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L’Académie des cordélistes du Crato: une expérience originale

par Sylvie Debs

«L’art du cordel est une manifestation de l’existence de l’homme contre l’érosion du temps1
                                                                                                                           Raymond CANTEL

L’existence d’une Académie de cordélistes au Crato2 a de quoi surprendre au premier abord, et ceci pour deux raisons majeures: d’abord parce que la littérature de cordel3 est répertoriée comme un genre populaire et ensuite parce qu’elle est en voie de disparition de nos jours. En effet, l’écrivain-graveur-éditeur José Francisco BORGES (Pernambuco), considéré comme un des rares cordélistes de renom national et international vivant et résistant actuellement, en 1993 déjà, avait déploré la situation du cordel qui s’était installée au Brésil depuis quelques années en déclarant:

«Est menacée de mort une littérature qui depuis le siècle passé, grâce à de grands poètes comme Leandro Gomes et Silvino Pirauá, et à la publication de leurs premiers cordéis typographiés, s’était répandue dans le Nordeste entier et se trouvait sur toutes les places et tous les marchés. Un système de journalisme paysan qui fonctionnait comme mode de diversion et véhicule d’annonce de la mort de personnages historiques: Lampião, le Père Cícero, Getúlio Vargas entre autres4

Malgré la création de centres de recherches, d’associations de cordélistes5 et de nombreuses études menées sur ce genre de poésie populaire, il est en effet communément admis que la littérature de cordel est entrée en déclin depuis les années soixante-dix, à la suite de transformations sociales et du développement de nouveaux moyens de communication. En effet, radio, journal et surtout télévision fournissent désormais aux habitants de l’intérieur du Nordeste, autrefois isolés et difficiles d’accès, les informations d’ordre politique, économique et sociale, qui auparavant, leur parvenaient en partie par l’intermédiaire de ces petits livrets vendus sur les marchés, et qui étaient achetés par les paysans en même temps que les provisions pour la semaine. Il y avait aussi la réimpression régulière des cordéis classiques, héritage des débuts du cordel (fin XIXème- début XXème)6 qui étaient très marqués par une fonction didactique, voire éthique, inspirés essentiellement par la Bible et le cycle carolingien, ainsi que des cordéis traditionnels de l’âge d’or (1940-50)7 qui racontaient les légendes nordestines ou les exploits des héros modernes, comme les cangaceiros8 par exemple9. Ces livrets étaient généralement lus à haute voix lors des veillées et servaient souvent à l’apprentissage de la lecture pour les enfants, voire pour certains adultes, d’où le préjugé commun qui présentait le cordel comme une littérature pour analphabètes composée par des analphabètes dans la mesure où elle était née comme un prolongement de la tradition orale. Comme par ailleurs les conditions d’impression et de vente se sont progressivement détériorées, en raison de la vétusté des machines et du coût de production toujours plus élevé, les grands centres de production de folhetos comme Juazeiro do Norte au Ceará, Campina Grande et Guarabira au Paraíba réduisirent peu à peu leurs activités, les rares centres à tenter de survivre en produisant du cordel étant celui de Bezerros (Pernambuco) dirigé par J. BORGES et celui de Caruaru dirigé par Dila. En effet, ayant joué un rôle de premier ordre dans la production et diffusion de cordel, le fameux atelier de typographie São Francisco de Juazeiro do Norte, connu aujourd’hui sous le nom de Lira Nordestina10, fut une des imprimeries les plus importantes au niveau national, mais se trouve à l’heure actuelle dans une situation critique, malgré l’intérêt des poètes, intellectuels, chercheurs et amateurs pour cette tradition de la culture populaire11.

Il est donc intéressant de rappeler pourquoi le cordel s’était particulièrement bien implanté dans le Nordeste, de présenter les formes actuelles de résistance qui s’y développent et de voir comment le genre tente de survivre, voire de se renouveler.

1. La littérature de cordel dans le Nordeste

Directement influencée par la poésie épique des troubadours et des romanceiros portugais et espagnols des XII et XIIIèmes siècles, cette littérature de tradition orale était arrivée au Brésil par l’intermédiaire des colons portugais. Le Nordeste, pour des raisons culturelles propres, fut un terrain particulièrement favorable à la divulgation et à la production de cordel dès le départ. Les poètes-chanteurs se rendaient de fazenda en fazenda afin de colporter les dernières nouvelles, chanter les exploits des héros traditionnels ou s’affronter dans des «joutes improvisées dont l’inspiration était soutenue à la fois par la guitare et la cachaça12.» Avec l’abolition de l’esclavage à la fin du siècle et les transformations sociales que cela entraîna, les chanteurs cessèrent de se rendre dans les fermes et fréquentèrent les foires et les marchés. C’est ainsi qu’apparurent les premiers folhetos imprimés vers 1890 que les poètes vantaient et vendaient sur les marchés. Selon M. Diégues Junior, «l’organisation de la société patriarcale, l’avènement des mouvements messianistes, l’apparition de bandes de cangaceiros ou de bandits, les sécheresses périodiques provoquant des déséquilibres économiques et sociaux, les rivalités entre familles, fournirent l’occasion, entre autres facteurs, pour qu’apparaissent des groupes de chanteurs se faisant les interprètes de la pensée collective et des manifestations de la mémoire populaire13

Les conditions de vie du sertão14 étant réputées pour être particulièrement difficiles voire inhumaines15, le cordel a souvent été perçu et continue encore d’être vécu par les sertanejos comme un moyen d’échapper aux problèmes quotidiens, la poésie permettant cette fuite par l’imaginaire16. Les études thématiques17 montrent bien le lien indissociable entre les sujets traités et l’expérience vécue au quotidien. Cette poésie populaire véhicule toute une partie de l’univers de l’imaginaire sertanejo, de la religiosité, des moeurs et coutumes, des valeurs éthiques et culturelles18. Le poète est en quelque sorte le porte-parole d’une majorité silencieuse, dont il est à la fois témoin et acteur: «Pour être non seulement le témoin mais aussi le représentant de cette réalité douloureuse, le poète populaire ne saurait en faire un tableau qui ne soit à la fois un réquisitoire19.» Si la critique sociale est fortement présente, elle n’apparaît pas toujours sous une forme organisée, et plus qu’un moyen de lutte, la littérature de cordel fonctionne comme fiction compensatoire:

