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Un nouveau regard sur la poésie en langue créole

Le Nouvelliste - 4 octobre 2007

La poésie en langue créole charrie des thèmes majeurs tels que le militantisme sociopolitique et l'amour. C'est une poésie enrichissante. Entretien avec Michel-Ange Hyppolite, poète et critique littéraire.

Le Nouvelliste: M. Michel-Ange Hyppolite, vous êtes poète, vous écrivez en créole, doit-on parler de poésie créole ou de poésie d'expression créole?

Michel-Ange Hyppolite: Dans les travaux critiques en français sur la littérature haïtienne d'expression créole, le terme «poésie créole» ou «poésie d'expression créole» est souvent employé. A mon humble avis, je crois qu'il serait mieux de parler de «poésie haïtienne en langue créole». Cependant, compte tenu de l'usage du créole comme héritage culturel ou comme langue maternelle, les Haïtiens verront rapidement une différence entre la poésie créole et la poésie écrite en langue créole.

Que le créateur haïtien écrive une œuvre poétique en créole ou en français, sa production littéraire relève de la poésie créole parce que sa substance repose essentiellement sur le patrimoine culturel haïtien. En considérant une œuvre comme «Les Arbres Musiciens», écrite en français, l'essence de cette œuvre de Jacques Stephen Alexis exhale un délicieux arôme créole. Ainsi, en lisant les poètes haïtiens qu'ils écrivent en créole ou en français, du point de vue culturel, c'est de la poésie créole. En considérant le créole comme ma langue maternelle, je dirais que j'écris une poésie haïtienne en créole, véhicule naturel pour transmettre ma sensibilité et mon émotion.

Y a-t-il une langue, soit par sa beauté ou la richesse de son vocabulaire, qui soit plus apte qu'une autre à faire de la poésie?

Il n'y a pas linguistiquement parlant de langue supérieure à une autre. Il convient donc de faire remarquer qu'une langue est un outil de communication. Cependant, des conditions économiques et sociales peuvent aider à son épanouissement sans qu'elle soit supérieure à une autre évoluant dans un milieu moins favorisé.

Si un pays recèle beaucoup de ressources économiques, cela peut encourager le développement technologique et les recherches dans des champs spécifiques. Les habitants de ce pays vont créer des mots correspondant aux travaux qu'ils réalisent. Dans cette optique, le vocabulaire de cette langue évoluera. Ainsi, les linguistes auront la possibilité de réaliser des études et de faire des recherches relatives à l'évolution de cette langue. Il revient aussi à l'utilisateur de créer des termes ou des expressions. Donc, la langue comme telle n'a aucun problème. Les problèmes qu'on reproche à la langue créole sont dus de préférence à l'inertie de ses locuteurs.

Cependant, nous pourrions rappeler que toute langue renferme un langage poétique. Il est donc anormal de dire qu'une langue peut être plus poétique qu'une autre. Écrire des poèmes est une façon pour le poète de partager ses états d'âme, ses aspirations. Souvent des préjugés sociaux portent à croire qu'il existe des langues poétiquement plus enrichissantes et plus belles que d'autres. Or chaque langue a son harmonie, sa cadence, sa musicalité, son rythme, etc. Nous devons donc apprendre à apprécier notre langue, un héritage culturel. Nous devons la faire rayonner partout ailleurs, ce n'est pas aux étrangers de le faire pour nous. Sinon, nous vivrons dans l'ombre de la dépendance.

Pensez-vous qu'il existe une différence entre écrire en français et écrire en créole? Vous sentez-vous plus à l'aise dans une langue que dans l'autre?

J'ai fait toutes mes études en français et en anglais. Parmi les œuvres que j'ai écrites, certaines sont traduites en français et en anglais (Zile Nou, 1995; Lèt Ife ak Soul, 2006). Etant professeur de sciences générales et de biologie, j'ai publié un ouvrage scientifique «Atlas leksik zo mounn» (1989) en créole avec des traductions en anglais, en français et en espagnol. Dans mon milieu de travail, je me sers du français et de l'anglais comme outils de communication. Mais, le créole étant ma langue maternelle, je me sens plus à l'aise quand je m'exprime dans cette langue.

L'esthétique est un terme indispensable en littérature, pourriez-vous dire pour les lecteurs du journal en quoi consiste une esthétique littéraire?

Parler d'esthétique, c'est parler de beauté. Ce terme, tant en littérature que dans les autres arts, est vaste. Il s'applique à un écrivain ou à un artiste dans des domaines précis comme la danse, la peinture, la musique, etc.). Il reflète les caractéristiques d'une œuvre ( artistique ou littéraire), d'un cénacle ou d'une équipe. L'esthétique d'une œuvre relève, comme je l'ai dit ci-haut, de sa beauté artistique, et aussi de la qualité des éléments susceptibles de retenir l'attention du public et de le fasciner intensément. En ce sens, je dirais que l'esthétique de Jean-Claude Martineau (Koralen) diffère de celle de Félix Morisseau Leroy. Ou encore l'esthétique du regroupement appelé Karako Ble diffère de celle de la Sosyete Koukouy d'aujourd'hui.

