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Race à part

par Saint-John Kauss

Les Français émigrés en Nouvelle-France (les Québécois d’aujourd’hui) ont, sans honte, repris la plupart des métiers et occupations de leur pays d’origine. On compterait sur les doigts de la main le nombre d’Haïtiens qui accepteraient de tels compromis. Les Haïtiens sont, des fois exagérément, trop fiers d’eux-mêmes. Une fois de l’autre côté de la barrière, c’est-à-dire au-delà des rives haïtiennes, le plus faible d’esprit des Haïtiens se voit déjà PRÉSIDENT à son retour. Par les exigences d’un autre milieu et d’un nouveau continent, les Français passés au Canada  l’ont vu différemment. Bien que les anciennes activités fussent modifiées ou abandonnées peu à peu, ils ont su, pour le moment, garder l’essentiel de leur métier.

Ce sont: l’allumeur de réverbères, l’apothicaire, l’armurier, le boucanier, le bourreau, le bourrelier, la brodeuse, le brossier, le calfateur, le canotier-passeur, le cardeur, le carrier, le chandelier, le charbonnier, le charretier, le chaufournier, le chaumier, le ciergier, le cloutier, le cordier, le coutelier, le creuseur de tuyaux, la dentellière, la doreuse, la fabricante d’objets en cire, le faiseur de balais, le faiseur de cannes à marcher, le faiseur de cercueils, le faiseur de colle, le faiseur de fours à pain, le faiseur de jougs, le faiseur de métiers à tisser et de rouets, le faiseur de pelles, le faiseur de pipes de plâtre, le faiseur de raquettes, le faiseur de violons, le farinier et le meunier, la fleuriste aux fleurs artificielles, le flibustier, le garde-barrière, les hommes du guet, le lanternier, le maître de danse aux maisons, le manchonnier, le marbrier, la matelassière, le meneur de bac, le nettoyeur de rues, le palefrenier, les pompiers volontaires, le portefaix, le poulieur, les voiliers, la sage-femme, le saigneur de cochons, les scieurs de long, le taillandier, le tanneur, le tapissier, la tisserande, la tresseuse de ceintures fléchées, la tresseuse de chapeaux de paille, le violoneux, le vire-chiens, etc.

Demander à un haitien d’autrefois ou d’aujourd’hui d’exercer un de ces honnêtes métiers, il en dira long sur votre personne. Arrivés au Québec vers les années ’60, les Haïtiens étaient médecins, professeurs, avocats, prêtres, ingénieurs, mathématiciens, sociologues, historiens, infirmières, secrétaires, écrivains et journalistes, des professionnels exilés en Afrique, en Europe, au Mexique, au Canada et aux États-Unis.

Deux types d’immigration, l’un par bateau et l’autre par avion. Deux catégories d’homme, blanc et noir. Deux sortes de femmes, l’une descendante de griots et de l’Afrique des rois; l’autre, fille du Roi envoyée par mépris et pour le plaisir des colons. Deux mentalités à moralité distincte. Deux femmes tigées aux comportements différents. Pourtant, ce sont nos futures partenaires dans la vie intime ou administrative. Accueillons-les.

L’Haïtien, qu’on le veuille ou non, est une «race» à part entière. Ce n’est pas si facile d’être haïtien. Il est débordant de jalousie et d’amour. Il est souriant mais malheureux. Il est «politique» sans être un politicien. Il aime toutes les femmes, surtout la femme de l’autre. Il n’efface pas si facilement les aléas, et veut corriger la vie. Face à l’homme québécois, on dirait que le soleil s’est éteint. Certains se sont mis à ramper pour les quelques avantages à s’offrir; d’autres ont plutôt réhabilité les caractéristiques et l’optimisme de l’homme haïtien, aidé ce peuple à franchir le mythe de l’éternel espoir.

Dans les arts que nous connaissons mieux, combien de poètes québécois ont dédicacé leurs œuvres à des poètes haïtiens, et vice-versa? À part ceux des années ’60, les écrivains haïtiens ont été occultés, boudés, pour ne pas dire méprisés par leur confrère d’Amérique. Il est vrai qu’il y a Dany Laferrière qui est partout, Émile Ollivier qui était l’invité d’honneur, Anthony Phelps l’ami de Gaston Miron, Serge Legagneur de Michel Beaulieu, et Saint-John Kauss de Gilbert Langevin et Guy Maheux. Pour l’instant, c’est suffisant, nous disait Claude Beausoleil en riant.

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