«En vérité, pour une population opprimée par le système économique, une structure avec quasiment quatre siècles de retard, et par l’acte castrateur de la culture qui divisa le monde, sommairement entre ceux qui savent et ceux qui ont encore besoin d’apprendre, de participer et de décider du destin à l’intérieur d’un processus historique, il n’est pas difficile de s’échapper dans l’irréel et l’imaginaire, principalement quand celui-ci argue en faveur de la justice ou quand il reflète le poids d’un élément culturel hors de nos paramètres20

Plus que l’expression d’une conscience critique, le poète populaire apparaît comme un pourvoyeur de rêves:

«Entre la misère effective, vécue, et un pouvoir d’intervention irréel, les mots s’élancent comme des passerelles et libèrent des rêves d’évasion vers un monde plus juste, ces mots qui dénoncent la réalité vécue parce qu’ils énoncent la réalité rêvée: un animal traqué devient le support de l’idée insurrectionnelle; le Nordeste espace clos sur la misère, oublié de Dieu et des gouvernements, s’ouvre largement vers le haut: le ciel descend sur terre, le Diable et le Bon Dieu sont des familiers du sertanejo, et les grands héros mythiques, combattants prestigieux, ne meurent jamais vraiment...21»

En effet, les thèmes de prédilection étaient l’exaltation du héros, depuis l’héritage du cycle carolingien jusqu’aux cangaceiros, l’amour et la religion. «Les poètes du Nordeste ont décerné leurs brevets de bravoure à tous les types de héros: hommes d’église, hommes politiques, brigands de grands chemins, voire à des animaux, taureaux et chevaux plus ou moins fantastiques22» souligne Raymond Cantel dans ses analyses, comme si le sertanejo, humilié et souffrant, éprouvait le besoin de célébrer tous ceux qui ont surmonté la faim et les épreuves, quelle que soit la voie choisie. Il n’y a d’éthique que celle de la survie.

Ces histoires, chantées à l’origine, furent consignées par écrit à la fin du XIXème siècle. Leandro Gomes de Barros (Recife) fut l’un des premiers à éditer systématiquement ses textes d’inspiration médiévale dont les plus connus sont: História de Carlos Magno e dos doze Pares da França, História de Roberto do Diabo, João da Cruz, Cachorro dos Mortos23. A sa mort, les droits furent rachetés par João Martins de Athayde qui les cédera à son tour à José Bernardo da Silva; il s’installera à Juazeiro do Norte qui constituera le centre de cordel le plus important, tant du point de vue du nombre des poètes, que des xylograveurs et des éditeurs. Il est vrai qu’après l’arrivée du Père Cícero Romão Batista au Carirí en 1872, «Juazeiro s’est transformé en point de convergence nordestin, et en raison de la pérennité des pèlerinages, il s’est formé un public qui connaissait et achetait déjà les folhetos. C’est fut exactement le parcours suivi par le pèlerin alagoanais José Bernardo da Silva, qui de vendeur de plantes et de racines, est devenu l’un des plus importants éditeurs de cordel24

Dans les années 70, la mission d’information, bien qu’étant toujours présente25, ayant perdu de son importance, une nouvelle spécificité du cordel est apparue: il servait essentiellement à la propagande politique et à la publicité. Ainsi Expedito Sebastião da Silva, qui a assuré la direction de la Lira Nordestina après son rachat par l’Etat du Ceará en 1987, déclare: «Je peux traiter de tous les sujets. Mon système d’écriture est unique, c’est le cordel. Le poète est à la disposition de celui qui a besoin de la poésie. Ceci n’enlève rien au prestige du poète, sa fonction est d’écrire26.» Peu importent les convictions personnelles de l’auteur, celui-ci ne se considère pas comme le détenteur d’une idéologie à transmettre, mais comme le détenteur d’un art d’écrire et pense que sa mission est avant tout de plaire au public et de le convaincre par les émotions suscitées. Pour sa part, le poète populaire Maranhão, affirme qu’un néo-cordélisme est apparu qui se définirait de façon suivante: questionnement des problèmes sociaux contemporains et journalisme régional relayé oralement par sa diffusion régulière sur les ondes radio lors d’émissions quotidiennes locales consacrées à cette littérature27. D’autres fonctions sont également apparues:

«C’est lui qui servit de support aux campagnes en faveur du recensement démographique ou du vaccin B.C.G.. C’est lui encore qui exhorte les citoyens à acquitter l’impôt sur le revenu. Il devient le moyen de communication privilégié avec l’intérieur du pays. A São Paulo, il apparaît comme un moyen de choix pour inciter les ouvriers du bâtiment à respecter les précautions nécessaires afin d’éviter les accidents du travail28

Par fidélité aux habitudes de lecture des sertanejos, le cordel reste donc un moyen privilégié de communication pour les gens de condition modeste. Parallèlement à cela, sous l’influence de la migration des Nordestins vers le Sud, des publications plus modernes furent lancées à São Paulo29: le format30 changea, et les premières de couverture, normalement illustrées par des xylogravures, furent remplacées par des photos en couleur d’acteurs en vogue ou des illustrations en couleurs. Autrement dit, le format et les caractéristiques traditionnels disparurent au profit d’une modernisation qui tentait de les rapprocher des revues vendues en kiosque:

«C’est une décaractérisation du folheto classique, mais celui-ci n’a pas été éliminé par les brochures nouvelles que l’on trouve pourtant à ses côtés jusqu’à Belem et Manaus dans le Nord, et qui bénéficient des services de diffusion et de vente des revues alors que le folheto traditionnel est l’objet d’un commerce parallèle et artisanal sans aucun contact avec celui du livre ou du journal31

Quant au contenu, il connut une nouvelle évolution, dans la mesure où les faits divers et l’actualité sont de plus en plus retenus comme sujets d’inspiration et que les repentistas32 et emboladores33 «commentent en direct les news locales, observateurs des soucis quotidiens du paysan nordestin et de sa descendance citadine. Des élections au sida, de la guerre du Golfe au divorce, tout est soigneusement consigné, chanté, retransmis à une foule encore parfois analphabète, mais surtout trop pauvre pour acheter un journal. Faits divers - un accident d’autobus, un cocu assassin, un beau mariage -, vie sociale - construction d’un barrage, machisme, feuilletons télévisés-, conseils prophylactiques, propagande politique, tout y passe34.» On assiste donc à une adaptation constante du cordel aux nouveaux modes de vie.

