Et que son cœur était fier de sa hauteur.
(Ezéchiel)

Les hommes naissent et meurent, c’est dans l’ordre du monde, mais quelques fois leur mémoire subsiste le temps du vivant  et de rares fois perdurent un temps plus lointain. Là encore, nous sommes dans l’ordre du monde, dans  le grand ordonnancement voulut par Dieu, celui qui donne et qui reprend.

Alfred Largange s’en est allé trop tôt, mais qui suis-je pour le dire!

Ses proches et ses amis honoraient sa mémoire le temps d’un hommage dans une salle paroissiale adjacente à l’église. Il n’y avait pas de prêtre, pas de curé, pas de cérémonie,  nous n’avons pas prié mais parlé de lui,  de ses passions, de ses amitiés, de ses engagements pour la Martinique et  pour sa langue créole. De cette terre qui l’a  reçu et rejeté, de cette langue qui suscite tant d’antagonismes au lieu faire de nous un peuple.

Alfred Largange avait trois intelligences, comme les Caraïbes trois âmes: celle des mains car passionné de cuisine, celle de la tête car intellectuellement brillant, celle du cœur, la plus grande sans doute, car les témoignages l’affirment: l’homme débordait d’amour et puisait sa force en Dieu.

Son temps parmi nous fut bref et court, mais il semblerait qu’il ait eu mille vies et fait mille choses comme pressentant qu’il en serait ainsi. Il a vu le soleil se lever à l’Ouest et se coucher à l’Est, il a parcouru le monde à dos d’éléphant, traversé les continents,  vu les profondeurs sous-marines et la lune dévaler du ciel.

Alfred Largange  qui s’affirmait bwabrilé  et comme tel:
Bat van,
Bat siél,
Bat la vi, ya.
Faisant le chemin inverse, il a pris la chaloupe pour retourner à Gorée, terre mortifère où commença notre tragédie. Il nous a laissé un roman inachevé de ce voyage…

Il s’en est allé car c’est dans l’ordre du monde, il s’insère dans l’ordre de Dieu. Le temps de l’homme n’est-il pas compté?

«Bwabrilé est partie pour la Guinée !
Que la terre lui soit légère !
Que le ciel lui dessine un arc-en-ciel !»

Tony Mardaye