e siècles)

Frédéric RÉGENT

Métissage, blanchité et liberté dans les colonies françaises pendant la période esclavagiste.

Stéphanie MULOT

Le mythe du viol fondateur dans l’imaginaire antillais : une représentation de l’origine du métissage aux Antilles françaises.

Paola LAVRA

Naissances créoles multiples et métissées : la rencontre et le hiatus du biologique et du social.

Darline ALEXIS

Le discours du métissage dans la critique littéraire journalistique.

Jeudi 10 novembre - UAG - Campus de Schoelcher - Salle du Conseil - 8H30 - 18H30

Marie-José JOLIVET

Coordination de l'Atelier II: Métissage, cultures, Identités

Isabelle HIDAIR

Terrain vécu et revécu: une anthropologie métisse face aux miroirs de l’autre.

Cécile BERTIN-ÉLIZABETH

Métissage et réélaborations iconographiques ou la construction de nouvelles identités.

Elisabeth CUNIN

Du métissage au multiculturalisme: quelle définition du rapport à l’autre? Réflexions à partir de l’Amérique Latine.

Raphaël CONFIANT

Le mythe du chabin en Martinique, en Guadeloupe et en Haïti.

Martine COADOU

Identité métisse ou identités multiples? Quelques éléments de réflexion sur l’identité martiniquaise.

Chantal MAIGNAN-CLAVERIE

De l’Elu à l’Exclu : le métis à la Martinique.

Gérard POLICE

Le corps brésilien.

Jean BERNABÉ

Coordination de l'Atelier III: Métissage des langues

Daniel BARRETEAU

Le français d’ici et d’ailleurs: une langue mixtifiée.

Pedro UREÑA RIB

Le lexique du métissage dans la Caraïbe et l’Amérique Latine.

Corinne MENCÉ-CASTER

L’expérience littéraire comme lieu d’un tressage des langues: de la langue d’écriture à l’écriture de la langue.

Nadève MÉNARD

Littérature et musique haïtiennes: Cosmopolitisme ou amalgame? Métissage ou aliénation?

Inga SABINE

L’intuition de la graphie du créole dans le paysage commercial.

Malvina BALMES

Réflexions autour de la représentation théâtrale du conteur créole.

Fathallah DAGHMI

Le vécu du métissage: regards journalistiques.

Vendredi 11 novembre UAG - Hôtel du Département - 8H30 - 18H30

Jean-Claude WILLIAM

Coordination de l'Atelier IV : Métissage et mondialisation

Alexis NOUSS

Du métissage comme identité cosmopoléthique.

Maurice BELROSE

Le métissage: facteur d’intégration nationale ou mystification? Le cas du Venezuela.

Georges VOISSET

D’où tirent les canons à métisser? La "global beauty", un métissage du troisième type?

Jean-Pierre GUENGANT

Migration, diasporas et métissage : réflexions sur le futur.

Mylenn ZOBDA-ZÉBINA

Une relecture de la notion de métissage à la lumière de l'individualisme moderne. Un exemple à travers le cas de deux sociétés caribéennes: la Martinique et la Jamaïque.

Bruno OLIVIER

Représentation du métissage et mondialisation: visible et invisible, matériel et immatériel.

Roger BAMBUCK

Coordination de la synthèse et du débat public

Daniel BARRETEAU

Introduction du Forum culturel (musique, littérature, arts plastiques...)

Jean-Claude WILLIAM

Clôture du colloque

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RÉSUMÉS

ATELIER I: GENÈSE DU MÉTISSAGE DANS LA CARAÏBE

Coordination: Roger TOUMSON

Laurette CÉLESTINE-TRIOLÉ

Qu'est-ce -que le métissage? De la lexicographie à l'étymologie (XVIII-XX e siècles)

Le Siècle des Lumières français est connu pur son goût prononcé des dictionnaires et encyclopédies en tous genres, allant du simple manuel comme celui de l’abbé Prévost à l’entreprise extraordinaire de Diderot et D’Alembert, je veux bien entendu faire allusion à l’Encyclopédie.

C’est donc dans ce corpus que se situe le point de départ de notre analyse lexicale qui interroge la notion même de "métis" et de "métissage". Cette approche prend appui à la fois sur les grands dictionnaires de ce siècle et en prolongement sur ceux du XIX e et également les lexiques ou manuels moins connus afin de mettre en lumière dans un premier temps, la problématique enfermée dans la terminologie du mot "métis" et de ses dérivés. Corpus intéressant qui nous donnera l’occasion d’analyser comment les dictionnaires des XVIII e et XIX e siècles qui en font référence, vont véhiculer très souvent à travers les exemples qu’ils donnent, une idéologie quelque peu outrageante, voire outrageuse. L’époque des Lumières révèle ainsi la force d’un préjugé et la notion de métissage est dans son essence et dans son évolution, globalement problématique, même si les esprits les plus progressistes ont tenté d’en édulcorer le sens, en y associant d’autres facteurs dits enrichissants pour la France.

Frédéric RÉGENT

Métissage, blanchité et liberté dans les colonies françaises pendant la période esclavagiste

Des études récentes sur la Guadeloupe et la Réunion ont mis en lumière une caste originale de la société coloniale: des Blancs dont les origines ne sont pas très claires. En effet, à la Réunion et en Guadeloupe, l'ascendance d'une proportion significative de colons répertoriés comme Blancs dans les différentes sources est composée de personnes de couleur. A partir des exemples réunionnais et guadeloupéen, il s'agira d'analyser le processus de métissage qui se transforme en processus de blanchiment, d'oubli du passé servile et de reconstruction des histoires familiales. Cependant, la mémoire collective conserve le souvenir de ces mésalliances et les Blancs métissés constituent une caste intermédiaire entre les Grands Blancs et les libres de couleur. Les hommes qualifiés de Petits Blancs ne seraient-ils pas en réalité ces Blancs métissés encore marqués par le passé servile d'une part de leur ascendance?

