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Pour faire avancer la problématique
de la prise en charge d'Haïti par elle-même

Note au compatriote Serge Pierre-Pierre1

Luc Rémy

Monsieur Pierre,

Je voudrais faire quelques commentaires sur votre remarque, non dans un esprit de polémique ou de confrontation, mais pour faire avancer collectivement cette problématique de la prise en charge d’Haïti par elle-même;

Il n’y a pas une voie, un chemin à montrer
En matière de prise en charge d’une Nation par elle-même, je ne suis pas sûr qu’il y ait un chemin à montrer;  tout appel à un homme, à un parti, à un groupe d’hommes pour lui/leur demander de nous montrer le chemin nous renvoie à notre grand mal séculaire: notre complaisance dans le maternage, notre démission par rapport à nos responsabilités  citoyennes, la non organisation de la société civile, la dictature d’une minorité de privilégiés,  l’abandon systématique du pays profond et réel, la domination du pays par l’international, etc. 

Il y a plutôt une voie à construire collectivement
Il est plus sûr qu’il y a un chemin à construire. Cette responsabilité est collective et incombe essentiellement aux élites, toutes catégories confondues.  C’est dans cet esprit que j’ai adressé une Lettre aux Elites Haïtiennes Luc Rémy, Lettre aux Elites Haïtiennes et qu’il nous faut encourager nos compatriotes qui peuvent fournir leur apport  à l’œuvre commune en construction.

La phase des critiques et de la déconstruction par la pensée  
La première étape de cette prise en charge d’Haïti par elle-même passe par l’action de citoyens engagés, d’intellectuels, de leaders d’horizons divers, d’enseignants, de responsables d’organisations civiques, de partis politiques et autres ; grâce au niveau élevé de leur conscience historique au regard des problèmes de la nation, ils dénoncent et déconstruisent intellectuellement l’ordre établi, le rendent odieux et intenable aux yeux de tous et les invitent à travailler collectivement pour renverser effectivement cet ordre et le remplacer par un autre plus juste et plus humain. Cette phase de déconstruction est en plein déroulement un peu partout dans le pays et même à l’étranger. Sur l’Internet, elle prend une dimension relativement plus dynamique et organisée; sans faire de jaloux, je peux citer quelques-uns de ces acteurs internautes : vous Serge Pierre Pierre, Jean Erich René, Stanley Lucas, Wiliam Michel,  Pierre Montès,  Daly Valet, Robert Benodin, etc.

Demander aux Haïtiens de s’assumer, c’est leur rappeler leur responsabilité et leur obligation d’agir collectivement
Donc, quand quelqu’un demande aux Haïtiens de prendre leur responsabilité, il ne faut pas voir là le fait de «toujours exceller à toujours dire aux autres comment faire et à éviter de montrer la voie ou de faire soi-même. » Il faudrait plutôt considérer cela comme une énième invitation à l’action commune et endogène organisée, de la base au sommet, du sommet à la base;  c’est un rappel à exploiter pour aller collectivement plus loin. Notons que, depuis la décennie 1990, la Communauté Internationale (en particulier les Etats-Unis, la France et le Canada) n’a cessé de nous demander de nous prendre en charge.  Tout récemment, elle nous a refait cette leçon au Conseil de Sécurité; références: Security Council S/C 9628, 6101st Meeting, Department of Public Information, April 6 2009
http://www.un.org/News/Press/docs//2009/sc9628.doc.htm

Allons-nous alors demander à la Communauté Internationale de nous montrer le chemin?  En tout, face à notre inaction collective, elle a déjà fait les premiers pas avec le Plan Collier… Elle a déconstruit et proposé.

Aller collectivement  plus loin, c’est aborder et matérialiser la phase de construction de la nouvelle société
La phase du changement actif, c’est-à-dire le passage d’un état d’esprit pro changement (ou gagné à la cause du changement) à l’implantation de ce changement est la plus difficile parce qu’elle exige (même quand elle doit être menée pacifiquement comme je le propose aussi) des sacrifices que la plupart des gens, y compris les plus grandes victimes du statu quo, ne sont pas prêts à ou capables de consentir.

