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Roland MORISSEAU, l’inconsolé

Saint-John Kauss

Roland Morisseau, né à Port-au-Prince (Haïti) le 22 septembre 1933. Il fit des études secondaires au Lycée Louverture où il découvrit la poésie en lisant les œuvres d’André Chénier. Cofondateur du groupe Haïti Littéraire, certains de ses premiers poèmes parurent dans Semences et dans la revue Conjonction. Bientôt fasciné par l’éloge démesuré voué à Dylan Thomas et à Hölderlin, il en subit l’influence.

Émigré à Montréal en 1965, enseignant pendant environ une trentaine d’années à la Polyvalente Pointe-aux-Trembles, il a publié plusieurs recueils de poésie: Cinq poèmes de reconnaissance (1961), Germination d’espoir (1962), Clef du soleil (1963), La chanson de Roland (1979), un ouvrage regroupant des poèmes datant de 1960 à 1970, et La promeneuse au jasmin (1988). Une rétrospective globale de son œuvre, Poésie, a été éditée chez Guernica (Montréal) en 1993. Les poèmes de Phare sont encore inédits. Quelques-uns de ses textes ont été traduits en espagnol et en anglais. Roland Morisseau, poète, est décédé à Montréal le mercredi 28 juin 1995, à l’âge de 62 ans.

 

NE RIEN DIRE DU TIMONIER

Enfance maculée de givre fulgurante
Laissez passer l’écho
Les lueurs torrides du désastre
Les soleils fertiles
Encore harnachent lierre et déserts

Au gré du jour l’eau nous regarde
À mille lieues du voyage
Laissez trembler le convoi funèbre
Des mers inspirées
Les issues encrassées d’or
Flancs de caravelles
Venant mourir comme des oiseaux de proie
Jusqu’au rituel lugubre de la douleur
Forant démesurément la vie
Jonchant de sang
Les routes vierges du silence
Et les villages d’éden

Au-delà des ajoupas où trôna le guerrier
L’heure du Zémès verdoie l’horizon
Le fier hameau au front du Butios
Éclate   Lune et sève chantent
L’oubli cendreux des fêtes populaires

 

Laissez traîner la tige incisant le souvenir
Le sillage du Timonier est peuplé de hontes
Sa rapacité arbore des croquis de meurtres
Laissez passer l’écho la tige le convoi
Le socle de son corps maintenant
Au gré des flots dérive loin très loin
Bien loin aux plis du vent

Il ne faut rien dire du Timonier
À la barbe trouée
Le timonier à la licorne
Plus jamais ne reviendra

                                             (Phare)

 

 

  • MORISSEAU  (Roland): La chanson de Roland, Nouvelle Optique, Montréal, 1979; Poésie (1960-1991), Guernica, Montréal, 1993.

Viré monté