Matins sans bruit
hormis le cri
aigu des courtilières
derrière le potager

Jour après jour
dans la prunelle des agoutis
les longues barques du passé
pénètrent à contre jour

Avec nous
dans des colonnes d'ombre
l'enroulement tardif
d'une vipère d'eau

La chanson aigre-douce
chantée à contre-jour
par une femme noire
dont le parfum persiste

Les rues surtout
boueuses comme il se doit
dans ce pays mouillé
où l'on m'a déposé

Disparues à jamais
les fontaines moussues
l'écluse du lavoir
le rire des blanchisseuses

délicates et frangées
les nappes de l'autel
les fleurs de Marie
les fêtes patronales

Mais la pluie
la pluie affirme
qu'il ne se passe rien
dans tout ce qui l'entoure

De jour en jour
ainsi que des guerriers massaïs
la sagaie à la main
l'alignement des peupliers

Ne te joue pas de mes saisons
mourir est acceptable
si on a comme l'arbre
justifié son enfance

José Le Moigne
Anzin
1997

 Viré monté