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Voir Journal d'une putain violée

d'Emmanuel Vilsaint

 

Le malheur d’Haïti est celui qui touche non pas seulement la ville, avec ses cathédrales
et ses institutions, mais aussi ses habitants qui, à force de subir les secousses d'un
pouvoir longtemps établi, en sont devenus les ruines. Les SOS lancés au monde entier sont le témoin du
pic ultime de cette décadence.

Au lendemain du séisme, dans les camps, dans les
hangars humanitaires, l’assistanat et toutes ses dérives n’ont pas tardé. La prostitution
gagne du terrain, et s’érige en moyen de sortie, comme toujours dans des situations de
crise extrême.

 

La prostitution, si elle est vieille comme le monde, reste toujours décriée d’un point de
vue moral et le sujet est tabou. Mais quand un homme se déguise en femme le soir pour
se livrer à des hommes, l’affaire se complique.
Jacques, héros de ce récit, nous livre ses
états d’âme. Étudiant en lettres modernes de jour, travesti de nuit, c’est là, sur les
trottoirs de Port-au-Prince, qu’on apprend les histoires de la ville.

 

Ce monologue nous permet d’emprunter les corridors d’une capitale réputée sans foi ni
loi. Nous sommes dans le Port-au-Prince post-séisme, avec encore ses cadavres et ses
décombres. On découvre aussi la désolation de toute une population avide de sens.
Mendiants et sans abris, écolières et prostituées se côtoient, se rencontrent, se cognent.
«Journal d’une putain violée» est aussi un miroir reflétant la situation des jeunes
d’aujourd’hui, formatés par la religion et perdant toute repère face à une société de plus
en plus complexe dans ses identités.

C’est une méditation sur une certaine crise d’identité chez beaucoup de jeunes
confrontés à la complexité de leur propre désir. Dans une société qui prône la virilité et
qui définit les normes dès l’enfance avec l’éducation familiale, comment à partir de là,
évacuer toute une éducation chrétienne bien pensante et les pesants de la religion ?

 

Comment faire définitivement le deuil de l’enfance et se défaire de la tyrannie du regard
de l’autre ?

«Journal d’une putain violée» est l’écho de l’agonie d’un pays à la dérive. Ce texte donne
à entendre une Haïti sombre et poétique, une Haïti repliée et moderne, à l’image du
monde. Mais la prostitution est à la fois un prétexte pour aborder des thèmes comme la
religion, une autre dictature moins visible dans cette société. Elle est également un
prétexte pour voir une ville hyperréaliste, à la fois sale et lumière, loin des débats
politiques.
Un délire social pour tenter de comprendre la réalité haïtienne.

Emmanuel Vilsaint

Journal d'une putain violée

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