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Le péché originel: Philologie et Sémiologie

Saint-John Kauss

Engiadina

Ardez, Deux immenses vignes du Paradis qui entourent l'arbre de la connaissance avec Adam et Ève. Photo F.Palli.

«Le savoir est un moyen de rencontrer Dieu.»
                                                                               (Saint-Augustin)

Il n’est pas du tout évident de comprendre un texte biblique et surtout le mystère du péché originel par soi-même. Ignoré de l’Islam et par d’autres religions anonymes, le péché originel, conté dans la Genèse, est par contre fondamental pour la théologie chrétienne. La Genèse, qui est représentée dans la Bible comme l’un des écrits du Pentateuque de Moïse, d’inspiration divine et conservée probablement sur papyrus, est, d’après certains, de source inconnue. Mais Moïse vivait à l’époque des Philistins et des Égyptiens de Ramsès, peuple évolué pourvu de structures administratives, architecturales et linguistiques les plus avancées. Dans la vallée de l’Euphrate, célèbre fleuve en Mésopotamie, lieu de naissance d’Abraham, semble être le site idéal de l’Eden  décrit par Moïse. Le premier couple, Adam et Ève, inscrit dans la Bible serait-il  symboliquement un clan ou un ensemble d’hommes (ethnie), comme le premier jour (ou le jour 1) serait la durée d’une période? S’agit-il des premiers hommes ou du premier clan d’hommes à avoir été punis par Dieu pour mainmise sur l’Arbre, ou s’agit-il d’une infidélité d’Ève, punition révélée par faveur à Moïse?

Si, selon la Genèse, l’homme est une créature dépravée et perdue à cause du péché, quelle est la nécessité d’un restaurateur?  S’il n’est pas faible et misérable, pourquoi est-il constamment invité à rechercher l’assistance et la consolation du Saint-Esprit?  S’il n’est pas né du péché et dans le péché, pourquoi la nouvelle naissance est-elle absolument nécessaire?  Pourquoi le Christ a-t-il déclaré, par des affirmations les plus solennelles, que sans elle, la renaissance, aucun homme ne verrait le royaume de Dieu?

Probablement, cette dernière déclaration de Jésus signifie que la réalité du péché est fondamentale dans la théologie chrétienne puisque le christianisme est une religion de rédemption. Mais cette réalité se trouve énormément influencée par des variations de l’opinion biblique concernant la nature du péché.  Puisque l’interprétation du récit biblique de la tentation et de la chute de l’homme a provoqué de vives controverses au sein de l’Église, faisons cas des attributs de l’historicité culturelle, de l’épistémologie comparative des situations et contextes,  de la sémiologie ou de la sémantique linguistique, de la philologie du péché originel, en tant que matières à réflexion à travers cet exposé.

LA CRÉATION, LA TENTATION ET LA CHUTE DE L’HOMME

Dieu créa le monde en six jours (ou six périodes). Au sixième jour, il créa l’homme, puis la femme,  pour dominer la Création (Genèse 1 : 26-31). Il modela l’homme dans la terre et lui insuffla vie (Genèse 2 : 7), puis le plaça dans le Jardin d’Eden au centre duquel se trouva l’Arbre de la Vie et de la Connaissance du Bien et du Mal (Genèse 2 : 8-9). Dieu interdit à l’homme de goûter les fruits de cet arbre (Genèse 2 : 16-17). Puis Dieu décide de donner femme à l’homme. Il le plonge dans un profond sommeil, et façonne une femme à partir d’une côte prise à l’homme.  Nus et sans nulle honte, l’homme et la femme étaient destinés à une éternité de bonheur (Genèse 2 : 21-25).  Puis vint le Tentateur qui poussa la femme à manger le fruit défendu pour être l’égale de Dieu (Genèse 3 : 4-5).  Elle mange du fruit et le tend à l’homme (Genèse 3 : 6). Et ce fut le début de la finalité de l’homme et de la femme en tant que couple d’excellence.

