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Galerie de peinture mauricienne 
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Charles Pitot
1809-1877

portrait peint par
Charles Alfred Avice du Buisson

Emmanuel Richon

Charles Pitot
Portrait de Charles Pitot après restauration.

Bien que déchiré par les contradictions de son temps, il s’avère qu’au final et rétrospectivement, Charles Pitot apparaît comme un original à la recherche de la modernité. Né au Port-Napoléon en 1809, nom donné à Port-Louis sous Decaën, il devint commerçant à l’âge adulte, s’essayant à vendre tout et n’importe quoi, avec, cependant, une prédilection marquée pour les graines, plantes décoratives et arbres fruitiers, goût dont il ne se départit jamais et qui lui permit d’acquérir une bonne connaissance en arboriculture, horticulture, autant qu’en gestion. Dans sa boutique sise au 10 de la rue Royale, il fut un très bon commerçant et son talent lui permit de faire fortune. Il devint même membre actif de la Chambre de commerce.

Sa connaissance des plantes autant que sa réussite d’homme d’affaires firent que la municipalité le nomma dès 1852, «Warden», préposé à tout ce qui touchait aux arbres et jardins publics de la cité. Habitant le Champ de Mars, Charles Pitot était assurément un Port-louisien dans l’âme et se passionna vite pour sa tâche. Le Jardin de la Compagnie, alors en bien piteux état, lui devra beaucoup. Il y fit planter divers massifs floraux, arbustes, bois noirs et multipliants, qui lui donnèrent son actuelle physionomie. Il traça également des allées sablées, planta des gazons. Tout ce travail se fit non sans mal et il lui fallut faire montre d’une grande persévérance, des mécréants s’ingéniant à voler de nuit les plantes mises en terre dans la journée… En 1856, François Liénard de Lamivoie offrit une fontaine aux anges, qui s’y trouve encore aujourd’hui.

Adrien d'Epinay
Statue d'Adrien d'Epinay par son fils Prosper.

Constatant sa réussite, la municipalité lui confia derechef la réalisation des jardins de la Plaine Verte. Si l’on ajoute que c’est lui qui dévoila la statue d’Adrien d’Epinay au beau milieu du Jardin de la Compagnie, nul doute qu’il contribua de manière décisive à l’apparence moderne et actuelle des jardins port-louisiens, du moins dans ce qui demeure de nos jours de la splendeur passée… Un véritable paysagiste avant la lettre, qui mûrit de réels plans en faveur d’une restructuration de la ville et de ses espaces verts. Il conçut l’actuelle route reliant la Plaine Verte au Champ de Mars à travers la colline Monneron, contribuant ainsi à désenclaver une partie de la capitale.
Devant les succès du «warden», il apparaît logique qu’il soit facilement entré au Conseil Municipal, le 20 décembre 1855, obtenant alors 252 voix sur 541. Il fit là aussi preuve d’une certaine modernité, tentant de résister aux réticences du pouvoir colonial britannique, toujours regardant sur les dépenses.

Notamment, cette inflexibilité fut flagrante, lorsque le Secrétaire d’Etat aux colonies fit officiellement reproche à la municipalité d’emprunter les sommes nécessaires à la lutte contre le choléra  plutôt que de taxer les citadins eux-mêmes. Ce fut Pitot qu’on choisit pour répondre au pouvoir londonien.

Son originalité politique fut certainement d’avoir rallié très jeune les idées fouriéristes et d’avoir préconisé avec d’autres, la création de phalanstères ou familistères socialistes, préconisant «l’association du Capital, du Travail et du Talent».

