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Dans l'intimité de l'écriture au temps du covid-19

Publié le 2020-03-23 | Le Nouvelliste

André Fouad

Le 21 mars coïncide avec le printemps des poètes qui est célébré avec autant de faste à travers la planète Terre par le biais de conférences, de symposiums, d'expositions et surtout de récitals. Mais cette année, le coronavirus a bousculé le paysage culturel. Poètes, lecteurs, opérateurs culturels restent confinés. Le confinement, la solitude est aussi source de poésie, de rencontre avec le verbe qui se fait chair dans la frénésie du texte.

Depuis tantôt trois décades, j'ai emprunté les sentiers si épineux de l'écriture aux accents poétiques, faits de ruptures et de continuité, pour parodier l'immense, l'incontournable poète Georges Castera qui nous a tiré sa révérence à l'aube de l'année 2020.

J'écris afin de tromper la mort, la réalité pas souvent ornée de fleurs d'hibiscus, d'arc-en-ciel enchanteurs.  L'écrivain allemand Goethe a raison en disant haut et fort: «J'écris afin de forger un autre pays, un autre horizon qui ne faiblit pas aux sautes d'humeur, aux caprices du temps d'un temps de plus en plus déshumanisant.»

Je me suis toujours heurté aux algues des mots, des phrases, à la furie des voyelles et des consonnes. Il m'arrive même de déverser des larmes chaudes face à la feuille blanche, nue comme une bouteille. Autant pour vous dire que la pratique de l'écriture se révèle certes une entreprise douloureuse, pénible, contraignante, mais aussi exceptionnelle quand j'arrive à bon port, à matérialiser l'idée ou les idées qui me chatouillent à la case départ.

Les mots ont une âme, un parcours, une histoire, un parcours, une demeure, une destination, une vie. Ils me  parlent et m'interpellent.  Ils me bouleversent.  Ils me chatouillent.  Ils m'énervent.  Ils me saignent.  Ils m'interrogent de temps à autre et développent en moi le sentiment de révolte, de questionnement, voire de reniement.

Les mots bouillonnent au fond de tout mon être de la tête aux pieds et me permettent de traduire l'indicible, l'essentiel, le vide, le laid, le beau, la routine, la fragilité des êtres et des choses, les sanglots de la mer des îles.

En tant que poète accroché aux mots qui volent quand mon désir s’envole, la dynamique de l’écriture me réfère au poète moderne français Stéphane Mallarmé. Les mots de l'aube. Les mots de l'aurore. Les mots du vent.  Les mots de la cité. Les mots dociles. Les mots rebelles.

N'est-ce pas l'écrivain Charles de Bois dans son ouvrage capital  qui affirmait que chaque mot est une pierre précieuse et chacun de ces mots qui sont des pierres principales devient une fête.

Les mots détiennent ce pouvoir, cette capacité de tout chambarder, de nous conduire sur les rives de l'inattendu, de l'inconnu et jusqu’au vertige de l'éternité.

J'écris pour mieux dessiner les vagues des saisons folles, l'errance des cerfs-volants de Paques.  J'écris pour mieux appréhender et dompter pleinement les fausses rumeurs du vent en ce temps où l'on se confine entre quatre murs dans le silence de la page qui défile des lignes au gré de l'inspiration.

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 Viré monté