Comme je viens de l'expliquer, la question de l'esthétique peut paraître simple. Elle peut s'inscrire dans les méthodes de travail des créateurs désireux d'appliquer cette notion. Elle relève aussi de la liberté que le créateur se donne pour choisir les éléments de son œuvre en fonction de son goût. Cependant, l'influence exercée par les croyances, la morale, l'idéologie, etc. peut constituer un écueil à une définition exacte du terme.

Ce qui est clair, c'est que parler d'esthétique, c'est parler de beauté. Bien plus, tout ce qui est beau à une époque ou à une période peut perdre sa beauté, sa valeur à une autre. L'esthétique repose donc sur la beauté, mais les critères de beauté peuvent varier selon les facteurs inhérents à chaque période, à chaque siècle ou encore à certains éléments qui n'ont aucun rapport avec la beauté.

En clair, peut-on parler d'esthétique de la poésie créole?

Malgré tout ce détour pour définir le terme esthétique, celle de la poésie créole est évidente. C'est tellement vrai qu'un poème comme «Choukoun» n'a jamais perdu sa beauté. C'est cette beauté retrouvée, entre autres, dans «Flè Dizè» ( Jean-Claude Martineau [Koralen] in Flè Dizè, 1982) et dans «Ochan pou Magi» (Kiki Wainwright, in Zepon File, 1994), qui émerveille un lecteur ou une lectrice. Pourtant, les chercheurs en littérature disent qu'il ne saurait exister d'esthétique sans théorie. En d'autres mots, il doit y avoir des concepts précis pour définir la beauté que retrouvent ceux qui lisent des textes comme «Flè Dizè», «Ochan pou Magi», etc. Maintenant, que devrions-nous faire? Devrions-nous développer des théories à partir de beaux textes créoles que nous avons lus ou devrions-nous dire qu'il n'y en a pas parce que nous n'avons pas de théorie pour définir la beauté?

En fait, l'on peut dire qu'on a beaucoup à faire pour arriver à clarifier tous les éléments entourant la question de l'esthétique d'un texte écrit en créole. En lisant «Mèsi papa Dessalines» de Morisseau-Leroy, on éprouve une sensation différente de celle que nous transmet «Mwen pral fè youn ti vwayaj nan lalin», alors que les deux textes viennent de la plume du même auteur. Quand Claude Innocent écrit «Kalinda a la pou l' bat» (Conjonction #196, 1992) et quand Kiki Wainwright nous présente: «Tanbouloji» (Bilten Koukouy # 7, mai 1992) on serait en présence de deux approches esthétiques différentes. Par ailleurs, la problématique des théories littéraires demeure entière dans la littérature haïtienne d'expression créole.

Après la publication de Istwa Pwezi kreyòl Ayiti (2000) qui contient, certes, certaines lacunes, quelques- uns de nos intellectuels, sans se soucier des conditions difficiles dans lesquelles fonctionnent un groupe littéraire, n'hésitaient pas à nous réclamer une théorie littéraire dans le cadre d'un travail qui n'était qu'un survol historique de la littétrature haïtienne d'expression créole. On dirait qu'une théorie littéraire est une tonique; on n'a qu'à se lever de très tôt pour aller en acheter au petit restaurant du coin. Non, ce n'est pas le cas, et ce ne le sera jamais. Tous ceux et toutes celles qui veulent créer une théorie littéraire venant du terroir doivent s'y préparer, c'est-à-dire mettre sur pied un comité de travail multidisciplinaire capable de fonctionner en équipe. Ce groupe serait formé d'ethnologues, de sociologues, de musiciens, de linguistes, d'écrivains, etc. C'est sans doute l'inexistence d'une telle cellule de travail qui explique l'absence d'une théorie littéraire propre à la branche d'expression créole de la littérature haïtienne. Il est beaucoup plus facile pour certaines personnes de critiquer que de se mettre à la tâche en vue de développer cette théorie littéraire qu'elles réclament à corps et à cri.

Théorie signifie donc idéologie, vision du monde, perception différente d'une même réalité. Chacun peut avoir sa propre vision idéologique du monde. On peut encourager quelqu'un à emprunter la même voie que soi, mais on n'a nullement droit de l'accabler d'opprobres ou de lui imposer sa vision. Dès lors, on tombe dans une dictature intellectuelle. On n'en veut pas et on n'en voudra jamais. Proposer, oui! Imposer, non ! On n'aura jamais une vision commune dans toutes les sphères du développement de la littérature haïtienne d'expression créole. Il conviendra à tout un chacun de suivre sa propre voie en fonction de ses intérêts idéologiques et de l'école de pensée à laquelle il appartient. En fin de compte, c'est la littérature haïtienne d'expression créole qui en profitera.

Généralement, les théories se développent à partir de la production littéraire. Á la Sosyete Koukouy Kanada, peut-être, ne l'a-t-on jamais dit, on ne s'oppose pas à l'utilisation des théories étrangères dans l'analyse littéraire des textes produits en créole. Malgré tout, on insiste pour qu'on utilise nos propres schèmes de référence, car nous avons la matière brute ainsi que les ressources pour ce faire.

Une telle proposition pourrait être vue par certains comme une «fossilisation littéraire». En fait, dire que nous fossilisons, c'est accepter de vivre en parasite aux crochets littéraires de certains pays d'Europe. Cependant, tout ce que nous proposons, c'est de partir de cette matière brute que nous possédons déjà pour la transformer et l'embellir de sorte que le produit fini arrive à servir aussi de modèle ailleurs.