A. La tentation

Le récit de la tentation et de la chute de l’homme que l’on trouve dans Genèse 3, 1-24 est présumément un texte d’avertissement et historique à travers les âges, et de révélation inspirée de Dieu par Moïse. Certains parlent d’un récit allégorique, et d’autres d’un livre d’alchimie. De tels phénomènes comme le Jardin clôturé, l’Arbre sacramentel de la Vie, l’Arbre mystérieux de la Connaissance, paraissent l’unique commandition positive qui représentait la Loi toute entière. Le tentateur, sous la forme d’un serpent, et la garde enflammée de l’Eden perdu,  y ont été décrits. Ève avait consenti à participer à la pratique du Bien et du Mal. Le Bien est l’exécution des plans divins; alors que le mal est le défaut d’adaptation de ces plans, lequel conduit à l’inharmonie dans l’univers.  Caïn est-il le fils d’Adam?

a) Le jardin d’Eden

Il est dit que l’Éternel implanta un jardin en Eden, du côté de l’Orient, et il y mit l’homme qu’il avait créé (Genèse 2 : 8). Il y avait un environnement spécial, forgé pour donner à la première paire d’êtres humains le cadre nécessaire à une période de probation.

«L’emplacement possible était une longue péninsule étroite – presqu’une île – qui faisait saillie vers l’Ouest sur la côte orientale de la Méditerranée. Cette péninsule méditerranéenne jouissait d’un climat salubre et d’une température régulière. (…) Le rivage de la péninsule était très surélevé, et l’isthme qui la reliait au continent n’était large que d’une quarantaine de kilomètres à son point le plus étroit. Le grand fleuve qui arrosait le Jardin descendait des hautes terres de la péninsule, coulait vers l’Orient jusqu’au continent, et de là traversaient les basses terres de la Mésopotamie jusqu’à la mer située au-delà. (…)».

b) L’arbre de Vie

Au centre du Jardin, Dieu planta l’Arbre de Vie qu’Il avait si longtemps médité, dont les feuilles étaient destinées à «la guérison des nations» (Apocalypse 22 : 2), et dont les fruits l’avaient si longtemps fait réfléchir. Dieu savait bien qu’Adam, Ève et leur descendance, dépendraient de ce don pour subsister, se maintenir en vie (processus de repersonnalisation ou de restauration), pour être donc physiquement immortels.

Il est possible que «l’Arbre de la Connaissance du Bien et du Mal» (Genèse 2 : 9 et 17) soit une métaphore, une figure de rhétorique, une désignation couvrant une multitude d’expériences humaines, mais «l’Arbre de Vie» (Genèse 2 : 9; 3 : 22 et 24; Apocalypse 2 : 7; 22 : 2 et 14) n’était pas un mythe. Il était réel et fut pendant longtemps présent sur terre. Cette super-plante emmagasinerait certaines énergies de l’espace vierge et pur, antidotes des éléments; nous supposons qu’il s’agit des éléments et radicaux libres ainsi que des peroxydes, lesquels produisent la sénescence dans l’existence animale. Ce processus d’emmagasinement d’énergie naturelle s’appelle, dans le domaine de la physiologie végétale, l’assimilation chlorophyllienne. Le fruit de l’Arbre de Vie agirait comme une molécule d’accumulation de produits chimiques énergisants, libérant mystérieusement ou divinement, lorsqu’on le mangeait, la force prolongatrice de vie chez  l’homme sur terre. L’accès à cette source d’énergie leur fut désormais refusé à la suite de leur faute, de l’écart volontaire du droit chemin, de la violation du plan divin. D’où la garde de l’archange enflammé.

Cet arbre ne représentait pas seulement pour l’homme la transmission de la vie divine, mais rappelait aussi à l’homme qu’il était sous la supervision et la dépendance constante de Dieu. Le Dr Adam Clarke dit que l’Arbre de la Vie signifiait que l’homme devait continuellement  «vivre» à condition qu’il continuât d’obéir à son Créateur. Cet arbre représentait une connaissance du Bien et du Mal, non une connaissance du Mal par une expérience personnelle. Le commandement de Dieu, en ce qui concerne les fruits de cet arbre, était un rappel constant de la position de l’homme comme serviteur et intendant.