Plus tard, il assista les Maires Hippolyte Lemière et Arthur Edwards lors des élections de 1857. En 1859, il s’intéressa aux questions sanitaires et de salubrité publique, constatant les ravages causés par les épidémies répétées de choléra. Il signala lui-même un début d’épidémie dans la région de Beau-Bassin. Il siégea également en 1857 sur un comité du gouvernement qui étudia l’éventualité de la création dans Port-Louis d’un quartier destiné aux Indiens non-engagés. Il attira plus tard l’attention des autorités coloniales sur le fait que nombre de malades non citadins et venus de la campagne se faisaient désormais hospitaliser à Port-Louis, cela aux frais de la Corporation municipale, créant un différend durable avec les autorités britanniques qui n’y voyaient quant à elles rien à redire. Il lutta pour que l’Etat colonial assuma pleinement ses fonctions et assura pleinement ses responsabilités. Il fut encore en bisbille avec le pouvoir colonial lorsqu’il fit employer six gardiens pour le service des quais, embauche et fonctions que l’Inspecteur-Général de Police Anson jugea illégales, estimant qu’on marchait là sur ses plates-bandes et jugeant ces prérogatives régaliennes.

On le voit, l’histoire de la Municipalité traduit souvent la naissance d’une prise de conscience d’intérêts divergents et la nécessité de lutter pour faire prendre ses responsabilités au pouvoir colonial, le mettre au pied du mur.  Il enjoignit ainsi paradoxalement le Protecteur des Immigrants de plaider la cause de la municipalité en haut lieu.

Il illustrait bien la contradiction de l’époque qui voulait qu’on fasse venir massivement des travailleurs engagés, sans s’être soucié au préalable des bouleversements engendrés au niveau de la santé publique. La sur-exploitation d’une main d’œuvre à vile prix en venait à se faire au risque de provoquer des risques sanitaires majeurs, mettant en péril l’ensemble de la population.

En bon gestionnaire et parce que le financement colonial renâclait sans cesse, Charles Pitot préconisa également de prélever une taxe sur l’eau acheminée en ville par le canal de la Grande Rivière Nord Ouest, ce qui permit de financer de nouveaux travaux.

Charles Pitot
Portrait de Charles Pitot, état initial de l'œuvre.

En décembre 1857, fort de sa réélection en tête avec 167 voix sur 214, il fut choisi par le Gouverneur Sir William Stevenson pour devenir Maire adjoint d’Hippolyte Lemière.

La résistance passive de la Municipalité n’échappa d’ailleurs pas à l’autorité britannique qui prit des mesures en conséquences: en décembre 1864, Pitot fut réélu en 3e position sur les dix conseillers à pourvoir. Présenté en tête parmi les six présentés au choix du gouverneur pour le Mairat, Sir Henry Barkly décida arbitrairement de l’écarter en nommant Pierre Nelsir Charon et John Brodie, ce dernier étant même le premier Britannique à accéder au poste d’adjoint, C’était une véritable humiliation. Par voie de presse, Charles Pitot s’insurgea, mais le gouverneur tenta de temporiser.

Lors de l’inondation qui se produisit le 12 février 1865, c’est encore Charles Pitot qui fut délégué pour décider des mesures à prendre. Tant et si bien qu’il apparut vite que le Conseiller municipal était l’homme de la situation, étant devenu incontournable. Dès lors, Sir Henry Barkly fut forcé de le nommer maire de la ville avec Eugène Laurent pour adjoint.

Pitot marqua aussitôt sa différence en prenant des mesures destinées à créer une transparence dans la gouvernance de la cité, il autorisa l’accès aux registres, ce que l’ancien maire Charon lui avait toujours refusé.

C’est à lui qu’on doit l’achat par la Municipalité de l’Hôtel d’Europe, mesure courageuse qui devait enfin doter l’institution d’un bâtiment digne de ses membres et de sa fonction. Enfin, après une année, il prit pour adjoint Eliacin François, qui devait lui-aussi se révéler plus tard avoir une vocation de Maire.

Charles Pitot eut à faire face à l’épidémie de malaria  de 1867. Enfin, la même année, au vu de la prochaine visite du Duc d’Edimbourg, il obtint de doter l’Hôtel de Ville d’un mobilier conséquent et proposa la rénovation du théâtre. Par la suite, le Gouverneur le nomma au Conseil Législatif en remplacement de Gabriel Fropier devenu quant à lui magistrat de district. Au dit Conseil, il fut membre du comité des Finances et de l’immigration. Après sa démission l’année suivante, il redevint simple Conseiller Municipal, poste où il poursuivit son attachement pour le reboisement de la capitale et ses environs. Il dénonça également la pollution de la rivière des lataniers du fait des activités de l’abattoir de Roche-Bois.

