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Un hôpital pour accompagner les amputés

6. mars 2010
Source: Le Nouvelliste

Un tremblement de terre, plus une médecine de guerre, rien de tel pour se réveiller un matin en se lamentant nostalgique: «Ah si j'avais encore mon pied ou mon bras!» Cette question, Ilermise Joseph, une jeune amputée d'une jambe, patiente de l'hôpital MSF de Sarthe, se la pose et ajoute: «Il m'arrive de pleurer de temps en temps, je me plains sur mon sort et m'inquiète pour l'avenir, car je me demande comment je vais vivre, si je trouverai du travail aussi diminuée et infirme que je suis? Si je vais trouver quelqu'un pour prendre soin de moi? Un homme pour m'aimer telle que je suis devenue?» Si le nouvel hôpital mis en place par Médecins Sans Frontières ne résoudra pas tous ces problèmes, ce centre est le premier à offrir une prise en charge totale qui cherche à traiter plusieurs aspects de la vie de ces blessés lourds, handicapés pour la vie.

Les amputés de tout âge et des deux sexes peuplent les hôpitaux depuis le séisme du 12 janvier. Carence de main-d'oeuvre dans les hôpitaux? De temps à consacrer à chaque patient? De compétence? Ou alors peut-on parler de décision incontournable prise par des médecins qui ne pouvaient faire d'autres choix? L'un ou l'autre de ces raisons a porté dans la première semaine qui a suivi le tremblement de terre des médecins à pratiquer cet acte chirurgical radical. Mais toujours est-il que les personnes amputées de membres inférieurs ou supérieurs occupent actuellement une quantité considérable de lits dans les hôpitaux et requièrent des soins et de l'attention.

Dans la majorité des cas, la situation est similaire: faute de soin dans les premières heures qui ont suivi le séisme, les plaies ont eu le temps de s'infecter. Plusieurs d'entre ces blessés ont été recueillis par les professionnels de MSF à l'hôpital de la maternité Isaïe Jeanty, Chancerelles avec des plaies béantes et des os cassés.

De Chancerelles à l'hôpital Sainte- Catherine, leurs premières adresses, les équipes de Médecins Sans Frontières ont fini par poser leurs tentes - au sens propre comme au figuré - à Sarthe 45, en Plaine, dans un local qu'elles ont loué, entièrement rénové et adapté aux besoins et aux soins post-opératoires nécessaires aux amputés - surtout eux! - et aux autres blessés.

Majoritairement des adolescents et des adultes, les personnes amputées admises à l'hôpital MSF de Sarthe 45 vivent un double traumatisme: celui du séisme dévastateur inattendu, et celui de la perte de leurs membres et parfois aussi de la perte de biens et/ou de personnes de leurs familles ou de leur entourage.

«Voilà pourquoi, nous dit Marie Lafortune, psychologue s'occupant de la prise en charge psychosociale des patients, nous essayons de leur faire verbaliser leurs émotions quant au traumatisme subi, les préparons pour les répliques et peut-être même d'autres séismes, les aidons à s'adapter à la nouvelle personne qu'ils sont devenues après le 12 janvier tout en essayant de leur donner une autre image corporelle.»

L'amputation demande beaucoup de soins réguliers, car l'opération n'est pas tout. Médecins Sans Frontières, décidément bien équipé et très motivé, veut s'assurer des soins post-opératoires pour éviter «les risques d'infection et d'aggravation qui seraient catastrophiques. L'organisation MSF tient donc vraiment à ce que les malades ne rentrent chez eux que quand ils seront complètement rétablis», selon M. Grégory Vandendaelen, responsables des relations de presse pour MSF Belgique à Sarthe.

Les personnes amputées suivent un traitement tout à fait spécial à l'hôpital de Sarthe. Des douches, des toilettes - avec des cabines spécifiques pour les chaises roulantes - une cuisine, des allées construites en bois et recouvertes de plastique qui permettent la circulation des fauteuils roulants, trois repas par jour, des soins gratuits incluant les opérations, et bientôt un espace aménagé pour abriter les familles des malades, question de garder les proches des victimes plus près de ces derniers, tout est mis en place pour leur faciliter la vie pendant leur convalescence.

Toutefois, ces mesures, quoique assurant un certain bien-être aux malades, n'empêchent que des tendances suicidaires soient quand même présentes chez certains, en raison de la violence et de la brusquerie de leur diminution physique, nous dit Jean-Baptiste Joseph, travailleur social impliqué dans les thérapies individuelles ou de groupe - courtoisie de MSF - disponible pour les victimes.

En effet, Ilermise Joseph, une jeune amputée d'une jambe, patiente de l'hôpital MSF de Sarthe, confirme et ajoute: «Il m'arrive de pleurer de temps en temps, je me plains sur mon sort et m'inquiète pour l'avenir, car je me demande comment je vais vivre, si je trouverai du travail aussi diminuée et infirme que je suis, si je vais trouver quelqu'un pour prendre soin de moi ou un homme pour m'aimer telle que je suis devenue.»

Un homme plus âgé, amputé lui aussi d'une jambe raconte: «Je remercie ''les Blancs de MSF'', car ils m'ont beaucoup aidé. J'ai passé les trois jours qui ont suivi le séisme dans une souffrance énorme, avec une jambe écrasée et personne pour me soigner. Finalement un inconnu m'a conduit dans une brouette à l'hôpital Chancerelles et c'est là, enfin, que ''les Blancs de MSF'' m'ont pris en charge. Les Haïtiens, mes frères, n'ont rien fait pour moi. Au lieu de cela, ils ont pillé mon magasin et même volé l'argent que j'avais sur moi. J'ai tout perdu et je ne cesse de me demander ce que je vais devenir dans ce pays où même des gens avec tous leurs membres ne peuvent trouver du travail.»

Les amputés, qu'ils soient hommes ou femmes, ados, adultes ou d'âge avancé, ont les mêmes inquiétudes, à savoir comment ils vont pouvoir s'adapter à ce changement dans leur corps, comment ils seront perçus par la société et, enfin, quel sera le mot de l'Etat dans l'histoire, leur histoire, une histoire pour laquelle le pays n'était pas du tout préparé, mais à laquelle il devra faire face vu le nombre de personnes handicapées qui ont survécu au séisme.

Marie-Brunette Brutus

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