De notre côté, nous, membres de la Sosyete Koukouy Kanada, ne cesserons jamais de répéter que l'esthétique de la poésie créole d'Haïti doit prendre sa source dans le creuset de notre culture populaire, nationale qui est le vaudou ainsi que dans les différentes branches de notre oraliture (chansons populaires, contes, proverbes, etc.). C'est de cette matière brute que nous parlons. En fait, les peintres haïtiens en ont déjà fait l'expérience et celle-ci a porté fruit. En écrivant Lèt Ife ak Soul (2006), je suis allé puiser certaines de mes images dans ce creuset mystique de notre culture populaire, nationale évoquée ci-haut. Il en est de même de Manno Ejèn dans Vwa Zandò (2007)

[...] Y a-t-il en Haïti une réflexion théorique qui est faite sur ce que doit être une esthétique de la poésie d'expression créole?


Il existe certainement une réflexion théorique sur la poésie haïtienne d'expression créole, mais elle est mal connue. En effet, quand la poésie haïtienne d'expression créole commença à s'épanouir à partir des années 1950 avec Félix Morisseau Leroy, Paul Laraque, Claude Innocent, Émile Roumer, Émile Célestin-Mégie (Togiram), pour ne citer que ceux-là. l'absence de théories littéraires traitant d'esthétique de la poésie d'expression créole était remarquable. Toutefois, à partir de1965, certains écrivains avaient décidé de réaliser des études sur l'esthétique de la poésie haïtienne en créole. Nous voulons parler du «Mouvman Kreyòl» et de la «Sosyete Koukouy ».

Dans les recueils comme: Rechèch (Koleksyon Koukouy, 1979), ainsi que dans le journal Le Nouvelliste et dans la revue Conjonction, le Dr Ernst Mirville, l'un des piliers du Mouvman kreyòl et de la Sosyete Koukouy, a essayé, en maintes fois, de développer des théories littéraires traitant de la poésie créole d'Haïti.

L'écrivain et éditeur Rodney St-Éloi les a mentionnées dans son mémoire de maîtrise: Émergence de la poétique créole en Haïti (1999). St-Éloi a bien sûr démontré ses limites, mais cette réflexion théorique existe. Il ne suffit pas simplement de pointer du doigt leurs faiblesses. Il faut travailler de façon à combler les lacunes.

Je n'ai nullement l'intention de citer ici toutes les propositions théoriques du Dr Ernst Mirville (Pyè Banbou) à l'intérieur du Mouvman Kreyòl et de la Sosyete Koukouy. Cependant, à partir de cela j'ai pu noter le rythme de certaines chansons de nos contes populaires à travers certains poèmes que j'ai le plaisir de lire. Ainsi donc, l'utilisation du rythmique des chansons, de nos contes dans nos poèmes créoles est une proposition, entre autres, du Dr Ernst Mirville du Mouvman Kreyòl (Rechèch 1979).

Nous avons aussi relevé les observations d'Émile Célestin-Mégie (Togiram) sur les niveaux de langue en créole: «Richès ak bèlte lang Ayisyen an» (1979). Ce serait autant d'idées, qui permettraient de débuter des travaux sur l'esthétique du créole écrit, et qui sont restés consignées dans les ouvrages par manque de continuité dans le milieu haïtien.

Ne voulant poursuivre l'action entreprise par d'autres, on préfère l'ignorer ou la dénigrer. Il en est ainsi parce qu'on n'a pas encore pris l'habitude de bâtir ensemble et qu'on n'est pas encore prêt à fournir l'énergie qu'il faut pour réfléchir sur une action théorique à partir de la base. On marque donc le pas. Dès lors, on s'en va à la dérive et on garde la mauvaise habitude de se servir uniquement de tout ce qui nous vient de l'extérieur, tandis qu'on gagnerait à combiner une démarche indigène avec ce qu'on a appris de l'extérieur.

On assiste de plus en plus, aujourd'hui, à une créolisation du français et une francisation du créole dans certaines productions littéraires haïtiennes. N'est-ce pas une menace pour la langue créole?

Il est important de parler et d'écrire une langue correctement. En d'autres mots, de respecter les codes linguistiques de la langue du mieux qu'on peut, mais ce n'est pas une tâche facile, spécialement quand on évolue dans un milieu où la diglossie constitue la norme. C'est le cas des grandes villes d'Haïti et des provinces anglaises du Canada, où le français joue un rôle secondaire. Néanmoins, si les Haïtiens laissent le français envahir la langue créole, ce sera un recul considérable pour la langue créole parce qu'on risquera d'écrire le créole comme on l'écrivait à l'époque coloniale. De cette façon, nos textes poétiques écrits en créole risqueraient, eux aussi, par leur syntaxe, de retomber dans l'ère coloniale. Si jamais nous nous laissons frapper par un tel fléau, on se verra encore à la remorque de la France. À ce moment-là, notre indépendance culturelle, que nous chérissons jalousement, serait rudement ébréchée.

Croyez-vous que la production littéraire en créole a un lectorat en Haïti?

