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Montfaucon

José Le Moigne

 

 

 

 

 

Photographie© Christine Le Moigne-Simonis.

J'ai  65 ans aujourd'hui et comme tous les matins, tragique rémanence de mon passé d'esclave, je me suis réveillé hanté par le gibet de Montfaucon. Corps en guenilles livrés à la morsure du vent, du froid et de la canicule, à la voracité des corbeaux, des corneilles, et même à celle des goélands qui viennent jusqu'ici prendre part au festin, orbites évidées face à un océan à jamais refusé, squelettes cliquetants sur la plaine et la ville comme de funestes appeaux. Je fais depuis toujours partie de cette confrérie. Criminel? Peut-être… Je suis homme après tout. Innocent? Sans doute… On ne crie pas obstinément contre le vent sans s'exposer aux mains du tourmenteur. Être branché à Montfaucon est pire que d'être cloué en croix. Ici pas de remords ni d'espérance et surtout pas d'orgueil. Nul lys, nul bleuet, aucune humble fougère - et je ne parle pas des anthuriums - ne poussera jamais sur le terreau noirci où vos restes pourris ont fini par tomber. Nulle main charitable ne roulera sur vous la pierre du tombeau. On ne meurt pas à Montfaucon. On se fond dans l'oubli. Et peu importe ce que vous fûtes … 

José Le Moigne
7 janvier 2009

 Viré monté