Au regard de l’évolution récente du genre, la classification du genre comme littérature populaire est de plus en plus remise en question. Raymond Cantel avait en effet retenu, comme critère de détermination de la littérature de cordel comme littérature populaire, le fait que les auteurs de cordéis étaient d’origine populaire et non lettrés. Or l’on constate qu’à partir des années 60/70, un certain nombre de poètes ayant fait des études supérieures se sont adonnés au cordel35, ce qui a eu pour répercussion l’apparition de nouvelles thématiques. Selon Elói Teles de Morais, lui-même diplômé en droit, l’entrée dans le cordel de ces nouveaux poètes est positive, dans la mesure où «ils rendent un excellent service et redonnent du prestige au genre36.» Pour Gilmar de Carvalho, cette distinction entre populaire et érudit37 est en passe de prendre un sens tout à fait différent. En effet,

«cette notion de populaire passe par une appropriation de ce qui vient de la culture de masse. Aussi, cette dichotomie n’a plus lieu d’être, cette division entre le populaire et l’érudit n’existe plus, et aujourd’hui nous avons plutôt à faire face à un triangle, voire une triade. Nous avons le populaire, l’érudit et le massif, et ces trois ordres s’interpénètrent38

Pour ce chercheur, la littérature de cordel représente un des moyens utilisés dans le Nordeste pour transmettre les informations locales et diffuser des informations générales de façon efficace.

2. La création de l’Académie des cordélistes du Crato

Prenant conscience de l’évolution de la situation, mais persuadé qu’il y avait toujours un public pour un cordel de qualité, mu par le besoin de réagir contre ce mouvement de décadence annoncé et animé par le désir de «sauvegarder, étudier, promouvoir, illustrer et répandre le cordélisme, c’est-à-dire, l’art et la science du cordel39», Elói Teles de Morais40 convoqua un certain nombre de poètes du Crato en 1991 pour dresser un état des lieux et discuter des moyens de lutter contre cette disparition lente, mais certaine. Animateur depuis 1957 d’émissions de radio locale consacrées à la culture nordestine, dont une réservée à la divulgation de la poésie régionale et nationale41, Elói de Teles tenta de trouver un moyen plus solide et efficace de maintenir vivante cette tradition. C’est pourquoi il décida de fonder avec ses collègues l’Académie des cordélistes du Crato, expérience originale et unique à ce jour au Brésil. Le Crato, ville voisine de Juazeiro do Norte, centre réputé de cordel et de xylogravure, s’est ainsi doté d’une structure de soutien et de développement du cordel, qui fonctionne depuis plus de six ans et a déjà permis la publication de 78 cordéis. Comme l’a souligné malheureusement un des membres fondateurs, le poète Maranhão, «lorsqu’une espèce entre en voie de disparition, alors les scientifiques commencent à s’y intéresser42.» Il est vrai qu’en choisissant l’appellation d’Académie, il s’agissait non seulement de perpétrer une tradition, de garantir une production, mais aussi d’incentiver les recherches et de mettre un fonds important de cordel à la disposition des chercheurs.43

Fonctionnant sur un modèle démocratique, cette Académie est composée de douze membres, qui doivent remplir les conditions suivantes: être résident du Crato, être reconnu comme poète populaire, avoir déjà publié au moins cinq cordéis dans les 90 jours qui précèdent l’acte de candidature. Le nombre est volontairement limité à douze auteurs dans la mesure où l’Académie se propose de publier douze cordéis par année, chaque auteur apportant ainsi, tour à tour, une contribution mensuelle. Le mandat du Président est renouvelable d’année en année. L’Académie se réunit une fois par mois pour discuter des orientations générales ainsi que de ses activités de divulgation (émissions de radio, conférences, présentation dans les écoles, accueil de chercheurs, publications, participation à des congrès, commandes, etc.), et lors de chaque lancement, elle organise une lecture publique suivie d’une réception. Le cordéliste présente alors son texte, le déclame et en offre un exemplaire à chaque personne présente.

L’Académie s’est également dotée d’un blason qui reprend les éléments suivants: la carte du Crato avec, en son centre, une guitare, instrument d’accompagnement traditionnel de la poésie déclamée par les repentistas. A gauche, le piqui, fruit typique du Crato, à droite, la canne à sucre, et au sommet, un bandeau à plumes indien. Ainsi, les divers symboles des origines de la culture cratense sont représentés, rappelant le passé national indigène ainsi que la colonisation.

3. Les objectifs

En ce qui concerne la publication de cordel à proprement parler, parmi les objectifs majeurs de l’Académie nous trouvons d’une part l’exigence du respect de la tradition, d’autre part l’exigence d’un contenu de qualité, qui est proche de la conception de José Francisco Borges. Selon ce dernier, un bon cordel «doit être écrit de façon à atteindre le public qui va lire ou écouter le conte à travers les sentiments, qu’il s’agisse d’amour, de calomnie, de religion, de politique, d’événement tragique, d’humour, de souffrance, de vengeance ou d’autres thèmes44.» Afin de se démarquer des publications plus commerciales et opportunistes, les cordélistes de l‘Académie se sont concertés pour respecter cette ligne et proposer également des sujets directement liés à l’histoire locale et aux événements du Crato, participant ainsi de la mémoire de la ville et du quotidien de ses habitants.

Quant à l’attention marquée à la tradition, elle est centrée sur deux éléments formels: la présentation et la versification45 . Comme l’avait souligné Expedito Sebastião da Silva, «Le plus important dans le cordel est la métrique. De la poésie sans métrique est une poésie invalide. C’est la métrique qui donne sa beauté au cordel46», d’où le soin particulier porté au respect de la métrique, le poète ayant une oreille infaillible. Eloi Teles de Morais déplore le fait que certains poètes, plus commerciaux, pressés par le temps et travaillant beaucoup sur commande, ont tendance à négliger le vers47. Par ailleurs, chaque cordel reprend le format habituel avec en couverture une xylogravure originale qui «illustre» le contenu et attire le regard du futur acheteur ainsi qu’un certain nombre d’indications identiques qui permet de reconnaître immédiatement la facture de l’Académie48. De plus, chaque cordel est introduit par une présentation du thème traité et une rapide biographie de l’auteur. Ne disposant guère d’un atelier d’imprimerie propre, l’Académie a souvent recours à la traditionnelle Lira Nordestina de Juazeiro do Norte, actuellement gérée par l’URCA49, mais se propose d’acquérir son propre atelier afin d’être plus autonome, de pouvoir augmenter ses tirages et ses rééditions, de produire à moindre coût50 et d’assurer une meilleure régularité dans les dates de parution.

