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Haïti-Matthew : Après le Sud, le Nord-ouest sous pression

AlterPresse

Bilan provisoire: 5 morts, 1 disparu et d’énormes dégâts, mercredi 5 octobre 2016

P-au-P, 04 oct. 2016 [AlterPresse] --- Le puissant ouragan Matthew s’éloigne progressivement des côtes sud et exerce sa pression sur le Nord-ouest d’Haïti, en remontant vers Cuba, annoncent les autorités, qui dressent un bilan provisoire de 5 morts, 1 disparu et de très lourds dégâts.

Présentement et dans les prochaines 12 heures, les risques d’inondations accompagnés de coulées de boues et des cas de submersions marines sont très probables dans le Nord-ouest et restent encore possibles à l’échelle du pays, notamment dans les régions du Sud, selon le Centre national de météorologie (Cnm).

Les premières victimes recensées s’élèvent à 5 personnes décédées, dont 2 dans l’Ouest et 3 dans le Sud, une personne portée disparue et 10 autres blessées, selon un bilan provisoire dressé par le ministre de l’intérieur, François Annick Joseph.

Les dégâts concernant la destruction des infrastructures et des plantations sont très lourds, a-t-il dit, assurant que des équipes d’évaluateurs sont déployés sur le terrain afin d’effectuer un bilan précis des dommages.

14530 personnes ont été déplacées, certaines volontairement, pour être placées dans des abris provisoires dans les zones affectées.

Le ministre a annoncé que le président Jocelerme Privert prévoit de survoler, mercredi 5 octobre, en hélicoptère, les zones affectées et de rencontrer sur place les autorités locales afin dévaluer la situation.

Le Sud est présentement isolé. La route nationale # 2, reliant l’Ouest et le Sud, a été coupée au niveau de la ville de Petit-Goave, où le pont Digue a cédé.

Les communications téléphoniques ont été interrompues avec la Grand’Anse (Sud-ouest) et ne sont pas rétablies en fin de soirée du 4 octobre.

Diverses villes côtières du Sud ont été inondées, suite à la montée de la mer.

Plusieurs villages ont été totalement rasés et la population est sinistrée, selon des témoignages parvenus à AlterPresse.

Au niveau de l’Ouest, les informations, liées aux impacts de l’ouragan Matthew, font état de toitures de maisons emportées, de pylônes électriques endommagés et des rivières en crue, comme dans le Sud (Photo : Rivière grise, périphérie de Port-au-Prince).

Francois Annick Joseph réitère l’appel du gouvernement à la population afin d’observer la prudence et les consignes de sécurité.

Il encourage également la solidarité nationale et internationale et demande aux organismes internationaux de coordonner toutes leurs éventuelles interventions avec les instances gouvernementales. [apr 04/10/2016 23:00]

Matthew: Cayes, Cavaillon, Arniquet..., bilan insoutenable

Le Nouvelliste, Publié le 05 octobre 2016

Cette fois, les prévisions ont vu juste. Le département du Sud, l’un des greniers d’Haïti, n’a eu aucun recours contre la furie de l’ouragan Matthew. Quelques heures après son passage, les premiers témoignages qui parviennent de ce coin de terre enlisé donnent froid dans le dos.

Plus les heures passent, plus l'angoisse s’accumule. Les premiers témoignages qui arrivent en vrac à Port-au-Prince ne sont pas rassurants. Ils portent à croire que le Sud, tout comme les autres départements de la péninsule, n’a pas eu de défense pour en découdre avec un vent de 210km/h et 300 à 600 millimètres de pluie. Ce sont les deux fers de lance d’un ouragan inouï, ayant arpenté le territoire à pas de tortue (13km/h). Les arbres, les têtes de bétail, les toitures de maisons, certaines personnes en ont fait les frais. La secousse ayant été trop violente. À Port-Salut, Roche-à-bateau, Côteaux, Les Anglais… rien ne sera jamais comme avant.

