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Débats sur la Réforme de l’Université d’État d’Haïti

Fritz Deshommes

Débats
sur la Réforme de
l’Université d’Etat d’Haïti

Débats sur la Réforme de l’Université d’État d’Haïti, Fritz Desmommes • Éditions de l’Université d’État d’Haïti 2015

C’est le titre du prochain ouvrage1 du professeur  Fritz Deshommes, Vice-recteur à la Recherche à l’Université d’État d’Haïti. A l’occasion de la Fête du Drapeau et de l’Université (18 mai 2015), nous en publions l’Avant-propos.

La parution de «Brase Lide sou Refòm nan Inivèsite Leta d Ayiti"2» aurait-elle eu un impact sur le contenu de l’Avant-projet de loi organique de l’UEH, version CUEH, et son  avenir immédiat?

On serait porté à le croire si l’on se réfère aux accélérations enregistrées depuis le 18 mai 2014, date de la sortie de l’ouvrage.

Moins de deux semaines après, soit le 27 mai 2014, une rencontre du CUEH donne le ton. Des points sur lesquels plusieurs collègues étaient fermés sont revenus sur le tapis. La représentation du personnel administratif à l’instance suprême, la possibilité de cartels électoraux au niveau des Conseils rectoraux et décanaux au lieu de candidatures individuelles, la nécessité d’un regard «externe» sur le travail en cours d’élaboration  sont évoqués àl’initiative de collègues qui, hier encore, s’y opposaient fermement et à un moment où  – la «majorité automatique» aidant –  l’on pensait s’acheminer vers la fin du processus.

Même l’idée de soumettre l’avant-projet aux débats dans les facultés n’était plus accueillie comme une hérésie.

Cette session du 27 mai 2015 sera le point de  départ à toute une série d’innovations, d’initiatives nouvelles dont le résultat final se traduira par l’amélioration certaine du texte qui connaitra d’autres soubresauts avant d’être finalement adopté en novembre 2014.  Notons par exemple:

  • La demande  d’un avis juridique lors de la même séance du 27 mai 2014;
     
  • La constitution en juin 2014 d’une nouvelle commission du CUEH chargée d’assurer la cohérence interne, de mettre en forme juridique appropriée et d’améliorer la qualité générale du texte;
     
  • La remise en octobre 2014 d’un rapport proposant la réorganisation du texte, la clarification  de concepts fondamentaux ainsi que l’identification de plus de 20 points critiques qui devraient faire l’objet d’autres débats, d’autres considérations, d’autres accords;
     
  • La sortie en novembre 2014 d’un document final  mieux structuré, en net progrès par rapport à la version de mai 2014, même si de nombreuses corrections de forme et de fond demeurent encore nécessaires.

 Faut-il souligner qu’entretemps, le climat des discussions est devenu plus serein, plus convivial, plus constructif?

Il importe de souligner que la plupart des améliorations mentionnées et des points critiques identifiés par la Commission du CUEH de juin 2014 était déjà pointés du doigt dans les lettres adressées à l’organe suprême  entre juillet et décembre 2013 et regroupées dans l’ouvrage «Brase Lide sou Refòm nan Inivèsite  Leta d Ayiti».

Y a-t-il un rapport entre l’ouvrage susmentionné et les transformations que connaitra  le texte? On aura tout le loisir de répondre à cette question. En attendant, nous avons tout lieu de croire que les informations, interrogations et suggestions de notre première publication en créole pourraient avoir été utiles.

Mais, pourrait-on se demander, pourquoi alors ce nouvel ouvrage sur le même sujet? Et, pis encore, qui, par son titre et par sa table des matières, parait n’être que la simple version française de  «Brase Lide». Pourquoi refiler au lecteur ce document dont le contenu est déjà connu et qui aurait déjà servi?

Plusieurs raisons concourent à sa publication.

Il faut reconnaitre en tout premier lieu que, même s’il a pu être utile au débat continu sur l’UEH,  il n’a pas eu la couverture escomptée. La langue utilisée, le créole, n’est pas encore la plus adéquate pour susciter l’intérêt de nos intellectuels et universitaires. Au moment où le combat pour l’instauration de l’Académie du Créole Haïtien était à son paroxysme, il a servi au moins à montrer que notre langue nationale peut dire la science, aborder l’Université et exprimer les pensées les plus profondes et les plus complexes. Nous devons encore travailler pour que l’ouvrage créole ait de plus en plus droit de cité.

En attendant, le débat doit s’installer maintenant dans les Facultés et dans la société,  en vertu de l'Article 29 des Dispositions Transitoires de la résolution  du Conseil de l’Université en date du 3 mars 2013.

Cet ouvrage doit donc alimenter les discussions pour que notre loi fondamentale soit non seulement appropriée par la communauté mais encore qu’elle continue d’être améliorée. Tant il est vrai qu’il existe encore de larges opportunités de bonification de l'Avant-projet de loi et de transformation de notre institution.

Il y a la requête  pressante du personnel administratif qui demande à être représenté au Conseil d’Administration ou Assemblée Générale.

Il y a les incohérences, les incompatibilités et les points critiques identifiés par des membres de la Commission de Juin 2014 qui, même après le vote de novembre 2014, ont exprimé leur insatisfaction.