En 1874, son fils Thomi Pitot devint Conseiller municipal à son tour. En 1877, Charles Pitot décéda et peu de temps après, en reconnaissance pour le travail accompli, le conseiller Julius Coup devait présenter à la municipalité le portrait de l’ancien maire décédé, peint par Charles Alfred Avice Dubuisson. Le nom de Pitot fut donné à la Vallée Pitot, à un square et à un boulevard de Port-Louis.

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Charles Alfred Avice du Buisson

1835-1916
artiste peintre

Né au Grand-Port le 15 janvier 1835, Charles Alfred Avice du Buisson partit jeune pour La Réunion où il se joignit au célèbre artiste peintre et lithographe, Louis-Antoine Roussin. Comme son maître,  il y enseigna le dessin durant quelques années. En 1878, il revint à l’Ile Maurice et, fort de son expérience pédagogique réunionnaise, il se fit nommer au Collège Royal comme professeur de dessin. Il y exerça longtemps, jusqu’à sa mise à la retraite en 1904, lorsqu’il fut remplacé par un autre artiste majeur, Xavier Le Juge de Segrais.

Parallèlement à son travail professoral, à partir de 1891, il remplaça Louis Emmanuel Lageard de Cherval (dit El Geardi), décédé cette année là, en tant que Conservateur du fameux théâtre de Port-Louis. Malheureusement, il n’officia pas longtemps au théâtre et les mauvaises langues affirment que ce poste dépassait sans doute ses compétences. Nous pensons plutôt que son âge frisant la soixantaine ne lui permettait plus d’opérer partout dans les décors et autres endroits difficiles d’accès comme il s’en trouve toujours dans les théâtres. Il fut en tout cas remplacé par Paul Marion de Procé.

Charles Alfred Avice du Buisson est surtout connu pour être l’auteur de nombreux portraits de maires de Port-Louis, ceux de Félix Poulin, Alfred Lavoquer, Arthur Edwards, Charles Pitot, tous très ressemblants. Le dernier, offert par le conseiller Julius Coup en 1882. Cette année là, on inaugura en grandes pompes, la fameuse galerie des Maires de Port-Louis, qui garnissait alors les murs de l’ancien Hôtel de Ville. En 1885, Avice termina son portrait en pied de Sir John Pope Hennessy. Par la suite, il peignit un autoportrait qui figura longtemps en bonne place à la Librairie Carnegie de Curepipe.

Charles Pitot
Charles Pitot
Détail du visage avant et après restauration.

Avice fut le premier à concevoir de restaurer systématiquement  les œuvres artistiques qui l’avaient précédé et malgré les maladresses, on lui doit certainement que ce patrimoine ait pu parvenir jusqu’à nous. A partir de 1884, il restaura les portraits du gouverneur Malartic, l’intendant Pierre Poivre, les scientifiques et naturalistes, Louis Bouton, Wenceslas Bojer, François Liénard de la Mivoie, le juge Blackburn et l’abbé Jacques de Vernejoul Lagrave, tous tableaux qui faisaient partie de collections de la Société Royale et qui figuraient au Collège Royal, rejoignant par la suite les cimaises du Mauritius Institute.

Il peignit également des natures mortes, grappes de letchis, grenade, des paysages au soleil levant à Pointe de Choisy, Flacq,…

Avice du Buisson mourut âgé, en 1916 à Port-Louis et fut inhumé au Cimetière de l’Ouest. Marié en 1858 à une Réunionnaise rencontrée durant son séjour à l’île sœur, Marie Zulma Pignolet, il eut onze enfants, dont son fils Alfred, né en 1859, qui fut peintre lui-aussi et qui signa quant à lui, Dubuisson fils.

Charles Pitot Charles Pitot
Détail avant et après resatauration.
Charles Pitot Charles Pitot
Visage avant et après restauration.

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