B. La chute

Le péché a commencé lorsque l’homme a séparé sa propre volonté de celle de Dieu, c’est-à-dire s’est détaché de Dieu. Le doute et l’ambition en sont la cause fondamentale. Douter, nous dit Saint-Augustin, «c’est croire implicitement à l’existence de la vérité et en désirer la connaissance». Le désir d’une connaissance légitime s’est transformé en désir d’une connaissance illégitime (Romains 7 : 7). Le péché de l’homme a eu des conséquences immédiates: la séparation d’avec Dieu, l’esclave de Satan, et la perte de la grâce divine. Par cette dégradation de son statut, l’homme a été soumis à une corruption physique et morale, ayant perdu la présence constante du Saint-Esprit. Dans l’optique de la création, l’homme a été constitué de façon à être une créature qui dépend de son Créateur et, par conséquent, un serviteur de Dieu. Pourtant sur le plan physique, l’homme était supérieur à toutes les créatures; et de cette façon, il était le seigneur de la Création (Genèse 1 : 26-31). Lorsque l’homme, dans cette position intermédiaire, a levé les yeux vers Dieu, Il s’est vu comme un seigneur. Alors par la tentation, Satan a su faire paraître à ses yeux, les yeux de l’homme, le rôle de seigneur plus séduisant que celui de serviteur. «…vous serez comme des dieux», dit-il à Ève et Adam.

LES RÉACTIONS DE DIEU

À l’appel de Dieu, Adam et sa femme se cachaient par honte de leur nudité (Genèse 3 : 7-8). Et comment savaient-ils qu’ils étaient nus sans la révélation de Dieu? Les animaux de l’Eden se sentaient-ils nus pour autant. L’interdit dévoilé à eux seuls avait pour effet la compréhension de l’acte ostentatoire. La pomme, symbole probable du triangle humain, fruit de la Naissance et de la Connaissance, porte d’entrée et de sortie de tout être vivant, était ainsi découverte et mangée. Après interrogatoire des suspects, Dieu punit les trois protagonistes (Genèse 3 : 9-19); en maudissant d’abord le serpent, la femme ensuite, et l’homme enfin, par ces mots:

«…tu marcheras sur ton ventre, et tu mangeras de la poussière tous les jours de ta vie.» (Genèse 3 : 14)
«J’augmenterai la souffrance de tes grossesses, tu enfanteras avec douleur, et tes désirs se porteront vers ton mari, mais il dominera sur toi.» (Genèse 3 : 16)
«C’est à la sueur de ton visage que tu mangeras du pain, jusqu’à ce que tu retournes dans la terre, d’où tu as été pris; car tu es poussière, et tu retourneras dans la  poussière.» (Genèse 3 : 19)

Recouverte par Dieu de la peau d’un agneau pour cacher sa nudité, l’homme (et sa femme) chassé de l’Eden a pu survivre jusqu’à nous. Converti et régénéré par l’alchimie divine en adorateur de l’Agneau, et baigné dans son sang aux siècles des siècles,  l’homme doit retrouver la face de Dieu et contribuer à sa gloire pour se racheter dans l’éternité. Ainsi parle le monde des Chrétiens.