Il y a l’exigence du grade académique de docteur pour occuper les fonctions de direction aux niveaux académique (professeur principal) et administratif (recteur et vice-recteur), laquelle jure avec les capacités et les nécessités réelles d’une institution qui n’a encore produit aucun docteur.

Il y a de graves questions de gouvernance qui demandent encore une réponse. L’organe suprême de l’UEH doit-il encore être composé de tous les doyens, de représentants de professeurs et d’étudiants de toutes les facultés de Port-au-Prince?

Comment  tirer les leçons de l’expérience de ces 30 dernières années? Comment éviter que l’esprit corporatiste des composantes n’empêche de voir les intérêts supérieurs de l’institution? La création d’un Conseil Consultatif Externe est-elle suffisante pour éviter l’immobilisme des uns, la frilosité des autres, l’indécision de plusieurs et pour susciter l’apport et la participation de pans importants de la société à la construction de notre plus grande université nationale.

Il y a la grille salariale élaborée par le CUEH qui, en dépit des multiples débats auxquels elle a donné lieu, contient encore des incohérences, des contradictions, des clauses d'exclusion et des facteurs de non faisabilité.

Il y a également le nouvel environnement externe de l’institution fait notamment d’universités publiques et privées de tous types de tous niveaux et de tous horizons. Comment se positionner dans cette conjoncture? Quel regard porter sur les universités publiques régionales? Et, peut-être, quelles synergies rechercher  pour se prémunir contre le néo-libéralisme universitaire ambiant et renforcer les capacités de l’enseignement supérieur public?

De larges boulevards existent encore pour l’amélioration du texte de l’avant-projet de loi et les débats dans les facultés devraient constituer l’espace idéal à cette  fin.

Il importe de souligner enfin que «Débats sur la Reforme de l’Université d’État d’Haïti» n’est pas un simple «copier-coller» de «Brase Lide sou Refòm nan Inivesite Leta d Ayiti». Plusieurs chapitres et documents pertinents y ont été ajoutés. En outre, l'ouvrage a été restructuré en quatre  grandes parties.

La première partie, intitulée «Loi Organique et gouvernance», porte essentiellement sur la gouvernance de l'institution. Il se compose des chapitres suivants:

  • Chapitre I: «Démocratie, Gouvernance et Réforme Universitaire: L’expérience haïtienne»
     
  • Chapitre II: «Avant-projet de Loi Organique et Réforme à  l’UEH»
     
  • Chapitre III: «La grève d’Octobre 2013 et les leçons pour la loi organique»

La deuxième partie aborde la discussion sur la problématique des grades académiques, particulièrement celui de docteur, au sein de l'Université en général, dans la perspective de leurs définition, portée, limite et en tenant compte de l'expérience de différents pays à  niveaux de développement différents. Elle s’intitule: «Grades académiques et niveau de développement socio-économique». Elle regroupe les chapitres suivants:

  • Chapitre IV: «Faut-il détenir un doctorat pour être professeur à temps plein à l’UEH?»
     
  • Chapitre V: «Faut-il détenir un doctorat pour être professeur à  temps plein à  l’UEH/ (II): désirabilité de la proposition»
     
  • Chapitre VI: «Doctorat: L’expérience des autres»

La troisième partie porte sur «La Grille Salariale du CUEH et ses péripéties». Il reprend en son Chapitre VII le texte intitulé «Grille Salariale: interrogations et suggestions». Deux nouveaux chapitres ont été ajoutés:

  • Chapitre VIII: «La grève de janvier 2015 et les fragilités structurelles de l'UEH»;
     
  • Chapitre IX: «La grille salariale du CUEH: perspectives d'amélioration».

La quatrième  et dernière partie  revient sur la loi organique. Elle est intitulée: «Loi organique: Navigation à  vue». Elle contient deux chapitres également nouveaux:

  • Chapitre X: «L’Avant-projet de  loi organique du CUEH: flux et reflux»;
     
  • Chapitre XI: «Postscriptum: Vers le triomphe de la raison?»

L’introduction et la conclusion n’ont pas subi de modification par rapport à la version créole. Elles conservent donc leur date de production, même s’il peut paraître étrange que la conclusion d’un texte (Mai 2014) soit antérieure à certains chapitres du même texte (Avril-Mai 2015).

Sont également publiés dans cet ouvrage d'importants documents, notamment:

  • L'Avant-projet de loi organique, version élaborée par le Conseil de l'Université, qui doit prochainement  faire l'objet de débats  au sein de la communauté universitaire et de  la société civile.
     
  • Le document portant «Système de classification et de rémunération des enseignants  de l'UEH», élaboré et voté par le CUEH, qui doit déjà faire l’objet de corrections et d’ajustements. 

Cela dit, l’objectif demeure le même: susciter, alimenter et approfondir les débats autour de la loi organique et de la Réforme de l’UEH pour que la charte fondamentale de l’institution puisse constituer un instrument pertinent pour sa réforme, le renforcement de son utilité sociale, son rayonnement et son développement.

Fritz Deshommes
Avril 2015

Notes

  1. Deshommes, Fritz «Brase Lide sou Refòm nan Inivèsite Leta d Ayiti», Editions Cahiers Universitaires, Port-au-Prince,  2014, 166 pp.
     
  2. Deshommes, Fritz «Débats sur la Réforme de l’Université d’Etat d’Haïti», Editions Cahiers Universitaires, Mai 2015, 234 pp

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