Parmi les sacrifices de la phase de construction de la Révolution Pacifique, signalons:

  • l’engagement individuel (chacun se croit responsable du changement, se prépare intellectuellement et s’implique);
  • la mise à l’écart de l’émotion débordante, de l’impatience, de la tendance au  triomphalisme béat ou au découragement gratuit;
  • la compression de son ego  ou de son moi (chez celui-là où il est trop gonflé) et sa mise en valeur (chez celui-là où il est mésestimé  ou sous-estimé)  en vue de reconnaître la valeur des autres et de leur contribution et ne pas hésiter à introduire celle-ci dans l’œuvre commune; il faut contrôler aussi son ego pour pouvoir être efficace et jouer les règles du jeu;
  • la concentration sur des tâches spécifiques qui font avancer quotidiennement le projet collectif (formulation de propositions, demandes de formulation de propositions sur des points  précis, mise à l’écart des thèmes futiles ou sources de diversions;
  • la division ou la répartition des tâches entre groupes de travail (Stratégies politiques, Développement économique, Politique extérieure, Défense nationale, Environnement, Technologies, Justice, etc;
  • le développement de la discipline individuelle et de  groupe pour suivre les consignes, faire le suivi des idées, des tâches et autres, etc;
  • la consolidation ou la mise en commun des projets semblables pour éviter la redondance, le gaspillage, des pertes d’énergie, des dérives stratégiques et aboutir à un même et seul projet collectif;
  • le déclenchement progressif de la mobilisation collective et de l’état d’urgence autour du projet pour le matérialiser;
  • l’identification ou l’émergence des acteurs ou leaders capables d’être les meilleurs porte-parole du projet, ou de représenter et défendre les intérêts de la collectivité au niveau national, local et international; 

La Révolution Pacifique ne se ramène pas à cela car même après la prise du pouvoir par une équipe chargée de concrétiser le projet collectif , elle prendra au moins une bonne vingtaine années de travail interrompu et soutenu pour innerver la société, se développer, se renforcer, et s’institutionnaliser.

Il appartient donc aux mécènes et intellectuels, aux bourgeois, commerçants, industriels et riches éclairés d’Haïti de fournir massivement et systématiquement leur apport, précieux et même indispensable pour empêcher, cette foi-ci, la fragilité et l’approximation permanentes de l’effort collectif et son interception ou sa déviation par des forces internes et externes hostiles au Changement en Haïti ou incapables elles-mêmes de le conduire. En effet, de 1977 à date, nous sommes dans la phase de déconstruction, mais d’une déconstruction ratée ou avortée car faite à tâtons, sans méthode, sans leadership collectif, sans grands lieux de références nationales et au milieu de la violence et de la destruction de vies humaines et de nos infrastructures.

Cette contribution passera, entre autres, par:

  • la production et la diffusion d’œuvres chargées de proposer, conceptualiser et promouvoir la Révolution Pacifique: articles, brochures, ouvrages, conférences, prises de parole, documentaires audio ou télévisuels ou autres;
     
  • l’ouverture ou la sponsorisation de centres de recherche; signalons, sous ce rapport, deux événements intellectuels importants qui n’ont pas suffisamment retenu l’attention des internautes ; il s’agit de la réouverture du Centre Haïtien d’Investigation en Sciences Sociales de M. Hubert Deronceray à New York et de la création du Centre National de Recherche et de Formation (CENAREF) par M. Jacques Edouard Alexis; au-delà de toutes autres considérations, il faut féliciter les promoteurs de ces deux initiatives, tout en les encourageant à toujours promouvoir l’esprit scientifique et l’excellence.
     
  • l’établissement de relations d’échange ou de partenariat entre les partis politiques, les centres de recherche, les universités, les organisations de la société civile, le secteur privé pour des programmes de bourse d’étude, des recherches appliquées, etc.

J’espère que d’autres compatriotes internautes vont nourrir et amplifier cette problématique capitale de la prise en charge d’Haïti par elle-même.

Salutations fraternelles,

Luc Rémy
Luckyten1017@yahoo.com

boule  boule  boule

Note

  1. Réagissant à une déclaration du 22 avril 2009 du professeur et ancien président d’Haïti, Leslie Francois Manigat qui a exhorté les Haïtiens à  prendre leur destin en main, monsieur Serge Pierre-Pierre a écrit dans un forum de discussion sur l’Internet, et nous le citons littéralement:
     
    «Nous en lançons un autre au RDNP principalement de nous montrer le chemin.  Finie la startégie de toujours exceller a toujours dire aux autres comment faire et a éviter de montrer la voie ou de faire soi-même.

Que le RDNP "mete kran sou li ak nen lan figi-l" poul fè sa li krè, sa li panse ki ta dwe fèt pu chanje payi dayiti!  Mesaj sa-a adrese a tout lòt pati politik ki gen nen lan figil» [Haiti-Nation :5676].

 

Viré monté