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Concernant le "viaduc"

Jean-Henock Trouillot

Février 2016

Je n'arrive pas à comprendre comment, dans le contexte de décomposition socioéconomique et de densification urbaine sauvage que nous vivons, un "viaduc" peut passer pour un "facteur de développement", lorsqu'en fait il s'agit de gaspillage et surtout... surtout du refus de planifier et de procéder à une décentralisation effective... Et résoudre ainsi les "problèmes de circulation", n'est en fait que repousser ces problèmes qui reviennent en force deux ou trois années plus tard, parce que non résolus à la base...

En effet, les différents gouvernements, courroies de transmission du néo libéralisme meurtrier, n'ont fait que les rendre plus grave, en privilégiant l'étalement urbain (ouverture des routes du Canapé Vert, de Tabarre par exemple), qui ne fait qu'offrir davantage d'espace aux migrants ruraux qui fuient la dégradation voulue et accélérée de leur lieu de provenance et viennent gonfler l’armée de réserve destinée à une industrie rachitique et à un clientélisme électoral, ou tout simplement accroitre la masse des domestiques occasionnels ou des chômeurs réels ou déguises; ces déracines vont trouver refuge dans des logements précaires, insalubres et souvent dangereux, lieux de spéculation immobilière forcenée de bourgeois en quête de gain facile, alimentant la ségrégation spatiale urbaine, avec des pics de production à chaque “Alternance Démocratique” ou montée de gouvernement...

De plus, cet étalement urbain est une ponction faite de l'environnement construit sur l'espace agricole qui se réduit comme une peau de chagrin et nous force à nous approvisionner en produits agricoles, bien moins bons du point de vue de la santé, provenant de la République Dominicaine; l'environnement naturel n’est pas non plus épargné, cette “gestion” entrainant l'érosion des sols, les problèmes d'inondation etc…

On a vu dans le même temps, des travaux non productifs comme le réaménagement de trottoirs dans Port-au-Prince ou Pétionille, passer en priorité devant une décentralisation économique (donc potentiellement productive) et une vraie reconstruction… Ca n’est pas sans rappeler l’énergie collectée dans l’Artibonite (Peligre), donc chez le paysan, et qui passe au-dessus de sa tête, hors de portée, alors qu’il en a un besoin vital et est exclusivement fournie à la ville…

On pourrait continuer sur la même lancée, pour dénicher les problèmes qu’amène cette concentration urbaine: carence d’équipements urbains rapidement dépassé par le nombre (équipements d’éducation, sociaux, de loisir, sanitaires, services débordes (gestion des déchets, eaux usées, réseau de transport, électricité, communication), en supposant qu’ils existent et… potentielle multiplication de morts au passage d’une catastrophe comme le tremblement de terre du 12 janvier par exemple; la gestion d’une ville oblige à aborder les problèmes dans leur globalité, en prenant en compte l’environnement immédiat de la ville et dans certains cas comme Port-au-Prince, le milieu rural dans son ensemble…

Une politique d’aménagement basée sur cette décentralisation permettrait d’endiguer cette saignée de la main d’œuvre rurale, d’ouvrir de nouvelles perspectives économiques à ce milieu rural aux abois, en commençant par la revalorisation des activités traditionnelles rurales et urbaines (agriculture, artisanat utilitaire, élevage (bovin, porcin, de volaille (aviculture), d’animaux aquatiques), médecine holistique etc… et du même coup donner la possibilité de “Remembrer” les lakou abandonnés…

Cette politique de décentralisation serait également profitable à la ville, qui subirait beaucoup moins de pression démographique, aurait moins de marchands forcés par la faim et la "gestion" du territoire de nos dirigeants à envahir les rues, rétablirait sa ceinture végétale et vivrière, subirait moins de pression de la spéculation dans l’étalement urbain, la construction en hauteur, le transport urbain, aurait une meilleure gestion des services urbains (eau, électricité etc…) et une plus grande maitrise de l’extension urbaine.. et pourquoi pas, plus d’espaces verts auxquels il ne serait plus nécessaire de donner des allures de camp de concentration, la pression démographique étant en voie de résolution; évidemment, cette politique d’aménagement demanderait un travail concerté des différents acteurs et institutions concernés: mairies, collectivités territoriales, députes, sénateurs, gouvernement central et… citoyens…

Vous avez bien dit 18 millions US pour le "viaduc"…???

Jean-Henock Trouillot

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