LA NATURE DU PÉCHÉ ORIGINEL

Le péché originel, selon nous, est un acte de pure ambition, d’infidélité et de désobéissance grave envers Dieu. Le livre de la Genèse nous révèle que l’homme créé à l’image de Dieu était saint. Sa vie était ordonnée et harmonieuse, complète et intégrée dans le plan du Divin Créateur. Vivant en parfaite communion avec Dieu, sa vie entière était sous le contrôle sanctificateur de l’Esprit de Dieu. Mais la nature humaine a eu une perte assez importante en la personne de l’Esprit. Par sa chute, l’homme a perdu le don du Saint-Esprit, le privilège d’être un dispensateur des mystères de Dieu, et Sa gloire s’est éloignée de l’homme ignoble et sans vie.  Par conséquent, les bas instincts de l’homme, ses impulsions égoïstes et sensuelles, ses capacités à faire le mal, en sont venus à dominer son esprit. Séparé de l’Esprit de Dieu, l’homme est devenu une créature immonde et de la chair. Sa vie est passée d’une situation théocentrique à une situation égocentrique. Il appartient alors au Saint-Esprit de restaurer l’ordre et l’harmonie originels de la nature humaine. De par ce fait, cela ne signifie pas que nous sommes et serons ramenés automatiquement à la perfection adamique. Car notre humanité porte à jamais les marques ontologiques et historiques du péché de la race. Seul le Fils Omnipotent, Jésus Christ, peut effacer les effets du péché contre la nature humaine.Mais par la grâce et le don de l’Esprit, dès à présent, nous pouvons être améliorés et passer d’un individu égoïste à un être vivant, sanctifié et théocentrique. Par la grâce régénératrice et sanctificatrice de l’Esprit, notre nature humaine corrompue et désordonnée peut être transformée selon l’ordre et la beauté christiques. Par la conversion et par la présence nouvelle du Saint-Esprit en nous, l’Être tout entier, une fois de plus, est  soumis à l’influence de Dieu. Le Saint-Esprit sanctifie, mais il n’élimine pas l’essence de la nature humaine.

Pélage (350-420, après JC), le moine ascète breton, niait l'existence du péché originel. Il soutenait que la chute d'Adam n'avait pas corrompu les facultés naturelles de l'humanité; et que  les êtres humains peuvent mener une vie vertueuse et mériter le paradis par leurs propres efforts. Il souligna:

«Ces choses se suivent et se tiennent: si l'homme a le devoir d'éviter le péché, c'est qu'il le peut ; il serait injuste et absurde de lui attribuer à crime ce qu'il ne dépend pas de lui d'éviter. S'il ne le peut pas, il n'a aucune obligation.  

«Si le péché d'Adam doit retomber sur ceux qui ne pèchent pas, la justice de Jésus-Christ doit suffire également à ceux qui ne croient pas; c'est-à-dire si nous participons au mal sans notre faute, nous devons aussi pouvoir participer au bien sans notre mérite.

«La raison n’est pas viciée par le péché originel. La perfection est donc possible.»

Le message de Pélage est que tout chrétien peut atteindre à la sainteté par ses propres forces et par son libre arbitre. Cette doctrine nie catégoriquement la grâce et le péché originel.

À partir de 412, Augustin d'Hippone (354-430, après JC) écrivit une série d'ouvrages dans lesquels il attaqua violemment les préceptes que formulait Pélage sur l'autonomie morale de l'Homme, et élabora sa propre formulation subtile du rapport entre la liberté humaine et la grâce divine («Le Salut par la Grâce»). Les critiques d'Augustin furent à l'origine des accusations d'hérésie prononcées à l'encontre de Pélage.

Les réformateurs Luther, Calvin, Zwingli interprétèrent l’enseignement de l’apôtre Paul à la lumière des théories augustiniennes.

Ils insistèrent sur le péché originel, et, par suite, sur l’impuissance de l’homme à assumer seul son propre salut. Ils dénoncèrent, en l’homme, une concupiscence blâmable, et professèrent que le salut vient de Dieu seul, par le canal d’une foi justifiante. Tous se réclamaient d’Augustin dont ils admiraient la sensibilité au péril pélagien. Le Concile de Trente (1545-1563) affirma, contre Luther, que, dans Adam, le libre arbitre n’avait pas été «éteint, mais seulement diminué et incliné au mal», et que la concupiscence n’est pas elle-même un péché, mais «un effet du péché». Il décréta que la justification n'est pas exclusivement l’œuvre de la grâce; l’homme n’est pas agi par Dieu, qui serait alors responsable du mal comme du bien. Nous citons:

«Si quelqu’un dit que le libre arbitre de l’homme, mû et excité par Dieu, ne coopère aucunement en donnant son assentiment à Dieu qui l’excite et l’appelle [...] qu’il soit anathème.

