Potomitan

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Territoires du soleil

Saint-John Kauss

à mon père

«terrasse sur l’abîme Terre….»
 (Paul-Marie Lapointe)

 

territoires sublimes ô territoires              vous qui cachez le simplifié et rejoignez l’absurde et le compliqué
vous vous souciez du mal et de la disparition des hommes aux semelles
de plomb
vous qui sacrifiez l’individu et le poète en libre échange
déshonorez enfants et femmes de bonne aventure
vous aux scaphandriers sans d’ailleurs ni d’ici
vous aux symptômes en spirales mobiles entre les fleurs
territoires de tous soleils aux syllabes de sauvage

je vous signale mon refus au sommet d’une feuille verte

 

sais-je point déjà que les rivages de l’orme et de ma solitude confessent à qui de droit mes adresses et ma faim infinie mes comptes en banque salutaires mes désastres mes possessions et sacrifices utilitaires

ne sais-je de mémoire qu’il faut battre la mer                   la faire parler de ses soucis d’outre-terre ses simulacres et amants cachés ses surenchères de naufrage ses matelots morts d’épuisement            de si simples contextes dans le siècle des hommes

 

visage redouté mais qui m’a protégé de l’abus du thé
et de mes promenades crépusculaires
homme au verbe haut
pour qui les femmes et l’écriture
sont des parenthèses harnachées
de tel et tel gestes de reconnaissance
abat-jour de l’icône trompée ou gant du lendemain
dans la déliquescence des morphèmes

Ô père de toute écriture

 

Sade du plus haut des maquis             prose sans maître tel le marteau transatlantique                   bougainvillier imperméable à chacune d’elles 

je te salue   

 

pour ne point oublier l’arche des amantes le missel des souvenirs ainsi que Ô mes saisons de forte écriture                   ô Rome des vieilles lougres de nuit animées de violoncelles                          ô Port-au-Prince des vieilles douleurs sous l’étale des abattoirs d’humains

 

d’elles mes belles-mères impliquées comme des obligations           femmes originaires de mille tribus appliquées au savoir d’aimer le jugulaire comme les arêtes de l’os

de lui j’engendre l’Irlandais de ma descendance et de mes pipes cassées            de ma poésie concoctée dans les vacarmes de l’Irlande

Ô Dylan Ô Thomas

 

poète de l’absolu réel de tout un peuple d’hommes lassés ingurgitant l’alcool l’absinthe l’hypochondrie de l’Empire des Mers
poète de la parole dénouée huit fois amibe sous le déluge des mots du pays de Galles

 

poète ô poète des rues et tavernes               fêtard galant aux soubresauts de Verlaine Saint-Aude et Carl Brouard          magicien qui chante dans la douleur des autres hallucinés                                    poète des poètes malheureux aux moindres plis d’une femme                         poète aux chants dorés sous la flexion des nuages

 

île martyre de l’ogre favorite aux mèches de cheveux sous les drapeaux                      ose de l’émail des mots parler du gaie et de la mer de l’ortolan et du passereau      brillant sultan catégorique à la natation du Christ

Ô homme de petites chevilles      
rebelle aux photos de souvenirs
apathique de tous quartiers fédérés
en quittance de double demoiselle jumelles sans gênes
de Dublin jusqu’à Tolède
à la recherche des Ars Poetica d’Horace

 

honneur au Prince des poètes vagabonds

 

tambour opaque qui surgit dans la nuit sans poils à peau de chèvre          tambours ô tambours des libertés possessives         tambours à petites cornes qui s’enflent de bonheur                     tambours des samedis meurtriers de carnaval    tambour ô tambour des vacarmes dans la chaleur des épluviers

 

feuilles neuves pour la mémoire et l’encrier de la courte et large page qui dit nos attitudes taciturnes d’ascète effronté aux minces cris des mortels de haut lignage
               graphique désordonné de poètes au thym réservés aux dames de belle compagnie et de bonne humeur

 

trille triomphale en floralies de rêves saccagés dans les ressacs du poète attentif                 villes triomphantes imaginées en aval et en amont de l’eau de source et de mer quotidienne

 

d’ici d’ailleurs des caravelles de mots aux nacelles serties de fous doux et de palmes            des fleurs qui battent la crécelle la mer pour les faire parler de naufragés heureux de suicidés amoureux de vierges infiniment cruelles

 

mais ouvre-toi à ma Ville
ouvre-moi à la vie des anonymes
des funambules et des trotteurs
au secret de l’animale caresse des orchidées
à la broderie unique et sans fin des territoires d’opulence

 

à l’Éternité de mes mots en couple du soleil

 

74, Sunny Ridge Lane
Andes, NY (Delaware County)
13731-2848, USA

Andes, Catskill Mountain (NY), août 2007

Viré monté