Potomitan

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Chronique du temps présent

Signaux d'espoir

Raphaël Confiant

19. Novembre 2010

DANIEL WARO

Le 31 octobre dernier, alors que se terminait la semaine du créole fêtée par tous les pays créolophones du globe ainsi que par leurs diasporas en Europe et en Amérique du Nord, le chanteur et musicien réunionnais, Daniel Waro, a reçu à Copenhague (Danemark), la plus haute distinction mondiale décernée par les professionnels des musiques du monde. Cette cérémonie, qui s’est déroulée pendant le WOMEX ou «World Music Expo», représente un succès éclatant pour la musique créole de l’Océan indien. La musique de «Kassav», aux Antilles, avait déjà reçu une consécration planétaire, il était temps que sa cousine océanindienne l’obtienne à son tour.

Daniel Waro est un peu l’Eugène Mona réunionnais, sauf qu’il est «Petit Blancs des Hauts» ou «Yab», cette communauté assez pauvre qui vit en montagne et dans les fameux cirques, l’équivalent en quelque sorte des «Blancs-Matignon» guadeloupéens mais en cent fois plus nombreux. Issu d’une famille d’agriculteurs, profondément ancré donc dans la culture de son pays, Daniel Waro (créolisation de son nom officiel «Hoareau»), né en 1955, a refusé de faire son service militaire à l’époque où ce dernier était obligatoire. Sanction immédiate: 2 ans de prison en France! Il en profite pour écrire ses premières chansons qui s’inscrivent dans la tradition du maloya (assez semblable à notre «bèlè» ou notre «gwo-ka»), musique de révolte des esclaves noirs mâtinée d’influences malgaches, indiennes et européennes. Longtemps, comme aux Antilles, le maloya fut interdit, manquant même de disparaître à la fin des années 60 du siècle dernier lorsque des chanteurs et des musiciens de talent, bravant les autorités, le remirent à l’honneur. Daniel Waro fut de ceux-là et avec quel talent

Waro ne s’est pas contenté de reprendre la tradition, il l’a enrichie jusqu’à en faire une sorte de blues réunionnais, quelque chose qui vous saisit aux tripes et vous laisse sans voix. Il faut assister à un de ses concerts dans sa terre natale pour voir à quel point les spectateurs communient avec lui, de manière quasi-hypnotique chez certains, preuve, s’il en était besoin, que contrairement à ce que nous croyons aux Antilles, les Réunionnais sont loin, très loin, d’être des assimilés. Ils le sont sans doute moins que nous d’ailleurs…

HOUELLEBEC

Autre prix, littéraire cette fois, le Prix Goncourt, première récompense française dans ce domaine. Le gagnant de cette année est un dénommé Michel Houellebec, Français moyen raciste et fier de l’afficher à travers tous ses livres sans que personne dans l’intelligentsia germanopratine n’y trouve rien à redire. Dans l’un de ses opus précédents «Plateforme», Houellebec écrivait ce qui suit

«Chaque fois que j’apprenais qu’un terroriste palestinien, ou un enfant palestinien, ou une femme enceinte palestinienne, avait été abattu par balles dans la bande de Gaza, j’éprouvais un tressaillement d’enthousiasme à la pensée qu’il y avait un musulman de moins.» 

Quelques mois plus tard, dans une interview-télé cette fois, il déclarait froidement

«La religion la plus con, c’est quand même l’islam. Quand ont lit le Coran, on est effondré. La Bible, au moins, c’est très beau…

Ceux qui ont diabolisé Dieudonné, jusqu’à quasiment le rayer du paysage médiatique, n’ont pipé mot face aux déclarations fascistes anti-arabes et anti-musulmanes du sieur Houellebec. Mieux: ils lui ont filé le Goncourt.

À vous de deviner pourquoi!

FINKIELKRAUT, HOUELLECBEC AND Co.

