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René Depestre, l’animal marin

Saint-John KAUSS


René Depestre : "La situation en Haïti est... di LePoint

René DEPESTRE, né à Jacmel (Sud-Est d’Haïti). Poète, essayiste, nouvelliste, romancier, il a reçu le Prix Renaudot en 1988 pour son roman Hadriana dans tous mes rêves. N’a pas encore prévu, comme Frankétienne, le Prix Nobel. Parmi ses nombreuses publications, on peut citer: Étincelles, poésie, Imprimerie de l’État, Port-au-Prince, 1945; Gerbe de sang, poésie, Imprimerie de l’État, Port-au-Prince, 1946; Végétation de clartés, poésie, Éditions Pierre Seghers, Paris,1951;  Traduit du grand large, poésie, Éditions Pierre Seghers, Paris, 1952; Minerai noir, poésie, Éditions Présence Africaine, Paris, 1956; Journal d’un animal marin, poésie, Seghers, Paris, 1964; Un arc-en-ciel pour l’Occident chrétien, poésie, Présence Africaine, Paris, 1967; Cantate d’octobre, poésie, Institut du Livre, La Havane (Cuba); S.N.E.D., Alger (Algérie), 1968;  Alléluia pour une femme-jardin, récits, Éditions Leméac, Montréal, 1973; Gallimard, Paris, 1981; Poète à Cuba, poésie, Éditions Pierre Jean Oswald, Paris, 1976; Pour la révolution et pour la poésie, essai-critique de Littérature, Éditions Leméac, Montréal, 1974; Le mât de cocagne, roman, Éditions Gallimard, Paris, 1979; C3 Éditions, Port-au-Prince, 2021; Bonjour et Adieu à la Négritude, essai-critique, Éditions Robert Laffont, Paris, 1980; En état de poésie, Éditeurs Français Réunis, Paris, 1980 ; Alléluia pour une femme-jardin, récits, Éditions Gallimard, Paris, 1981; C3 Éditions, Port-au-Prince, 2021; Choix de poèmes (René Depestre et Claude Couffon), Pierre Seghers, Paris, 1986; Hadriana dans tous mes rêves, roman, Gallimard, Paris, 1988; C3 Éditions, Port-au-Prince, 2016; Éros dans un train chinois, nouvelles, Gallimard, Paris, 1990; C3 Éditions, Port-au-Prince, 2021; Au matin de la Négritude,  Euroeditor, Paris, 1990; Journal d’un animal marin (Choix de poèmes 1956-1990), Gallimard, Paris, 1990.

Poème de ma patrie enchaînée

Te voici avec tes lumières liées derrière le dos
Tes chansons mises en joue les mains en l’air tel un ramassis d’assassins
Et les fers de la faim aux chevilles fatiguées de tes danses

Je t’ai reconnue bien avant que vers mon extase
Tu aies agité le mouchoir ensanglanté de ton ciel
Bien avant que sur mon passage tu aies à perte de vue
Déployé ton drapeau mouillé d’embruns et de sanglots
J’ai senti la vigne malheureuse de ton frisson grimper comme
         un boas tout le long de mes veines
J’ai senti l’unité de ta couleur bouger comme des jumeaux
         dans mon ventre
Et enrouler son lierre écarlate
Autour des plus lointaines cellule de ma jubilation

 

Te voici Patrie battue jusqu’au sang patrie plus humiliée
       que la veuve d’un condamné ç mort pour viol
Voici le gel du couteau au fond de tes éclats de rire
Voici ton visage taché de la sordide obscurité du capital
Te voici ma petite patrie blottie dans les yeux bleus de ce matin
              de Mai
Comme un nœud gordien de larmes
Dans le cœur ouvert de quelque infortuné musicien

 

Ô ma Patrie avilie mon somptueux chagrin d’amour
Ô ma guitare rouée de coups
Pourtant ton grand et triste feu malgré ses liens de cuivre
Et ses clartés à genoux
Continue à tenir en émoi la verte jeunesse de la liberté
Et la mienne, humble sève d’exil
Chantant chantant à tue-cœur
À la plus haute cime de ta fraîcheur enchainée
(…)
                            (Traduit du grand large)

 

*

 Viré monté