Stéphanie MULOT

Le mythe du viol fondateur dans l’imaginaire antillais: une représentation de l’origine du métissage aux Antilles françaises

Il existe dans l'imaginaire antillais une représentation de l'origine et de la naissance du peuple guadeloupéen et martiniquais figurant le viol d'une esclave noire africaine, ancêtre première, par le colon européen blanc. Elaborée au point de confluence des représentations sur l'histoire, sur les rapports de races et les rapports de sexes, ce mythe semble vouloir répondre à l'insoutenable et lancinante question que se posent nombre d'Antillais ayant du mal à accepter et vivre l'héritage d'un métissage pesant: "comment être simultanément les descendants des auteurs et des victimes d'un crime fondateur, l'esclavage, paradoxalement aussi destructeur que salvateur?"

Cette élaboration mythique de l'histoire, qui impose la vision d'une rencontre originelle non consentie entre les sexes et les groupes définis par le préjugé de race, nécessite de s'interroger sur la question de la dynamique du désir, et de son acceptation, entre les différents protagonistes mis en présence, et sur la construction sociale et culturelle des identités sexuelles qui en découle.

Encore vivace dans les représentations populaires et chez les auteurs littéraires, ce mythe semble ainsi envahir l'imaginaire des relations sociales, en empêchant un accès au symbolique. Loin d'être libérateur, il risque au contraire d'enfermer les acteurs contemporains dans une vision mystifiée de l'histoire et dans des jeux de rôles identitaires, déterminés par une forte et incontournable "racialisation" des rapports de sexes.

Paola LAVRA

Naissances créoles multiples et métissées: la rencontre et le hiatus du biologique et du social

Fusion/séparation, mêlé/démêlé, étanche/perméable, pur/impur, total/partiel, rigide/souple... Infinies sont les dichotomies liées au métissage biologique et social, là où la rencontre implique l'assimilation de l'un à l'autre et le hiatus en révèle la fracture, leitmotiv des sociétés "métissées".

Ces dichotomies témoignent, toutefois, de la rigidité des catégories sociales et scientifiques qui cherchent à englober une réalité qui contredit toute fixité. Avant tout, par rapport à sa variabilité relative à la société qui l'a engendrée (voir la variabilité des taxinomies de degrés de métissages). Deuxièmement, en relation à la logique interne et à la cohérence des normes qui règlent et contrôlent ce métissage dans chaque société (voir le cas particulier des sociétés de plantation).

Un regard anthropologique sur la naissance et la petite enfance en Martinique nous a permis de repérer plusieurs modèles et sous-modèles qui varient selon les lieux de la naissance, les acteurs, leur vécu, leur appartenance sociale, leur degré de métissage... Loin d'être figés, ces modèles changent selon la perception du soi et des autres, les représentations, les vécus subjectifs, les conduites et les comportements individuels et collectifs. En même temps, l' étanchéité des groupes sociaux est à l'origine d'un "façonnage du bébé et de l'enfant" qui marque son existence et "choisit" sa couleur et son destin.

Comment le social intervient sur le corps pour le "métisser" de telle ou telle façon? Quelle est la perception des différents métissages et leur représentation? Y a-t-il un bon et un mauvais métissage? Valorisant ou dévalorisant? Qui sont les acteurs? Quel est le rôle des femmes? Et les enfants?

Darline ALEXIS

Le discours du métissage dans la critique littéraire journalistique

Le texte ayant pour objet la littérature antillaise dans lequel il ne serait fait aucune référence au métissage est devenu chose rare au point que ce thème sert bien souvent à cacher l’inanité de certains propos. Les champs lexicaux renvoyant respectivement aux notions de Créolité, Métissage et Diversité, qui semblent tantôt comprises comme synonymes, tantôt comme termes complémentaires, traversent sous une forme ou une autre l’ensemble de la production de la critique littéraire de la décennie 90 se rapportant à cette littérature. D’un côté, le motif du métissage obsède en tant qu’il porte la marque d’une Histoire faite de violences extrêmes exercées sur des corps et des esprits; d’un autre, en tant que l’expérience antillaise de brassage de peuples et de cultures contient en puissance les éléments d’un phénomène jugé inéluctable à l’échelle mondiale.

Cette étude prend en compte un type de discours caractérisé par les conditions particulières de sa production : celui de la critique littéraire journalistique marqué par l’immédiateté, la concision et le didactisme. Le corpus est constitué d’articles publiés au cours de la décennie susmentionnée dans les quotidiens Le Monde, Le Figaro (France) et Le Nouvelliste (Haïti). Il s’agit d’une part de l’analyse de la ou des vision(s) du métissage que propose la critique journalistique à travers ses lectures du récit antillais ; de l’autre, la démonstration que ce discours peut en être lui-même un produit et en prend les contours dans certains cas. Le motif du métissage se dessine alors sous un autre jour car, par-delà les drames liés aux questions identitaires que peuvent vivre les personnages des œuvres romanesques, des représentations assez idylliques de rencontres, mélanges de mondes dont la langue créole et une certaine idée du mode de vie antillais seraient les manifestations culturelles les plus visibles et attrayantes apparaissent.

ATELIER II: MÉTISSAGE, CULTURES, IDENTITÉS

Coordination: Marie-José JOLIVET

Isabelle HIDAIR

Terrain vécu et revécu: Une anthropologue métisse face aux miroirs de l’Autre

Parmi les nombreuses et diverses populations1 qui vivent sur le sol guyanais, les Créoles constituent un noyau important en raison de l’histoire. C’est sur cette population créole guyanaise que porte ma recherche et c’est à Cayenne que je mène l’étude car c’est là que les Créoles demeurent le plus présents.

Dès les premiers contacts avec le terrain s’est posée la question de mon apparence physique dans sa relation supposée avec mon appartenance culturelle2. Selon les situations, l’une et l’autre deviennent des atouts ou des inconvénients dont je dois m’accommoder afin de tirer profit des rencontres. Du fait de ma couleur de peau, la plupart des personnes rencontrées me placent d’office dans la catégorie des “non-créoles guyanais”. Pour elles, seuls les critères phénotypiques noirs marquent l’appartenance créole. Pour gagner leur confiance, j’adapte mon accent, mes vêtements et les sujets abordés; j’insiste aussi sur mon enfance et mon adolescence passées en Guyane.

