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Rapport de Lecture du roman

«Pase m yon Kou Foli»
de Jean Euphèle Milcé

James Stanley Jean-Simon

 

 

 

 

 

 

«Pase m yon kou foli»

Le texte débute sur une scène qui rapporte la parole du docteur «Ranyon», «André Fayol» dans le roman, psychiatre de son état. Il a fait une spécialisation en psychiatrie en Suisse et est revenu chargé de son diplôme. Jusqu'à son hypothétique rencontre au soir d'une de ces sauvages pluies sur Port-au-Prince, à l'asile d'une jeune femme prénommée «Altagras».

«M al bò kote Altagras, met men sou zepòl li, m chèche tout pwen sekrè nan je l'epi mwen mande l'swiv mwen. Silans. M soti nan sal la. Pòt la poko fèmen, tout eskòt mwen an disparèt. Lapli ap tonbe pirèd. Dlo monte, kouri, desann ak fatra. Retire isit, depoze l piba.» ( p.32)

Le récit découpé en trois parties et qui est clos par une épilogue développe dans la deuxième partie les faits appartenant à la trame de vie de la narratrice (Altagras/Altagrâce). La narration clôt sur la zombification de la narratrice (le texte en effet compte deux narrateurs). Le neurologue paraît être un complice des faits rapportés par celle-ci. La reprise de la narration par le Docteur présage cette complicité partagée.

Le texte écrit en créole haïtien pose le problème très sérieux de l'évangélisation des terres haïtiennes pris en délit d'espionnage de ces prétendus pasteurs américains. Me démentira quiconque m'affirme que les campagnes d'évangélisation à l'œuvre ici sont réalisées dans le complet souci de la moisson des âmes. C'est une critique en profondeur de l'attitude à ces hommes à l'agenda bien défini qui parent l'œuvre rédemptrice d'une voile épaisse de mensonge. Un rire sarcastique couvre par endroits les propos des narrateurs car il y en a bien deux «Doktè Ranyon / Altagras».

Le roman -s'il y a de le dire- constitue par ailleurs un portrait au vitriol et social du milieu haïtien et de nos rapports avec les fous ou prétendus fous - en effet, il y a bien de ces gens appelées fous qui ne le sont qu'en vertu de certaines normes sociales, qu'on pourrait retourner à souhait- le docteur prend acte des propos des autres autour même de sa personne.

«Lasosyete, manman m', madmwazèl Lespinas deklare m' fou. Kote m' pase tout timoun ap kouri dèyè m', rele m' doktè Ranyon. Mari moun fou.» (P.106)

«Jou ki fè m sèzan, m vann sekrè m bay premye menaj mwen. Lasosyete deside m fou, m' dakò.» (P.35)

Le roman publié en janvier 2008 aux Presses Nationales d'Haïti, collection Souffle Nouveau semble n'avoir pas pu escompter l'audience que l'auteur aurait espéré. Mais combien demeure d'actualité le récit de Jean-Euphèle Milcé. À part des fautes qui émaillent le texte et imputables au travail au rabais offert par le/la correcteur/trice, l'œuvre demeure un bon roman qui exploite une veine sensible dont a rarement touché sans doute le roman haïtien et antillais.

James Stanley Jean-Simon
E-mail : jeansimonjames@gmail.com
Poète, conteur. 

*Pase m yon Kou Foli, Editions Presses Nasyonal d'Haïti, janvier 2008, 114 p.

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