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Ère nouvelle: Débat sur la problématique

Luc Rémy

États-Unis d’Amérique, 18 janvier 2009

 

New era: Debate on the problematic

 

Chers amis,

Mon dernier texte intitulé Une «Nouvelle Ere»  a amené  certains de mes amis et lecteurs à soulever de pertinentes questions sur la validité même de ce concept dans le contexte international  actuel et sur le parti pris idéologique qui accompagnerait ma défense du retour à John Maynard Keynes.
 
Laissez-moi réaffirmer ici où je me situe et où ma problématique se situe.

ERE NOUVELLE.- Le concept «ère nouvelle», fait remarquer l’un de mes amis, semble ne pas rendre compte de la diversité  des expériences étatiques qui se déroulent sous nos yeux aujourd’hui. Il serait intellectuellement imprudent de ma part de proclamer l’avènement d’une ère nouvelle dans les relations économiques internationales.

Si certains pays nationalisent  ou re-nationalisent aujourd’hui, cela ne veut pas dire que ce phénomène va être global car il est même possible, par exemple, que des économies (comme celle Cuba), autrefois communistes et fortement contrôlés par l’État, continuent le processus de privatisation… Condamner le néolibéralisme en réclamant le retour à John Maynard Keynes, allègue mon ami, c’est quand embrasser une idéologie.

De telles remarques n’enlèvent rien au fait qu’une nouvelle ère se dessine, et cela, pour les raisons suivantes.

  1. La diversité des expériences a toujours existé, existe et existera toujours au sein du système capitaliste. En fait,  comme nous le savons tous, il n’existe pas un capitalisme mais des capitalismes, du Canada à Ushuaia en Argentine, des pays nordiques à l’Europe ibérique, des États maghrébins à l’Afrique du Sud,  de la Russie au Moyen-Orient, de la Chine ou de l’Inde à l’Océanie.
     
  2. Quand je parle de «nouvelle ère» en Science Sociales- tout comme quand on parle de « Communauté » Internationale, de Guerre «mondiale»,  de «Monde libre» et de Mondialisation…-, ce qu’il y a en vue c’est toujours la tendance prédominante et non la totalité de la réalité. Par exemple, la guerre du Yom Kippour de 1973, en provoquant le premier choc pétrolier du monde (avec le baril de pétrole passant de 3 à $15 ) a marqué une nouvelle ère nouvelle des relations commerciales internationales; de même, la décision du président Richard Nixon du 15 août 1971 de décréter la non convertibilité du dollar en or (en rupture du système d’étalon-or de Bretton Woods de 1944) nous a introduits dans un système financier mondial de taux de changes flottants, de règne du dollar-or et de la spéculation boursière effrénée de l’ère néolibérale. L’effondrement du bloc de l’Est nous a emmenés à l’hyperpuissance (concept de M. Hubert Védrine) et l’unilatéralisme des États-Unis. Aux regards de l’analyste et de l’observateur averti, cette hyperpuissance et cet unilatéralisme paraissent eux-mêmes aujourd’hui en déclin. Plus près de nous, la destruction du World Trade Center par Al Qaïda  le 11 septembre 2001 avec des armes tout à fait originales enlevées à l’ennemi même, a introduit deux choses très significatives dans la civilisation occidentale, plus spécialement aux États-Unis : 1) le complexe de la peur collective, 2) l’idée, largement partagée, d’une entité fantôme ou souterraine non étatique si imaginative et puissante qu’elle peut détruire l’État le plus puissant de la Terre. En définitive, l’histoire des relations internationales, pour ne pas dire l’Histoire tout simplement, est faite d’ères en complète opposition mais dialectiquement enchevêtrées qui s’avancent main dans la main pour forger notre présent et notre devenir.
     
  3. C’est un fait que, au cours de ces 30 dernières années, le néolibéralisme occidental des Anglo-Saxons et de l‘Union européenne s’est globalement imposé au reste du monde à travers la Banque Mondiale et le Fonds Monétaire International et les sociétés transnationales. C’est un fait que ce processus s’est caractérisé par le désengagement de l’État, la dérégulation de l’économie et la privatisation de nombreuses activités, dont certaines de nature stratégique comme le gaz, le pétrole, les chemins de fer, l’électricité,   les produits alimentaires, etc. C’est un fait qu’aujourd’hui, au milieu de la faillite en cascades des banques et de cas record de corruption et de fraude dans le privé, ce mouvement néolibéral trentenaire est en repli partout dans le monde, que des fonds publics colossaux se sont révélés indispensables au système bancaire mondial privé et que l’État se trouve aujourd’hui en situation objective d’exercer son rôle d’arbitre, de régulateur et même d’État  patron.
     
