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DAVERTIGE ou le poète véritable

Saint-John Kauss

Davertige (pseudonyme de Villard DENIS), né à Port-au-Prince (Haïti) le 2 décembre 1940. Peintre et poète célèbre, il a séjourné durant plus d’une dizaine d’années en France. Émigré à Montréal en 1977.

Poète fasciné par Magloire Saint-Aude, s'inspirant de la poésie de Milosz, et influencé par Aragon. N’a publié qu’un seul recueil de poèmes Idem (1962) qui a été réédité en 1964 à Paris par les Éditions Seghers (Idem et autres poèmes), et en 1983 par les Éditions Nouvelle Optique de Montréal. Cofondateur d’ «Haïti Littéraire». Il a été rendu célèbre par Alain Bosquet du  journal Le Monde (France).  Il est décédé à Montréal le 25 juillet 2004.

 

LA LÉGENDE DE VILLARD DENIS

La légende de Villard Denis
Est une légende simple et amère
Sous le tournoiement des couteaux de l’ardoise du verre rempli
Et de la corde en coryphée dans les branches

Elle voit au loin la cendre du cœur tourner
Entre les crocs et les salives
Pour dire le geste du cœur-aux-chiens
La légende était à leurs pieds
Avec mes vitres brisées dévorantes
Ma chemise trop fine voulant encercler l’incendie

Voici la légende du cœur-aux-chiens
Avec la célérité des flammes de la main
Qui disent non pour son sang vif
Ses cloches sonnent avec un bruit de bois sec
Dessus les arbres brisés en paraboles
Pour l’entraîner dans les dangers des fantômes tourbillonnants
Près du parapet des mots en serpents

 

La légende de Villard Denis à vos oreilles
Court à pas d’enfant dans les feuilles
Elle était docile aux pieds de la Sainte aux yeux d’argent
Le brasier recouvrant sa face
Elle est broyée par les pierres de vos entrailles
Et veut parler au braiement du soleil
Le langage de l’homme pathétique
Et que viennent les poètes d’antan
Et s’en aillent ceux d’aujourd’hui
Dans le cycle de ses lamentos
Derrière le voile du crâne où se tissent les funérailles fissurées
Pour contenir son dos dans la gloire de sa parole revenue
Un voyage qu’elle entreprend à sa façon
Pour pénétrer dans l’or ouvert
Des bras de la Vierge aux cheveux blonds

C’est le cœur de Villard Denis
Émerveillé d’un monde en pâture
Sous les nuages violets des chiens
Où gisent le glas de la tombe et l’émerveillement de ses nuits
Crépitant dessous les sanglots dans le crachoir imberbe de sa face
Un cœur aux pourceaux dans la patrie brûlée des passants
Et qui craque sur les fémurs de la fleur aux dents
Dévidant la bouteille de ses mots sans âge
Mourant dans la chaîne des flots
Sous les flûtes de farine du cœur
O suaire de ma naissance
Sur la table au tiroir ouvert
Où le verre creuse le puits pour dévider le miracle
Des roses fanées sur la surface de la légende
S’appuyant la tête à vos genoux

 

Ce n’est pas adieu que je dis aux étoiles de vos talons   

Qu’en Enfer les dieux vous bénissent
Et sous la girouette du sang
Chante la légende de Villard
Qui est une légende immortelle
                 (Idem et autres poèmes)

 

  • DAVERTIGE (Villard DENIS, dit) : Idem, Impr. N.A. Théodore, Port-au-Prince, 1962; Nouvelle Optique, Montréal, 1982; Idem et autres poèmes, Seghers, Paris, 1964; Anthologie secrète, Mémoire d’encrier, Montréal, 2004.

 

6.1.2012

Viré monté