Selon une photo panoramique prise par un internaute, la riche végétation d’Arniquet est dorénavant biffée. Seules quelques maisons en béton sont encore debout. A l’autre bout de ce monde, coupé du reste du pays, Magik 9 a pu obtenir les témoignages d’Ismaïl Cadelus, un jeune résidant dans cette commune. La voix cassée, il indique que sa commune a quasiment disparu. « Tous les habitants sont dans la rue. Dans le centre-ville comme dans les sections communales. Seules quelques maisons ont été épargnées », a-t-il expliqué. Cette commune n’a pas compté de morts, mais des blessés causés par la destruction des maisons. Difficile pour les citoyens de trouver refuge dans les écoles et les églises, –utilisées habituellement comme abris provisoires –, également touchées par le cataclysme. Suffoqué comme tous les autres Arniquois, Ismaïl Cadelus attend l’intervention rapide des autorités. Bien que les routes reliant sa commune au reste du département soient coupées.

Fini le suspense pour Walph Ferentzi Youyou, éducateur, vivant à Port-au-Prince. Après deux longs jours d’attente, il a pu finalement obtenir des nouvelles de sa famille de Torbeck. Ce qu’il craignait le plus est arrivé. Les toitures de sa maison familiale, de celle de sa grand-mère, et de son cousin, toutes faites de tôle, sont emportées par le vent. «Je cherche des mots de consolation pour ma famille, de même que je le fais pour moi. En vain. On est foutus», s’exclame-t-il, entre deux respirations. Pour l’heure, Walph Ferentzi s’apprête à se rendre au chevet de ses parents. Quoi qu’il advienne. «Pour un support moral», dit-il.

A Port-Salut, précisément dans la localité de Maçon, la demeure familiale de Jeannot Ady s’ajoute au rayon de toutes les maisons détruites dans la zone. « J’ai comme l’impression que cette localité est rayée de la carte de Port-Salut. Aucune maison n’a été épargnée. Le bétail est exterminé. On a fait des pertes énormes », a-t-il déploré, prévoyant des jours sombres dans cette période postcatastrophe qui débute déjà. « Je veux aider, mais je suis impuissant », regrette-t-il.

Originaire des Cayes, Carline Guillaume recueille les témoignages de ses proches qui ont vécu le drame. « On me dit que la toiture de la cathédrale a été emportée, celle de l’église du Sacré-Cœur est partiellement endommagée. Une voisine m’indique que plus de 12 maisons du quartier où j’ai grandi sont détruites. Un manguier qui a bercé mon enfance n’a pas survécu », détaille-t-elle, se demandant de quoi l’avenir sera fait. Sur sa page Facebook, Jude Bonhomme, directeur départemental du Tourisme dans le Sud, montre les ruines de l’emblématique plage de Gelée. Le décor maussade tranche avec le passé glorieux de ce site touristique. « L’une des plus belles plages du département du Sud est en partie détruite », commente Pierre Jude Bonhomme.

Journaliste et entrepreneur, Valéry Numa est sévèrement affecté par le passage de l'ouragan. Sont endommagés son hôtel, son restaurant et sa station de radio, tous situés à Camp-Perrin. « La structure légère qui recouvre mon hôtel a été emportée.  En plus du toit, je vais perdre des chambres et des matériels électroniques. Pour la radio, l’émetteur ainsi que la console ont été bousillés. Le Tower est tombé sur le local », a-t-il détaillé sur Magik 9, au moment où il s’apprêtait à se rendre sur les lieux.  « Je vais m’armer de courage, même s’il s’agit maintenant de tout recommencer », a-t-il fait savoir.

Le maire de Cavaillon, Ernst Ais, ne peut pas dire qu’il va bien. Parce que sa ville est détruite. « 37 localités sont sévèrement touchées. Plus d’un millier de toitures de maisons ont été emportées. La ville a été inondée avec 1m60 d'eau. Quatre personnes ont trouvé la mort. Une mère a été emportée par les eaux avec deux enfants et un autre enfant de 9 ans est décédé », a-t-il indiqué, soulignant que ce bilan est encore partiel.

Dans le Sud d’Haïti, les habitants tentent de reprendre la vie. Malgré tout. La communication est difficile entre les communes à cause de la destruction des routes. Avec sa petite bicyclette, Pierre Benoît a parcouru 20 km environ pour aller s’enquérir des nouvelles de sa sœur Marie Seille Benoît à Arniquet. Sa route a été longue. Aussi longue que celle que devront prendre les secours et les premières interventions du gouvernement.

 Viré monté