Par ailleurs, j’ai constaté que le français que j’employais me plaçait dans la catégorie des "Négropolitains"3. Ainsi, les informateurs qui n’aimaient pas les Négropolitains ne m’accordaient pas d’attention, affichaient même un peu de mépris et repoussaient les rendez-vous sans fin pour, au bout du compte, ne jamais me recevoir. Bien souvent, ils m’adressaient la parole dans un vocabulaire français soigneusement choisi. Afin de neutraliser cette image, j’ai appris à adapter mon langage et mes attitudes en fonction des rencontres puisque d’autres informateurs valorisent ma supposée origine métropolitaine. Dans d’autres circonstances, je dois m’exprimer en français régional, c’est-à-dire accentué à la manière créole, ce qui nécessite une adaptation de l’accent et du vocabulaire utilisé. Il faut préciser que le statut infériorisé du créole, du fait de la diglossie, ne permet pas de se présenter d’emblée dans cette langue. Toutefois, lorsque les personnes rencontrées ressentent le besoin de s’exprimer en créole, c’est le signe de la confiance qu’elles m’accordent. Dès lors, appartenir au groupe m’apporte l’avantage de la langue, mais je suis aussi censée partager leur avis car faire partie du groupe sous-entend adhérer aux idéologies qui sont admises par la majorité : ce que j’appelle les opinions "politiquement correctes" pour être un Créole.

Mon appartenance familiale peut me favoriser ou m’empêcher tout contact avec des personnes qui craignent mon indiscrétion car certaines d’entre elles avaient eu des contacts fréquents avec mes parents durant leur enfance. Par contre, cette origine familiale peut m’avantager s’ils apprécient les membres de ma famille.

Par ailleurs, j’observe que bon nombre de personnes se demandent comment une Créole peut objectivement étudier la société dont elle est issue. En revanche, ces personnes ne sont pas choquées par le fait qu’un anthropologue parisien étudie Paris ou qu’un Provençal étudie le Var. De ce fait, il apparaît que ce qui est remis en cause est "l’objectivité" et "la neutralité", des aptitudes qui ne sont pas considérées comme dominantes chez les Créoles. Je souligne que j’ai pu observer cette attitude aussi de la part de confrères anthropologues qui n’échappent pas aux rapports, concrets et symboliques, pensés et entretenus lors de ces interactions complexes dans un contexte de concurrence. Ainsi, afin de légitimer leur place, de multiples stratégies de domination apparaissaient.

En résumé, les multiples apparences et appartenances engendrent en effet une réalité complexe que les acteurs sociaux tentent de saisir à travers une grille d’analyse simplifiée. Avant d’accepter tout entretien, ils veulent d’abord me situer dans cette grille et, pour ce faire, ils portent leur intérêt sur mon lieu de résidence, mon lieu de naissance, mon origine familiale et le nom de mon employeur. Une fois ces bases posées, ils choisissent d’accepter ou de refuser l’entretien.

De plus, j’ai pu constater que, d’une part, rendre publiques des pratiques refoulées fait passer l’ethnologue pour quelqu’un de dangereux, et d’autre part, quels que soient nos efforts, ce sont les autres qui décident si on est intégré ou pas.

  1. Africains, Amérindiens, Brésiliens, Chinois, Créoles antillais, guyanais, sainte-luciens, réunionnais et haïtiens, Dominicains, Guyaniens (République coopération de Guyana), Hmong, Libanais, Métropolitains (désigne les Blancs nés en France), Surinamais, Péruviens, Vénézuéliens….
  2. Mon père est Créole guyanais et ma mère est Arménienne.
  3. Nom péjoratif donné aux Noirs ou aux métis ayant assimilé la culture française métropolitaine.

Elisabeth BERTIN-ÉLISABETH

Métissage et réélaborations iconographiques ou la construction de nouvelles identités

L’iconographie, véritable miroir de l’histoire des mentalités, nous assure une meilleure compréhension tant de la "colonisation des imaginaires" dont parle Serge Gruzinski que des nouveaux investissements identitaires opérés pendant et après la colonisation.

Nous nous intéresserons aux métissages progressifs de la Vierge de Guadalupe, de saint Jacques et de saint Martin de Porres, c’est-à-dire aux réélaborations de certains "modèles" religieux, en vue d’évaluer l’impact identitaire des choix iconographiques en Amérique latine (et dans la Caraïbe) entre la "Conquête" et aujourd’hui.

Elisabeth CUNIN

Du métissage au multiculturalisme: quelle définition du rapport à l'autre? Réflexions à partir de l'Amérique latine

Dans sa nouvelle Constitution, adoptée en 1991, la Colombie se définit comme une nation pluriethnique et multiculturelle, offrant ainsi un cadre aux revendications et mobilisations fondées sur la référence à l’appartenance ethnique. Une série de mesures législatives (concernant l’éducation, la participation politique, la propriété des terres, etc.) scelle ainsi la sortie de l’ "invisibilité" de la population "noire", désormais qualifiée d’ "afrocolombienne". Pourtant, la Caraïbe colombienne est, en grande partie, restée à l’écart de ce processus de reconnaissance de la diversité nationale. Si une telle marginalisation renvoie tout d’abord à la nature même des politiques multiculturelles mises en place (inscrites dans une logique culturelle, politique et territoriale propre à la région du Pacifique), elle interroge également la forme prise par les relations socio-raciales et le cadre normatif d’appréhension de l’autre dans la Caraïbe colombienne. L’échec du multiculturalisme nous invite à analyser ce métissage, traditionnellement associé à la Caraïbe, qui semble s’opposer à toute définition figée et a priori des catégories identitaires. Incarnant un nouvel américanisme, le métissage a souvent été pensé, en Amérique latine, en termes d’harmonie et d’homogénéité, notamment dans son opposition avec le modèle dual des Etats-Unis. Pourtant, l’exemple colombien nous montre qu’il est avant tout un mode de gestion de l’altérité, qui n’empêche ni les essentialismes raciaux, ni les hiérarchisations sociales.