4. Célébration d’un microcosme culturel

En ce qui concerne le contenu, les objectifs sont, selon les statuts, de «divulguer la culture populaire centre-nordestine51», et donc de proposer, soit un sujet de réflexion au lecteur, soit une information d’intérêt culturel, soit un sujet d’histoire locale, soit un divertissement. Ainsi par exemple, au mois de décembre 1996, l’Académie a publié un cordel collectif intitulé A Cultura popular no Cariri52 où elle aborde les différentes traditions et curiosités du Cariri, sujet de cordel conçu dans l’intention de dresser un inventaire des richesses culturelles locales. Par ailleurs, selon Eloi Teles de Morais, il est primordial que le poète fasse preuve d’imagination et de sensibilité, soigne la beauté du vers et des images, garantisse une qualité et une originalité de son inventivité afin de plaire au lecteur. Si l’on parcourt les 78 cordéis publiés à ce jour par l’Académie, on découvre petit à petit la vie quotidienne de toute une population de l’intérieur avec ses préoccupations, ses croyances, ses habitudes, ses modes de convivialité et son système de valeurs. Au coeur de la propre Académie, nous assistons à un jeu de miroirs et de renvois, les uns et les autres présentant leurs travaux respectifs et exprimant leur admiration, leur gratitude, leur estime, voire leur affection réciproque. Le doyen de l’Académie, José Esmeraldo da Silva, né en 1911, affectueusement surnommé Zé Professor, donne l’exemple en rendant hommage à ses collègues dans un cordel intitulé Profissões dos mesmos, qui évoque le métier qu’exerce chaque cordéliste dans sa vie courante ainsi que son dévouement à la poésie. Cette convivialité et bienveillance qui se traduit par les compliments mutuels adressés les uns aux autres est tout à fait caractéristique de l’univers des cordélistes et des repentistas, qui en ouverture de leur discours, s’adressent toujours directement au public et parfois font l’éloge de leurs prédécesseurs ou maîtres, marques évidentes de l’héritage de l’oralité53, où la présence de l’autre est une donnée de base. Littérature composée pour être chantée, déclamée ou lue en public, et non pour être découverte dans le tête-à-tête solitaire du lecteur occidental, la littérature de cordel est fondamentalement participative et établit une communication de proximité entre poètes et lecteurs-auditeurs. José Esmeraldo da Silva, étant par ailleurs très attaché à son prochain, de nature très religieux et nostalgique, aime rappeler dans d’autres poèmes narratifs les événements de sa propre vie et de ses proches54, ce qui constitue, par le jeu des confidences, un autre moyen de se rapprocher du public.

Cette conscience d’appartenir à un groupe ou à une corporation ne constitue en aucun cas un frein à la créativité des poètes, bien au contraire, et il n’est pas rare de pouvoir suivre des discussions ou des joutes par cordel interposé. Ainsi par exemple, O pau de Maranhão est l’oeuvre de trois poètes, Eloi, Luciano et Maranhão, à partir d’une plaisanterie faite sur le bois qui sert à faire les xylogravures des cordéis et qui animait les réunions de l’Académie. Ce fut pour eux, une façon de partager leurs préoccupations avec leur public. En général, chaque poète développe librement une ligne de force liée à ses intérêts personnels, qu’il s’agisse de folklore, de politique, d’histoire, d’humour, etc. Josenir Amorim Alves de Lacerda, une des deux femmes membres de l’Académie, est plus proche de la tradition des estorias55 et est surtout réputée pour ses qualités de conteuse et d’humoriste. Partant d’une anecdote, ou d’un fait divers connu dans la ville, elle le transforme en conte drôle et édifiant56. Ses textes sont particulièrement appréciés par le public qui attend le dénouement de l’histoire. Dans O menino que nasceu falando, qui rapporte l’histoire d’un nouveau-né annonçant la mort prochaine de son père à sa naissance, il faudra attendre l’avant-dernière strophe pour apprendre que

«Faleceu d’uma agonia
O coitado do vizinho .57»

Dans la même veine humoristique, Francisco Edésio Batista, employé de banque, se montre plus attaché aux petits travers humains et dénonce les faiblesses des hommes, comme la vanité, la malignité, la désobéissance58. S’inspirant des histoires cocasses qui arrivent parfois aux habitants du Crato, surtout après l’absorption de quelques verres de cachaça de trop, il conte avec bonheur les situations comiques qui en résultent, comme dans Proezas de um Caçador:

«Em vez de pescar o peixe,
Foi êle quem foi pescado59

Sebastiana A. Job, surnommée Bastinha, professeur de portugais à l’URCA et passionnée par la littérature populaire, grande admiratrice de Patativa do Assaré60, défend les valeurs sertanejas par rapport à celles de la ville ou du littoral. Dans Forró bom é no sertão, elle fustige clairement les moeurs citadines:

«Arrependido eu tou
pur querê vim a cidade
conhecê o seu progresso,
mais o que vi foi regresso
cum tanta imoralidade!61»

Elle est d’une part très réceptive à la sagesse populaire62 et reconnaissante envers les personnes qui contribuent à maintenir la vivacité des traditions du sertão63 et d’autre part, très présente pour la défense des causes de l’actualité64 .

Toujours proche des Cratenses, Francisco Valdemiro do Nascimento, dentiste de profession, a consacré un cordel aux surnoms des habitants du Crato65, ainsi qu’un cordel faisant l’apologie du folklore, Em defesa do folklore, dans lequel il évoque les différentes manifestations et coutumes qui avaient fait l’objet d’études de la part de Gilberto Freyre comme de Luis da Câmara Cascudo. Sa verve critique saisit aussi bien les déboires des Américains dans le lancement manqué d’un ballon66 que les Nordestins dans leur soif d’histoires merveilleuses67. Luciano Carneiro de Lima, agriculteur, se montre plus attaché à l’âme du peuple sertanejo et à ses personnages historiques et populaires68. Après avoir établi les distinctions entre ce qui est populaire et ce qui est moderne, il dresse dans Tipos modernos un portrait des principaux héros populaires contemporains, de Luiz Gonzaga à Paulinho da Viola en passant par Pelé, le Père Cícero, Lampião et tous les saints vénérés dans le Nordeste. Une thématique plus sociale, voire politique, est proposée par José Alexandre da Costa, professeur de mathématiques, dans la mesure où il aborde des aspects traditionnels des conditions de la vie sertaneja: pauvreté, désinvolture des politiques, rôle de l’Eglise69. Dans Lamento de um sertanejo, il rappelle la condition misérable des paysans et dénonce le gouvernement qui ne prend pas les mesures nécessaires pour améliorer la situation, car à ses yeux, rien ne peut justifier la faim et la pauvreté:

«Não justifica o Brasil
que é um país continente,
com terras ricas e fertéis
ver com fome a sua gente70

Les préoccupations politiques sont très présentes aussi dans les textes du professeur Eugenio Dantas pour sa part très attentif à la question économique et sociale, allant jusqu’à dénoncer les injustices, les répétitions sempiternelles des promesses électorales restées sans effet ou les stériles rivalités entre villes voisines71. Dans Nordeste prioritário, il s’en prend directement à la Constitution:

«Um princípio que existe
em nossa Constituição
diz que em nosso País
não há discriminação;
por que é que o Nordeste
é tratado assim então72

Par ailleurs, il est également très proche de l’imaginaire populaire et fantastique du Nordeste et excellent conteur73.

L’histoire de la région est un autre sujet fréquemment traité par un certain nombre de cordélistes. Ainsi Tancredo Lobo aborde l’histoire récente, et notamment un épisode lié à la religiosité populaire. Rappelant la destruction du Caldeirão da Santa Cruz do Deserto74 le 9 septembre 1936, et la fuite du beato José Lourenço dans le Pernambuco, il en propose une lecture politique sans ambigüité comme l’indique le sous-titre: A História do Trabalho contra a Exploração75. Il termine son texte par une incitation à continuer le combat inachevé du Caldeirão:

«A luta, caro leitor,
é do pobre contra o rico
do povo trabalhador
contra o explorador maldito;
por isso, não tema a guerra;
esse cordel aqui se encerra
vamos à luta, tenho dito!76»

Quant à Eloi Teles de Morais, diplômé en droit, son souci majeur est de permettre aux Cratenses de connaître l’histoire de leur propre ville qui n’est plus guère enseignée dans les écoles. Aussi, il a consacré 6 cordéis à l’Histoire du Crato de 1730 à 190177, plusieurs cordéis à des légendes du Crato78, plusieurs publications à des personnages historiques79. Son excellente connaissance de la culture populaire due à ses anciennes et nombreuses activités dans le milieu, ainsi que son amour débordant pour sa ville natale, en font un des plus puissants défenseurs. Dans un cordel resté célèbre, Acorda, Meu Crato, il s’en prend à ses concitoyens qu’il tente de secouer de leur léthargie et des luttes politiques fratricides qui les affaiblissent. Il fait appel au passé glorieux de la ville en incitant les habitants à réagir contre le mal qui les dévore comme Jésus chassant les marchands du Temple:

«Recupera o teu prestigio
por esse Brasil afora.
Retoma o teu crescimento
porque é chegada a hora80»

Le souci didactique, voire éthique s’affirme très nettement avec Francisco Correia Lima, employé municipal, qui suit de très près la vie politique et économique du Crato81. A l’occasion des dernières élections, il a adressé un message à ses concitoyens dans Não jogue fora esta arma pour les inciter à ne pas négliger le droit de vote et à en faire meilleur usage:

«Nunca deixe de votar
mas aprenda a escolher
evite que o desonesto
vá assumir o poder
defende seu ideal82

Dans une veine tout à fait personnelle, Willian Brito, ingénieur agronome, a consacré de nombreux cordéis à l’écologie et à l’éthique84, estimant que le cordel est toujours un excellent moyen pour sensibiliser le public aux problèmes de l’environnement. Par ailleurs, il développe également une veine plus nationale en évoquant la mort d’Ayrton Senna ou l’histoire de Saint Benoît, patron des esclaves85.

5. Les répercussions

A partir d’un tirage de 1000 exemplaires, dont 200 restent la propriété de l’Académie des cordélistes pour ses archives et pour la divulgation vers d’autres villes et pays85, les 800 exemplaires restant reviennent à l’auteur qui les distribue en partie lors du lancement, puis les met en vente dans les kiosques ou sur les marchés. Il arrive que certains cordéis, jugés d’intérêt public soient réédités et mis à la disposition des écoles publiques. Ce fut le cas des 6 volumes consacrés à l’Histoire du Crato, réédités par le MOBRAL86, qui permet ainsi aux enfants de connaître les faits épiques et héroïques du Crato, comme la Révolution de 1817 par exemple.

La fonction de communication et d’information de proximité traditionnellement conférée au cordel subsiste encore de façon efficace dans certains domaines, et montre la valeur affective que le public populaire continue de manifester à ce genre littéraire. Preuve en est la récente campagne de vaccination anti-rabique de 1994: organisée par l’Etat, à travers la presse et par voie d’affichage, les résultats positifs furent estimés à environ 5%. Cette même campagne, reprise à travers le cordel à la demande des autorités locales, permit d’obtenir un taux de succès de 70 %. De même, l’examen des sujets traités par année retrace l’importance des préoccupations locales momentanées: ainsi, en 1991, année de mauvaise gestion administrative de la ville, plusieurs cordéis furent consacrés à ce problême-là. Ce phénomène montre bien l’impact joué par le cordel au sein de la communauté, les académistes se faisant les porte-voix des habitants pour manifester leur mécontentement en cas de nécessité, de la même façon, qu’en sens inverse, les autorités recourent au cordel pour faire passer une campagne d’information. Le cordéliste, une fois de plus, est à la disposition de la communauté.

Plus remarquable encore, il arrive que l’Académie soit parfois sollicitée pour des commandes extérieures au Crato ou au Ceará, de portée nationale, voire internationale. Ce fut le cas en 1992, où le Service brésilien de la BBC de Londres a commandé une série de 8 cordéis sur la santé, qui allaient être distribués à titre préventif au Brésil, ainsi que dans les pays africains lusophones. Les sujets abordés, comme le Sida, la diarrhée, l’hygiène par exemple, trouvaient là une forme populaire d’expression qui permettait une approche plus naturelle et efficace, dans la mesure où le moyen utilisé était déjà familier aux classes modestes de la population. Le rapport affectif qui unit le lecteur-auditeur au cordel facilite non seulement la compréhension du message délivré, mais également son acceptation.