L'écrivain et éditeur Rodney St-Éloi les a mentionnées dans son mémoire de maîtrise: Émergence de la poétique créole en Haïti (1999). St-Eloi a bien sûr démontré ses limites, mais cette réflexion théorique existe. Il ne suffit pas simplement de pointer du doigt leurs faiblesses. Il faut travailler de façon à combler les lacunes.

Je n'ai nullement l'intention de citer ici toutes les propositions théoriques du Dr Ernst Mirville (Pyè Banbou) à l'intérieur du Mouvman Kreyòl et de la Sosyete Koukouy. Cependant, à partir de cela j'ai pu noter le rythme de certaines chansons de nos contes populaires à travers certains poèmes que j'ai le plaisir de lire. Ainsi donc, l'utilisation du rythmique des chansons, de nos contes dans nos poèmes créoles est une proposition, entre autres, du Dr Ernst Mirville du Mouvman Kreyòl (Rechèch 1979).

Nous avons aussi relevé les observations d'Émile Célestin-Mégie (Togiram) sur les niveaux de langue en créole: «Richès ak bèlte lang Ayisyen an» (1979). Ce serait autant d'idées, qui permettraient de débuter des travaux sur l'esthétique du créole écrit, et qui sont restés consignées dans les ouvrages par manque de continuité dans le milieu haïtien.

Ne voulant poursuivre l'action entreprise par d'autres, on préfère l'ignorer ou la dénigrer. Il en est ainsi parce qu'on n'a pas encore pris l'habitude de bâtir ensemble et qu'on n'est pas encore prêt à fournir l'énergie qu'il faut pour réfléchir sur une action théorique à partir de la base. On marque donc le pas. Dès lors, on s'en va à la dérive et on garde la mauvaise habitude de se servir uniquement de tout ce qui nous vient de l'extérieur, tandis qu'on gagnerait à combiner une démarche indigène avec ce qu'on a appris de l'extérieur.

On assiste de plus en plus, aujourd'hui, à une créolisation du français et une francisation du créole dans certaines productions littéraires haïtiennes. N'est-ce pas une menace pour la langue créole?

Il est important de parler et d'écrire une langue correctement. En d'autres mots, de respecter les codes linguistiques de la langue du mieux qu'on peut, mais ce n'est pas une tâche facile, spécialement quand on évolue dans un milieu où la diglossie constitue la norme. C'est le cas des grandes villes d'Haïti et des provinces anglaises du Canada, où le français joue un rôle secondaire. Néanmoins, si les Haïtiens laissent le français envahir la langue créole, ce sera un recul considérable pour la langue créole parce qu'on risquera d'écrire le créole comme on l'écrivait à l'époque coloniale. De cette façon, nos textes poétiques écrits en créole risqueraient, eux aussi, par leur syntaxe, de retomber dans l'ère coloniale. Si jamais nous nous laissons frapper par un tel fléau, on se verra encore à la remorque de la France. À ce moment-là, notre indépendance culturelle, que nous chérissons jalousement, serait rudement ébréchée.

Croyez-vous que la production littéraire en créole a un lectorat en Haïti?

En général les Haïtiens ne lisent pas beaucoup. Ils préfèrent écouter la musique. En effet, la lecture ne les attire pas autant que la musique. En ce qui concerne la lecture du créole, c'est encore pire. Pourtant, on doit vivre d'espoir. Je reste confiant que le nombre de lecteurs de la langue créole augmentera de jour en jour. Quand on pense aux gens âgés de 30 ans et plus ayant un certain pouvoir d'achat, on pourrait dire que la vente de livres haïtiens publiés en créole serait en danger. Néanmoins, il ne faudrait pas être pessimiste. De nos jours, il n'y a pas un jeune de 20 ans, à moins qu'il ne soit de mauvaise foi, qui ne puisse lire et écrire le créole comme ceux de la trentaine. Car depuis à peu près 20 ans, le créole est enseigné dans les écoles en Haïti. Ainsi, ces jeunes sont des clients potentiels pour les auteurs qui publient en créole.

Les publications littéraires sont des produits culturels, bien sûr, mais aussi des produits commerciaux. Il revient aux producteurs d'en faire la promotion auprès des futurs acheteurs. Il est du devoir de ceux qui s'engagent dans la production d'ouvrages en créole de se servir des médias afin d'informer les lecteurs des œuvres nouvellement parues. Ainsi, ceux qui lisent les journaux sauront, par exemple, qu'un livre qui a pour titre Lèt Ife ak Soul (2006) vient de paraître. Sans quoi, leur curiosité ne sera jamais éveillée, l'envie de se procurer un exemplaire de ce livre ne sera jamais stimulée.

Une fois la promotion faite comme il se doit, il n'y aura, j'oserais le croire, aucune raison de s'inquiéter de la vente de livres publiés en créole. J'aimerais ajouter que le problème ne relève pas de la langue créole proprement dite, mais d'une tranche de l'intelligentsia haïtienne qui refuse de lui donner droit de cité et de s'en servir à bon escient. Un tel comportement influe irrémédiablement sur la vente de livres publiés en créole.