«Si quelqu’un dit qu’il n’est pas au pouvoir de l’homme de rendre ses voies mauvaises, mais que c’est Dieu qui opère (par lui) le mal comme le bien [...] qu’il soit anathème.».

"Nous ne sommes pas maîtres en notre propre maison": cette affirmation de John Wesley illustre le principe de la doctrine du péché originel. Le péché originel est en réalité plus grand que nous-mêmes et nous ne pouvons nous en libérer par nous-mêmes. C'est "l'état de chaque homme naturel : qu'il soit un grand et scandaleux transgresseur, ou un décent et respectable pécheur", dit Wesley (Sermon 9 : "The Spirit of Bondage and of Adoption", paragraphe I.8). Le péché distord tout notre être, nos relations avec Dieu et avec les autres, nos idées du succès et même notre relation à la fortune. Il n'y a pas d'espoir de transformation, excepté par la grâce de Dieu. Lorsqu'elle est vue depuis la perspective du péché originel, l'œuvre du salut devient un concept crucial. Elle implique la résistance aux conditions précaires de notre temps, la libération des structures du péché à chaque niveau, et de nouvelles relations aux autres.

John Wesley décrit alors le péché comme un acte de transgression délibérée de la volonté divine. Cela indique que l’idée du péché se limite à l’idée de la Loi. Car là où il n’y a point de Loi, il n’y a point non plus de transgression. Le péché, c’est le manque de droiture, la distorsion ou la perversion de ce qui est bien. John Wesley fait non seulement mention d’une action corrompue, mais d’un état de perversité et du désordre qu’entraîne une telle corruption. Et Saint-Augustin de dire que «la bonne volonté est l’œuvre de Dieu, la mauvaise volonté est de s’éloigner de l’œuvre de Dieu». Donc le péché est l’autoséparation avec Dieu. Il indique non seulement la séparation entre l’âme et Dieu, mais il apporte avec lui la pensée d’un caractère opposé à celui de Dieu de même qu’un état ou une condition qui se caractérise par l’absence de Dieu. C’est un terme puissant que celui de Paul dans Romains 1 : 18, à savoir que «la colère de Dieu se révèle du ciel contre toute impiété et toute injustice des hommes qui retiennent injustement la vérité captive». Par dépravation de l’homme, John Wesley ne semblerait pas dire qu’il est complètement corrompu; sinon quelle serait la nécessité d’un restaurateur, l’assistance de l’Esprit. Le péché, il est vrai, corrompt chaque capacité et faculté de l’esprit, de l’âme et du corps. «La tête  entière est malade, et tout le cœur est souffrant», comme dit l’auteur  (Esaïe 1 : 5). Et l’Apôtre Paul d’ajouter, dans Romains 7 : 18, que «ce qui est bon, je le sais, n’habite pas en moi, c’est-à-dire dans ma chair : j’ai la volonté, mais non le pouvoir de faire le bien.» Effectivement, l’homme ne peut entrer dans le royaume de Dieu dans son état. Dieu, dans sa grâce, a envoyé son Fils afin que l’homme puisse parvenir à la vie. Car nous étions esclaves. Et Saint-Augustin de mentionner dans le même sens que «le Christ est mort, une fois pour toutes, pour nos péchés».

L’INTERPRÉTATION PAR EXCELLENCE

Le Maître lui-même, Jésus, l’interprète par excellence, nous exhorte à ne pas confondre les choses de l’Esprit. Après avoir entendu les questions posées par Thomas, l’un des apôtres, à savoir: «Pourquoi est-il nécessaire que les hommes soient nés d’esprit pour entrer dans le royaume? La renaissance est-elle indispensable pour échapper au contrôle du Malin? Maître, qu’est-ce que le Mal?, Jésus lui dit:
«Ne commets pas la faute de confondre le Mal et le Malin, qu’il serait plus exact d’appeler l’Inique. Celui que tu appelles le Malin est le fils de l’amour de soi, le haut administrateur qui se rebelle délibérément contre le règne de mon Père et de ses fils loyaux. J’ai déjà vaincu ces rebelles impies. Clarifie dans ta pensée les divers comportements envers le Père et son univers, et n’oublie jamais les lois suivantes réglant les rapports avec la volonté du Père.