Conclusion

Ainsi à travers cette expérience originale, nous avons pu esquisser les lignes d’une évolution en cours. Résultant d’un certain nombre de facteurs qui sont eux-mêmes les conséquences de la transformation constante de la société, nous pouvons constater que ce genre populaire continue néanmoins de jouer un rôle de communication non négligeable. Pour y parvenir, il s’est d’une part enrichi de poètes érudits et s’est d’autre part renouvelé dans ses thématiques. Comme le soulignait avec beaucoup de pertinence Raymond Cantel lors de son passage à Recife en 1972, «si le pouvoir public brésilien avait une idée de l’importance et de l’usage que l’on fait du cordel, il ne laisserait pas le genre s’éteindre87

Contrairement au courant qui s’était développé jusque vers les années soixante, où le cordel était conçu essentiellement comme une littérature de fiction, «forme de résistance originale face à la réalité politique et sociale88», se développe à l’heure actuelle une littérature plus en prise sur les problèmes sociaux quotidiens et animée par le besoin de raconter sa propre histoire en réaction aux crises politiques traversées et aux problèmes récurrents du Nordeste: injustices sociales, éducation déficiente, système de santé défaillant, pauvreté endémique, émigration. La participation d’auteurs diplômés donne parfois une tournure plus didactique aux textes, et par ce biais, ils se font les intermédiaires auprès des citoyens des manques des gouvernements et administrations successifs. Les diverses commandes, qu’elles émanent de partis politiques ou d’institutions officielles prouvent bien l’attention et le respect accordé par la population à ce moyen de communication. Le cordel reste un genre littéraire populaire, dans le sens où il est à la disposition du public, le collectif supplantant l’individuel. Le cordéliste reste fidèele à sa fonction: être un professionnel de la rime. C’est en partie cette tradition que l’Académie des cordélistes du Crato se propose de perpétuer.

Sylvie DEBS
Université Robert Schuman – Strasbourg 1997

Notes

1CANTEL Raymond: La littérature populaire brésilienne, Poitiers, Centre de Recherches latino-américaines, 1993, p. 21

2Crato: ville située dans l’Etat du Ceará, aux confins du Pernambouco et du Piaui, voisine et rivale de Juazeiro do Norte.

3CAVIGNAC Julie: «Mémoires en miroir», Cahiers du Brésil contemporain n°9, 1990, p. 49: Nom donné par les chercheurs aux Folhetos de Feira, poèmes narratifs diffusés sous la forme de livrets vendus lors des foires, suspendus à cheval sur une corde, d’où leur nom.

4 COIMBRA Silvia Rodrigues: Poesia e gravura de J. Borges, Recife, 1993, p. 19: «Está ameaçada de morte uma literatura que desde o século passado, através dos grandes poetas Leandro Gomes e Silvino Pirauá, com os primeiros folhetos de cordel publicados em tipografia, espalhou-se na Região nordestina por todas praças e feiras. Um sistema de jornalismo matuto funcionando como diversão e anúncio de morte de grandes personagens históricos: Lampião, Padre Cícero, Getúlio Vargas entre muitos outros.»*

6 Leandro Gomes de BARROS, mort en 1918, avait laissé plus de mille titres différents à sa mort.

7Rodrigo Coelho CAVALCANTE a laissé plus de mille cinq cents titres.

8 Membres d’une bande armée indépendante qui spolie certains propriétaires et en protège d’autres. Parmi les plus célèbres, on peut citer Lampião et Maria Bonita, Corisco et Dadá.

9 Cf. la classification de Raymond CANTEL in Etudes, Littératures orales, «De Roland à Lampião ou la littérature populaire du Nordeste brésilien», Paris, 1979, pp. 27-63.

10 Atelier de José Bernardo da SILVA, patron de la typographie São Francisco dans les années 20, qui avait racheté les droits de Leandro Gomes de Barros et João Martins de Athayde.

11 Consulter Gilmar de CARVALHO, Publicidade em cordel, São Paulo, Editora Maltese, 1994, ch. III, Edição de folhetos populares no Ceará, pp. 67-85.

12 CANTEL Raymond: op. cit., p. 33. Cachaça: alcool de canne à sucre très populaire.

13 Manuel DIEGUES JUNIOR: Literatura de cordel, Cadernos de folklore n°2, 1975, Rio de Janeiro, p.6: «A organização da sociedade patriarcal, o surgimento de manifestações messiânicas, o aparecimento de bandos de cangaceiros ou bandidos, as secas periódicas provocando desequilíbrios econômicos e sociais, as lutas de família deram oportunidade, entre outros fatores, para que se verificasse o surgimento de grupos de cantadores como instrumentos do pensamento coletivo, das manifestações da memória popular.»

14 Nom donné aux terres de l’intérieur, semi-arides, par opposition aux terres du littoral.

15 Voir les classiques du roman nordestin comme O Quinze de Rachel DE QUEIROZ ou Vidas Secas de Graciliano RAMOS.

16 Entretien réalisé avec Geraldo Moreira de LACERDA, Crato, 6/08/97.

17 Cf. classification de Cavalcanti PROEÇA, in Literatura Popular em Verso, Rio de Janeiro, Tomo I, Fundação Rui Barbosa, 1964.

18 NUVENS Plácido Cidade: Patativa do Assaré e o universo fascinante do sertão, Fortaleza, Fundação Edson Queiroz, Universidade de Fortaleza, 1995, 261 p.

19 KUNZ Martine: «La Littérature de cordel comme fiction compensatoire: une lecture possible», Revista de Letras, Fortaleza, Universidade Federal do Ceará, Vol. 17, n°1/2, Janv/Dez 1995, pp. 60-63

20 Durval AIRES Filho: «O mágico e o fantástico na literatura de cordel», in O Povo, Fortaleza, 25/03/79: «Na verdade, para um povo impedido pelo sistema econômico, uma estrutura com quase quatro séculos de atraso, e pelo ato castrador da cultura que dividiu o mundo, sumariamente entre os que sabem e os que ainda precisam aprender, de participar e de decidir sobre o destino dentro do processo histórico, não é difícil partir para o irreal e o imaginário, principalmente quando advoga em favor da justiça ou quando reflete um farto acervo cultural fora dos nossos parâmetros.» cité par Martine KUNZ dans l’article supra.