Si le ministère de l'Education nationale et de la Formation professionnelle encourage la promotion du créole dans les écoles, s'il est utilisé aux examens officiels, si on y introduit un sujet tiré de notre littérature d'expression créole, lequel sujet doit être traité obligatoirement en créole dans le cadre de la matière appelée littérature haïtienne; dans une vingtaine d'années nos finissants n'évoqueront plus le prétexte de leur incapacité à lire le créole pour ne pas acheter un livre écrit dans cette langue. Maintenant, la balle est dans pieds de l'État haïtien, des professeurs d'école et des médias.

Quel bilan faites-vous de la production d'expression créole de Félix Morisseau-Leroy à aujourd'hui?

Comme je l'ai déjà mentionné dans mon livre Istwa Pwezi Kreyòl Ayiti (2000) et dans de nombreux articles parus dans l'hebdomadaire Haïti en Marche, sous la rubrique Ti gout pa ti gout, la poésie en langue créole haïtienne se porte merveilleusement bien. Si les amoureux de cette langue, ceux de l'intérieur comme ceux de l'extérieur, continuent à travailler avec autant d'acharnement que leurs prédécesseurs, je suis certain qu'un jour viendra où nous aurons une vraie littérature créole, dans toute l'acception du terme. D'ailleurs, de nos jours on peut même parler d'une périodisation de la poésie créole.

Nous devons signaler en passant que, jusqu'à preuve du contraire, l'ouvrage qui débuta la branche écrite de la littérature créole d'Haïti est Cric Crac! (1901) écrit par Georges Sylvain. D'après le professeur George Lang, (Research in African litteratures, Vol. 35# 2, Summer 2004) de l'univesité de Alberta, Georges Sylvain constitue un pont entre la période d'imitation de la poésie créole et la période moderne de cette dite poésie. Nous devons aussi rappeler que les productions actuelles diffèrent de beaucoup de celles parues entre 1950 et 1970. Pour en savoir plus, on n'a qu'à consulter les anthologies de la poésie créole d'Haïti.

La faiblesse sur le plan quantitatif d'ouvrages produits par nos écrivains dans la langue créole se fait surtout sentir dans le domaine des essais, des romans, et des nouvelles. On peut compter sur les doigts d'une main les auteurs qui publient des essais en langue créole. Á propos, mentionnons le professeur Maximilien Laroche qui a déjà produit 3 essaies en créole.

Il existe environ une vingtaine de romans publiés en langue créole, mais très peu d'essais. Les écrivains, qui publient en créole, doivent redoubler d'ardeur pour produire davantage dans les genres précédemment cités.

Quels sont, à votre avis, les plus grands poètes haïtiens de la poésie d'expression créole?

Á notre avis, nous ne saurions parler de plus grands poètes d'expression créole. Nous ne connaissons pas toutes les œuvres qui ont été publiées en créole et nous ne les avons pas toutes lues. Certaines œuvres sont publiées en créole haïtien en Haïti, d'autres le sont à Boston, à Miami, à New York, à Montréal, sans oublier Paris. Patrick Sylvain publie à Boston, Manno Ejenn à Montréal, Jan Mapou à Miami, Henock Franklin à Paris et moi à Ottawa. Le handicap provient du manque de publicité pour faire connaître ces œuvres et d'une pénurie de distributeurs ainsi que de points de vente faciles d'accès. C'est le hasard qui m'a amené à découvrir le livre d'Évelyne Trouillot Pidetwal (2004) que j'aime beaucoup d'ailleurs.

De plus, chaque époque laisse sa propre empreinte sur le panorama de la poésie d'expression créole. De même que la poésie des années 1960 ne ressemble pas à celle des années 1980, la poésie des années 1990 diffère de celle des années 2000. Alors, avant de nous prononcer, si tant est que nous devons le faire, il importe de poser quelques jalons. Malgré tout, seul notre goût personnel nous servira de guide sans une volonté manifeste de toucher la susceptibilité des uns ou d'allumer le sentiment de satisfaction des autres. Qu'à cela ne tienne! On a tous des auteurs préférés avoués ou non avoués. Il serait peut-être plus juste de parler d'individus et de groupes d'individus qui ont influencé et qui influencent encore la poésie d'expression créole. Citons Georges Sylvain, Oswald Durand, Morisseau Leroy, Paul Laraque, l'équipe Sosyete Koukouy sorti des entrailles du Mouvement créole avec le Dr Ernest Mirville (Pyè Banbou). Plus près de nous, nous pouvons nommer les membres de la Sosyete Koukouy Kanada, puis Georges Castera qui, non seulement a publié plus de livres de poésie que ceux déjà cités, mais a aussi produit des œuvres de grande qualité. Les noms que j'ai cités sont ceux d'auteurs et de groupes dont l'existence m'est connue. Il faut souligner que je les ai choisis en tant que personnes ou groupes de personnes qui ont marqué l'histoire de la poésie créole d'Haïti et qui influencent les jeunes écrivains. Á propos, signalons que de 1963 à nos jours, un seul groupe organisé s'évertue encore à faire avancer la littérature créole d'Haïti: Sosyete Koukouy.

Quels sont les principaux thèmes de la poésie d'expression créole?

De Georges Sylvain en passant par Félix Morisseau Leroy, André Fouad, Rassoul Labucin, Émile Célestin-Mégie (Togiram), Jean-Marie Willer Denis (Jan Mapou), Josaphat Large, Dominique Batraville, Serge Madhère, Kesler Prézeault, Syto Cavé, Lyonel Trouillot, jusqu'à Bonel Auguste, Lenous Suprice, et Frantz Benjamin, les thèmes majeurs de la poésie haïtienne d'expression créole sont le militantisme sociopolitique et l'amour.