Raphaël CONFIANT

Le mythe du chabin en Martinique, en Guadeloupe et en Haïti

Le terme de "chabin" ne figure pas dans les différentes nomenclatures raciales établies entre le 17e et le 19e siècle dans les colonies françaises des Antilles, notamment dans l'ouvrage célèbre de Moreau de Saint-Méry. Il est également absent des textes littéraires de cette période, qu'ils soient en français ou en créole. C'est là une chose étonnante quand on sait à quel point il est utilisé de nos jours. Nous nous pencherons donc, dans un premier temps, sur l'étymologie de ce terme et le positionnement qu'il désigne sur l'échelle pigmentocratique de la société d'Habitation. Puis, nous interrogerons l'imaginaire qui entoure la figure du chabin au niveau de l'oraliture (contes, chants, etc.), d'une part, et de la vie quotidienne de l'autre. Enfin, nous tenterons d'expliquer le pourquoi de la déracialisation de ce terme dans la société actuelle et ce que ce phénomène signifie quant à la stabilisation du métissage en milieu créole.

Martine COADOU

Identité métisse ou identités multiples? Quelques éléments de réflexion sur l'identité martiniquaise

Comment se construit l’identité individuelle? Intègre-t-elle l’identité collective et culturelle? Et quelle identité culturelle? Ce sont ces questions que nous aborderons ici.

La personnalité métisse est par définition issue d’au moins deux cultures, souvent plus. Comment peut-elle se construire et sur quelle base? L’identité martiniquaise est spécifique du fait de l’origine multiraciale de son peuplement et de son histoire. Les apports successifs de populations arawak, caraïbe, européenne, africaine, indienne… ont créé une multitude de phénotypes. Ce métissage continu depuis l’origine a-t-il produit une identité métisse propre au Martiniquais, ou chaque Martiniquais a-t-il construit sa propre identité en fonction de son ascendance? Pour essayer de répondre à cette question, nous reviendrons sur la formation de l’identité individuelle, collective et culturelle, et nous verrons si l’on peut parler d’identité métisse en Martinique.

Chantal MAIGNANT-CLAVERIE

De l’Elu à l’Exclu: Le métis à la Martinique

Toute l’histoire de la colonisation des Antilles s’articule d’abord autour de la conquête de l’espace et des populations insulaires, puis de la subjugation des masses humaines importées d’Afrique. Entre ces deux moments de l’histoire dont le premier est le temps de l’aventure outre-mer, avec ses défis, ses dangers et sa gloire et le second, celui de l’invention de la politique coloniale avec ses infamies, ses compromissions et sa honte, il existe une parenthèse (un hors temps) existentielle qui voit l’avènement et la chute du créole absolu, le métis, perçu comme un messie s’opposant moralement, politiquement et ontologiquement aux normes et aux codes d’un occident grand arpenteur d’un monde à cadastrer. La Martinique est sans doute l’île où l’itinéraire de cet enfant, désiré par une ligne paternelle métamorphosée par le passage des Açores, puis rejeté par une maternelle patrie illuminée par la blancheur immaculée de ses conceptions religieuse et morale, peut être le plus facilement observé et analysé.

De son élection dans une société d’habitation où le père, blanc et libre, l’inclut dans un projet de civilisation en lui léguant un nom, une histoire et un patrimoine, à son éviction d’une société de plantation où le Code noir imposé par la France l’exclut en tant que personne libre tout en néantisant sa citoyenneté, le métis est confronté à l’impuissance absolue, sarcastiquement contenue dans le mot "mulâtre" qui le désigne et le caractérise désormais. Confronté à l’impossible construction identitaire (car désormais tous ses efforts et toutes ses luttes se fracassent contre la ligne infranchissable des races) le métis-mulâtre sera l’objet des investissements fantasmatiques les plus contradictoires et ses représentations successives, dans la littérature, seront le reflet de son évolution sociologique. Dépassant le strict enfermement racial et les classifications secondes, le mulâtre envahit la sphère sociale et politique en reposant la problématique de la lutte des classes. Mais si l’histoire coloniale renvoie à l’engagement stratégique et douteux du mulâtre se battant pour sa réinsertion personnelle et égoïste dans le monde des humains, la poétique post-coloniale propose une issue ontologique au métis qui, dans le brouillage des origines, s’inscrit dans une réflexion sur la dualité de la condition mortelle. Dans une histoire de civilisation, le métis, représentatif de l’évolution positive des sociétés, exclut donc le mulâtre comme avatar scandaleux de la rencontre interculturelle et inter-raciale.

Gérard POLICE

Le corps brésilien

L’existence même d’intitulés d’ouvrages de large diffusion où "métis" est accolé à Brésil dispense de la démonstration. Une société s’est construite sur le continent américain, dont le fondement repose sur le métissage. Un chercheur évoluant dans l’univers brésilien est en permanence installé dans du métissage. A l’extrême, ce n’est plus la nature métisse de la société brésilienne qui est perçue, mais les zones où cet état naturel fléchit et cède face à des pressions contraires.

Au-delà de ce préambule élémentaire, la complexité et l’ampleur de la matière nous laissent hésitants sur le seuil à franchir. On s’oblige à réduire le choix à deux parcours: la recherche et l’analyse des faits et phénomènes dans une approche très balisée, circonscrite et ciblée, ou bien la réflexion d’ampleur sur des courants et des tendances à l’échelle de l’ensemble lui-même.

La version brésilienne du métissage a trouvé en son temps une transcription à succès à travers l’expression de "démocratie raciale". La formule a été depuis longtemps dénoncée et évacuée des modèles les moins simplistes sur la société brésilienne. Il en reste pourtant quelque chose, qui renvoie au degré premier du métissage: le rapport sexuel. La survalorisation de rencontres sexuelles entérinées et incorporées pseudo-scientifiquement au patrimoine national depuis Gilberto Freyre se traduit par le surinvestissement de nombreux territoires d’un espace métissé global à l’aide d’une gamme de faits socioculturels où le "culte du corps" sublime et métaphorise de multiples tiraillements et antagonismes autrement irréductibles.

Les deux parcours évoqués plus haut deviennent consubstantiels, en un aller-retour continuel entre, d’un côté l’anecdote et l’actualité, de l’autre les logiques des rapports de production et de pouvoir d’une société qui fut coloniale au-delà de son indépendance.