«Le Mal est la transgression inconsciente ou involontaire de la Loi divine, de la volonté du Père. Le Mal est également la mesure de l’imperfection avec laquelle on obéit à la volonté du Père.

«Le péché est la transgression consciente, connue et délibérée, de la Loi divine, de la volonté du Père. Le péché mesure la mauvaise volonté à se laisser conduire divinement et diriger spirituellement.

«L’iniquité est la transgression volontaire, déterminée, et persistante de la Loi divine, de la volonté du Père. L’iniquité mesure le rejet continu de l’affectueux plan du Père pour la survie des personnalités, et du miséricordieux ministère de salut du Fils.

«Avant leur renaissance d’esprit, les hommes sont sujets aux mauvaises tendances inhérentes à leur nature, mais ces imperfections naturelles de conduite ne sont ni des péchés ni des iniquités. Les mortels ne font que commencer leur longue ascension vers la perfection du Père au Paradis. Ce n’est pas un péché que d’être imparfait ou de n’avoir que des dons naturels partiels. Il est vrai que l’homme est soumis au Mal, mais il n’est en aucun sens le fils du Malin, à moins d’avoir sciemment et délibérément choisi les sentiers du péché et la vie d’iniquité. Le mal est inhérent à l’ordre naturel de ce monde, mais le péché est une attitude de rébellion consciente qui fut amenée sur terre par ceux qui déchurent de la lumière spirituelle pour tomber dans de grossières ténèbres.

«Il est exact que les hommes sont naturellement pervers, mais non nécessairement pécheurs. La nouvelle naissance – le baptême de l’esprit –  est essentielle pour être délivré du Mal et nécessaire pour entrer dans le royaume des cieux, mais rien de cela n’infirme le fait que l’homme est fils de Dieu. La présence inhérente du Mal potentiel ne signifie pas non plus que, d’une manière mystérieuse, l’homme soit séparé du Père céleste de sorte qu’il doive, en tant qu’étranger ou enfant d’un autre mariage, chercher à se faire adopter légalement par le Père.»

SELON NOUS

C’est seulement par les sacrifices que les Anciens obtenaient la conscience d’être en faveur auprès de Dieu, c’est-à-dire la conscience intérieure du Salut. Depuis Adam, la conscience du péché persiste dans la pensée humaine, malgré les archétypes mentaux de la délivrance par la grâce, par la foi et par les œuvres. Néanmoins, la réalité du besoin spirituel subsiste en raison du progrès intellectuel qui détruisit les anciennes matières d’obtenir la paix et la consolation  pour l’âme attristée. Il faut redéfinir le péché comme une infidélité délibérée envers Dieu. L’infidélité peut être due à l’indécision (la fidélité partielle), à un conflit (la fidélité divisée), à l’indifférence (la fidélité évanescente), à la consécration à des idéaux païens (la mort de la fidélité). Mais le sentiment de culpabilité est la conscience d’avoir contrevenu aux mœurs et devoirs. Il n’y a pas réellement «péché» en l’absence d’une infidélité consciente envers Dieu. La confession du péché devient alors une répudiation virile de l’infidélité. Mais atténue-t-elle les conséquences dans l’espace-temps de cette infidélité? La reconnaissance sincère de la nature du péché ou confession est toutefois essentielle pour la croissance religieuse et le progrès spirituel de l’individu. Le pardon des péchés par Dieu, et par Dieu seul, est le «renouvellement des relations de fidélité qui suit une période de la conscience où l’homme est déchu de ces relations comme conséquence d’une rébellion (ou d’une infidélité)  consciente.»  Le pardon ne doit pas être négocié, mais reçu en tant que conscience du rétablissement des relations de fidélité entre la créature (l’homme) et le Créateur (Dieu).