En fait, c'est pour renverser la vapeur que dans Istwa Pwezi Kreyòl Ayiti, j'ai écrit: «Les textes des poètes d'expression créole doivent creuser en profondeur le terrain de nos réflexions sur notre existence, notre conception de la vie, de la mort, de l'univers, etc. Il est certain que l'aspect politico-social primera sur les facteurs socio-affectifs ainsi que les facteurs existentiels, mais est-il impossible pour les poètes haïtiens d'expression créole d'inclure dans leur champ de créativité les divers évènements de la vie des gens, alors qu'ils jonglent allègrement avec l'aspect politico-social?» (p. 217).

À la Sosyete Koukouy Kanada, nous joignons l'action à la parole. Vers la fin de 2006, j'ai publié Lèt Ife avec Soul où j'ai mis en application ce que j'avais proposé dans Istwa Pwezi Kreyòl Ayiti (p. 217). J'ai pris le thème de l'amour et j'ai élaboré un modèle qui pourrait serivir d'exemple. Dans Lèt Ife ak Soul, j'ai démontré qu'on peut se servir de l'amour pour créer une société dans laquelle le poète se fait mage «Chak fwa younn nan nou fè youn pa nan direksyon limyè, se chemen li ap trase pou sila yo ki nan wout ap suiv li» (p.87). J'y ai aussi parlé du combat que mène la femme pour la recherche de ses droits à l'égalité avec les hommes (Reglemlan yo ale nan sans enterè gason yo... [Men] plis ane yo ap pase, se plis fanm yo ap pran galon pouvwa sou tout teren sosyal yo p.107).

Non seulement, à la Sosyete Koukouy Kanada, nous proposons que le thème de la poésie d'expression créole parvienne à dépasser la sphère de l'amour et celle de la lutte pour le changement social, mais nous produisons aussi des œuvres où «nous prêchons d'exemples».

(propos recueillis par Jobnel Pierre)

Istwa pwezi Kreyòl Ayiti

Yon lòt zye sou pwezi ki ekri an kreyòl

Le Nouvelliste - 31 octobre2007

Men lòt pati antrevi sou pwezi ki ekri an kreyòl nan peyi Dayiti ak Michel-Ange Hyppolite la. Se toujou sou estetik nan pwezi kreyòl.

Jobnel Pierre: Chak jou ki pase nou remake, nan kèk liv ki pran lar anndan Ayitii, lanng franse-a ap pran pli kreyòl epi lanng kreyò-lal bò pa li ap pran pli franse? Èske se pa youn danje pou lanng kreyòl la?

M.A.H: Li enpòtan pou youn mounn pale epi ekri youn lanng kòrèkteman. Sa vle di rete nan chan lenguistik lanng lan plis li kapab, men se pa toujou posib, espesyalman lè de lanng ap viv nan kondisyon matlotay younn ak lòt. Se ka franse ak kreyòl Ayisyen an anndan Ayiti oubyen fransè ak anglè nan Kebèk Kanada. Sepandan, si kreyolis Ayiti yo kite franse anvayi kreyòl la, se va youn gwo bak pou lanng kreyòl la, paske nou riske ekri kreyòl la tankou sa te konn fèt nan epòk lakoloni. Konsa, nou pral gen youn pwezi ki riske sanble ak tèks kolonyal yo nan chapant gramè yo. Si sa gen malè rive, Lafrans pral kontinye mete pye sou kou nou pi rèd pase jan li ap fè li jounen jodi a epi endepandans kiltirèl ki ban nou fyète nou toupatou sou latè a pral pèdi enpe nan vrè valè-l.

Èske ou kwè gen mounn Ayiti ki pare pou yo achte liv ki ekri an kreyòl yo?


An jeneral pa gen anpil Ayisyen ki renmen li. Yo renmen tande mizik, men koze li a, se pa youn aktivite ki mache nan san yo. Lè se kreyòl menm, se pi rèd. Men, mwen gen anpil espwa epi mwen genyen konfyans tou kantite mounn ki kab li kreyòl yo ap ogmante pi plis chak jou. Si ou gade sou jenerasyon mounn ki gen 30 an epik jounen jodi a epi ki genyen pouvwa lajan nan men yo pou yo achte sa yo vle, ou kab santi lavant liv Ayisyen ki ekri an kreyòl yo an danje. Men ou dwe ale pi lwen pase gwoup mounn sa yo. Aktyèlman, nanpwen youn timounn 20 tan, sòfsi li gen movèz fwa, ki kab di, menm jan ak mounn 30 an epik yo:« mwen pa li kreyòl!». Rezon an se paske genyen apeprè 20 lane, si se pa plis, depi ansèyman lanng kreyòl la ap fèt anndan lekòl Ayiti yo. Konsa, tout jenn mounn sa yo se kliyan ki nan wout pou liv ki ekri an kreyòl yo.