ATELIER III: MÉTISSAGE DES LANGUES

Coordination: Jean BERNABÉ

Daniel BARRETEAU

Le français d'ici et d'ailleurs: une langue mixtifiée

Dans le titre de la communication, sans que cela soit explicite, il va de soi que l'ici devrait se confondre avec le maintenant, et donc, étant maintenant et ici en Martinique, je devrais opposer le français de la Martinique, des Antilles ou des Départements français d'Amérique, à toutes les autres variantes du français, caractérisées comme relevant de l'ailleurs. Mais je préférerais que la problématique se déporte en fait sur la question de la normalisation du français, et donc en fait sur la question du "bon français" opposé à tout ce qui lui est périphérique: variations individuelles, dialectales, régionales, sociolinguistiques...

Aucune langue vivante ne peut être considérée comme "pure", ni diachroniquement, ni synchroniquement. Il en va ainsi du français qui a considérablement évolué au cours de son histoire. Si le "français standard" a intégré un certain nombre de particularités, concernant l'outre-mer, il s'agit essentiellement de réalités exotiques du milieu naturel. Très peu de spécificités langagières sont finalement passées dans le "standard français", comme si l'exotisme ne pouvait pas entrer dans la francophonie, comme si la francophonie ne savait pas être plurielle.

Si les particularités régionales sont acceptées localement et régionalement, elles ne sont pas intégrés dans l'écrit et dans l'enseignement et donc ne comptent pas dans le "français normé", d'ici et d'ailleurs. Il y a pourtant de nombreuses particularités régionales qui mériteraient d'être prises en compte, ne serait-ce que dans une perspective de pédagogie contrastive.

Pedro UREÑA RIB

Le lexique du métissage dans la Caraïbe et l’Amérique latine

La communication présente une étude sur la dénomination de l’être humain chez deux écrivains de la Caraïbe, particulièrement impliqués dans la quête de l’identité: le Martiniquais Raphaël Confiant dans son roman l’Allée des soupirs et le Dominicain Rafael Moscoso Puello dans le recueil épistolaire Cartas a Evelina du début du XXème siècle.

Cette étude lexicale sera contrastée,

  1. d’une part, au lexique du métissage (négritude, racisme, créolité–générale) en l’espagnol, en français et en portugais (nous n’aborderons le créole à base lexicale française que de manière collatérale) que nous avons pu recueillir au cours de nos recherches sur l’analyse du discours et identité dans la Caraïbe
  2. Et de l’autre, au concept d’hypo et hyper dépendance qui norme les tendances de l’identité dans les différents pays et régions de la Caraïbe et de l’Amérique latine vis-à-vis de la population d’origine africaine.

L’exposé sera accompagné d’une projection de diapositives pour illustrer les tendances majeures des groupes lexicaux correspondants évitant ainsi la longue énumération d’un lexique fort riche.

Corinne MENCÉ-CASTER

L’expérience littéraire comme lieu d’un tressage des langues : de la langue d’écriture à l’écriture de la langue.

Considérant l’expérience littéraire comme un lieu de réinvention de la langue, nous chercherons à montrer, à partir de l’analyse de certaines pratiques d’écriture caribéennes et américaines, que nombre d’écrivains qui prônent le métissage culturel, s’arrogent le droit de "métisser" la langue pour la rendre plus conforme à l’expression de leur identité. Ce faisant, ils recréent la langue véhiculaire en l’écrivant selon des modalités propres que nous tâcherons d’examiner et de mettre en lumière.

Nadève MÉNARD

Littérature et musique haïtiennes: Cosmopolitisme ou amalgame? Métissage ou aliénation ?

En ce qui concerne la production culturelle haïtienne, le métissage se manifeste de différentes façons, allant d’une imperméabilité de l’identité haïtienne et un refus total de l’autre à l’adoption du langage et de l’apparence physique de l’autre.

Dans le domaine littéraire, l’identité haïtienne semble être assez strictement délimitée en ce qui concerne les rencontres avec les étrangers, surtout dans la littérature produite à l’intérieur même du pays: il y a des personnages haïtiens et des personnages qui ne le sont pas et ils sont tous clairement identifiés. (On n’a qu’à penser à ce qu’on appelle les romans réalistes ou ceux écrits durant l’occupation américaine, ou à un texte récent comme Bicentenaire.)

La situation diffère un peu quand il s’agit des œuvres produites en dehors d’Haïti, par des auteurs tels Edwidge Danticat, Dany Laferrière, Emile Ollivier ou autres. Il y a plus de perméabilité dans leurs textes entre l’identité haïtienne et celles qu’elle côtoie, bien qu’on soit toujours loin d’une quelconque vénération de la figure même du métis. Ainsi, le phénomène observé dans la littérature haïtienne donnerait à croire que l’art produit en Haïti reste assez fermé aux étrangers.

Mais un inventaire rapide des groupes musicaux évoluant en Haïti ces dernières années montre bien que tel n’est pas le cas. Outre l’émergence des groupes dits "rap" ou "ragga" depuis les années 90, on a vu une augmentation de groupes utilisant des paroles en anglais, même quand les chanteurs ne sont pas anglophones et que les musiciens habitent et ont toujours habité Haïti. En fait, les tous derniers groupes "konpa" ont pour la plupart des noms en anglais, ou des variations du genre: "Take Off", "Back Up", "Dream Konpa", "Krezi", "Hangout".

Comment peut-on alors comprendre que la rencontre entre les cultures s’opère de façon aussi différente dans ces deux domaines artistiques? N’existe-t-il aucun rapport entre la littérature et la musique? Est-ce que ces deux formes artistiques s’adressent à des populations nettement différentes? Ce clivage artistique, est-il représentatif d’un clivage social? Qui décide de quel métissage?

Inga SABINE

Métissage de langues dans le paysage commercial.

Aujourd’hui en Martinique, la graphie du créole, en dépit de volontés de normalisation, demeure intuitive pour la majorité des créolophones. Pourtant, le fait qu’une langue ne soit pas standardisée n’empêche quiconque de vouloir la parler ou de vouloir l’écrire. Par conséquent la légitimité d’écrire le créole n’est pas réservée aux seuls spécialistes de cette langue.

La publicité dans ses stratégies de communication utilise volontiers ce code, ou pour toucher une cible, ou en fonction du produit. C’est cet usage de la langue qui nous intéresse. En effet, si le langage publicitaire se joue des normes, ou simplement joue avec la norme, quels sont les phénomènes de graphie en l’absence d’une norme officielle? Est-il possible d’extraire une norme du créole d’un corpus constitué d’écrits issus du paysage commercial? Et puisque la publicité est interaction avec un public, quelle est la réaction du public face à la variation graphique de cette langue?

