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Jacques Stephen Alexis,
mon Général Soleil à moi

André Fouad

Publié le 2022-03-28 | Le Nouvelliste

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J'ai toujours un penchant particulier pour les hommes et femmes légendaires qui ont su défier le temps, l'espace, les dieux et même le diable. Bien que je ne l'aie jamais connu de son vivant, ses œuvres et ses actions remarquables retiennent jusqu'à aujourd'hui mon attention.

L'écrivain et homme politique, Jacques Stephen Alexis, en est une de ces figures emblématiques. Alexis, mon romancero aux étoiles, Alexis, mon kamoken à moi, pour parodier le chanteur-guitariste Kebert Bastien, Alexis, l'étoile des étoiles à moi.

Chez son fils Jean Jacques Stephen Alexis (Jan Jak II), artiste peintre de son état, résidant dans le beau quartier de Plantation dans le comte de Broward (Florida), je suis tombé comme par hasard sur l'une de ces nombreuses photos familiales, les unes plus captivantes que les autres. Quelle élégance! Quelle joie de vivre sans aucun doute, habité par l'esprit philanthropique et humaniste!

En regardant les photos, j'ai vite compris un tas de choses-j'ai vite compris sa passion illimitée, son obsession pour Haïti, sa terre nourricière, son sang, la prunelle de ses yeux, son alma mater.

J'ai vite réalisé le sens de son combat pour l'homme en particulier pour ses compatriotes végétant dans la crasse, le mépris, l'ignorance, l'ignominie, l'injustice depuis la nuit des temps. En fait, il a compris, tout comme son confrère Jacques Roumain, que nous pouvons prendre notre destin en main afin de mieux  gouverner la rosée pour l'avènement de la belle amour humaine, avec des Manuel, des Anaïse braves, progressistes et intelligents, malgré nos préférences, nos idéologies.

En regardant les photos, je pense à son centenaire de naissance le 22 avril, qui nous surprend malheureusement à  un carrefour si difficile de notre histoire de peuple. Partout où nous sommes, la risée due à  notre égo, notre irresponsabilité, notre désir infini du gain facile, notre dégré d'incompétence à diriger la cité selon les principes fondamentaux: liberté, égalité, fraternité.

Alexis, apôtre du réalisme merveilleux dans la lignée de l’écrivain cubain Alejandro Carpentier, chacune de ses œuvres, que ce soit ''Compère Général Soleil'', ''L'espace d'un cillement" traduit amplement notre vécu, nos mœurs et coutumes, toujours dans un style d'une grande densité poétique où se mêlent tendresse, compassion, fulgurance, générosité et abnégation.

"Sous les squelettes de feuilles, fleurs géometriques, presque fleurs de neige, les traits paraissaient épais, tordus, douloureusement bouleversés par la colère et le verre déformant. Debout la main à la mâchoire, un pied sur une chaise, Léonie réfléchissait .

Ses jupes ramassées entre les jambes lui faisaient un pantalon de zouave autour de ses cuisses abondantes de Venus Nègre. Les larges ailes de son nez comme un épervier déployé trésentaient, narines tel un trombonne de 14 juillet sur la place de la Concorde auraient dit ces braves gens de St-Marc. Elle écrit une expiration suffocante, aigue, contractée puis un véritable beuglement Tonnè Kraze m, Vyèj Timene mwen...''.

Alexis, mon Général Soleil à moi, en lisant les fragments de ses lettres intimes inédites qui mériteraient d'être divulguées, j'ai vite ressenti son esprit voyageur, cosmopolite, son savoir encyclopédique qui a su dépasser le cadre très restreint et épouvantable de l'iîe d'Haïti.

En ce centenaire de sa naissance, son mom, sa légende, son visage, ses mystères résonnent dans ma mémoire comme le chant "Bon bagay" du chanteur Beethova Obas vantant les prouesses, la beauté et la résilience de l'Haïti aux yeux de l'humanité.

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Viré monté