Liv literati kreyòl se youn pwodui kiltirèl, men se anmenm tan youn pwodui komèsyal. Kidonk, se pa kliyan an ki dwe kouri dèyè pwodui a pou li achte li, se mounn ki genyen pwodui a ki pou fè piblisite youn fason pou devlope epi kreye kliyantèl la. Kounye la a, se responsablite mounn ki enterese nan liv kreyòl yo pou mobilize radyo, jounal, televizyon, teledyòl, eksetera pou fè pwomosyon liv ki ekri an kreyòl yo. Si lè yo louvri jounal, yo pa konnen gen youn liv ki rele Lèt Ife ak Soul( 2006) , ki fenk pran lari, yo pa pe janm pote kiryozite pou yo al achte li.

Konsa, depi travay pwomosyon an byen fèt, pyèsmounn pa dwe enkyete yo pou lavant liv ki ekri an kreyòl yo. Youn lòt fwa ankò, mwen ta renmen ou konprann, pwoblèm lan se pa lanng kreyòl la ki genyen li, se mounn ki ap travay nan domèn kiltirèl yo ki gen pwoblèm ak lanng kreyòl la epi pwoblèm lan al rejayi sou lavant liv kreyòl yo.

Si Ministè Edikasyon Nasyonal kontinye ap pouse lanng kreyòl la anndan lekòl yo. Si leta kontinye mete matyè ki rele lanng kreyòl la nan ekzamen ofisyèl yo, nan 20 an apeprè, pa pe fouti gen mounn ki kab sèvi ak pretèks mwen pa konn li kreyòl la kòm andikap ki pou anpeche yo achte youn liv ki ekri an kreyòl. Konsa, balon an retounen nan pye leta, nan pye pwofesè lekòl, radyo, jounal ak televizyon yo. Mayèt pou lavant liv ki ekri an kreyòl yo se nan men yo li chita.

Kisa ou kab di nou sou devlopman literati Ayiti nan lanng kreyòl la soti sou Félix Morisseau-Leroy pou rive jounen jodi a?

Tankou mwen deja di li nan Istwa Pwezi kreyòl Ayiti, Educa- vison ( 2000), ak nan divès atik mwen deja ekri sou devlopman pwezi kreyòl la nan ribrik «Ti gout Pa ti gout» ( Haiti en Marche), pwezi nan lanng kreyòl Ayiti a ap grandi epi li ap grandi bèl. Si noumenm kreyòlis anndan peyi a kou deyò peyi a kontinye kenbe drapo a byen wo, mwen sèten nou ap rive youn jou, kote nou ap genyen youn literati kreyòl ki mi woz sou pye. Poudayè, jounen jodi a nou kab dekoupe powèm kreyòl nou konnen yo an peryòd, sa vle di gen anpil liv powèm kreyòl ki pran lari.

Nou dwe siyale tou, jouk lòt rechèch prouve lekontrè, liv ki louvri branch ekri literati kreyòl ekri Ayiti a se Cric Crac! ( 1901 ) ak Georges Sylvain. Daprè pwofesè George Lang, nan Research in African litteratures, (Vol. 35 # 2, summer 2004), Georges Sylvain se youn pon ant peryòd imitasyon pwezi kreyòl la ak peryòd modèn lan. Anfèt li fasil pou nou remake fason pwezi ayisyen nan lanng kreyòl la ap ekri jounen jodi a diferan anpil parapò ak travay ki te konn fèt nan ane 1950 yo oubyen nan ane 1970 yo. Pou plis detay nou kab konsilte divès liv antoloji pwezi ki ap sikile sou pwezi ki ekri nan lanng kreyòl Ayiti a. Si tout ekriven ki sèvi ak lanng kreyòl la kontinye ap feraye ak menm plezi ki ap bouyi anndan yo depi ane 1950 yo, nou dwe debouche sou pi plis powèm chelèn toujou nan ane ki ap vini yo. 

Kote nou remake ki gen youn fèblès , se nan pwodiksyon esè , woman, epi istwakout an kreyòl. Jouk jounen jodi a, nou kab konte sou dwèt youn sèl men mounn ki ekri esè an kreyòl. Younn ladan yo se pwofesè Maximilien Laroche ki deja ekri 3 esè an kreyòl.. Nou konnen apeprè 20 liv ki nan kategori woman nan lanng kreyòl Ayiti a, men nou pa prèske konnen esè ki soti an kreyòl yo. Nou kwè ekriven ki ap sèvi ak lanng kreyòl la dwe fè plis efò toujou pou yo rantre kategori nou sot nonmen pi wo yo nan travay yo.

Ki powèt daprè ki ekri pi byen nan branch kreyòl literati Ayiti a?

Nan tan nou ap viv la a, li difisil pou youn mounn palede pi bon powèt, paske nou pa konnen tout sa ki pibliye an kreyòl, ni tou nou pa li tout zèv ki soti yo, paske gen liv yo ekri an kreyòl ayisyen an Ayiti ki pibliye an Ayiti, men genyen tou ki parèt Boston, Miyami, Nouyòk, Monreyal. Ata anndan Pari gen liv an kreyòl ayisyen ki paret. Patrick Sylvain ap pibliye Boston, Manno Ejenn, nan Monreyal, Jan Mapou, nan Miyami, Hénock Franklin nan vil Pari, mwen menm, m'ap pibliye liv mwen yo Ottawa. Problèm lan sèke nanpwen piblisite ki fè konnen tout liv sa yo ki parèt ni nanpwen distribitè kote ou ka jwenn yo san difikilte. Se youn aza ki fè, mwa pase a, mwen tonbe sou liv Evelyne Trouillot a ki rele Pidetwal ( 2005), youn liv mwen byen renmen. Poutan, si se pa te fè jefò chache li, mwen pa ta janm jwenn li.