Pour pouvoir étudier l’intuition de la graphie du créole dans le paysage commercial, nous avons privilégié les enseignes d’entreprises, petites et moyennes. Le choix de ce corpus, constitué à partir d’un annuaire téléphonique, est venu de l’idée que les chefs d’entreprises (dont font partie les artisans) ont choisi eux-mêmes le nom de l’entreprise qu’ils faisaient naître. Par conséquent, la "couleur créole" qu’ils souhaitaient donner à leur affaire serait plus ou moins proche, morphologiquement ou phonologiquement parlant, du créole ou du français. Nous parlons de "couleur créole" pour ne pas porter un regard correcteur sur les énoncés produits. Ceci nous paraît être un moyen efficace pour étudier la variation de l’écrit créole, car celui-ci serait issu des représentations qu’ont ces locuteurs ou non locuteurs de la graphie du créole.

Par la suite, nous avons enquêté auprès d’un public varié. Les personnes enquêtées devaient donner leur avis sur la graphie de noms d’entreprises extraits du corpus, proposée par les chefs d’entreprise, et proposer à leur tour une graphie qui leur semble plus "correcte". La question, en deux temps, sur la "nature" de l’énoncé (en créole, en français, ou les deux mélangés) a permis d’observer une certaine tolérance vis-à-vis de la norme du créole.

Nous voulons montrer au travers de cette communication, que la réflexion sur la normalisation de la graphie du créole peut se nourrir des représentations d’autres scripteurs que les linguistes ou les écrivains. Nous avons pu observer que cet "exercice" a été bien accueilli par les enquêtés, qui ont réfléchi volontiers à ce problème de graphie. Ceci voudrait-il dire que l’acceptation du passage à l’écrit peut se faire par d’autres voies que la voie didactique?

Malvina BALMES

Réflexions autour de la représentation théâtrale du conteur créole.

Les réflexions, dont il est question dans le titre, s’inscrivent dans la préparation d’une thèse de doctorat en anthropologie sociale sur les liens entre théâtre, mémoire et identité à la Martinique. Comment le théâtre, à la Martinique, s’inspire-t-il et permet-il de nourrir des représentations du passé, qui elles-mêmes participent aux processus de construction identitaire ? L’histoire, la mémoire, la tradition sont autant de catégories dans lesquels des dramaturges, des metteurs en scène, des troupes, amateurs ou professionnels, puisent des éléments qui leur permettent de créer des situations, des personnages, des décors et de poser des questions qui taraudent la société.

Cependant, il ne s’agira pas ici d’un exposé des analyses faites à l’issue du travail de terrain, mais plutôt de partager un récit d’expérience. Celui-ci permettra de mettre en lumière comment les questions suscitées par le sujet de recherche évoluent à mesure que l’apprentissage et l’exploration de la relation anthropologique se densifient. Travailler sur le théâtre - et l’art de façon générale - nécessite un regard sur ses propres émotions, ses propres motivations - l’anthropologue et le spectateur faisant corps.

Ainsi, loin d’être une réflexion sur le concept de métissage, cet exposé veut toutefois apporter une contribution aux questionnements sur les frontières entre soi et l’autre, le dedans et le dehors, et la relation, point de départ possible de l’échange et du changement. Etant métropolitaine aux Antilles françaises, ces frontières paraissent à la fois infranchissables mais jamais très nettes, souvent chargées d’ambiguïtés.

Au-delà de "l’observation participante", c’est l’expérience de l’écriture qui oblige ce retour sur soi-même. Ainsi résonnent les chants, les mots, parlés, dansés, regardés, écoutés qui ont nourri la relation : ensemencement! Comment résister à l’envie de la fiction? Et les modèles où l’expérience ethnographique et la littérature se mêlent ne manquent pas en Martinique. On peut citer à titre d’exemple: Edouard Glissant, Ina Césaire, Patrick Chamoiseau, Raphaël Confiant… Très vite alors, les trompettes de l’académisme français sonnent le rappel: il ne faut pas mélanger les genres! Mais comment choisir 

Fathallah DAGHMI

Le vécu du métissage : regards journalistiques.

Le métissage est un des thèmes transversaux qui caractérisent les médias en Martinique. Il est présent dans le traitement quotidien de l’actualité. Il est également le résultat de représentations des journalistes dans l’espace privé. Quel regard les journalistes portent-ils sur le métissage et de quelle manière cette perception se manifeste-t-elle dans le traitement médiatique de l’actualité?

Le journaliste, au même titre que les autres acteurs de la société martiniquaise, est un acteur qui se pose des questions identitaires dont le métissage est l’une des principales composantes. Même dans ses rapports sociaux informels, il est médiateur d’opinion qui véhicule une certaine vision du métissage. Le journaliste a aussi un rôle social particulier et supérieur aux autres compte tenu de la nature de sa fonction sociale qui "met en scène" ses représentations.

Il s’agit, à travers des témoignages recueillis lors d’une enquête sur le terrain, d’éclairer le regard qui caractérise la profession journalistique. L’objectif est d’exposer puis d’analyser le discours d’une quinzaine de journalistes martiniquais sur le métissage.

ATELIER IV: Métissage et mondialisation

Coordination: Jean-Claude WILLIAM

Alexis NOUSS

Du métissage comme identité cosmopoléthique

Notre mondialisation, que sa nature soit réelle ou discursive, se distingue des mouvements de globalisation antérieurs en ce qu'elle n'offre aucun processus de subjectivation, aucun critère d'identification ou d'appartenance. Par ailleurs, à l'échelle de l'état-nation, des valeurs politiques fondatrices telles que citoyenneté ou démocratie affichent de sérieux signes d'usure.

Face à une telle vacance, la notion de cosmopolitisme regagne une faveur spéculative en abandonnant sa teneur universalisante abstraite et élitiste pour s'exposer à la diversité concrète des sociétés contemporaines. Un vivre-ensemble, polis, dans un monde unifié, cosmos. Un cosmopolitisme fondé sur une éthique de la multi-appartenance qui est le propre du métissage dès lors qu'il quitte sa définition anthropologique et acquiert une légitimité socio-politique. Le cosmopolitisme se pose en idéal pour tous et le métissage en est sa traduction pour un sujet en son histoire et sa géographie.

