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À l'occasion de la fête de Mahashivaratri :
Inde ô l'heure décalée

Jean S Sahaï

inde

Padma

Maïlie CARLOSSE-VRIENS, danseuse du groupe Padma de Petit-Canal, Guadeloupe.
Photo Jean S. Sahaï, 24 décembre 2008.

Inde ô l'heure décalée, du souvenir ancestral je commémore le sang, l'ancêtre le banni. J'implore dieux, déesses et dévas -- réconfortez celui qui jubilait mais qui découvre sous la beauté factice d'un corps donné en héritage des sévices enfouis, timidité transmise, docilité bafouée, et autres perditions.

Murmures qui ruissellent dans le sang hérité, oubli qui étincelle face aux parade d'autres, recel de l'histoire: forces qui jugulèrent  pour un candi de sucre, tranche de survivance, voyage et arrivée,  implantation en canneraie, déprédation de vérités originelles, mises  à sac de corps et âme, dates, chiffres.

Inde ô l'heure décalée, le siècle s'allongea et oublia la descendance qui naquit et prospéra en d'autres termes. Sauf que le gène, la peau, les traits, ô chevelure portée en biais contre les murs rasés, différence éhontée, tant qu'on en réchappait, donc que l'on enterrait  différence d'âme, souffle d'esprit.

Car sourds et simplifiés devinrent ces tambours qui se cachaient, clandestins résonant en sourdine et ne resta dès lors que l'essentiel et moins encore, ce désir de retour en terre-mère, invocations cassées nourries en cachette par l'encens qui montait, petit benjoin fumigant, fulminant loin de Ganga safran.

Inde ô l'heure décalée, tu nous revins mais nous avons écopé et  t'avons distribuée. Et nous t'offrons tous nos mélanges et nos  sauces. Par ta croyance, Mère du monde, accepte si ceux des anciens  tiens ne sont plus que les tiens: des rivières ont charrié nos sueurs en cannes, faisant de nous peuplade à rêves.

Mais tintèrent cymbales, respira matalon, tapous on réchauffa. Sublimés quoique oubliés, quoique visibles, sons de la langue des noms gardés, noms donnés, corps échangés, ce mélangé français, créole du parcours, tamoul pour samblanni, hindoustani nâdrons de nuit, tout  éclaté, parsemé en vents...

Inde ô l'heure décalée, nous te portons en nous, te recherchons en toi, ne t'ayant point connue, pourtant tu es la Mère. Tu es la terre. Tu es le lointain horizon, archétype tu restes, nos errements modernes tu partages. Tu viens à la rencontre: dis-le moi, combien de ceux qui s'envolèrent d'icîles renaquirent là-bas?

Jean S Sahaï.
8 mars 2006, inédit.

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