Anplisdesa, chak epòk pote mak fabrik li. Pwezi ane 1960 yo pa sanble ak pwezi 1980 yo ni tou pwezi ki nan lari nan ane 2000 yo pa fòseman sanble ak pwezi ane 1990 yo. Konsa, anvan pou nou ta rive di kilès ki pi bon powèt nan lanng kreyòl Ayiti a nou dwe mete anpil baliz atè. Sou youn lòt bò, repons nou ka bay la ap youn repons ki baze sou gou pa nou senpman, epi ki kab kreye jalouzi pou granmesi. Nan sans sa a, nou ta pito palede mounn ak gwoup mounn ki te enfliyanse pwezi ki ekri nan lanng kreyòl la epi ki kontinye enfliyanse pwezi ki ekri an kreyòl la. Anpremye, nou dwe site non mounn kou Georges Sylvain, Oswald Durand , Morisseau-Leroy, Paul Laraque, Ekip Sosyete Koukouy la, ki sòti nan vant Mouvman Kreyòl ak Dr. Ernest Mirville ( Pyè Banbou) . Pi pre nou la a, mwen kab nonmen non gwoup mounn ki nan Sosyete Koukouy Kanada yo epi Georges Castera ki pwodui pi plis liv pwezi kreyòl pase tout mounn epi ki fè youn bèl travay nan plizyè ladan yo. Non mwen site la yo, se non mounn ak gwoup mwen konnen. Dwe gen anpil lòt ankò mwen pa konnen. Mwen dwe ajoute tou, mwen nonmen non yo kòm mounn oubyen gwoup mounn ki make istwa pwzi kreyòl Ayiti a epi ki enfliyanse jenn ekriven yo. Pandan mwen la a, mwen ap siyale, soti nan ane 1963 pou rive jounen jodi a , gen youn sèl gwoup òganize ki ap feraye pou avansman literati nan lanng kreyòl Ayiti a, se Sosyete Koukouy.

Ki tèm daprè oumenm ki parèt pi souvan nan literati kreyòl Ayiti a?

Soti nan Georges Sylvain, Moriso-Lewa pou rive sou Andre Fouad san nou pa bliye : Rassoul Labuchin, Togiram, Jan Mapou, Josaphat Large, Dominique Batraville, Serge Madhère, Lenous Suprice, Kesler Brezault, Frantz Benjamen, Syto Cavé, Lionel Trouillot, eksetera prensipal tèm pwezi nan lanng kreyòl Ayiti a se militans pou youn chanjman sosyal epi lanmou.

Anfèt, se ak lide pou mwen ranvèse vapè a, ki fè nan Istwa Pwezi Kreyòl Ayiti, mwen te ekri : «Tèks pwezi kreyòl yo dwe anvayi teren refleksyon nou an pwofondè sou ekzistans nou, konsepsyon nou sou lavi, desepsyon nou, lanmò, linivè eksetera. [ ...] Se sèten faktè politiko-sosyal yo ap toujou gen enpak sou faktè sosyo-afektif ansanm ak faktè ekzistansyèl yo, men èske li enposib pou powèt kreyòl yo rantre nan divès kalite evennman lavi mounn nou anndan travay kreyativite yo, pandan yo ap balanse sou branch politiko-sosyal yo?» ( p. 217 )

Kòm nan Sosyete Koukouy Kanada, nou preche epi nou aji, nan fen ane 2006 la, mwen te pwodui Lèt Ife ak Soul, kote mwen fè ekzakteman sa mwen te pwopoze nan Istwa Pwezi Kreyòl Ayiti a.( p. 217 ) Mwen te pran tèm lanmou an epi mwen te fè li tounen youn modèl pou mounn viv lanmou yo. Youn ekzanp konpòtman gason ak fanm ka ekzèse pandan yo ap viv relasyon lanmou yo. Nan Lèt Ife ak Soul, mwen demontre tou youn mounn kab sèvi ak santiman ki rele lanmou an pou li kreye youn sosyete kote powèt la se youn gid. «Chak fwa younn nan nou fè youn pa nan direksyon limyè, se chemen li ap trase pou sila yo ki nan wout ap suiv li». ( p. 87) . Nan Lèt Ife ak Soul, mwen fofile lide, youn fason pou mwen di mwen pare pou mwen kanpe kòtakòt ak fanm yo nan batay pou yo al chèche dwa egalite yo ak gason :« Regleman yo ale nan sans enterè gason yo ... [Men] plis ane yo ap pase, se plis fanm yo ap pran galon pouvwa sou tout teren sosyal yo.». (p.106).

Konsa nonsèlamn, nan Sosyete Koukouy Kanada, nou pwopoze pou tèm pwezi kreyòl la ale pi lwen pase youn senp lanmou chè pou chè ak batay pou transfòmasyon sosyal, nou sèvi tou ak ekzanp liv nou pwodui pou nou apiye lide nou pwopoze a.

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Viré monté