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Un rêve

José Le Moigne

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Joseph Zobel. Photo Christine Le Moigne.

Zobel

J’ai fait un rêve. Finalement assez proche de celui de Martin Luther King puisque je sais que le reproche va m'être fait de commencer ainsi. Au début, triste et solitaire, je suis dans une banale chambre d’hôpital. Normal puisque depuis l'été, je souffre d’un énorme épanchement de synovie dû à une chute dans l'escalier chez Michel à Lodève. Bizarre cette chambre d’hôpital! Elle ne ressemble à rien de ce que je connais. Tout est étrangement moderne et futuriste, mais d’une modernité semblable moi qui suis si peu sensible aux choses de la science à celle d’un laboratoire. Cela ne m’empêche pas d’explorer et de découvrir, par exemple, que telle batterie de plaques de verre montées en parallèle est en fait un appareil de radio. Pas de radiologie ni de radiothérapie, mais, tout bêtement, une banale TSF qui diffuse de la musique d’ambiance. Comme dans un ascenseur ou une grande surface. Soudain, je m’aperçois que pendant mes explorations un voisin de lit s’est installé et que ce compagnon n’est autre que Joseph, mon grand ami, Joseph Zobel. Jugez de ma surprise!

—  Dis-moi, Jo, pour combien de temps sommes-nous ici?

—  À ce que j’ai compris, pour environ quatre ans. C’est le tarif!

Nous sommes trois maintenant. Le guitariste du Bagad Kemper est venu me rendre visite. Il n’y a jamais eu de guitariste dans un bagad. Les bagadous sont des ensembles musicaux, un peu comme les fanfares de la Nouvelle-Orléans, pays créole je le rappelle, qui interprètent de la musique bretonne avec les instruments traditionnels de la musique celtique, cornemuses, bombardes, et batterie écossaise. Nous parlons musique et il me dit être en train de se détacher de son instrument. Curieux, moi-même pour qui elles étaient tout, il devient aussi très rare que je touche à une de mes guitares — j’en possède pourtant quatre. Pendant que nous parlons, tout le bagad s’installe dans la chambre qui, au début particulier et solitaire, se peuple maintenant de musiciens et de malades. Et voilà que le Cercle Celtique — les danseurs et les danseuses à l’exclusion des musiciens —, se met à danser pour Joseph un anter-dro aux couleurs du sud.

—  Comment des Bretons peuvent-ils connaître les danses de ce pays.

Je comprends qu’il parle des Cévennes.

—  C’est qu’il a dû être celtisé il y a très longtemps.

Une fois l’explication donnée je me lève pour pisser. Joseph m’engueule. J’ai uriné auprès de ce qui n’est pas une cuvette mais quelque chose qui tient lieu, cette fois encore, de laboratoire avec des instruments de mesure partout. J’ai les godasses pleine de boue car, dans cet étrange lieu, pour aller aux toilettes — comme pour se protéger d’on ne sait quelle contamination — il faut d’abord passer par un bac de terre. C’en est assez, je me réveille dans un sursaut brutal.

Créolité me dites-vous?

Qui sait….

José Le Moigne

Nuit du 12 au 13 septembre 2007.

 

 Viré monté