Maurice BELROSE

Le métissage dans le roman vénézuélien: facteur de désordre ou d'intégration nationale?

Le métissage biologique et culturel est une donnée fondamentale pour comprendre les sociétés caribéennes et latino-américaines. Et pour mieux comprendre la nôtre en particulier, il est important de connaître l’histoire politique, économique, sociale et culturelle de l’Amérique Hispanique, dans la mesure où c’est dans les colonies espagnoles d’Amérique qu’a pris naissance et s’est développé le système colonial esclavagiste que la France implantera à partir de 1635 dans ses possessions.

Le Venezuela, pays à la fois sud-américain et caribéen, est l’une des nations les plus métissées de toute l’Amérique Latine. Et c’est tout naturellement que les romanciers ont fait du métis – singulièrement du Mulâtre – un personnage récurrent au statut ambigu, partagé entre le monde des Blancs et celui des Noirs – ou des Indiens –, considéré par certains comme un facteur de désordre, et par d’autres comme un facteur d’intégration nationale.

L’analyse d’un certain nombre d’œuvres romanesques de la première moitié du XX e siècle permettra de le constater et de se rendre compte en même temps que la vision du métis change selon que l’action se déroule à la ville ou à la campagne.

Georges VOISSET

D’où tirent les canons à métisser? La Global Beauty, un métissage du 3 e type?

Bien exploré comme "mythologie" en 1998 (R. Toumson, Mythologies du métissage), il ne faut pourtant que quelques années au métissage pour se voir affecté d’une Histoire: N. Schmidt, Histoire du métissage, 2003. La première de réflexion proposée dans cette intervention concerne la dimension euro-afro-américaine dans laquelle a pu se produire cette convergence de deux reconnaissances contradictoires (ici dans le contexte de la Francophonie).

On pourra procéder d’un simple constat: les pages Web consacrées à l’association métissage + Asie sont insignifiantes. Il est significatif, à cet égard, que le dictionnaire de F. Laplantine et A. Nouss inclut une Europe, une Afrique, des Amériques (latines), des (littératures) caraïbes, mais ni Asie, ni Chine, ni Japon, ni Inde – ni même Indochine – un nom pourtant assez porteur d’un destin métis à tant d’égards exemplaire. Mais indépendamment de cet exemple, il apparaît que ce qui est souvent implicitement à l’œuvre dans le peu de communication entre les discours occidentalistes et orientalistes actuels sur le phénomène du métissage tient non seulement à la nature des objets observés sélectionnés, mais au moins en partie aux modalités de répartition des savoirs "orientalistes" et "occidentalistes". Ce qui a renforcé un clivage : est métis, sous le regard occidentaliste, ce qui relève de la discontinuité, du hiatus fondateur – l’américanité – alors que le couplage Orient/Occident renvoie autant à une indescriptible complémentarité (de qui ?) qu’à un indescriptible spectre du continuum. Aux uns, Segalen, la pensée de la différence, l’irréductibilité des entités du composite. Aux autres, la pensée de l’un, du syncrétisme, de la dilution dans l’entropie, tandis que pour les orientalistes, à l’inverse, ce même continuum est fragmenté à l’extrême pour être pris supposément dans son "authenticité" (cf. E. Said, S. Dovert). Dans ce contexte, les métissages "orientaux" ne deviennent visibles qu’au moment où certaines radicalités procèdent au "démétissage" forcené des traditions millénaires, au prix du sang de leurs conteurs traditionnels – (lieux malais où s’évoque aujourd’hui, à ce propos, le nom de Glissant?...). La "pensée métisse", récemment, a entrepris de combler ce clivage: cf. S. Gruzinski,1999.

Je me propose d’étudier, dans ma communication, quelques aspects de dé/remétissages actuels qui interpellent le discours occidentaliste: situation des "Chindians" de Singapour au regard des Eurasiens (qui évoque celle des Dougla: cf. S. Puri, The Caribbean Postcolonial, 2004), reconstruction identitaire des Kreol Melaka (Créoles de Malacca), comme cas de (dé ? re ?)créolisation. En dernier lieu, je m’interrogerai, via les blogs, sur la question qui agite indistinctement "Black Beauties", "Bollywood" Beauties et autres: celle de la venue de la "Global Beauty" dans le marché fabuleux des technologies de ce que l’on peut nommer l’autométissage, pour le distinguer du "métissages de soi" (et qui n’en est que son contraire) : l’Asie orientale est-elle susceptible en effet de récupérer à sa façon, sur ce nouveau lit de Procuste, en l’inversant à son avantage et "sans complexe", le travail des corps "sur fond de blancheur" ? Faut-il voir dans ces efforts technologiques actuel le prochain relais asiatique de l’entropie du Divers ; ou, à l’inverse, une nouvelle tentative de réalisation, par l’autre bout, du vieux rêve impérial d’Alexandre de concorde universelle par des corps enfin tous acceptés / acceptables?

En 1421, la Chine découvrait l’Amérique…

Jean-Pierre GUENGANT

Migrations – diasporas et métissage: réflexions sur le futur

L’accélération de la mondialisation au cours des vingt dernières années s’est accompagnée d’une accélération des migrations à l’échelle planétaire. Ainsi, aujourd’hui, la plupart des pays sont à la fois des pays d’immigration, d’émigration et de transit. Le brassage correspondant des populations est-il annonciateur d’un métissage planétaire, au sein du village global annoncé par MacLuhan en 1963? Rein n’est moins sûr. En effet, les difficultés d’intégration rencontrées par les migrants du Sud et leurs enfants, la stigmatisation des migrants clandestins, la facilité de voyager et de maintenir via les TIC des contacts permanents avec le pays d’origine, sont autant de facteurs facilitant la constitution de diasporas ethniques ou transnationales, hostiles au métissage.