21 KUNZ Martine: art. cit., p. 61.

22 CANTEL Raymond: op. cit., p. 28.

23 Histoire de Charlemagne et des douze Pairs de France, Histoire de Robert le Diable, Jean de la Croix, Chien des Morts.

24 CARVALHO Gilmar de, op. cit., p. 68: «Juazeiro tornou-se ponto de convergência nordestina e, por conta de uma contínua romaria ao sacerdote, formou-se um público que já conhecia e consumia folhetos. Foi esse o percurso do romeiro alagoano José Bernardo da Silva, de vendedor de ervas e raízes a um dos mais importantes editores de literatura de cordel.»

25 CANTEL Raymond: op. cit., p. 29: «Fixés sur la côte [les Nordestinos] continuent à chercher l’information dans le folheto. Le journal embrouille les choses et les exprime dans un langage qui n’est pas le sien ; or le Nordestino éprouve une méfiance envers un monde qui lui est étranger. Au contraire, il recherche le folheto où les choses sont dites dans sa langue et avec les commentaires qu’il souhaite.»

26 SILVA Expedito Sebastião da: «Eu posso tratar de qualquer assunto, qualquer coisa. O meu sistema de escrever é um só, sendo em cordel é um só. O poeta está à disposição de quem quer que seja que necessita da poesia dele. Isso não desvirtua o prestígio do poeta, ele está aí pra isso, pra escrever.» cité par Martine KUNZ, in «Expedito Sebastião da Silva, Poeta-Artesão de Juazeiro do Norte», Fortaleza, UFC, mai 1996, p.4

27 Voir entretien réalisé avec Geraldo Moreira de LACERDA, Crato, 6/08/97.

28 CANTEL Raymond: op. cit., p. 31.

29 Les éditions Luzeiro Editora Limitada ont crée une collection Coleção Luzeiro - Literatura de cordel qui compte environ 125 titres qui sont la reprise des grands classiques. Chaque cordel est accompagné d’une fiche technique qui comprend les rubriques suivantes: titre, thème, auteur, lieu, strophes, schéma de versification, acrostiche final, biographie de l’auteur. L’ironie du sort a voulu que 80% des tirages soient vendus dans le Nordeste!

30 Le format traditionnel de 11 cm sur 16 cm qui comptait 8, 16 ou 32 pages est passé à 13,5 sur 18 cm pour 32 pages.

31 CANTEL Raymond: op. cit., p. 50.

32 Poètes improvisateurs, dérivé de repente, improvisation.

33 Duos de chanteurs qui s’accompagnent d’un tambourin pour sillonner le Nordeste en chantant et improvisant sur les sujets d’actualité. Les Fabulous Trodadors de Toulouse, Claude Sicre et Ange B. s’en revendiquent dans leurs propres compositions.

34 MORTAIGNE Véronique: «Poètes-reporters et menteurs professionnels», in Le Monde, 30/12/95, p. 8.

35 On peut citer Geraldo Carvalho Frota, actuel Secrétaire Général du COCORDEL [Centro Cultural dos Cordelistas do Ceará], ex-séminariste diplômé en philosophie, Paulo de Tarso, diplômé d’histoire, Vicente Paulo Lemos, professeur et directeur d’école, Francisco Willian Brito Bezzerra, ingénieur agronome.

36 Entretien avec Elói de MORAIS, Crato, 1/08/97: «Estes novos poetas estão prestando um excelente serviço, é uma demostração de prestigiar o cordel.»

37 Raymond CANTEL avait déjà tenté d’aller au-delà de cette dichotomie traditionnelle sans pour autant proposer une nouvelle définition: «Jamais ses explications savantes ne revêtent un caractère paternaliste, l’opposition culturelle est toujours traitée comme un pôle de valorisation, le cordel reste intégré dans le champ naturel de la littérature orale où il conserve son individualité et son contenu.» écrit Annick MOREAU dans l’introduction, p. 17.

38 CARVALHO Gilmar de, op. cit., p. 65: «Esse popular ele passa também por uma apropriação do que vem das culturas de massa então, deixou de haver aquela dicotomia, essa divisão entre o popular e o erudito e hoje em dia a gente teria um triângulo, uma tríade. A gente tem o popular, o erudito e o massivo e essas três ordens se interpenetram.»

39 Estatutos da Academia dos cordelistas do Crato, Capitulo II, Dos Objetivos: «Cultuar, pesquisar, promover, documentar e difundir a arte et a ciência do cordel

40 Cordéliste, né le 19 avril 1936 au Crato, animateur de radio, défenseur du folklore et des artistes populaires (repentistas, violeiros, Bandas Cabaçal, Reisados, Judas, cordelistas, Bumba-Meu Boi, Festas Juninas, Maneiro-Pau, etc).

41 Coisas do meu sertão, émission quotidienne sur Radio Araripe depuis 1957 au cours de laquelle Eloi Teles de Morais présente les poèmes de nombreux auteurs populaires dont Zé da Luz (Paraíba), Patativa do Assaré (Ceará), Juvenal Galeno, Pompilio Diniz (Paraíba), Catulo da Paixão Cearense, Zé Limeira (Paraíba), Siquiera do Amorin, etc. La primauté est donnée aux thèmes sociaux, politiques et historiques. Les émissions ont été interrompues lors du coup d’Etat en 1964, et purent reprendre à partir du 2 mars 1965. Elles sont toujours suivies avec beaucoup d’assiduité de nos jours et les jeunes cordélistes reconnaissent le rôle prépondérant joué par ces émissions quant à leur propre vocation.

42 Voir entretien réalisé avec Geraldo Moreira de LACERDA, Crato, 6/08/97.

43 Eloi Teles de MORAIS dispose d’un fonds d’environ 3000 cordéis.

44 COIMBRA Silvia Rodrigues: op. cit. , p. 18: «o Cordel tem de ser escrito de uma maneira que toque no sentimento do povo que vai ler ou ouvir o conto - seja ele de Amor, Calúnia, Religião, Política, acontecimento trágico, Humor, Sofrimento, Vingança e outros temas.»

45 Généralement des sextilhas (sizain d’heptasyllabes dont les second, quatrième et sixième vers sont rimés).

46 SILVA Expedito Sebastião da: art. cit., p. 2: «O mais importante do cordel é a métrica. Uma poesia sem métrica é uma coisa inválida. A métrica é que faz o cordel ficar bonito.»

