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DIAB'-LA

Joseph Zobel

 

 

 

 

 

 

Voici le roman que j'avais écrit en 1942 à l'intention de mes compatriotes gémissant dans les ténèbres de la «Révolution Nationale». Pour cause, il fut interdit par la censure du représentant du gouvernement de Vichy aux Antilles, l'amiral Robert.

Aujourd'hui, à la faveur des libertés retrouvées, je le livre au public tel que l'amour de mon pays et de mes congénères me l'avait inspiré. Fort-de-France, le 15 avril 1945. - JOSEPH ZOBEL.

 

DIAB'-LA • Joseph ZOBEL • Nouvelle Éditions Latines •
ISBN 2-7233-1741-2

Diab'-la

Préface

Les écrivains martiniquais ont décidément droit de cité dans la littérature française, ils s'imposent à nous autant par leurs qualités de terroir, par leur particularisme, que par leurs accents profondément humains, par l'esprit généreux et social qui les anime.

Hier, c'était Bleu des Iles, de Raphaël Tardon qui nous surprenait par l'étrangeté de ses récits colorés, aujourd'hui, voici Diab'là, de Joseph Zobel qui nous séduit également par sa peinture savoureuse de la vie des noirs dans un petit village de pêcheurs de la Martinique. Quelles mœurs charmantes, quelles coutumes curieuses et sympathiques, quelle naïveté gentille, quelle fraîcheur d'âmes dans ces scènes de la vie quotidienne que Joseph Zobel a su décrire de la façon la plus naturelle! Le cabaret des Sept Péchés où «Man Mano» confectionne un de ces «trampages à la morue et aux tomates, avec bon piment, bons clous girofle et bons graines bois d'Inde» est un de ces lieux agréables où on aimerait bien aller boire un punch de temps en temps. Et avec quelle plume alerta nous décrit-il les fêtes, les danses, la nuit de la Toussaint dans le cimetière, les jeux des enfants sur la plage avec le rature de ces Français d'adoption des diverses provinces de l'Empire et la Martinique est une des plus anciennes et plus évoluées dans le cadre de la civilisation française.

«Ti-Soun» qui fait des commissions pour gagner quelque chose afin d'aider sa maman malade et de pouvoir aller un jour à l'école.

Nous avions, dans la littérature française, des écrivains régionaux, qui nous décrivaient les mœurs et les coutumes de leurs provinces; chacune a son rayon spécial, que ce soit la Bretagne ou la Provence, l'Auvergne ou la Normandie, qui compte des œuvres de tout premier ordre considérées comme des chefs-d’œuvre de notre littérature, et d'autres qui, sans prétendre à un tel rang, n'en occupent pas moins une place enviable parmi les œuvres de terroir.

Il nous faudra compter, dorénavant, avec la littérature de ces Français d'adoption des diverses provinces de l'Empire et la Martinique est une des plus anciennes et plus évoluées dans le cadre de la civilisation française.

Mais, pour si grande que soit cette qualité, — le particularisme, — elle n'est pas la seule à faire le mérite de Diab'là, il y a autre chose encore qui nous rend particulièrement précieux ce récit tout simple et sans grandes péripéties, un nègre, fort, costaud, arrive un soir dans un village de la côte, Diamant, il vient de l'intérieur. Il aime la terre, mais il ne veut pas la travailler dans les plantations de canne à sucre, en manœuvre, il veut travailler la terre pour lui, avec tout son amour, toute son énergie. Il fui faut une femme, il la trouve. C'est une brave blanchisseuse, honnête et courageuse comme lui. Il lui faut de la terre, on lui en loue. Et c'est l'histoire de son travail, comment il fait produire une terre ingrate et rocailleuse. Et c'est en même temps celle de la libération de l'homme, dans l'espoir d'une vie meilleure, libre des servitudes et des exploitations.

Diab'là et son ami, Capitain'là, rêvent tous les deux de voir le peuple nègre davantage maître de son destin.

«Sans doute, dit l'un, on avait soumis les nègres à cet état afin de les civiliser, n'est ce pas?... Mais je crois qu'à force de fabriquer des fortunes pour ceux qui s'étaient chargés de leur destin, ils sont civilisés maintenant...»

Et Diab'là estime qu'il est temps qu'on «sème des grains à nous et pour nous-mêmes».

Voilà pourquoi ce livre est important, par lui les nègres de la Martinique font entendre pour la première fois leur revendication dans un monde mieux organisé où ils auront la place qui leur est due; c'est un livre social, sans amertume, sans acrimonie, sans haine, qui apporte aux noirs de la Martinique et d'ailleurs la confiance dans un destin nouveau.

C'est à Pierre Bénard qu'on avait demandé cette préface, la mort ne lui a pas laissé le temps de l'écrire, il faut le regretter car lui, qui était si épris de liberté et d'indépendance, il avait aimé ce Diab'là que la censure de l'amiral Robert avait interdit.

GEORGES PILLEMENT

boule   boule  boule

 

Viré monté