Depuis une bonne dizaine d’années maintenant, un puissant mouvement négationniste et raciste traverse l’intelligentsia française (et européenne), banalisant l’esclavage des Noirs, trouvant des justifications à la colonisation, exaltant de manière subtile la «mission civilisatrice» des Euro-américains. Derrière les figures de proue que sont Finkielkraut et Houellebec se trouvent un nombre considérable d’intellectuels tout à fait respectables: philosophes, historiens, anthropologues, sociologues, économistes etc. Je suis, pour ma part, effaré à la fois par leur nombre et par la régularité de leurs publications.

En face de cette vague néo-colonialiste, quelle est notre riposte? Quels sont les théories et les ouvrages que nous leur opposons? C’est triste à dire mais la réponse est: rien. Nous préférons nous exciter sur les déclarations télévisées d’octogénaires semi-analphabètes du genre Huyghes-Despointes ou Guerlain, déclaration qui seront oubliées très vite et qui, contrairement, aux écrits des intellectuels négationnistes, ne jouent qu’un rôle mineur dans la vaste entreprise de réécriture de l’histoire et d’absolution des crimes coloniaux actuellement en cours.

(On a envie de nous dire à nous-mêmes: fermons un peu la télé et ouvrons les livres!)

PROCES ANTI-CREOLITE

On est en droit de sourire du procès intenté à la Créolité devant la justice française par le MIR quand on sait que durant des années, cette Créolité fut l’idéologie officielle du MODEMAS, parti politique martiniquais dont le président est également président du…MIR. Mieux: deux des auteurs de l’ «L’Éloge de la créolité» furent vice-présidents du MODEMAS durant 5 ans!!! Encore mieux: deux ouvrages signés du nom du président du MODEMAS furent écrits de bout en bout, l’un par tel auteur de «L’Éloge», l’autre par tel autre auteur de «L’Éloge: «La Mutation Martinique» et «Le drapeau rouge-vert-noir».

Il y a donc trois hypothèses: ou bien le président de ce parti n’avait pas lu une seule ligne de «l’Éloge de la Créolité», ou bien il n’en avait pas compris le contenu aujourd’hui qualifié par ses amis et lui de «raciste», ou bien il a voulu se servir de la notoriété des deux auteurs en question pour donner consistance et crédibilité à son parti.

Quelle que soit l’hypothèse que l’on choisit, c’est tout simplement affligeant…

CISJORDANIE

Moins d’une semaine après les élections de mi-mandat aux États-Unis, Israël a commencé la construction de 300 logements pour ses colons en Cisjordanie. Obama a réagi en se déclarant… «déçu». Netanyahou, le premier ministre de l’état hébreu, doit bien se marrer. Houellebec, le Prix Goncourt français, a certainement dû lui envoyer un télégramme de félicitations.

Sauf qu’un mois avant lesdites élections, il y a eu une cascade de démissions dans l’entourage proche du prédisent étasunien. Quasiment tous les trois jours, un de ses conseillers ou collaborateurs rendait son tablier. Par curiosité, sans doute malsaine, j’ai cherché sur le Net l’origine ethno-religieuse des démissionnaires en question pour découvrir, sans grande surprise à vrai dire, que tous sans exceptions avaient exactement la même

Sans commentaires…

LITTERATURE

Le jeune romancier martiniquais, Alfred Alexandre, vient de publier un livre tout à fait génial aux éditions Écriture: «Les Villes assassines». Un tel talent rassure quant au devenir de la littérature martiniquaise, d’autant que l’auteur ne fait ni dans la Négritude ni dans l’Antillanité ni dans la Créolité. Il invente un style neuf et exhibe une vision du monde parfaitement en phase avec notre fausse modernité. Avec Jean-Marc Rosier, auteur de «Noirs néons» (édtions Alphée), il est en train de donner naissance à la littérature martiniquaise post-plantationnaire.

Il était grand temps.   

Raphaël Confiant

boule

 Viré monté