47 Entretien avec Eloi Teles de MORAIS, Crato, 1/08/97.

48 Academia dos cordelistas do Crato - Titre du cordel - Nom de l’auteur - Numéro de fauteuil de l’académicien de cordel - Nom du xylograveur - Mois et année de publication.

49 URCA: Université Régionale du Cariri. Willian Brito vient d’ailleurs de consacrer un cordel au nouveau recteur, Violeta Arraes Gervaiseau de Alencar.

50 A l’heure actuelle, un tirage de 1000 exemplaires revient à 100 reais (600 Frcs) pour le papier plus 40 reais (240 Frcs) pour la xylogravure, soient 140 reais, sachant que le salaire minimum est de l’ordre de 120 reais.

51 Estatutos, Capitulo II, «divulgar a cultura popular centro-nordestino».

52 La culture populaire du Cariri, le Cariri étant le nom de la région de l’intérieur du sertão où se trouvent les villes de Juazeiro, Crato, Barbalha, Nova Olinda, Santana entre autres. Les thèmes traités ont été: Les fossiles de Santana, Le poète, La fête de le Rénovation, La Fête de Barbalha, Le cordel, La Casa Grande de Nova Olinda, La loi Tasso Jereissati, Superstitions et croyances, Le tronc de Saint Antoine, Les groupes folkloriques, Le moulin à sucre, Le Forró.

53 Sylvie DEBS: «Patativa do Assaré: une voix du Nordeste», in

54 Voir: Algo de minha biografia, Algo biográfico, Outro Aspecto da Paróquia de São Francisco, Versos brejeiros e Trovas acadêmicas, A «Istoa de Mané» e «Argo do meu prefiu».

55 Histoires qui ne sont pas vraies mais que l’on rapporte comme telles.

56 Voir: O menino que nasceu falando, O caçador e a Caipora, A fábula do Peru, Dona Chica, Sivirino e Luzia ou as proezas do destino.

57 «Le malheureux voisin est mort, victime d’une agonie.»

58 Voir: Proezas de um caçador, A chegada ao céu, do Português e do Brasileiro, Conselhos de um médico engraçado, Trapalhadas de um dentista.

59 «Au lieu de prendre le poisson, Ce fut lui qui fut repêché.»

60 Voir: Patativa do Assaré na aula da saudade.

61 «Je me repens, car j’ai voulu voir la ville, connaître le progrès, mais ce que je vis n’était que régression et immoralité.»

62 Voir: O povo sabe o que diz.

63 Voir l’hommage rendu à Eloi Teles de Morais dans 30 anos de sertão.

64 Voir: Grito ecológico, O professor da URCA e o Fundo de Garantia, O que você debe saber sobre Higiene.

65 Voir: Crato moleque.

66 Voir: O mistério do Balão.

67 Voir: A História de Zé Paulino e Valderice, As profecias do Velho Nelson.

68 Voir: O preço de uma paixão, Tipos populares.

69 Voir: O diálogo de Zé e Alice, Fraternidade em questião, O acordo de Santo Antonio com o Diabo, Desagravo a mãe de Deus.

70 «Rien ne peut justifier que le Brésil, un continent de terres riches et fertiles, voie ses habitants souffrir de faim.»

71 Voir: Por que brigar... Cariri ?

72 «Il existe un principe dans notre Constituition qui dit que dans notre pays il n’y a pas de discrimination; alors pourquoi le Nordeste est-il traité de cette façon ?»

73 Voir: A estória de um lobishomem, Ramiro do Seminário e suas estórias engraçadas, A estória do Brasil.

74 Voir Claudio AGUIAR, Caldeirão, Edições Tempo Brasileiro, Rio de Janeiro, 1982, 316 p. et Rosemberg CARIRY, O caldeirão da Santa Cruz do deserto, film long métrage documentaire, 1986.

75 Histoire du Travail contre l’Exploration.

76 «Le combat, cher lecteur, est celui du pauvre contre le riche, du peuple qui travaille contre l’explorateur maudit; pour cela, ne crains pas la guerre, ce cordel prend fin ici, allons au combat, je vous le dis !»

77 En se basant sur les livres d’historien comme FIGUEREDO Filho, et mettant à la disposition d’un public populaire le travail des spécialistes. Ces cordéis, dont les titres suivent, ont été réédités par la Mairie pour être distribués dans les écoles: O aldeamento, Criação do Município, A Revolução de 1817, O Primeiro de Setembro, Crato: Cidade, O fim do século.

78 Voir: A lagoa encantada, O sumiço da Santa, A pedra da Batateira.

79 Voir: Ana Triste, épouse de Tristão GONÇALVES, héros de la Confédération de l’Equateur ou encore Um sonho com Dona Bárbara.

80 «Récupère ton prestige au nom du Brésil. Reprends ta croissance, puisque l’heure est venue.»

81 Voir: Não jogue fora esta arma, Cinquentenário da Exposição.

82 «Ne laisse pas tomber le vote, mais apprend à choisir. Evite que le malhonnête prenne le pouvoir; défends ton idéal.»

83 O que é a ecologia, O Padre Cícero e a ecologia, Area de Proteção Ambiental do Araripe, Experiência de chuva, ABC da cidadania.

84 Voir: Tributo a Ayrton Senna, A História de São Benedito.

85 Cf. Estatutos, Capitulo II, «promover o intercambio com outras instituições congêneres e com pesquisadores do cordelismo, dentro e fora do pais» (Promouvoir l’échange avec d’autres institutions similaires et avec des chercheurs de cordel, au niveau national et international).

86 MOBRAL: mouvement brésilien pour l’alphabétisation.

87 COIMBRA Silvia Rodrigues, op. cit., p. 20: «... se o poder público brasileiro tivesse a noção o quanto e para que serve o cordel, não deixaria morrer.»

88 Martine KUNZ, art. cit., p. 63.

Annexe: Juramento da Academia dos cordelistas do Crato

Eu prometo defender
com esforço absoluto
pra que eu faça valer
o que diz o Estatuto.

Ordem, respeito, união
amor pela poesia,
trabalhar com o coração
pela nossa Academia.

Em cada verso sutil
que eu consiga rimar
será em honra ao Brasil
e a cultura popular.

Juro que no dia a dia
farei do verso o relato
pra honrar a Academia
dos Cordelistas do Crato.

 

boule

 Viré monté