PSYCHOSE ET NÉVROSE

Quand Ève, puis Adam, ont décidé de passer outre des recommandations du Créateur, ils désiraient observer sur eux-mêmes les manifestations subites de la Connaissance. Mais lorsque l’expérimentation divine prend des allures d’initiation à la Chose interdite, ils sont devenus les victimes de leur désobéissance envers le Créateur Absolu. Dans le cadre de leurs recherches sur la perception de la connaissance, Satan l’Imposteur en a profité pour faire d’eux des cobayes dépravés, afin d’expérimenter leur faiblesse en tant que serviteur et intendant du Jardin d’Éden. Le Malin a décidé d’observer par lui-même la manière dont Dieu, mécontent, réagira face à ses deux engendrés. La névrose provoquée par cette désobéissance conduira Adam à avoir honte et peur de lui-même, à se cacher loin des regards du Tout-Puissant. Ce délire existentiel portera Saint-Augustin à écrire que «La Providence conduit l’histoire de l’humanité depuis Adam jusqu’à la fin de l’histoire, comme s’il ne s’agissait que de l’histoire d’un seul individu qui passerait, petit à petit, de l’enfance à la vieillesse.» Effectivement, Adam, l’Ancêtre, nous a causé tant de torts irréparables que l’on ne saurait évaluer et juger. Les deux dégénérés (Adam et Ève) n’avaient ni le zèle, ni la foi, ni l’obéissance qu’exige la discipline. Le vrai disciple se doit tout à Dieu en tant que Créateur. Par l’ambition démesurée de l’un (des uns) et le manque d’obéissance de l’autre (des autres), le Malin a su frayer un chemin, créer une brèche dans la Maison céleste. Pour notre malheur, nous avons été amenés par les deux dégénérés à la perdition totale. Puisque Dieu est omnipotent, omniscient et omniprésent, n’avait-Il pas prévu ce revirement de la part des deux ambitieux? Le libre-arbitre permet aussi de mesurer les tensions sociales autant qu’individuelles. En tant qu’intendant du Jardin d’Éden ou de la Maison de Dieu, il y avait lieu à Adam (et à sa femme) de mettre des bornes à leur ambition. Tout était à eux, à l’exception de cet Arbre de Vie et de la Connaissance. Mais l’homme, contre nature, se dégénère notamment à travers les âges. Si l’on considère l’évolution du temps depuis Adam jusqu’à Noé, on ne saurait que comprendre l’une des premières réactions de Dieu, ne serait-ce qu’effacer l’homme de la surface de la terre. Attristé, l’Esprit de Dieu avait pris cette disposition, et les hommes d’autrefois et d’aujourd’hui n’ont rien saisi. De Noé jusqu’à Jésus, l’escalade de la violence et de la désobéissance s’est empirée davantage, et nous avons suivi Jésus assassiné par ses propres frères, les Juifs, bien qu’envoyé par l’Éternel Dieu, son Père. Ironiquement, les mêmes Romains qui étaient polythéistes ou païens, se sont retrouvés des siècles plus tard, plus chrétiens que tout autre chrétien. Dieu n’a plus choisi l’option du déluge pour nous punir depuis Noé, symbole de l’arc-en-ciel. Il nous a envoyé son unique Fils Jésus pour une nouvelle Alliance plus simple, l’Alliance rédemptrice.

CONCLUSION

Par l’exposition de l’homme au Jardin d’Eden, Dieu, en révélant ce récit et son secret à Moïse, y expose des principes valables pour ses disciples de tous les temps, par exemple la fidélité et l’obéissance absolue à son Maître. Dieu semble faire l’éloge de l’abondance, de l’honnêteté obéissante et de la diversité. Au Jardin, il y avait tout et on y avait droit,  sauf l’interdiction sur l’Arbre à ne pas toucher, question de principe. Détaché de ce principe, il y a lieu de considérer le péché originel comme un acte de transgression délibérée de la Loi divine, lequel sert notamment à concilier l’idée du Mal avec celle de la divinité. Et la raison de ce récit décrit à Moïse est un test qui a permis à Dieu d’évaluer et de déterminer notre caractère et notre degré d’obéissance à Lui et à Lui seul. Adam (et Ève), doit-il être toujours et à jamais considéré comme une source de malédiction pour la race humaine?

 Références bibliographiques

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 Viré monté