Potomitan

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Annou voyé kreyòl douvan douvan

Chalvet 1974

Sa ki ka manjé zé pa konnet doulè tjou poul !

Kounta

Tous les médias de la Martinique narrent les évènements de Chalvet de 1974. En effet, un conflit dans le monde de la banane est à l'origine d'un drame. Il y a trente ans, sur l'habitation Chalvet,les travailleurs en grève demandaient une petite augmentation de cinq francs au patronat des blancs créoles (békés).

Ces ouvriers piteux malheureux, minables, misérables, miteux, pauvres, pitoyables étaient déterminés et opposaient une résistance âpre face à la surdi-mutité inhumaine des puissants planteurs créoles riches. Comment ne pas se rappeler la fable de Jean de La Fontaine «le pot de terre et le pot de fer». Sé vyé moun-lan té ka di: «Ravet pa janm ni rézon douvan poul», les cafards n'ont jamais raison devant les poulesou «la raison du plus fort est toujours la meilleure».

Les gendarmes tiraient à balle réelle et les hélicoptères lançaient d'en haut des gaz, vers les réclamants. Ce différend s'est soldé par un mort et de nombreux blessés dans le camp des grévistes.

Prenons un moment la machine à remonter le temps… Nous nous trouvons à une époque différente de celle de 2004. Effectivement, les médias de masse étaient contrôlés entièrement par le pouvoir colonial en place. Les radios libres et les télés câblées n'existaient pas. La presse n'était pas aussi variée qu'aujourd'hui. La liberté et la longanimité n'étaient pas de mise à cette époque, pour le système en place. Les ouvriers, produits de la classe plébéienne, étaient des serfs noirs, de condition plus qu'humble.

Comment se faire entendre alors que depuis des siècles la sujétion et l'apeurement vous ont été inculqués dans la sphère de l'habitation? 1848 empreint l'année de la manumission, de la délivrance de la condition d'esclave, mais la réalité quotidienne était tout autre. Le pouvoir financier d'une frange puissante tenait toujours le pays dans une main de fer. Un déséquilibre social injuste, dans un pays portant les stigmates de l'asservissement gangreneux, fut l'élément ambiant de cette affabulation macabre et martiale du 14/02/1974.

Que peuvent faire des implorations contre des plombs ? Tout nûment, une exécution sommaire.

«Chalvet 74» n'est pas l'adversité la plus meurtrière, ni la plus violente dans l'histoire torrentueuse et calamiteuse de la Martinique. Notre glèbe s'est entachée de sang, le 14 février 1974, âgé de 55 ans, Ilmany Sérier Renor fut mortellement atteint par une mitraillade, cinq blessés furent nombrés.

Une tristesse cyclopéenne m'envahit quand je songe que ces ouvriers agricoles manipulaient des produits toxiques sans protection, avec une médecine du travail imaginaire qui équipollerait, pour ces parias, à un luxe illusoire. Ils ne possédaient pas de sanitaires pour leurs besoins, déféquant en se mettant à croupetons et se soulageant dans les champs comme des pécores. Les femmes, afin d'obtenir une journée de travail, subissaient le droit de cuissage du commandeur de l'habitation.

Le travail était écrasant et galère dans les plantations, les forçats devaient couper et charger des régimes de bananes sans campos: «Sé deyè travay ki ni travay!». Un continuum d'une époque sucrière ancestrale. Des mains de prolétaires tendues non pour mendigoter, mais pour réclamer un dû légitime.

Telle une épave échouée sur la grève de Chalvet, la dépouille de Georges Placide Marie-Louise fut découverte, le 16 février 1974. Il était seulement vieux de 19 ans. Ce jeune homme présentait un poitrail ayant servi de cendrier et un corps funestement blessé affectant son intégrité. Une jeune vie friponnée par les anonymes irrespectueux des droits. Certes, jadis il y eut beaucoup d'autres tueries, mais Chalvet est la plus récente et la plus présente dans nos souvenances.

L'amnésie rétrograde ou de conservation est une maladie, qui nous fait gésir nulle part.

«I ni bobo, i ni longan» Fodré pa nou ni lespwa malpapay ba péyi nou.

Lanmizè fè makak monté pyé zakasya.
Bèf kaka pou sali savann, sé tjou'y ki sal…
Asasen toujou pè kouto.
Dlo sal pa ka anpéché larivyè-a kouri.
Zyé krévé pa anpéché kok kontinyé goumen…
Sé moun ki pran kou ki sa paré kou


©Jean-Pierre Lauhon/kounta

boule

 Viré monté