Les relations entre migrations internationales, métissage et diasporas sont d’autant plus complexes concernant les populations noires, qu’il existe plusieurs diasporas noires dont les modes de fonctionnement, la référence à l’origine – référence symbolique ou réelle, c'est-à-dire correspondant à un pays – sont très différents. Les diasporas "noires" issues de la traite transatlantique sont essentiellement dispersées entre le Brésil, la Caraïbe et l’Amérique du Nord. Elles sont plus ou moins bien intégrées, plus ou moins métissées, avec un rapport à l’Afrique plutôt symbolique. Les diasporas caribéennes issues de la vague d’émigration vers les "Métropoles" des années 50 à aujourd’hui, sont dispersées entre l’Amérique du Nord et l’Europe de l’Ouest. Leur rapport au pays d’origine est plus vivant, mais le retour au pays de ces émigrés et de leurs enfants est incertain. Les diasporas africaines qui sont en train de se constituer depuis une dizaine ou une vingtaine d’années, là encore en Amérique du Nord et en Europe de l’Ouest, gardent certainement des contacts plus étroits avec le pays d’origine avec des va et vient fréquents, mais il n’est pas exclu que ces communautés s’installent durablement au Nord, à côté ou avec les autres communautés noires, à côté ou contre les communautés maghrébines, moyennes orientales et asiatiques.

Par rapport à cette complexité, la communication proposée essayera de faire un point sur les trois grandes interrogations suivantes. Tout d’abord, quelle est la force, quel est le type des relations qu’entretiennent les diasporas noires des Amériques avec l’Afrique ? Ensuite, quelles sont les chances d’intégration au Nord, versus de retour au pays, des diasporas caribéennes et africaines récentes. Enfin, va-t-on assister, notamment en Europe, à la constitution de "diasporas black" (ou black-beurs) réunissant les enfants des émigrations caribéennes et africaines, revendiquant à la fois le respect de leur identité propre, une égalité des chances voire une discrimination positive, dans les sociétés d’accueil, s’opposant jusqu’à un certain point au métissage?

Mylenn ZOBDA-ZÉBINA

Une relecture des notions d’identité à la lumière de l’individualisme moderne : un exemple à travers le cas de deux sociétés caribéenne, la Martinique et la Jamaïque.

Quand on cherche à définir les sociétés créoles d’un point de vue sociologique, le terme identité apparaît immanquablement. Mais de quelle identité s’agit-il? Comment interpréter les revendications communautaires qui émergent sur le plan public de groupes se définissant soit sur un critère physique (la couleur de peau), culturel (la créolité, l’indianité pour ne citer que ceux-ci), politique (l’indépendance) ou religieux. Ces revendications caractérisent les sociétés modernes qui doivent faire face à une autonomisation croissante des individus comme des groupes. Cependant dans la Caraïbe, ces discours performateurs d’identité restent au cœur de la construction de la société, d’où leur récurrence dans les travaux sociologiques et anthropologiques portant sur la Caraïbe. Derrière cette quête identitaire se cache une interrogation sur le lien social, les individus cherchent encore et toujours ce qui constitue le lien collectif. Nous avons choisi d’analyser l’expression de cette quête identitaire – et implicitement du lien collectif – dans deux sociétés caribéennes, la Jamaïque et la Martinique par le filtre des musiques dancehall auquel est étroitement lié le rastafarisme.

La Martinique et la Jamaïque partagent des valeurs historiquement fabriquées qui encouragent l’analyse contrastive, dessinant les contours de deux modèles socioculturels différents que le dancehall et le rastafarisme mettent à jour. Le rastafarisme et l’expression dancehall font état d’une revendication communautaire distinct en Martinique et en Jamaïque. L’une, la Jamaïque, qui décrit une créolisation où la négritude est valorisée sur le métissage, le religieux sur le politique. L’autre, la Martinique, apparaît comme un modèle de créolisation où le métissage (physique et culturel) relègue la négritude au second plan (celui du discours), tandis que le politique éclipse le religieux. En Jamaïque les valeurs religieuses donnent à penser –à tort- que la société se maintient comme une totalité sociale, en Martinique le lien étant d’ordre politique ne subsiste qu’un ensemble de rapports de statut-classe, un couple hybride qui n’a guère de cohérence en lui-même et sur lequel se greffent les conflits de pouvoir et d’argent. On est donc en présence d’une revendication pseudo-holiste en Jamaïque, avec une collection d’individus unis par le partage d’un prédicat commun d’ordre religieux ; en Martinique la revendication est conduite davantage en termes de "reconnaissance", de "différence".

Le rastafarisme et l’analyse des textes de dancehall soulignent enfin la modernité de telles revendications. Elles expriment l’acculturation à l’idéologie moderne individuo-universaliste. Celle-ci est d’abord visible dans l’individualisation et la dissolution des "totalités partielles", dans les constructions objectivées par les uns et les autres pour tenter d’édifier un ordre social dispensateur d’un sens commun. Enfin, si dans les sciences sociales, l’identité est étroitement associée au "métissage", à "l’hybridation", à la "créolisation", l’exemple des sociétés créoles redonnent à ce concept sa juste place: il est un fait moderne qui exprime les stratégies de bricolage à vocation instrumentale dont procèdent les individus.

Bruno OLLIVIER

Représentations du métissage et mondialisation: visible et invisible, matériel et immatériel.

Le métissage peut être envisagé du point de vue du visible (le phénotype) ou de l'invisible (métissage culturel, représentations culturelles, systèmes religieux, etc.). Dans les deux cas, il renvoie aux représentations de l'identité que se forgent les sujets et les groupes d'eux-mêmes, et il est donc inséparable du récit que se construisent les sujets et les groupes de leur histoire, et de marqueurs qu'on nommera ici patrimoniaux, qui peuvent être matériels (bâtiments, monuments) ou immatériels (danse, cuisine, musique, pratiques institutionnelles en tout genre…).

Cette communication tentera de problématiser au plan politique et du point de vue de la communication et de ses outils les choix qui s'offrent à nos sociétés, en cette période de mondialisation des échanges et des transports, quant à la mise en visibilité des diversités. Elle s'attachera donc particulièrement aux politiques, examinées comme stratégies de communication. Elle envisagera les conséquences des choix politiques possibles (mise en visibilité volontariste / ouverture ou clôture / modes de légitimation / instrumentalisation / déni…) en s'appuyant sur quelques cas

 

 Viré monté