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Touche-moi!

Marie-Andrée Ciprut

Guadeloupe, 2018. Photo Francesca Palli.

St Genis-Pouilly, 29 décembre

Neuf mois de frustration, neuf mois d’une interdiction essentielle à notre vie, voire notre survie! Défense de se toucher, de franchir les limites imposées par la «distanciation sociale»: mais où va notre Humanité?

Qui eut pensé que 2020 engendrerait la peur, la mort, la solitude, la douleur dans un monde décimé par une pandémie dont nul ne prévoyait l’ampleur, la dévastation, les conséquences sanitaires, économiques et sociales? Qui eut imaginé l’émergence de nouveaux pauvres faisant d’interminables queues pour obtenir une soupe populaire, kit de survie même en Suisse, l’un des pays les plus riches? Depuis neuf mois, les campagnes anti-Covid nous bassinent avec ce slogan: «Si vous aimez vos proches, ne vous approchez pas!»

Il nous est interdit – ou fortement déconseillé suivant la subtilité des injonctions! – de recevoir autant de convives que nous le voudrions, de nous promener à plus d’un certain nombre. Le politique pénètre nos foyers, le public régit le privé.

Chose extraordinaire: cette intrusion dans l’intime est largement acceptée par nous, victimes de la menace d’une mort programmée. Face à ce mal qui répand la terreur, il nous faut impérativement de l’espoir!

Ah redécouvrir des ailleurs, voyager sans peur du rejet d’autochtones craignant la contamination de la bête tapie dans nos valises et sur notre peau!

Ah que reviennent les caresses, tendres élans, accolades militantes; goûter à la nourriture du voisin, patauger dans les assiettes apéritives, ne plus se laver les mains cent fois par jour avec savon ou liquide désinfectant au point de les flétrir. Retrouver la normalité!

Ah que les vaccins, découverts puis injectés en un temps record, répondent aux attentes des gouvernements en quête de solutions, membres actifs de l’orgie financière des concurrents effrénés… Que le partage devienne équitable entre riches et pauvres face aux enjeux humanitaires mondiaux: à situation exceptionnelle, réponses exceptionnelles!

Mes vœux pour 2021 sont simples: restituer son sens au verbe embrasser, donc «prendre dans ses bras» les gens qu’on aime, famille, amis, passants en connivence, spectateurs enthousiastes de manifestations politiques, théâtrales, cinématographiques, musicales, religieuses, littéraires… Ah, enlever les masques le plus souvent possible, dire au moins 2021 fois l’année prochaine: touche-moi!

Marie-Andrée Ciprut
psychologue-écrivaine

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 Viré monté