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Témoignage du grand estime

(Marie Flore Domond : Entretien avec Saint-John Kauss)

Constantin Stoiciu
Constantin Stoiciu.

Affectivement, lorsqu’on parvient à soustraire  LE RESPECT de L’ADMIRATION par le calcul émotionnel, on obtient invariablement L’ESTIME en équilibre.

L’équation du rapport entre Constantin Stoiciu et son protégé d’écrivain, Saint-John Kauss, s’évalue, elle, à grande échelle: celle d’une puissance au carré.  En fait, cette réciproque appréciation s’est établie depuis le début de leur rencontre passionnée, 1990. D’après la filière des publications qui remontent déjà à seize ans, la maison d’édition Nouvelle Optique venait de changer de mains pour s’ajuster en maison d’édition Humanitas en 1991. Depuis, l’escalade de la publication ne s’est pas arrêtée. Pages fragiles (1991), Testamentaire (1993), Territoires (1995), Territoire de l’enfance (1996), Paroles d’homme libre (2005), Le manuscrit du dégel (2006), Hautes feuilles (2007).

Une récente passation de pouvoir s’est produite. Cette fois-ci, la maison Humanitas concède un autre diapason de la co-édition manœuvrée par Manon Jodoin et Réal-Gabriel Bujold. Même si une nouvelle aventure attend désormais l’écrivain Saint-John Kauss dans les murs de la maison Humanitas, on peut croire qu’il est littéralement assiégé, sinon envoûté par le patronage de son ami Constantin Stoiciu, un être perspicace à l’esprit raffiné.

On peut qualifier votre rencontre avec l’ex-PDG de HUMANITAS de récit  enthousiasmant, n’est-ce pas?

C’était un jour de chance. Et je l’ai gardé. Comme à l’accoutumé, après mes heures de recherches d’alors à l’hôpital Sainte-Justine, je suis parti lécher les vitrines de la librairie Renaud-Bray, à la recherche d’un «je ne sais quoi» d’absolu, d’une évasion bien méritée. Et c’est ainsi que je me suis retrouvé à feuilleter la revue Humanitas Littéraire, dirigée par M. Constantin Stoiciu. J’ai alors noté son adresse pour lui envoyer des poèmes: Poème de l’Amérique et Poème de l’airosphère. Sa réponse fut brute et simple: Cher Monsieur, avez-vous un manuscrit? Et c’est ainsi qu’il a eu PAGES FRAGILES.

Le bilan de votre bibliographie jusqu’à date marque une fidélité absolue d’un éditeur envers un écrivain et vice versa. Quelle a été la grande force de la maison Humanitas selon vous?

La pré-sélection des ouvrages. M. Stoiciu avait avec lui et derrière lui toute une pléiade d’amis-écrivains. Cet homme ne se plaint jamais. Même malade, il est toujours de bonne humeur, sa cigarette à la bouche. C’est un brave type qui comprend très bien la vie. Donc pourquoi ne pas être loyal envers un tel phénomène?

Comment pourriez-vous évaluer l’héritage qu’un éditeur d’origine roumaine lègue à la littérature québécoise?

Heureusement que le gouvernement québécois s’est ouvert à Constantin, et j’en ai profité en tant qu’immigrant. J’ai amené M. Gary Klang à mon éditeur, mon jeune frère et vous-même. J’ai beaucoup lu de manuscrits de poésie, surtout d’haïtiens pour qui il me consultait. À ma façon, j’ai facilité la publication de maints auteurs d’origine haïtienne. Et en feuilletant le catalogue de la maison, vous pouvez ainsi apprécier la diversité des publications en matière d’immigration.

Considérez-vous le retrait de monsieur Constantin dans le monde de la publication comme une perte ou acceptez-vous sa décision comme étant une démarche progressive visant à faire place à la relève?

Ce n’est pas une perte puisqu’il est encore présent, paraît-il, comme conseiller. Constantin est probablement fatigué à cause de son âge qui progresse et les maladies qui s’ensuivent. D’autre part, c’est une sage décision visant, comme vous le dites, à faire place à la relève.

Pouvez-vous nous parler de la philosophie globale de l’homme des Lettres?

D’après ce que j’ai lu de lui (journaliste, essayiste et romancier) et en raison de nos vieilles discussions, c’est un être trop humain. Tous les artistes immigrants connaissent Constantin. Il négocie toujours à la baisse.

Êtes-vous appelés à perdre contact ou à consolider vos liens même à distance?

Il n’y a pas de distance qui tient entre Constantin et moi. On est et on sera toujours en contact, même dans l’au-delà.

Parmi tous vos ouvrages, l’éditeur Constantin  a-t-il eu un moment d’hésitation face à une de vos publications?

Je n’avais pas à «présenter» mes livres à Constantin. Il me fait beaucoup confiance. Je lui envoyais mes manuscrits à publier. Et il les lisait personnellement. Point d’hésitation. C’est un très bon conseiller. Il connaît bien le domaine de la littérature et de l’édition.

Vous considériez-vous comme un auteur-vedette parmi les autres auteurs qui ont publié également chez Humanitas?

Une équipe ne peut pas avoir que des étoiles. Il faut aussi des sous-vedettes. Ce que je fus et ce que je suis dans cette maison d’édition relève surtout de mes compétences et de mon attitude envers autrui. Je n’écrase pas mes semblables, pas même des adversaires (par jalousie) nichés dans l’ombre. Je préfère les ignorer.

Quels sont vos rapports avec les nouveaux dirigeants de PAGES BLANCHES?

Le même respect que j’ai eu pour Constantin. Ils sont mes nouveaux supporteurs en matière d’édition.

En tant que client de longue date, que souhaiteriez-vous que les nouveaux éditeurs conservent et / ou ajoutent à leur administration?

Le grand sourire de Constantin, les bras ouverts aux bons manuscrits, garder cette diversité d’auteurs qui  fit la force de Humanitas.

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Saint-John Kauss

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