  4. Je suis pour le retour à John Maynard Keynes parce que les techniques économiques qu’il a proposées pour combattre le chômage, augmenter les salaires des ouvriers, prévenir les troubles sociaux, relancer l’économie et orienter la société vers un certain bonheur collectif sont compatibles avec ma conviction profonde de la justice sociale et de l’organisation de la société. En prenant position, sous ce rapport, pour la pensée  keynésienne,  je me rapproche aussi d’ Adam Smith, le père de la pensée capitaliste moderne, pensée que les néolibéraux, révisionnistes, ont réduit au concept soi-disant régulatrice de « Main invisible » ou au slogan non interventionniste  de «laisser passer laisser faire».  A la vérité, Adam Smith a reconnu trois missions fondamentales à l’État:
     
    • celle de défense nationale, face aux ambitions guerrières des nations;
    • celle de protection, pour empêcher le fort d’écraser le faible d’une manière ou d’une autre;
    • celle de services publics, pour suppléer à l’incapacité et aux carences du secteur privé, et répondre aux demandes de service des gouvernés.

Malgré la supercherie néolibérale, ces trois missions classiques placent historiquement l’État, et de manière incontournable, au cœur même des activités économiques de tous les temps.

Nous y  reviendrons  dans notre prochaine note sur les débats soulevés par l’«Ere Nouvelle».

lucrémy

boule  boule  boule

New era: Debate on the problematic

Dear friends,
My last text entitled «New Era» has brought some of my friends and readers to raise relevant questions about the very validity of this concept in the present international situation and about the ideological bias that would accompany my defense of the comeback to John Maynard Keynes.

Let me reaffirm here where I stand and where the problematic stands.

New Era. - The concept new era, observed one of my friends, does not seem to translate the diversity of state experiences that are unfolding today before us. It would be intellectually imprudent from me to proclaim the coming of a new era in the international economic relations. If some countries nationalize or renationalize today, that does not mean that this phenomenon is going to be global for it is even possible, for example, that economies (such as the one of Cuba), formerly communist and heavily under state control, continue the process of privatization. Condemning neo-liberalism by calling for to the comeback to John Maynard Keynes, alleges my friend, is anyway embracing an ideology.

Such observations do not take away anything from the fact that a new era is becoming apparent for the following reasons.

  1. The diversity of experiences had always existed, exists and will always exist within the capitalist system. Actually, as we all know, there is not one capitalism but there are capitalisms, from Canada to Ushuaia in Argentina, from the Nordic countries to the Iberian Peninsula, from the Maghreb to South Africa, from Russia to the Middle-East, from China or India to Oceania.
     
  2. When I talk about new era in Social Sciences- as well as when people talk about International “Community”, “World” War, Free “World” and “Globalization”, what is emphasized is always the predominant trend but not the whole reality. For example, the 1973 Yom Kippur War, by provoking the first worldwide oil crisis (with the barrel going up from 3 t0 $15) marked a new era in the international relations; in the same way, August 15, 1971 president Richard Nixon’s decision to declare the non convertibility of the dollar into gold (breaking with the Bretton Woods gold standard system) led us to a floating rate changes system, to the dollar-gold supremacy and to the unrestrained stock market speculation of the neo-liberal era. The Eastern bloc collapse has led us to the hyper-power (Mr. Hubert Vedrine’s concept) and the unilateralism of the USA. In the eyes of the analyst or the well-advised observer, this hyper-power and unilateralism seem themselves to be declining today. Closer to us, the World Trade Center destruction on September 11, 2001 by Al-Qaeda with quite very original weapons snatched from its very enemy has introduced two very significant things in the Western civilization, especially, the USA: 1) the collective complex of fear, 2) the idea, widely shared, of a non state shadowy entity so imaginative and powerful that it can destroy the most powerful State on Earth. In fact, the history of the International Relations, not to simply say History, is made of eras completely in opposition but dialectically entwined that walk hand in hand to forge our present and our future.
     
  3. It is a fact that, for those past 30 years, Anglo-Saxons and UE’s Western neoliberalism has globally imposed on the rest of the world through the World Bank and the IMFand the transnational corporations. It is a fact that this process has been characterized by the withdrrawal funding, the deregulation of the economy and the privatization of numerous activities, sometime among the most startegic ones for some States (gaz, oil, rairoad, food, etc.) It is indisputable that today, among collapsing failures and record cases of corruption and fraud, the thirty-year old neoliberal trend is moving downwards everywhere in the world, that colossal public funds have turned out to be neessary to the private world bank system and that the State has been thus put in a historic objective situation to exert its classic role of arbiter, regulator and even employer.
     
  4. I am favorable to a comeback to John Maynard Keynes because the economic techniques he has proposed to fight unemployment, increase workers’ salary rates , prevent social unrest, stimulate the economy and move the society toward some collective improved standard of living are compatible with my profound conviction of social justice and society organization. By taking side, in this respect, with the Keynesian thought,  I stand also close to John Adam Smith, the father of the modern capitalist thought, thought that the neo-liberals, revisionist, have boiled down to the supposedly regulating concept of “Invisible Hand” or to the non interventionist slogan of « laisser passer laisser faire ». To tell the truth, John Adam Smith has recognized three fundamental missions to the States:
    • the one of national defense, in front of warlike nations’ ambitions;
    • the one of protection, in order to prevent the strong from somehow crushing the weak;
    • the one of public services, to make it up for the incapacity and inadequacies of the private sector, and satisfy the demand of service by the governed.

Despite the neo-liberal fabrication, these three classic missions put historically the State, and in a inescapable manner, at the very heart of the economic activities of all the times.

We will come back to it in our next note about the debate raised by “New Era”.

lucrémy

Viré monté